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de celle d'en haut par le destroit de la gorge, en laquelle est l'ame irascible et les parties pectorales, præcordia, savoir: le cœur, très chaud, situé environ la cinquiesme coste, ayant sa pointe soubs la mammelle gauche, origine des arteres, qui tousjours se mouvent et font le pouls, par lesquelles comme canaulx il envoye et distribue par tout le corps le sang vital qu'il a cuit, et par iceluy l'esprit et la vertu vitale. Les poulmons de substance fort molle, rare et spongieuse, soupple à attirer et pousser comme soufflets, instrumens de la respiration, par laquelle le cœur se rafraischit, attirant le sang, l'esprit et l'air, et se deschargeant des fumées et excremens qui le pressent et de la voix, par le moyen de l'aspre artere.

La quatriesme et plus haute qui respond à la region celeste est la teste, qui contient le cerveau, froid et spongieux, enveloppé de deux membranes, l'une plus dure et espesse, qui touche au test, dura mater; l'autre plus douce et deliée, qui luy est contiguë, pia mater. D'iceluy sortent et derivent tous les nerfs et la mouelle qui descend et decoule au long de l'espine du dos. Ce cerveau est le siege de l'ame raisonnable, la source de sentiment et mouvement, et des très nobles esprits animaux, faits des esprits vitaux, lesquels montés du cœur par les arteres au cerveau, sont cuits, recuits, elabourés et subtilisés par le moyen d'une multiplicité de petites et subtiles arteres, comme filets diversement tissues, repliées, entrelassées par plusieurs tours et retours, comme un labyrintbe et double rets, rete mirabile, dedans lequel cest esprit vital estant retenu, sejournant, passant et repassant souvent, s'affine, subtilise et perfectionne, et devient animal, spirituel en souverain et dernier degré.

Les externes et patentes, si elles sont singulieres, sont au milieu, comme le nez, qui sert à la respiration, odorat et consolation du cerveau et à la descharge d'iceluy, tellement que par luy l'air entre et sort, et en bas aux poulmons, et en haut au cerveau; la bouche, qui sert au manger et au parler, dont elle est de plusieurs pieces, qui servent à ces deux ; au dehors des levres, au dedans de la langue extremement soupple, qui juge des saveurs; des dents pour mouldre et briser les morceaulx; le nombril; les deux sentines et voyes de descharge.

MORAL.

Si elles sont doubles et pareilles, sont collaterales et esgales,comme les deux yeux, plantés au plus haut estage comme sentinelles, composés de plusieurs et diverses pieces, trois humeurs, sept tuniques, sept muscles, diverses couleurs avec beaucoup de façon et d'artifice. Ce sont les premieres et plus nobles pieces externes du corps, en beauté, utilité, mobilité, activité, mesmes au fait d'amour s dv, s éμ»1, sont au visage ce que le visage est au corps, sont la face de la face, et pour ce qu'ils sont tendres, delicats et pretieux, ils sont munis et remparés de toutes parts de pellicules, paulpieres, sourcils, cils et poils. Les oreilles en mesme hauteur que les yeux, comme les escoutes du corps, portieres de l'esprit, receveurs et juges. des sons qui montent tousjours; elles ont leurs advenues et entrées obliques et tortueuses,affin que l'air et le son n'entrassent tout à coup, dont le sens de l'ouye en pourroit estre blessé et n'en pourroit si bien juger. Les bras et mains, ouvrieres de toutes choses, instrumens universels. Les jambes et pieds, soubstiens et colomnes de tout le bastiment.

CHAPITRE IV.

Des proprietės singulieres du corps humain.

*Le corps humain a plusieurs singularités, dont les unes luy sont peculieres privativement

(1) Dès que je le vis, j'en perdis ia raison.

THEOC. Idyl. II, v. 82.

* Variante. L'homme en son corps a plusieurs choses qui luy sont peculieres privativement aux bestes. 1° Stature droitte, 2o forme belle, 3o visage proprement dit, 4o nudité naturelle, 5° mouvement tant divers des membres, 6° soupplesse et mobilité de la main ouvriere de tant de choses, c'est un miracle, 7° grosseur et abondance de cerveau, 8° le genouil, qui est en l'homme seul au devant, 9o si grande longueur du pied au devant et qui est si court au derriere, 10° saignée du nez, chose estrange, veu qu'il a la teste droitte et les bestes baissée, 11° rougir à la bonte, 12° pallir à la crainte, 13° les causes ou raisons de toutes ces singularités sont belles, mais ne sont de ce nostre pris faict.

Les biens du corps sont la santé, la beauté, l'alegresse, la force, la vigueur, l'adresse et disposition; mais la santé passe

tout.

Les principales et plus nobles pieces des externes sont les sens corporels, et des internes le cerveau, le cœur, le foye, et puis les genitoires et les poulmons.

L'excellence du corps est generalement en la forme, droicture et port d'iceluy, specialement et particulierement en la face et aux mains, qui sont les deux parties que nous laissons par honneur nues. Certe les sages niesme stoïques ont tant fait

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des autres animaux. Les premieres et principales sont la parole, la stature droicte, la forme et le port, dequoy les sages, mesme les stoïques, ont fait tant de cas qu'ils ont dit valoir mieux estre fol en la forme humaine que sage en la forme brutale; la main c'est un miracle, celle du singe est peu de cas; après sont la nudité naturelle, le rire et pleurer, le sens du chatouillement, sourcil en la paupiere basse de l'œil, nombre visible, la poincte du cœur en la partie senestre, le genouil au devant, palpitation du cœur, les artueils des pieds plus longs que des mains, saignée du nez, chose estrange, veu qu'il a la teste droicte et la beste l'a baissée, rougir à la honte, pallir à la crainte, estre ambidextre, disposé en tout temps aux œuvres de Vénus, ne remuer les oreilles, qui signifie aux animaux les affections internes; mais l'homme les signifie assez par le rougir, pallir, mouvemens des yeux et du nez.

Les autres luy sont singulieres, non du tout, mais par excellence et advantage, car elles se trouvent és animaux, mais en moindre degré, sçavoir: multitude de muscles et de poils en la teste; soupplesse et facilité du corps et de ses parties à tout mouvement et en tout sens; elevation des tetins, grosseur et abondance de

de cas de la forme humaine qu'ils ont dit vouloir mieux estre fol en la forme humaine que sage en la forme brutale, preferans la forme corporelle à la sagesse.

Le corps de l'homme touche fort peu la terre; il est droit, tendu au ciel, où il regarde, se voit et se cognoist, comme en son miroir. Les plantes tout au rebours ont la teste et racine toute dedans la terre; les bestes, comme au milieu, l'ont entre deux, mais plus et moins. La cause de ceste droicture n'est pas proprement l'ame raisonnable, comme il se voit aux courbés, bossus, boiteux; non la ligne droicte de l'espine du dos, qui est aussi aux serpens; non la chaleur naturelle ou vitale, qui est pareille ou plus grande en certaines bestes, combien que tout cela y peut servir de quelque chose: ceste droicture convient à l'homme, et comme homme, et comme roy d'icy bas Aux petites et particulieres royautés y a une marque et majeste, comme il se voit au daulphin couronné, au serpent basilizé, au lion avec son coiller, sa couleur de poil, et ses yeux, en l'aigle, av roy des abeilles. Mais l'homme roy universel d'icy bas marche la teste droitte, comme un maistre en sa maison, regente tout et eu vient à bout par amour ou par force, domptant ou apprivoisant.

Comme il y en a qui ont des contenances, gestes et mouvemens artificiels et affectés, aussi y en a qui en ont de si naturels et si propres qu'ils ne les sentent ny ne les recognoissent point, comme pencher la teste, rincer le nais. Mais tous en avons qui ne partent point de nostre discours, ains d'une

pure, naturelle et prompte impulsion, comme mettre la main au devant en nos cheutes.

cerveau, grandeur de vessie, forme de pied, longue au devant, courte au derriere; abondance, clarté et subtilité de sang, mobilité et agilité de langue, multitude et varieté de songes telle qu'il semble estre seul songeant ; esternuement; bref tant de remuemens des yeux, du nez, des levres.

Il y a aussi des contenances propres et singulieres, mais differentes; les unes sont des gestes, mouvemens et contenances artificielles et affectés, d'autres en ont de si propres et si naturelles qu'ils ne les sentent ny ne les recognoissent point, comme pencher de la teste, rincer le nez. Mais tous en ont qui ne partent point du discours, ains d'une pure, naturelle et prompte impulsion, comme mettre la main au devant aux cheutes.

CHAPITRE V.

Des biens du corps, santé et beauté, et autres.

Les biens du corps sont la santé, beauté, al legresse, force, vigueur, addresse et disposition; mais la santé est la premiere et passe tout. La santé est le plus beau et le plus riche present que nature nous sache faire, preferable à toute autre chose, non seulement science, noblesse, richesses, mais à la sagesse mesme, ce disent les plus austeres sages; c'est la seule chose qui merite que l'on employe tout, voire la vie mesme, pour l'avoir; car sans elle la vie est sans goust, voire est injurieuse; la vertu et la sagesse ternissent et s'esvanouissent sans elle; quel secours apportera au plus grand homme qui soit toute la sagesse, s'il est frappé du haut mal, d'une apoplexie? Certes, je ne luy puis preferer aucune chose que la seule preud'hommie, qui est la santé de l'ame. Or, elle nous est commune avec les bestes, voire le plus souvent plus advantageuse, forte et vigoureuse en elles qu'en nous. Or, combien que ce soit un don de nature, gaudeant bene nati1, octroyé en la premiere conformation, si est-ce que ce qui vient après le laict, le bon reiglement de vivre qui consiste en sobrieté, mediocre exercice, se garder de tristesse et de toute sorte d'emotion, la conserve fort. La maladie et la douleur sont ses contraires, qui sont les plus grands, et peut-estre les seuls maux de

(1) Que ceux qui sont heureusement nés s'en réjouissent.

l'homme, desquels sera parlé cy-après; mais en ceste conservation les bestes aussi, suivant simplement nature qui a donné la santé, ont l'advantage; l'homme s'y oublie souvent et puis le paye en son temps.

La beauté vient après, qui est une piece de grande recommandation au commerce des hommes. C'est le premier moyen de conciliation des uns avec les autres, et est vraysemblable que la premiere distinction qui a esté entre les hommes et la premiere consideration qui donna preéminence aux uns sur les autres a esté l'advantage de la beauté; c'est aussi une qualité puissante, il n'y en a point qui la passe en credit ny qui ayt tant de part au commerce des hommes. Il n'y a barbare si resolu qui n'en soit frappé. Elle se presente au devant, elle seduit et preoccupe le jugement, donne des impressions et presse avec grande authorité, dont Socrates l'appelloit une courte tyrannie; Platon, le privilege de nature; car il semble que celuy qui porte sur le visage les faveurs de la nature imprimées en une rare et excellente beauté ayt quelque legitime puissance sur nous, et que tournant nos yeux à soy il y tourne aussi nos affections et les y assujettisse malgré nous. Aristote dit qu'il appartient aux beaux de commander, qu'ils sont venerables après les dieux, qu'il n'appartient qu'aux aveugles de n'en estre touchés. Cyrus, Alexandre, Cæsar, trois grands commandeurs des hommes, s'en sont servis en leurs grandes affaires, voire Scipion, le meilleur de tous. Beau et bon sont confins, et s'expriment par mesmes mots en grec et en l'Escriture saincte. Plusieurs grands philosophes ont acquis leur sagesse par l'entremise de leur beauté; elle est considérée mesmes et recherchée aux bestes.

Il y a diverses considerations en la beauté. Celle des hommes est proprement la forme et la taille du corps, les autres beautés sont pour les femmes. Il y a deux sortes de beauté : l'une arrestée, qui ne se remue point, et est en la proportion et couleur due des membres, un corps qui ne soit enflé ni bouffi, auquel d'ailleurs les nerfs ne paroissent point, ny les os ne percent point la peau; mais plein de sang, d'esprits et en bon-point, ayant les muscles relevés, le cuir poly, la couleur vermeille; l'autre mouvante, qui s'appelle bonne grace, qui est en la conduicte du mouvement des membres,

surtout des yeux; celle là seule est comme morte, ceste-ci est agente et vivante. Il y a des beautés rudes, fieres, aigres; d'autres douces, voire encore fades.

La beauté est proprement considerable au visage. Il n'y a rien de plus beau en l'homme que l'ame, et au corps que le visage, qui est comme l'ame raccourcie; c'est la monstre et l'image de l'ame, c'est son escusson à plusieurs quartiers, representant le recueil de tous les titres de sa noblesse, planté et colloqué sur la porte et au frontispice, afin que l'on sçache que c'est là sa demeure et son palais; c'est par luy que l'on cognoist la personne, c'en est un abregé ; c'est pourquoy l'art qui imite nature ne se soucie, pour representer la personne, que de peindre ou tailler le visage.

Au visage humain il y a plusieurs grandes singularités qui ne sont point aux bestes (aussi à vray dire elles n'ont point de visage), ny au reste du corps humain; 1o nombre et diversité de pieces et de façon en icelles; aux bestes le menton, les joues, le front n'y sont point, et beaucoup moins de façon, 20 varieté de couleur, car en l'œil seul le noir, le blanc, le verd, le bleu, le rouge, le cristalin; 30 proportion : les sens y sont doubles, se respondans l'un à l'autre et se rapportans si bien que la grandeur de l'œil est la grandeur de la bouche, la largeur du front est la longueur du nais, la longueur du nais est celle du menton et des levres; 4o admirable diversité des visages, et telle qu'il ne s'en trouveroit deux semblables en tout et par-tout; c'est un chef-d'œuvre qui ne se trouve en toute autre chose. Cette diversité est très utile, voire necessaire à la societé humaine, premierement pour s'entre-recognoistre, car maux infinis, voire la dissipation du genre humain s'ensuivroit si l'on venoit à se mescompter par la semblance de visage; ce seroit une pire confusion beaucoup que celle de Babel; l'on prendroit sa fille pour sa seur, pour une estrangere, son ennemy pour son amy. Si nos faces n'estoient semblables l'on ne sçauroit discerner l'homme de la beste ; si elles n'estoient dissemblables l'on ne sçauroit discerner l'homme de l'homme. C'est aussi un grand artifice de nature qui a posé en ceste partie quelque secret de contenter un ou autre en tout le monde. Car, de cette diversité vient qu'il n'y a personne qui ne soit trouvé beau

par quelqu'un; 50 dignité et honneur en sa figure ronde, en sa forme droicte et haut elevée, nue et descouverte, sans poil, plume, escaille, comme aux bestes, visant au ciel; 6o grace, douceur, venusté plaisante et agreable jusques à crochetter les cœurs et ravir les volontés, comme a esté dit cy-dessus. Bref le visage est le throsne de la beauté et de l'amour, le siege du ris et du baiser, deux choses très propres à l'homme, très agreables, les vrays et plus exprès symboles d'amitié et de bonne intelligence; 7o finalement il est propre à tous changemens, pour declarer les mouvemens internes et passions de l'ame, joye, tristesse, amitié, hayne, envie, malice, honte, cholere, despit, jalousie et autres ; il est comme la monstre de l'horloge, qui marque les heures et momens du temps, estans les mouvemens et roues cachés au dedans; et comme l'air qui reçoit toutes les couleurs et changemens du temps monstre quel temps il fait, aussi dict-on : l'air duwisage: Corpus animum tegit, et detegit; in facie legitur homo1.

La beauté du visage gist en un front large et quarré, tendu, clair et serein; sourcils bien rangés, menus et deliés; l'œil bien fendu, gay et brillant; je laisse la couleur en dispute : le nais bien vuidé, bouche petite, levres coralines, menton court et fourchu, joues relevées, et au milieu le plaisant gelasin, oreille ronde et bien troussée, le tout avec un teint vif, blanc et vermeil. Toutesfois cette peincture n'est pas reçue partout; les opinions de beauté sont bien differentes selon les nations. Aux Indes, la plus grande beauté est en ce que nous estimons la plus grande laideur, sçavoir en couleur basanée, levres grosses et enflées, nais plat et large, les dents teintes de noir ou de rouge, grandes oreilles pendantes; aux femmes, front petit et velu, les tetins grands et pendans, afin qu'elles puissent les bailler à leurs petits par dessus les espaules, et usent de tout artifice pour parvenir à ceste forme: sans aller si loin, en Espagne, la beauté est vuidée et estrillée; en Italie, grosse et massive: aux uns plaist la molle, delicate et mignarde; aux autres, la forte, vigoureuse, fiere et magistrale.

La beauté du corps, specialement du visage,

(1) Le corps couvre l'ame et la découvre. On lit l'homme sur sa face.

doibt selon raison demonstrer et tesmoigner une beauté en l'ame (qui est une qualité et reiglement d'opinions et de jugemens avec une fermeté et une constance), car il n'est rien plus vraysemblable que la conformité et relation du corps à l'esprit : quand elle n'y est, il faut penser qu'il y a quelque accident qui a interrompu le cours ordinaire, comme il advient, et nous le voyons souvent. Car le laict de la nourrice, l'institution premiere, les compagnies apportent de grands changemens au naturel, originel de l'ame, soit en bien, soit en mal. Socrates confessoit que la laideur de son corps accusoit justement la laideur naturelle de son ame, mais que par institution il avoit corrigé celle de l'ame. C'est une foible et dangereuse caution que la mine; mais ceux qui dementent leur bonne physionomie sont plus punissables que les autres; car ils falsifient et trahissent la promesse bonne que nature a plantée en leur front et trompent le monde*.

CHAPITRE VI.

Des vestemens du corps.

Il y a grande apparence que la façon d'aller tout nud, tenue encores par une grande partie du monde, soit l'originelle des hommes; et l'autre de se vestir, artificielle et inventée pour esteindre la nature, comme ceux qui par artificielle lumiere veulent esteindre celle du jour. Car nature ayant suffisamment pourveu partout toutes les autres creatures de couverture, il n'est pas à croire qu'elle ayt pirement traitté l'homme et l'ayt laissé seul indigent et en estat qu'il ne se puisse maintenir sans secours estranger, et sont des reproches injustes que l'on fait à nature comme marastre. Si originellement les hommes eussent esté vestus, il n'est pas vray-semblable qu'ils se fussent advisés de se depouiller et mettre tout nuds, tant à cause de la santé qui eust esté extremement offensée en ce changement que pour la honte : et toutesfois il se fait et garde par plusieurs nations, et

* Variante. Nous debvrions, selon le conseil de Socrates, nous rendre plus attentifs et assidus à considerer les beautés des esprits, et y prendre le mesme plaisir que nous faisons aux beautés du corps, et par là nous approcher, rallier, conjoindre et concilier en amitié; mais il faudroit à cela des yeux propres et philosophiques

ne faut alleguer que c'est pour cacher les parties honteuses, et contre le froid (ce sont les deux raisons pretendues; contre le chaud, il n'y a point d'apparence), car nature ne nous a point apprins y avoir des parties honteuses, c'est nous-mesmes qui par nostre faute nous nous le disons. Quis indicavit tibi quod nudus esses, nisi quod ex ligno quod præceperam tibi ne comederes comedisti1? et nature les a desja assez cachées, mises loin des yeux et à couvert ; et au pis aller ne faudroit couvrir que ces parties là seulement, comme font aucuns en ces pays où ils vont tous nuds, où d'ordinaire ils ne les couvrent pas. Et qu'est cela que l'homme n'osant se montrer nud au monde, luy qui fait le maistre, se cache soubs la despouille d'autruy, voire s'en pare? Quant au froid et autres necessités particulieres et locales, nous sçavons que sous mesme air, mesme ciel, on va nud et habillé, et nous avons bien la plus delicate partie de nous toute descouverte; dont un gueux interrogé comme il pouvoit aller ainsi nud en hyver, respondit que nous portons bien la face nue, que luy estoit toute face; et plusieurs grands alloient tousjours teste nue, Massinissa, Cesar, Annibal, Severus; et y a plusieurs nations qui vont à la guerre et combattent tous nuds. Le conseil de Platon pour la santé est de ne couvrir la teste ny les pieds. Et Varron dict que quand il fut ordonné de descouvrir la teste en la presence des dieux et du magistrat, ce fut plus pour la santé et s'endurcir aux injures du temps que pour la reverence. Au reste l'invention des couverts et maisons contre les injures du ciel et des hommes est bien plus ancienne, plus naturelle et universelle que des vestemens et commune avec plusieurs bestes; mais la recherche des alimens marche bien encores devant. De l'usage des vestemens comme des alimens, cy-après2.

CHAPITRE VII.

De l'ame en general.

* Voicy une matiere difficile sur toutes, trait

(1) Qu'est-ce qui t'a indiqué que tu étais nu? N'est-ce pas parce que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais défendu de manger? Gen. c. 3, v. 11.

(2) Liv. III, c. 39 et 40.

* Variante. Voicy une matière difficile sur toutes, traitée et agitée par les plus sçavans et sages, mais avec une grande

tée et agitée par les plus sçavans et sages de toutes nations, specialement Ægyptiens, Grecs, Arabes et Latins, par ces derniers plus maigre

diversité d'opinions, selon les diverses nations, religions, professions et raisons, sans accord et resolution certaine. Les principaux poincts sont de l'origine et de la fin des ames, leur entrée et sortie des corps, d'où elles viennent, quand elles y entrent, et où elles vont quand elles en sortent; de leur nature, estat, action, et s'il y en a plusieurs en l'homme ou une seule.

De l'origine des ames humaines, il y a de tout temps eu très grande dispute et diversité d'opinions entre les philosophes et les theologiens. Il y a eu quatre opinions celebres: selon la premiere qui est des stoïciens, tenue par Philon, juif, puis par les manichéens, elles sont extraites et produictes comme parcelles de la substance de Dieu, qui les inspire aux corps; la seconde d'Aristote, tenue par Tertullien, Apollinaris, les Luciferiens et autres chrestiens, dit qu'elles viennent et derivent des ames des parens avec la semence, ainsi que les corps, à la façon des ames brutales, vegetatives et sensi-tives; la troisiesme des Pythagoriciens et Platoniciens, tenue par plusieurs rabbins et docteurs juifs, puis par Origene el autres docteurs chrestiens, dit qu'elles ont esté du commencement toutes creées de Dieu, faites de rien, et reservées au ciel, puis envoyées icy-bas, selon qu'il est besoing aux corps formés et disposés à les recevoir; la quatriesme, receue en la chrestieuté, est qu'elles sont créées de Dieu et infuses aux corps preparés, tellement que sa creation et infusion se fasse en mesme instant. Ces quatre opinions sont affirmatives; car il y en a une cinquiesme plus retenue qui ne definist rien, et se contente de dire que c'est une chose secrette et incogneuc aux hommes, de laquelle opinion ont esté SS. Augustin, Gregoire de Nice et autres, qui toutesfois ont trouvé les deux dernieres affirmatives plus vraysemblables que les deux premieres.

Le siege de l'ame raisonnable, ubi sedet pro tribunali*, c'est le cerveau et non pas le cœur, comme avant Platon et Hippocrates l'on avoit pensé communement; car le cœur a sentiment et n'est capable de sapience. Or, le cerveau qui est beaucoup plus grand en l'homme qu'en tous autres animaux, pour estre bien fait et disposé, afin que l'ame raisonnable agisse bien, doibt approcher de la forme d'un navire, et n'estre point rond, ny par trop grand ou par trop petit, bien que le plus grand soit moins vicieux; composé de substance et de parties subtiles, delicates et desliées, bien joinctes et unies sans separation ny entre-deux, ayant quatre petits creux ou ventres, dont les trois sont au milieu rangés de front et collateraux entre eux, et derriere eux, tirant au derriere de la teste, le quatriesme seul, auquel se faict la preparation et concoction des esprits vitaux, pour estre puls faits animaux, et portés aux trois creux de devant, auxquels l'ame raisonnable faict et exerce ces facultés, qui sont trois, entendement, mémoire, imagination, lesquelles ne s'exercent point separement et distinctement, chascune en chascun creux ou ventre, comme aucuns vulgairement ont pensé, mais communement et par ensemble toutes trois en tous trois et chascun d'eux, à la façon des sens externes qui sont doubles, et ont deux creux, en chascun desquels le sens s'exerce tout entier; d'où vient que celuy qui est blessé en l'un ou deux de

Où elle siége comme sur un tribunal.

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