la Province qui fuffent connus alors, car le haut du Mont Jura n'étoit pas encore peuplé. Il y a bien de l'aparence que l'on a érigé un Temple au Dieu des Pâturages & des Forêts auprès du Lac, & que ce Temple étoit devenu fameux. Un établissement de cette forte, a bientôt donné occafion de bâtir une Ville dans le voisinage. Combien en voyons-nous, qui ont une femblable origine? & n'eft-ce pas celle de plufieurs Villes, qui ont des anciens Monaftéres dans leur enceinte? nous en avons l'exemple dans la Ville de Saint Claude, qui est au voifinage. Le concours du Peuple à ce Temple, a porté les Commandans de la Province à y établir une Garnison, pour contenir une Nation nouvellement conquise, & pour empêcher qu'on n'y fit des affemblées contre l'Etat, fous prétexte de dévotion. Les Soldats de cette Garnifon,ont bâti le Temple dédié à Mars Augufte, où y ont acquitté quelque vou, fuivant l'Infcription qu'on y a trouvée; & ils ont probablement travaillé au Pont, à l'Aqueduc & aux Bains, qui font auprès du ruiffeau: car les Commandans Romains occupoient leurs Troupes à de pareils ouvrages qui les tenoient en haleine,&qui embelliffoient les lieux où elles étoient. Vous voulez fçavoir, Monfieur, fi je crois que cette Ville portoit le nom d'Ifernodore, d'Avanche, ou quelqu'autre nom. Il me fera plus facile de prouver que ce n'étoit ni Avanche ni Ifernodore, que comme elle s'apelloit; mais je ne puis rien vous refufer. Je vous dirai donc ce que je pense de l'un & de l'autre. Si vous n'êtes pas fatisfait, prenez-vous en à la néceffité que vous m'impofez, & à la difficulté de déveloper des faits fi anciens. Le Critique prétend que le Lac qu'on apelle le Lac d'Antre dans l'Histoire de la découverte, eft le Lac de Quintenois, raporté pour une des limites de la Terre de S. Claude dans des titres anciens, & que la Ville qui eft auprès de ce Lac eft le Bourg d'Ifernodore. S'il avoit été fur les lieux, ou s'il avoit pris foin de s'informer Cinquiéme Differtation. s'informer exacte faits dont il parle, il auroit 137 changé de fentiment; car il auroit tour des restes ayi lui auroient fait voir qu'il n'y avoit pas eu un fimple Bourg, diftingué feulement par les ruines d'un ancien Temple & d'une Monnoie. Il auroit apris qu'Ifernodore exifte encore fous la dénomination d'Ifernore, à fix lieuës du Lac d'Antre, dans le Bugey; & qu'on y voit les veftiges d'un Temple ancien, & du mur dont l'Auteur des vies des Saints Romain, Lupicin & Oyan, a parlé : Vicus, cui vetufta paganitas, ob celebritatem, claufuramque fuperftitiofiffimi Templi, gallicâ linguâ Ifarnodori, id eft, Ferrei oftii, nomen indidit. Il auroit vu par une Infcription, que ce Temple étoit dédié à Mercure, au lieu ceux de la Ville auprès de Moirans, l'ont été à Pan & à que Mars Augufte. Il n'eft pas poffible de méconnoîtr e Ifernodorǝ àce marques, & à fon nom qui s'eft confervé jufqu'à nous; ni de le placer aux Villars. Il en eft de même du Lac de Quintenois, qui ne peut être le Lac d'Antre, parce que la ligne des limites de la Terre de Saint Claude, dans laquelle le Lac de Quintenois eft placé, ne convient pas au Lac d'Antre, qui eft renfermé dans cette Terre, à deux lieuës de fa frontiére ; & qu'elle fe vérifie parfaite-ment dans un autre Lac, qui eft éloigné de celui-ci & auprès d'Etival, que les anciens du lieu connoiffent en core fous le nom de Quintenois, & qui eft à l'extrêmité de la Terre de Saint Claude, ducôté de celle de Clairevaux. J'ai vû auffi une Charte du mois de Novembre 1266, par laquelle les Abbés & Religieux de S. Claude ont affocié Jean de Châlon dans leurs Montagnes, fituées. ficut orba exit de laeu Quinconeys, & currit verfus lacum de Quarnens. Ce Lac Quinconeys,eft celui lons le Lac des Rouffes, éloigné de plus de quatre lieuës que nous apeldu Lac d'Antre contre le Levant. Enfin le Critique auroit vû qu'il n'y a eu dans la Ville nouvellement découverte, aucun refte de Monnoie ni de Fonderie; & c'est cependant dans la fupofition qu'il y en avoit, qu'il l'a confond qu'il l'a confond Ifernodore, où l'on a fahrinda Monnoie fous nos Rois de la premiére Race. AT Mais s'il a eu tort de donner à la Ville découverte auprès de Moirans le nom d'Ifernodore, il a eu raison de foutenir que ce n'étoit pas l'Aventicum de Ptolomée, que l'on auroit apellé Avantre ou Antre par corruption, comme le dit l'Auteur de la découverte. Le lieu où l'on voit les restes de la Ville, n'a point d'autre nom que celui des Villars, & il n'y a rien à conclure de ce que le Lac qui eft fur la montagne, porte celui d'Antre; car c'eft uniquement parce qu'il fort du creux d'un rocher, & qu'il fe dégorge dans une caverne. Il eft hors de doute, qu'il y a eu en Suiffe une Ville illuftre, qui portoit le nom d'Avanche. Tacite l'apelle la Capitale de la Nation Helvétique. Elle est connue dans les Notices fous le nom de Cité des Helvétiens: Civitas - Helvetiorum Aventicus. Si l'on a écrit dans quelques-unes de ces Notices: Civitas Eluntiorum, ou Elutiorum, il est évident que c'eft le mot Helvetiorum, altéré par les Copiftes. C'est par une femblable altération, qu'on lit dans une autre, Aventicum Noldenolex, & parce que le Copiste a confondu Nevidunum ou Noldenolex, qui eft Nion, avec Aventicum Avanches, quoique ce fuffent deux Villes différentes. Enfin l'Itinéraire d'Antonin place Aventicum entre Moudon & Païerne, dans la route de Milan à Mayence par les Alpes Pennines; & la Carte de Peutinger, le met entre Païerne & Iverdun, dans le chemin de Bregents à Lyon. Or Moudon,Païerne & Iverdun font des lieux connus, & Avanche entre ces trois lieux, ne peut être qu'en Suiffe auprès du Lac de Morat. Ptolomée a mis Befançon fous le vingt-fixiéme degré de longitude, & fous le quarante-fixiéme de latitude; & Avanche fous le vingt-huitiéme degré de longitude, & fous le quarante-cinquième, trente minutes de latititude. Suivant cette fuputation, l'Avanche de Ptolomée doit être à l'Orient de Befançon, éloigné de cette Ville, d'environ trente- fix lieuës. C'eft la pofition d'Avanche en Suiffe , que les Allemans nomment Wiflif burg. Le Lac d'Antre qui décline fur le Midi de Befançon, n'en eft qu'à environ vingt lieuës, comptées fuivant les diftances qu'on emploie pour la fuputation des degrés. L'on a trouvé plufieurs Infcriptions à Wiflisburg, qui prouvent que c'étoit Avanche & une Colonie Romaine. Numinibus Auguftorum, & genio Colonia in Elvetios. L'Auteur de la découverte, convient qu'il y a vû cellelà. Il dit qu'il n'y a pas trouvé cette autre Infcription, Colonia Pia, Flavia, Conftans, Emerita, Aventicum Helvetiorum fœderata; qui décide bien clairement, qu'Avanche doit être placée en Suiffe. Mais fi elle en à été tirée, ou qu'elle ait été confumée par le tems, enforte qu'on ne l'y voie plus de nos jours; trop d'Auteurs anciens nous affurent qu'elle y a été trouvée & vûë, pour qu'on puiffe révoquer ce fait en doute. Marius Evêque d'Avanche, a figné au fecond Concile de Mâcon tenu en 585. Le Siége de cet Evêque, ne pouvoit pas être, comme l'Auteur de la découverte le prétend, auprès de Moirans, dans un lieu qui a toujours été du Diocèse de Befançon. C'étoit donc un Evêque d'Avanche en Suiffe, dont le Siége Episcopal a été tranfféré à Laufane, où il fubfifte encore fous la Métropole de Befançon. Ces raifons prouvent fi clairement, qu'il y a eu une grande & ancienne Ville du nom d'Avanche chez les Helvétiens, & qu'elle a fubfifté avec le titre de Siége Epifcopal, jufqu'à la fin du fixiéme fiécle; que l'Auteur de la découverte, s'eft vû réduit à avancer dans fa réponse, qu'il y avoit deux Villes de ce nom : l'une en Suiffe, & Fautre dans le Comté de Bourgogne. Pour prouver ce fait, il cite un paffage de Grégoire de Tours, qui porte que Saint Romain & S. Lupicin quittérent le fiécle & fe retirérent dans les folitudes du Greg. Turon. Vit. Patr. cap. 1. Mont-Jura, qui font entre l'Allemagne & la Bourgogne, au voifinage de la Cité d'Avanche: relinquentibus faculum, communi confenfu eremum petunt; & accedentes ad illa Jurenfis deferti fecreta, quæ inter Allemanniam Burgundiamque fita, Aventica adjacent civitati, tabernacula figunt Il conclut de là, qu'il y avoit une Cité d'Avanche auprès des Monaftéres qui font à Saint Claude & à Saint Lupicin, & que ce ne peut être qu'au lieu d'Antre, qui eft voifin de l'un & de l'autre, Il ajoute, que Jules Céfar ayant dit que les Séquanois font féparés des Helvétiens par le Mont-Jura, l'Aventi cum que Ptolomée met dans le Païs des Séquanois, doit être au-deça de ce Mont. On lui répond que depuis Jules Céfar, & avant le tems auquel Ptolomée écrivoit, le Mont-Jura ne fervoit plus de limite à la Province Séquanoife; parce qu'Augufte avoit joint à cette Province, une partie de l'Helvétie, qui en avoit été auparavant féparée par le Mont-Jura. Mais il réplique, que ce changement n'eft arrivé que long-tems après Ptolomée, & il prétend le prouver par des paffages de Strabon & de Pline. Voilà, à ce qu'il me femble, Monfieur, tout le fort du dernier ouvrage de l'Auteur de la découverte fur la question que nous agitons. Quand il y auroit eu une Ville d'Avanche en FrancheComté, l'Auteur n'auroit pas dû lui attribuer, comme il a fait, ce que les Anciens ont dit de l'illuftre & ancienne Ville d'Avanche, Capitale des Helvétiens; & fur tout l'Evêché fuffragant de Besançon, dont le Diocèfe & le Siége fubfiftent encore en Suiffe. Il ne faut pas d'ailleurs multiplier légérement les Villes, ni en fupofer une feconde du même nom, lorfqu'on peut tout apliquer à celle qui eft certaine & connue. Si donc Grégoire de Tours peut être entendu d'Avanche en Suiffe, on ne doit pas fe prévaloir de ce qu'il a dit, pour en conclure qu'il y a encore une Ville d'Avanche en Franche-Comté. Or quand Grégoire de Tours a dit, que S. Romain & fes Compagnons s'étoient retirés dans les déferts du |