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celui où Pascal établit que la conversion, bien loin d'être un échange des joies du monde contre des tristesses, est au contraire le passage de la tristesse ou d'une fausse joie à la joie véritable, et que l'attrait de cette joie est ce qui porte le converti vers l'Évangile et l'y retient. (II, XVII, 28. Voir aussi II, XVII, 72.)

III.

DU LIVRE DE M. COUSIN SUR LES PENSÉES

DE PASCAL *.

I.

Il faut commencer par remercier M. Cousin. Le travail difficile et fatigant auquel il s'est livré prépare et consomme en grande partie la restitution d'un texte dont la pureté importe à tous les admirateurs du génie de Pascal, à tous les amis de la littérature nationale. Il faut le remercier aussi de sa jalousie pour cette belle langue française qu'il connaît et qu'il écrit si bien, et des excellentes maximes littéraires que l'examen du style de Pascal lui a donné l'occasion de professer. Voilà la carrière ouverte à tous ceux qui, pleins du même respect pour les chefs-d'œuvre de notre littérature, voudraient consacrer, dans des éditions normales, un texte parfaitement sincère de nos classiques, et constater, ainsi que M. Cousin l'a fait pour Pascal, la part d'invention, en fait de

*Des Pensées de Pascal, par M. COUSIN. Paris, 1843. Ce compte rendu, en trois articles, du livre de M. Cousin, a été inséré par M. Vinet dans le Semeur en 1843. Éditeurs.

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DU LIVRE DE M. COUSIN SUR LES PENSÉES DE PASCAL. 75

langage, de chacun de nos grands écrivains; car, également éloigné de la témérité et de la superstition, tout écrivain classique enrichit, perfectionne l'idiome, ou, si on l'aime mieux, en tire un nouveau parti, en fait ressortir quelque avantage ignoré. L'impulsion donnée par M. Cousin ne s'arrêtera pas; les autres classiques auront leur tour. En attendant, nous avons un bon livre de plus, et la littérature moderne vient de s'enrichir de quelques-unes de ses plus belles pages à l'occasion d'un travail de pure critique auquel, fût-il resté extrêmement aride, on n'eût pas été en droit de reprocher son aridité. Entre les mains de l'adepte consommé, le cuivre est devenu de l'or; parlons plus exactement: où tant d'autres n'eussent aperçu que du cuivre, il a su, lui, trouver de l'or. Le talent ne consiste pas à couvrir un sujet de dépouilles étrangères, mais à tirer d'un sujet tout ce qu'il renfermait réellement à l'insu de tout le monde.

Il n'est déjà plus temps de vouloir apprendre à nos lecteurs de quoi ce volume est composé. L'auteur n'a fait qu'ajouter une éloquente préface au rapport qu'il fit, l'année dernière, à l'Académie française sur le manuscrit autographe des Pensées. Il ne faut pas que personne cherche dans ce rapport un acte d'accusation contre les premiers éditeurs de ces pages immortelles. La sévérité à leur égard eût été irréfléchie, et chacun trouvera judicieuse, sous tous les rapports, la modération de M. Cousin. Outre que leur intention. fut évidemment honnête et désintéressée, ce qui déjà ne permet pas d'appliquer aux altérations même les

plus graves, le mot flétrissant d'infidélité, il faut bien se dire que les devoirs d'un éditeur n'étaient pas compris alors comme ils le sont aujourd'hui. La forme extérieure d'un auteur passait si peu pour sacrée qu'on modifiait sans scrupule, pour les rapprocher du public, des écrivains chez qui la forme était presque tout, était le fond même. D'éditeur en éditeur, Joinville laissait tomber quelques lambeaux de ce qu'on appelait alors dédaigneusement le vieux gaulois; Marot, en éditant Villon, le faisait, ou peu s'en faut, contemporain du roi-chevalier. On a été pendant longtemps à mépriser le vieux français, et, généralement, à faire d'autant moins de cas de la forme d'un livre que le fond en était plus substantiel ou plus grave. Il y a pour nous bien des raisons, heureuses et malheureuses, d'y regarder de plus près; mais on peut être assuré que les contemporains de Louis XIV n'auraient éprouvé que peu de scandale et peu de surprise à la vue de la plupart de ces altérations, sacriléges à notre sens, qu'a subies l'ouvrage de Pascal. Il en est quelques-unes, pourtant, qu'ils n'eussent pu approuver. Pour nous, public du dixneuvième siècle, toutes, ou peu s'en faut, sont des énormités; et je reconnais tout le premier qu'à part le petit nombre de celles que M. Cousin lui-même a cru pouvoir absoudre, il ne fallait s'en permettre

aucune.

Quoi qu'il en soit, après avoir lu le livre nouveau, je considère avec tristesse mes deux exemplaires des Pensées, en me disant: je n'ai donc plus Pascal. Je ne

puis plus, vraiment, le lire ni l'ouvrir; j'attends que M. Cousin, ou quelque autre ami des lettres francaises, nous ait donné le nouveau texte jusque-là ce livre fameux est dans nos bibliothèques sans y être, et il en disparaîtra quand l'édition nouvelle aura paru. N'exagérons pourtant pas nous n'avions pas les Pensées de Pascal, mais nous avions certainement sa pensée. Elle se dessinera mieux dans l'édition qu'on nous fait espérer; les contours en seront plus tranchés et plus vifs; mais voilà tout. M. Cousin a bien pu, à l'occasion de sa découverte, écrire de fort belles pages sur le pyrrhonisme des Pensées, et contre le pyrrhonisme en général, et il a pu dire à ce vieil ennemi de la philosophie :

La place m'est heureuse à vous y rencontrer;

mais, à parler vrai, tout ce qu'il en dit, il eût pu le dire longtemps auparavant. A l'en croire, on ne voyait que quelque ombre du pyrrhonisme de Pascal dans les anciennes éditions, et ce pyrrhonisme paraît pour la première fois à découvert dans les fragments qui viennent d'être publiés (Préface, p. XVIII). Ce n'est pas notre avis: le Pascal du duc de Roannez, le Pascal de l'abbé Bossut n'est ni plus ni moins pyrrhonien que le Pascal du manuscrit. On dirait pourtant, à la chaleur qu'y met M. Cousin, que le pyrrhonisme de l'auteur des Pensées était profondément enseveli dans le manuscrit autographe, jusqu'à ce que de nouvelles fouilles l'en aient exhumé. Mais, quoi qu'il en soit, on n'est pas fàché de voir un si vaillant champion

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