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LETTRE, pour fervir de Réponse à la Dißertation fur l'ancienneté de la Ville

MONSIEUR,

de Dole.

La Differtation que vous m'avez envoyée,tend à prouver, non-feulement que la Ville de Dole eft fort ancienne, mais encore, qu'elle a été avant Befançon, la Capitale du Païs des Séquanois. Ce font deux objets qu'il ne faut pas confondre; car Dole pourroit être une Ville ancienne, fans avoir été d'abord la Capitale du Païs où elle étoit fituée. Commençons donc par voir, fi elle a eu cette prérogative avant Befançon.

La principale raifon fur laquelle on fe fonde pour la lui donner, eft qu'elle eft nommée avant Befançon dans la Géographie de Ptolomée. Mais ce Géographe n'a pas nommé les Villes, fuivant le rang qu'elles tenoient dans leurs Provinces ; il a fuivi l'ordre des degrés de longitude & de latitude, fous lefquels elles étoient fituées. Ainfi Dittatium s'étant trouvée dans cet ordre, avant Vifontium, Equeftris & Aventicum, c'est la raifon pour laquelle il l'a nommée la premiere.

Si Céfar a apellé Befançon Oppidum & non pas Urbs, il n'a pas voulu marquer par là que ce fut une petite Ville, puifqu'il a dit en même tems qu'elle étoit la plus grande qui fut au Païs des Séquanois: maximum Sequanorum Oppidum. Il a donné le nom d'Oppidum, aux principales Villes des Gaules; & il ne mettoit point de différence entre Oppidum & Urbs, puifqu'il a apellé de ces deux noms, Bourges par exemple, & a nommé Biturigum Urbes, les vingt Villes du Berri, que Befançon furpaffoit à tous égards.

Besançon au reste n'étoit pas une Ville ouverte & fans

fortifications, qui dût céder indifféremment au premier qui auroit voulu s'en emparer. Céfar ne dit qu'elle a été primi occupantis, que par raport à lui & au Roi Ariovifte. Elle lui étoit ouverte, parce que les Séquanois venoient de conclure en fecret un traité avec lui, par lequel il s'étoit engagé à les délivrer de la tirannie de ce Roi. Et elle l'auroit été de même à Arioviste , parce qu'il tenoit une partie du Païs des Séquanois, & avoit chez eux une puiffante Armée. Auffi Céfar dit qu'il lui parut important de prévenir Arioviste, qui marchoit à Besançon; non-feulement parce que cette Ville étoit la plus grande des Séquanois, mais encore parce qu'elle étoit fi forte & fi bien munie, que celui des deux qui en feroit le maître, pourroit tirer la guerre en longueur: namque omnium rerum, quæ ad bellum ufui erant, fumma erat in eo Oppido facultas. Idque naturâ loci fic muniebatur, ut magnam ad ducendum bellum daret facul

tatem.

Que fi les ôtages que ceux d'Autun avoient donnés aux Séquanois & à Ariovifte, ne fe trouvérent pas à Befançon, ce n'eft pas qu'ils n'y duffent être, comme dans la Capitale, & qu'ils n'y puffent pas être fûrement gardés; mais ce fut, parce qu'Ariovifte, qui fe défioit des Séquanois qu'il avoit oprimés fous prétexte d'entrer dans leur alliance, s'étoit rendu maître de ces ôtages comme on le voit en ce que Céfar lui fit dire, qu'il eût à permettre aux Séquanois de les rendre.

La conduite de ce Conquérant, fit bien voir qu'il faifoit plus de cas de Befançon que de Dole, & que cette derniere Ville n'étoit ni grande ni forte, fi elle existoit déja de fon tems; puifqu'encore qu'elle fe trouvât sur sa route, & qu'il pût s'en faifir enfuite du traité qu'il avoit fait avec les Séquanois; il vint droit à Besançon, où il établit les magafins d'armes & de vivres de fon Ármée. Or on fçait, que les Généraux choififfent pour de tels magafins, les places les plus grandes & les plus fortes des frontiéres fur lesquelles leurs troupes doivent agir.

Céfar étoit trop habile pour en ufer autrement, lui, qui avoit affaire à un ennemi qu'il fçavoit être un grand Ĉapitaine ; & que lui & fon Armée craignoient, comme il paroît l'avouer dans fes Commentaires, & que Dion Caffius nous l'aprend.

T

Si Dittatium avoit été dans les commencements la Capitale du Païs des Séquanois, on le liroit dans quelque Auteur ancien. Or loin d'en trouver qui le difent, il n'y en a pas un feul qui ait nommé Dittatium, que Ptolomée, qui n'écrivoit que dans le fecond fiécle, auquel Befançon tenoit incontestablement cette place. Il est bien probable que la plus grande Ville du Païs des Séquanois, en étoit auffi la Capitale ; & l'on ne peut douter que Befançon furpassât toutes les autres par cet endroit, du tems même de Jules Céfar, qui l'apelle maximum Sequanorum Oppidum. C'étoit auffi la plus forte ; . fa fituation le démontre, & Céfar affure que l'art & la nature avoient concouru à la rendre de grande deffense, & qu'on y pouvoit tenir long-tems contre un ennemi. Le commerce y fleuriffoit; car ce furent en partie les Marchands qui y étoient venus de dehors qui jettérent l'épouvante parmi les foldats de Céfar, en leur décrivant la taille, la force, le courage, & l'air terrible des Germains qu'Arioviste commandoit. Rien n'y manquoit, de tout ce qu'on pouvoit defirer dans une Ville de guerre: fumma erat in eo oppido facultas, omnium rerum, quæ ad bellum ufui erant. Enfin elle étoit au centre du Païs des Séquanois, également à portée de donner du fecours & des ordres aux différentes parties de ce Païs, & d'être le Siége ordinaire des Etats de la Nation. Pourroit - on méconnoître à ces traits, une Capitale?

Voilà, Monfieur, ce qu'étoit Befançon quand Céfar vint dans les Gaules. Augufte lui conferva le premier rang,lorfqu'il joignit à la Province Séquanoife une grande partie de l'Helvétie, dans laquelle il y avoit néanmoins des Villes, qui furent dans la fuite honorées du titre

de Colonies. Befançon leur fut préferée, pour être la Capitale d'une Province fi grande, qu'elle fut apellée, par raport à fon étenduë, maxima Sequanorum Provincia. Befançon en fut la Métropole, le Siége d'un Préfident & d'un Evêque Métropolitain, qui eut pour Suffragans les Evêques de Bafle, de Bellay, d'Avanche & de Vindisk. Elle n'eut jamais befoin du fecours d'une Colonie, pour se peupler ou pour acquérir de l'illuftration. Son ancienne grandeur fe foutenoit par elle-même, & par l'avantage qu'elle avoit d'être une Ville municipale, qui fe gouvernoit par fes Magiftrats, & par fon propre Droit. Elle ne perdit pas entierement ce privilége, quand les Bourguignons envahirent la Province des Séquanois. Comme elle étoit forte, elle fit fa capitulation, & ne fe rendit à eux,qu'à condition qu'elle conferveroit fa liberté.* Elle étoit d'une telle confideration fous le régne de Charlemagne, que ce grand Empereur la nomma parmi les plus illuftres Villes de fes Etats, aufquelles il léguoit une partie de fes effets mobiliers. Enfin, lorfque les Comtes qui gouvernoient les Provinces du fecond Royaume de Bourgogne s'en rendirent les maîtres, Befançon refufa de les reconnoître; & le Comte de Bourgogne, quoique puiffant, ne fe trouva pas affez fort pour entreprendre de foumettre cette Ville.

Rhen. lib. 2. Rer. Germ.

Ce fut alors qu'elle ceffa d'être la Capitale du Comté de Bourgogne, parce que ce titre ne lui convenoit plus. Si elle devoit obéir, ce n'étoit qu'à des Empereurs ou à de grands Rois. Auffi ce n'a été que pour apartenir au Roi d'Espagne, & moyennant la ceffion qui lui a été faite de la Jurifdiction fur cent Villages, qu'elle a renoncé à son droit de Ville Impériale, & aux avantages qui pouvoient être attachés à cette qualité. Lorfqu'après cela elle a été de nouveau la Capitale de la Province, elle n'a fait que rentrer dans fes droits, & reprendre un rang qu'elle avoit volontairement quitté, dans un tems où elle n'avoit pas crû pouvoir le conferver, fans déroger à fa dignité & à fes exemptions.

Or c'eft une maxime, , que celui qui fe trouve dans une poffeffion ancienne, eft préfumé avoir toujours poffédé de la forte, jufqu'à ce qu'on faffe voir une poffelfion contraire antérieure. D'où je conclus, que Befançon ayant été la Capitale des Séquanois, fous Jules Céfar, fous Augufte & dès lors, elle l'étoit déja auparavant & qu'elle l'avoit toujours été : à moins qu'on ne prouve bien clairement, qu'avant le tems de Céfar, cette prérogative avoit appartenu à une autre Ville de ce Païs.

Il me reste à examiner le fecond chef de la Differtation, qui concerne l'antiquité de la Ville de Dole, dont l'Auteur a tiré prefque toutes fes preuves de Gollut; & j'avouë, Monfieur, que s'il y avoit dans le Païs des Séquanois au tems de Ptolomée, une Ville qui portât le nom de Dittatium, & qui eût mérité d'avoir une place dans fa Géographie, elle feroit ancienne & confiderable.

Mais ce qui en eft dit dans les traductions que j'ai vûës de la Géographie de cet Auteur, m'a paru fufpect. J'ai crû que l'altération du nom de Befançon, qui a été changé en tant de manieres différentes, pouvoit avoir donné lieu aux Copistes, aux Editeurs ou aux Traducteurs en conférant différents manufcrits, de faire deux Villes d'une feule, & d'ajouter à l'une d'elles, qu'ils ont crû s'apeller Dittatium, les degrés à peu près de la fituation de Dole, qu'ils voyoient être la Capitale du Comté de Bourgogne, & qu'ils croyoient être ancienne. Car comment feroit-il poffible, que ce Géographe qui écrivoit fi loin de nous, eût connu dans notre Province une Ville diftinguée, dont cependant aucune Infcription, aucune Notice, aucun Itinéraire, aucun Auteur du haut ni du bas Empire, n'a fait mention? ce filence fi univerfel & de tous les tems, ne doit-il pas nous faire juger qu'il n'y a jamais eu de Dittatium, & prouver l'altération du livre unique qui en parle?

J'ai une Lettre de M. de Camps Abbé de Signi, qui étoit à portée de voir les meilleurs manufcrits de Ptolomée dans la Bibliotéque du Roi & autres de Paris, &

qui

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