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meddâ, et dans ce cas vous violez et la mesure et l'accent musical. » Ibrahim fronça le sourcil, il comprenait trop bien d'où partait le coup. «Mon cher Mohammed, lui répondit-il, la critique n'est pas de vous, mais de ce barbare, de ce fils de prostituée1! Dites-lui de ma part, et ce sera ma seule réponse : Pour vous, la musique est un métier, pour nous elle est une distraction, un jeu qui nous charme. » Mohammed s'acquitta de son message. « Le vrai barbare, s'écria Ishak, est celui qui prononce dhahabtoû! » et tout le reste du jour, il parut enchanté du trouble qu'il avait apporté au triomphe de son ennemi.

Le précieux recueil que nous avons sous les yeux nous offrirait encore d'autres preuves de cette guerre à outrance; mais il est temps de clore cette notice, peut-être trop étendue. Le tome IX de l'Agani termine l'article consacré à Ibrahim, ou pour mieux dire, il complète les documents réunis sans ordre sur ce sujet, par l'insertion d'une correspondance entre ce prince et son adversaire2. Le hasard ayant mis en la possession d'Isfahani un recueil de leurs lettres autographes, il a choisi ce fragment parce qu'il l'a jugé de nature à mettre en relief les côtés brillants de l'esprit d'Ibrahim, l'habileté de sa dia

هذا الجرمقاني ابن الزانية : Le texte porte 1 من

Les Djarmakanis, les bohémiens de la Perse, vinrent s'établir à Moçoul dans les premières années de l'islam. (Voy. Kamous, à ce mot.) Le même terme se trouve à la forme plurielle djaramikah, et avec le sens de barbares, dans les fragments du Kitab el-Ouyoun, etc. publiés par M. de Goeje, Leyde, 1865, p. 33.

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Agani, p. 73 et suiv.

lectique, etc. Ces deux lettres, que nous avons lues avec attention, ne méritent pas de figurer ici; elles n'ajouteraient rien à ce que nous savons du fond de la discussion. Elles ont trait à une affaire intime, à des propos médisants attribués au prince et qu'il repousse d'un ton bienveillant, mais un peu protecteur. La forme en est exquise et fait honneur à l'urbanité des deux antagonistes: c'est bien là cette belle langue arabe du n° siècle de l'hégire, abondante, riche sans emphase, concise sans obscurité. Ce morceau, qui serait ici un hors-d'œuvre, mérite de figurer dans une anthologie comme un modèle de goût et de bien-dire. Isfahâni fait suivre cette citation de quelques réflexions qui seront, en quelque sorte, la conclusion de notre récit. « J'ai puisé, dit-il, ces extraits dans leur volumineuse correspondance, parce qu'ils donnent une idée de l'habileté qu'ils apportaient à la controverse. Il résulte aussi de cette lecture que Ishak voulait forcer Ibrahim à s'incliner devant sa supériorité et qu'il fut souvent injuste à son égard; que les mêmes sentiments animaient le prince; que, séparés par une longue rivalité, ils devinrent injustes et malveillants l'un envers l'autre. >> - «L'historique de leur querelle a été écrit par Youçouf, un des fils d'Ibrahim; mais on trouve dans son livre. des pièces apocryphes, soit en prose, soit en vers, des récits entièrement controuvés qu'on a placés dans la bouche d'Ishak pour produire son ignorance au grand jour. Or, ces pièces, fabriquées par Ibrahim, ont été publiées par Youçouf pour capter l'opinion

publique; entreprise impossible, car la vérité finit toujours par triompher de l'erreur et de la calomnie. Veut-on une preuve de la supériorité d'Ishak? C'est l'oubli dans lequel sont tombées les œuvres de son rival, à ce point que la tradition en a à peine conservé quelques débris. Son système sur la répartition des modes a été abandonné au profit du système de l'autre école; en un mot, le mensonge s'est évanoui avec celui qui l'avait répandu, et l'œuvre d'Ibrahim n'a pas survécu à son auteur. »>

Nous ne pouvons que citer cette appréciation sans en vérifier l'exactitude. Le temps, qui a détruit l'œuvre frivole du prince amateur, n'a pas respecté le monument plus solide du savant théoricien; le système musical des Arabes s'est évanoui comme celui des Grecs dont il s'était inspiré. Mais notre siècle, qui a relevé tant de ruines, verra peut-être s'accomplir une œuvre de restauration qui a aussi son importance. C'est par ce vœu que nous terminons cette esquisse historique, heureux si elle pou vait provoquer les recherches théoriques devant lesquelles le sentiment de notre insuffisance nous oblige à nous arrêter.

INSCRIPTIONS PHÉNICIENNES

DE CARTHAGE.

À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE '.

Monsieur le Président,

Aujourd'hui 8 mars 1869, je reçois en même temps les cahiers 47 et 48 du Journal asiatique, et je trouve dans le premier un travail de M. Léon Rodet sur les Inscriptions phéniciennes de Carthage qui figuraient à l'Exposition universelle de 1867. J'ai la conviction que le savant orientaliste n'a eu en aucune manière connaissance de la traduction. des mêmes textes que j'ai fournie, en 1867, au catalogue publié par la Commission impériale (Histoire du travail et monuments historiques, p. 628 et 629). Mais il me sera permis de faire remarquer que, chargé par le propriétaire de la collection Sidi Mohammed, fils de Mousthafa Khaznadar, et par M. le baron Jules de Lesseps, commissaire général du gouvernement tunisien, de mettre en ordre les monuments trouvés à Carthage, j'ai fait, dans la matinée du 29 mars 1867, ouvrir les caisses apportées

Cette lettre a été lue à la Société asiatique dans la séance du

12 mars.

de Tunis, que le même jour j'ai pris des estampages des vingt-deux inscriptions, et qu'au commencement de la séance de l'Académie des inscriptions et belleslettres que j'avais l'honneur de présider, j'ai pu rendre à cette compagnie un compte sommaire de mon premier examen (Bulletins de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, séance du 29 mars 1867, p. 61).

Les inscriptions de Carthage sont en général nettement tracées; la formule initiale, connue par un très-grand nombre de monuments, n'offre aucune difficulté quant à la lecture matérielle. Je me suis donc borné; dans l'abrégé que j'avais à faire pour le catalogue de l'Exposition, à en constater la présence. Tout l'intérêt se concentrait sur les noms des dédicateurs, et j'ai tâché de les transcrire, réservant tout commentaire pour le Corpus inscriptionum semiticarum, auquel les textes carthaginois étaient promis, suivant le vœu de leur propriétaire.

M. Rodet a bien compris aussi que c'était au déchiffrement des noms propres qu'il fallait s'attacher. Il a très-souvent lu comme j'avais fait, et j'en suis fort heureux, car cela contribue à établir que les inscriptions phéniciennes rentrent dans les conditions communes à tous les monuments épigraphiques. Parfois ce savant propose des interprétations différentes de celles que j'ai adoptées. Je me suis empressé de les contrôler à l'aide des estampages qui représentent pour moi les monuments originaux, et je me permettrai de consigner ici quelques observations, cela uniquement pour le service de la

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