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MONSIEUR,

J'ai prévû les objections que vous avez la bonté de me faire, & elles me paroîtront moins fortes, fi vous aprouvez les réponses que je vais y donner. Il me femble que pour les mettre dans leur jour, il faut d'abord fixer par de bonnes preuves, les limites du Païs des Séquanois.

J'ai dit qu'il étoit entre le Rhein, les Montagnes de Vôges, la Sône, le Rhône, & le Mont Jura. Voici les preuves de la limite du Rhein : Gallia, attingit à Sequanis & Cefar de bell. Helvetiis, flumen Rhenum. * Rhenus, fluit per fines Sequagall. lib. 1. Caf. lib. 4. norum. † Ad Rhenum, funt Sequani. * Et Céfar défit Ariovifte, dans le Païs des Séquanois auprès du Rhein.

* Strabon. lib. 4.

* Lib. 4.

Lib. I.

Le Comté de Bourgogne, & la haute Alface que perfonne ne doute avoir été du Païs des Séquanois, s'étendent encore aujourd'hui dans les Montagnes de Vôges. Les Séquanois avoient anciennement la même limite, puifque fuivant Strabon, ils touchoient les Langrois. * Or les Langrois étoient limités par la Vôge: Mofa, profluit ex monte Vogefo, qui eft in finibus Lingonum, * & on lit dans le premier Livre de la Pharfale de Lucain.

Deferuere cavo, tentoria fixa Lemanno

Caftraque quæ Vogefi, Curvam fuper ardua ripam,
Pugnaces pictis, cohibebant Lingonas armis.

L'on trouve auffi dans les Commentaires de Céfar, que quand il alla combattre Arioviste à l'extrémité du Païs des Séquanois du côté du Rhein, il tiroit les vivres de fon Armée, non-feulement de ce Païs, mais encore de ceux des Langrois & des Leuquois, qui font les Peuples des Diocèfes de Toul & de Langres: frumentum Sequani, Lingones & Leuci, fubminiftrant, ce qui fupofe le voifinage de ces Peuples, qui ne pouvoit être en cet endroit, que par la montagne de Vôges. Strabon ajoute, que les

Langrois font à l'Occident des Séquanois, & qu'ils en font féparés par la Sône ; c'eft plus bas que fa fource dans la montagne de Vôges, jufqu'auprès de S. Jean de Lône. Nous aprenons de Céfar & de Strabon, que la Sône couloit entre les Païs des Séquanois & des Eduois : Flumen eft Arar, quod per fines duorum & Sequanorum, in Rhodanum influit incredibili lenitate; ita ut oculis in utram partem influat, judicari non poffit.* Trans Ararim Sequa- *Caf. lib. 1. ni habitant: Æduis eos inimicos fecit, de Arari qui eos diftinguit, contentio; utrâque gente, ufum & vectigalia fibi vindicante. *

*Strabon.lib. 4.

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Lorfque Céfar parle des chemins que les Helvétiens pouvoient prendre, pour aller de leur Païs dans la Xaintonge, il dit qu'il y en avoit un chez les Séquanois, entre le Rhône & le Mont Jura: Unum iter per Sequanos,anguftum & difficile, inter Montem Juram & flumen Rhodanum.* Il fupofe par là que ce fleuve touchoit les Séqua- Caf. lib. 1. nois, & il le leur donne pour limite du côté de la Province Romaine, quand expliquant les motifs qu'il eut de chaffer Arioviste de chez eux, il raporte comme l'un des principaux, que ce Roi s'établissant avec fes Germains dans le Païs des Séquanois comme il prétendoit le faire, feroit voifin de la Province Romaine: Præfertim, cùm Sequanos à provincia noftrâ, Rhodanus divideret. Aufone dit la Caf.lib. même chose dans ces vers faits à la gloire de Narbonne, Ville Capitale de la Province des Romains dans les Gaules.

Nec tu Martie Narbo filebere; nomine,

Fufa per immenfum, quondam provincia regnum
Obtinuit, multos dominandi jure colonos;
Infinuant quà fe, Sequanis Allobroges oris;
Excluduntque Italos, Alpina cacumina fines;
Quà Piranaicis nivibus, dirimuntur Iberi;
Quà rapitur præceps Rhodanus, Domitore Lemanno.
On lit dans les anciennes éditions d'Ammian Marcellin,
le Rhône après être forti du Lac Leman, entre dans
des marais,& paffe dans le Païs des Séquanois. Per denfa

que

paludium fertur & Sequanos; longéque progreffus, Vien* Lib. 15 in fin. nenfem latere finiftro peftringit, dextro Lugdunenfem. * Ces marais n'ont pû être qu'aux environs de Bellay, d'où je conclus que la Province Séquanoife s'étendoit jufques là du tems d'Ammian Marcellin. Mais je crois que ces mots: per denfa paludium fertur, font une faute des Copistes, & *Edit. de Paris qu'il faut lire comme ont fait Mr. de Valois & d'autres de 1636. Sçavans fur de meilleurs manufcrits: per Sapaudiam fertur, & Sequanos, parce qu'il n'y a dans le cours du Rhône dont parle ici Ammian Marcellin, ni lacs ni marais; & qu'il vient de raporter un moment auparavant, comment il traverse le Lac Leman: Ad planiora digrediens, proprio agmine ripas occultat, & paludi fe fe ingurgitat nomine Lemanno. Il étoit naturel de dire après cela, que le Rhône forti du Lac Leman, coule par un long efpace entre la Savoye & le Païs des Séquanois jufques à Vienne & à Lyon, ce qui eft vrai en fait.

* Caf. lib. 1.
*Strab. lib. 4.

* Arda.

Voilà deja trois limites du Païs des Séquanois prouvées. Je viens à la quatrième qui eft le Mont Jura, & je l'établis par des paffages de Céfar & de Strabon. Jura Mons altiffimus, qui eft inter Sequanos & Helvetios. In Sequánis, Mons eft Jurassus, qui eos ab Helvetiis diftinguit. ⋆

Remarquez, s'il vous plaît, Monfieur, que Strabon met le Mont Jura chez les Séquanois: In Sequanis, Mons eft Juraffus; d'où je conclus que les Helvétiens n'en occupoient que le pied, ou tout au plus le penchant qui eft de leur côté; ce qui eft confirmé par Céfar, quand il dit que les Séquanois étoient les maîtres du paffage, entre le Mont Jura & le Rhône.

Il faut vous obferver que le Mont Jura commence à ce paffage, par la montagne qu'on apelle le grand Crédo d'où il s'étend jufqu'à Pierre-porte auprès de Porentru ; & de là déclinant au Levant d'été près de la fource de la Birfe, il tire contre l'Aar* dont il fuit les bords jufqu'à Coblents, où l'Aar entre dans le Rhein.Voici comme Cluvier, que j'ai vérifié fur les lieux, décrit la fituation du Mont Jura entre les Helvétiens & les Séquanois : Initium Jura

Mons à Geneva ducens, versus feptentrionem ad fontes dubis fluminis protenditur; ejufdemque fluminis dextram ripam profequitur, ufque ad Vicum, cui vulgare vocabulum Pierre-Porte; unde in ortum aftivum, verfus lævam amnis Arola ripam radit, donec ipfe unà cum Arolâ Rheno jungatur, ad oppidum confluentes. ⋆

*Cluvier. antiq. Il me femble, Monfieur, que les limites que j'ai don- German. lib. 2. nées au Païs des Séquanois, font clairement prouvées par cap. 4. 1. les autorités que je viens de transcrire : & ces limites fupofées, il paroît que les Rauraques ont toujours fait partie de ce Païs. S'ils n'en dépendoient pas, ils étoient Helvétiens, ou ils faifoient un Peuple particulier & indépendant. Ils n'étoient pas Helvétiens, car Jules Céfar distingue les Helvétiens des Rauraques, quand il dit: Helvetii perfuadent Rauracis Tulingis & Latobrigis finitimis, ut eodem afi confilio, oppidis fuis vicifque exuftis, unâ cum is proficifcerentur. Il apelle les Rauraques voifins des Helvétiens, finitimi; mais il ne les confond pas avec eux, & ne dit pas qu'ils fuffent leurs Clients. Il ne dit pas non plus, que les Helvétiens ordonnérent aux Rauraques de les fuivre comme ils auroient fait à leurs vaffaux, mais qu'ils le leur perfuaderent ; & c'est ainsi qu'on en use avec les égaux & les indépendants.

Les Rauraques habitoient la haute Alface, & le terrain qui eft contenu dans le contour que fait le Mont Jura, depuis Pierre-porte jufques à l'Aar. Ils étoient donc féparés des Helvétiens par le Mont Jura, renfermés avec les Séquanois & féparés comme eux de l'Helvétie, par cette portion du Mont Jura qu'on apelle dans le Païs, Voëfberg. Je dis qu'ils habitoient la haute Alface, parce que je ne vois rien qui les en excluë, & qu'elle est encore aujourd'hui de leur Diocèfe: mais quand il faudroit les reftraindre à ce qui eft dans le contour du Mont Jura, ma raifon n'en feroit pas moins forte, parce qu'ils feroient toujours féparés des Helvétiens par cette limite, & renfermés dans le Païs des Séquanois. D'où je conclus, nonfeulement qu'ils n'étoient pas Helvétiens, mais encore

*Lib. I.

Caf. lib. 4.

qu'ils étoient Séquanois, ou comme leurs Clients, ou comme faifant une partie de leur Nation.

Céfar décrivant le cours du Rhein, dit qu'il a fa fource chez les Lépontiens dans les Alpes, & que de là il coule dans les Païs des Nantuates, des Helvétiens, des Séquanois, & des Médiomatriques: Ex Lepontiis qui Alpes incolunt, longo fpatio per fines Nantuatium, Helvetiorum, Sequanorum, Mediomatricum &c. citatus fertur. La contrée des Rauraques touche le Rhein dans un assez grand efpace, pour qu'ils euffent mérité d'être nommés par Čéfar, s'ils n'avoient pas été compris fous le nom des Helvétiens ou des Séquanois, entre lefquels ils habitoient fur les. bords du Rhein. Or l'on a fait voir qu'ils ne devoient pas être apellés Helvétiens, & par conféquent ils étoient regardés par Céfar comme Séquanois, & non pas comme faifant un Peuple particulier & indépendant.

Il eft certain, que les Séquanois avoient le Rhein pour limite. Leurs grandes habitudes avec les Germains, qui demeuroient au delà de ce fleuve, qui les ont fecourus contre les Eduois, & qui ont fouvent paffé par leur Païs pour aller avec eux en Italie, font juger que les Séquanois devoient s'étendre fort loin fur les bords du Rhein. Cependant ils ne l'auroient pas touché, fi les Rauraques n'avoient pas été Séquanois, ou ils ne l'auroient touché que dans un très petit efpace, fi l'on fupofe que ce n'étoit que par la contrée que l'on apelle aujourd'hui la haute Alface, & qu'elle ne fut pas du Païs des Rauraques.

Nous lifons dans Céfar, que quand il arriva dans les Gaules, Ariovifte occupoit la troifiéme partie du Païs des Séquanois; c'étoit la partie la plus proche du Rhein, parce que ce Roi avoit interêt à ne pas s'éloigner du refte de fa Nation, & que ce fût auprès du Rhein que Céfar l'attaqua. La contrée qu'il occupoit étoit éloignée de Befançon, puifque Céfar le prévint & entra dans cette Ville avant qu'Ariovifte pût s'en rendre maître, comme il en avoit le deffein. Or il s'en faut bien, que la haute Alface fit la troifiéme partie du Païs des Séquanois.Ariovifte oc

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