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Clovis qui avoit toutes les qualités des Conquérans, & qui ne cédoit à aucun en ambition, forma le deffein de s'emparer de ce refte de l'Empire, & peut-être déja de conquérir les Gaules entieres. Il réunit dans cette vûë plufieurs autres Rois des François, & tous enfemble marchérent à Soiffons, où Siagrius avoit fixé fa réfidence. Siagrius affembla fes troupes, fut à la rencontre des François, & leur donna bataille; mais il la perdit, & fut réduit à fe retirer chez les Vifigots en 485.

Il auroit pû relever fon parti, & engager les Rois des Vifigots & des Bourguignons à s'unir contre les François, dont la puiffance & le voisinage étoient à craindre. Ce fut ce qui détermina Clovis à le demander à Alaric, qui avoit fuccédé à Evaric fon pere au Royaume des Vifigots. Alaric jeune Prince & courageux, fut choqué de cette demande, qui bleffoit le droit des gens. Mais fon Confeil lui ayant fait apréhender la guerre avec une Nation victorieufe, il remit l'infortuné Siagrius entre les mains des Envoyés de Clovis, qui lui fit couper la tête, conquit enfuite fans peine & dans peu de tems, tout ce qui reftoit de l'Empire Romain dans les Gaules, & étendit fon Royaume jufques aux frontieres de ceux des Vifigots & des Bourguignons.

Après avoir paflé quelques années à s'y affermir, il époufa Clotilde. L'on a vu les motifs de ce mariage, & peut-être encore que Clovis fe perfuadoit que les Gau lois qu'il avoit nouvellement fubjugués, lui obéiroient plus volontiers quand ils le verroient marié avec une Princeffe de la même Religion qu'eux. Grégoire de Tours nous aprend, que Clotilde obtint du Roi fon mari, la permiffion de faire batifer leurs enfants, & qu'elle le follicitoit fouvent d'embraffer le Chriftianifme; mais que fortement prévenu des erreurs dans lesquelles il avoit été élevé, il y perfifta, jufqu'à ce qu'un péril Preffant l'obligea de recourir au Dieu de Clotilde, & lui fit connoître que ce Dieu étoit le maître des Armées & du fort de la guerre.

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J'ai dit qu'en 373, fous le 4. Confulat de Valentinien & de Valens, les Allemans épouvantés de voir defcendre dans leurs Païs quatre-vingt mille Bourguignons, fe retirérent dans la Rhétie, d'où ils s'étendirent dans l'Helvétie, & que les Bourguignons occupérent leur place fur le bord du Rhein.Lorfque ceux-ci furent entrés dans les Gaules & 2 que ce qui en reftoit au-delà du Rhein, eut été défait par les Huns en 440, les Allemans rentrérent dans leur ancien Païs, fans quitter cependant l'Helvétie ni la Rhétie, car ils occupérent encore dèflors l'un & l'autre bord du fleuve,fuivant ces vers de Sidonius Apollinaris.

Rhenumque ferox Alemanne bibebas

Romanis ripis, & utroque fuperbus in agro,
Vel civis vel viitor eras.

Nos Chartes & nos Légendes,les placent encore longtems après au-deçà du Rhein, le long du Mont-Jura, jus qu'au Païs d'Avanche ou Evêché de Laufane. L'Auteur anonime qui a écrit dans le fixiéme fiécle la Vie des Saints Abbés Romain & Lupicin, & Grégoire de Tours, difent que ces Saints établirent des Monafteres dans le Mont-Jura auprès de l'Allemagne, & que du tems de Saint Oyan troifiéme Abbé de Condate, les Allemans empêchoient par leurs incurfions, qu'on ne pût aller prendre librement du fel coctile dans la terre des Hériens, qui eft Salins dans le Comté de Bourgogne; ce qui les fupofe voifins de ce lieu, & Habitants de l'autre côté du Mont-Jura.

Cette Nation formidable, qui avoit fi fouvent fait trembler l'Empire Romain, voyoit d'un œil de jaloufie, les François établis dans les Gaules. Réfoluë de les en chaffer, & d'occuper le Païs qu'ils y tenoient, elle defcendit le long du Rhein, & le paffa, fuivant l'opinion commune, auprès de Cologne. Clovis attentif aux démarches des Allemans, alla à leur rencontre, & les joignit à Zulpik dans le Païs de Juliers. Les deux Armées en

vinrent aux mains, & combattirent au commencement avec un acharnement & une valeur égale; mais celle de Clovis ayant commencé à plier, ce Prince fe vit prefque au moment d'une honteufe défaite & d'une ruine entiere.

Ce fut dans cet inftant critique, qu'il invoqua tout haut le Dieu des Chrétiens, & qu'il promit de fe faire batifer. Animé d'une nouvelle ardeur après cette promelle, il réunit tous ceux qui fe trouvérent auprès de lui, chargea les ennemis, les rompit partout où il les rencontra, donna le tems à fes troupes ébranlées de fe rétablir, & remporta une victoire complette, dont il fçut bien profiter; car il paffa le Rhein, poursuivit les débris des Allemans jufques aux Alpes Rhétiques, & les obligea à fe foumettre à fa domination, qui s'étendit dèflors dans la Germanie tout le long de la rive droite du Rhein, depuis fon embouchure dans la mer jufques auprès de fa fource; ce qui joint aux deux Provinces Belgiques & aux deux Germaniques qu'il poffédoit dans les Gaules, forma le plus grand Royaume qu'il y eût alors en Europe.

Le Pere Bolandus fur la Vie de S. Sigebert, croit que cette action fe pafla auprès de Strasbourg, parce que les Hiftoriens la mettent fur les bords du Rhein, dont Zulpik eft éloigné de 16 lieues, & que Clovis en retournant paffa par Toul. Il n'eft pas probable en effet, que les Allemans aient defcendu jufqu'à Cologne au travers des Etats de Clovis, & paffé ce grand fleuve dans un lieu fort éloigné de leur Païs, où ils n'auroient pas pû fe retirer en cas de défaite.

Clovis de retour de cette expédition, aprit à la Reine Clotilde qui lui étoit venue à la rencontre, la réfolution où il étoit de fe faire Chrétien, & qu'il ne différoit l'exé cution du vœu qu'il en avoit fait, que jufqu'à ce qu'il eût tenté de déterminer fon Peuple à fuivre fon exemple. Il assembla donc les principaux de la Nation Françoife, & les ayant trouvés difpofés à embraffer le Chriftianifme il reçut le Batême avec une partie de fes Sujets, par les

*Greg. Tur. cap. 29, lib. 2, epift. S. Nicetii apudChefn. tom. 2.

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mains de S. Remi Evêque de Rheims, que Clotilde avoit envoyé chercher en fecret, pour concerter avec lui les moyens de parvenir à la converfion de fon mari. Ainfi c'eft à une Princeffe Bourguignone, que nos Rois doivent en partie l'avantage qu'ils ont d'être les Fils aînés de l'Eglife. Cette action mémorable fe paffa en 495

Cependant Godegefile l'un des Rois Bourguignons, qui portoit une fecrette envie à Gondebaud, voyant la puiflance de Clovis confidérablement augmentée par fa victoire contre les Allemans, offrit de lui payer tribut s'il vouloit lui aider à fe rendre maître des Etats de fon frere. Clovis qui n'avoit pas ceffé d'être politique & ambitieux, quand il s'étoit fait Chrétien, accepta le parti qui lui étoit offert, & arma puiffamment, fous prétexte de punir une révolte des Habitans de Verdun.

Gondebaud vit bien que de fi grands préparatifs n'avoient pas un fi petit objet, & que l'orage altoit fondre fur lui. Il Le prépara à s'en mettre à couvert; & comme il n'avoit pas le moindre foupçon de la perfidie de fon frere, il lui donna avis d'un péril qu'il croyoit être commun entre eux. Godegefile voyant que fon complot n'étoit pas découvert, & que le fecret dans lequel il étoit encore lui fourniffoit le moyen de perdre plus facilement fon frere; fit femblant d'être allarmé des démarches de Clovis, leva des troupes, les joignit à celles de fon frere, & ils marchérent enfemble au-devant du Roi des François.

Ils le rencontrérent fur la riviere d'Ouche auprès de Dijon, & ne tardérent pas à donner bataille. Mais tandis que Gondebaud fe défendoit contre les François qui l'attaquoient de front, le perfide Godegefile le prit en flanc. La victoire fut aifée à remporter. L'Armée de Gondebaud surprise, attaquée de toutes parts, & par ceux même fur qui elle comptoit, fe mit en déroute: Gondebaud s'enfuit à l'autre extrémité de fes Etats, jufqu'en Avignon, où il s'enferma avec ce qu'il pût ramaf fer de fes meilleures troupes.

Clovis le pourfuivit, pendant que Godegefile s'emparoit des Places de fon Royaume, & mit le fiége devant Avignon. Les Auteurs François difent qu'Aredius Miniftre de Gondebaud fortit de cette Ville, feignant d'avoir été maltraité par fon Maître, & qu'il perfuada à Clovis de lever le fiége, & de fe contenter d'un tribut que Gondebaud lui paieroit. Cette maneuvre a l'air de celle de Sinon inventée par les Poëtes, mais elle n'est pas fi bien ménagée. Car il n'est pas probable que Clovis ait donné fi légèrement fa confiance au Miniftre de fon ennemi, qu'il ait manqué de propos déliberé au traité qu'il avoit fait avec Godegefile, & qu'il l'ait abandonné, comme il le fit volontairement, & avec des troupes confiderables qu'il lui avoit données, au reffentiment de Gondebaud. Il est bien plus vrai-femblable que la Place étant forte, bien munie, & défenduë par fon Roi, Clovis défefpera de la prendre; & qu'il vit armés contre lui, les Rois. des Gots d'Italie & des Gaules, au voifinage defquels Gondebaud l'avoit attiré par une fine politique, pour leur donner de la crainte & de la défiance.

Quoiqu'il en foit, Clovis content des dépouilles que fes Soldats avoient enlevées dans le Royaume de Bourgogne, fe retira dans fes Etats; & Gondebaud loin de lui payer tribut (car les mêmes Auteurs qui difent qu'il s'étoit foumis à le lui payer, ajoutent qu'il n'en voulut plus entendre parler ) marcha contre Godegefile qui s'étoit emparé de Vienne, & s'y étoit enfermé avec fes Sujets les plus affidés & cinq mille François.

Gondebaud l'y affiégea & comme on avoit mis dehors les bouches inutiles, un Artifan qui étoit du nombre & qui connoiffoit les iffuës des Aqueducs de la Ville, parce qu'il étoit un de ceux qui en avoient foin; enseigna un moyen facile pour furprendre Vienne, en entrant par ces Aqueducs. Gondebaud en profita. Il introduifit fecrettement par cette voie, un bon nombre de troupes, qui forcérent les portes & les ouvrirent à l'Armée. Ce ne fut. plus après cela, qu'un maffacre des Partifans de Godege

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