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RECUEIL DE MÉMOIRES

D'EXTRAITS ET DE NOTICES

RELATIFS A L'HISTOIRE, A LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES
ET A LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX

RÉDIGÉ

PAR MM. BARBIER DE MEYNARD, BELIN, BOTTA, CAUSSIN DE PERCEVAL

CHERBONNEAU, DEFRÉMERY, J. DERENBOURG, DUGAT, DULAURIER
FEER, FOUCAUX, GARCIN DE TASSY, STAN. JULIEN
KASEM-BEG, MOHL, OPPERT, PAUTHIER, REGNIER, RENAN
DE ROSNY, DE ROUGE, SANGUINETTI, SÉDILLOT
DE SLANE, ETC.

ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

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JANVIER 1869.

MÉMOIRE

SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

DU PRINCE GRÉGOIRE MAGISTROS,

DUC DE LA MESOPOTAMIE, AUTEUR ARMÉNIEN

DU XI SIÈCLE,

PAR M. VICTOR LANGLOIS.

Le personnage dont je vais essayer d'esquisser la biographie et d'analyser la correspondance, est un des rares écrivains arméniens qui ne faisaient point partie de la caste sacerdotale. Appartenant par sa naissance à l'une des plus grandes familles satrapales de l'Arménie, investi de fonctions importantes dans l'administration, chargé à plusieurs reprises d'un grand commandement militaire, Grégoire Magistros fut appelé à jouer un rôle assez marquant dans les affaires de sa patrie. Grâce à son origine princière et à l'importance des charges qu'il occupa, il a eu cet avantage sur beaucoup de ses concitoyens, qui se sont livrés comme lui à l'étude des lettres, que la plupart des événements de sa vie et les détails même les plus intimes de son existence nous sont en grande partie connus. L'histoire de Grégoire Magistros offre cette particularité remarquable, que bien qu'il ait été désigné de bonne heure pour la carrière des armes, son amour très-pro

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JANVIER 1869.

noncé pour les lettres ne fut ni entravé ni affaibli par un séjour prolongé dans les camps, et par les soucis et les déboires de sa carrière administrative; il sut même mener de front et les devoirs impérieux de l'homme d'État et les études littéraires auxquelles il consacrait tous ses loisirs. L'époque où il vécut, les circonstances difficiles qu'il eut à traverser, les intrigues de cour contre lesquelles il fut obligé de lutter, influèrent très-peu sur sa vie littéraire et scientifique; car Grégoire Magistros, par sa persévérance, par sa patience et par son habileté, sut toujours se tirer des mauvaises situations où il s'était trouvé souvent engagé malgré lui. Chrétien fervent et philosophe sincère, il se consola toujours de ses disgrâces en demandant à l'étude, au travail et à la méditation un soulagement contre les rigueurs du sort et les ennuis de l'exil. On est même surpris que les préoccupations conti. nuelles de son existence sans cesse agitée aient permis à Grégoire Magistros de pouvoir consacrer aux études littéraires le peu de loisirs Vivant à une époque où la langue nationale était en pleine que lui laissaient ses charges et ses emplois. décadence, Grégoire Magistros s'entoura de tous les chefsd'œuvre qui formaient alors le fonds de la littérature de l'Arménie; il fit plus, il apprit le grec et le syriaque, rassembla des manuscrits écrits dans ces deux langues et traduisit en arménien, comme il nous l'apprend、 lui-même dans sa correspondance, plusieurs ouvrages d'une importance capitale. Grégoire Magistros fut témoin de la chute du trône de ses souverains légitimes, les Bagratides d'Ani, arrivée vers le milieu du x1° siècle de notre ère. A cette époque l'Arménie, envahie de tous côtés par les Musulmans, ayant à lutter contre le despotisme de la cour de Byzance, perdait chaque jour de son caractère national. La foi religieuse était ellemême ébranlée par les sourdes menées du clergé grec et par la propagande de certains sectaires qui flattaient les passions du vulgaire, afin de le détacher plus facilement du clergé grégorien. La langue nationale subissait également l'influence des dominateurs étrangers et s'appropriait une foule de mots

empruntés aux idiomes, fort répandus alors dans le pays, des Grecs, des Persans et des Arabes. Aussi Grégoire, tout en essayant de relever la langue et la littérature nationales, en fondant des écoles et en encourageant les efforts du clergé, ne put se défendre lui-même contre les envahissements du néologisme. Ses écrits fourmillent en effet d'expressions étrangères à l'arménien et présentent une foule de tournures bizarres qui rendent de prime abord son style fort difficile à saisir. Grégoire composa, outre les traductions dont nous avons parlé, plusieurs ouvrages fort estimés chez les Arméniens. Il cultiva les muses, et sa facilité à faire des vers était telle, qu'il écrivit un long poëme religieux qui ne lui coûta que trois jours de travail. Mais ce qui contribua le plus à assurer la réputation littéraire de Grégoire, c'est sa correspondance, dans laquelle il a fait preuve d'une grande érudition. Comme il avait beaucoup lu et beaucoup retenu, Grégoire répandait à grands flots dans chacune de ses lettres les connaissances qu'il avait acquises. Connaissant à fond l'histoire sainte et profane, la mythologie grecque et orientale, la grammaire, la philosophie, l'histoire naturelle, la médecine, les mathématiques, il se plaisait à disserter sur toutes ces sciences. Chacune de ses lettres renferme en effet des détails curieux sur les sujets les plus divers, et l'on ne saurait mieux qualifier notre auteur qu'en lui donnant le titre d'encyclopédiste. C'est de la correspondance de Grégoire Magistros que je m'occuperai tout spécialement dans la seconde partie de ce mémoire. Je n'ai eu à ma disposition qu'un seul exemplaire des lettres de Grégoire Magistros. C'est une copie faite sur un original collationné et complété à l'aide d'un manus. crit d'Edchmiadzin, et appartenant à M. J. B. Emin, directeur du gymnase des Wladimir, sur la Kłiazma (Russie), qui a bien voulu me permettre de le faire transcrire. Ce manuscrit, un des plus complets connus, contient quatre-vingt-trois lettres. Pour me rendre un compte bien exact du contenu de chacune des lettres de Grégoire Magistros, j'ai fait appel au savoir et à l'érudition des directeurs du collège arménien

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