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mittit. * Car je ne crois pas qu'il faille dire comme M.
d'Ablancourt a traduit, qu'Arioviste avoit apris la langue
Gauloife, mais qu'il s'y étoit accoutumé longâ confuetu-
dine;
; comme l'on diroit du grand Gustave, qu'ayant fait
des conquêtes en Allemagne, & y ayant converfé pendant
plufieurs années avec les Seigneurs du Païs, il s'étoit habi-
tué à parler le haut Allemand que les Suédois n'entendent
pas
bien, parce que leur langue n'eft qu'un dialecte de
la langue Allemande.

Ce fait fupofé, le paffage de Céfar ne prouve pas que la langue Gauloife fût differente de celle d'Ariovifte, parce que, tout de même qu'un Suiffe n'entendroit pas parfaitement le Saxon, ou fi voulez, un Suédois ou un Danois ne comprendroit que quelques mots de l'Allemand, quoiqu'en général toutes ces Nations le parlent, & que leurs langues aient le même génie & les mêmes racines; de même un Gaulois n'auroit pas pû faire une converfation liée & fuivie avec Ariovifte, s'ils n'avoient parlé que leurs dialectes maternels. Mais Arioviste ayant demeuré pendant plufieurs années dans le Païs des Séquanois, il s'étoit accoutumé à leur langue, & cela d'autant plus facilement, qu'elle étoit dans le fond la même que la fienne. Je répons par la même raifon, à l'autorité de Tacite, de Sidonius Apollinaris, & des autres, qui semblent diftinguer les langues Gauloife & Germanique.

Croyez-vous, par exemple, Monfieur, que quand Céfar dit que les Celtes, les Belges & ceux de l'Aquitaine, parloient des langages différens, ii omnes, linguâ inter Je differunt; il doive être entendu d'une autre différence que de celle des dialectes ; & que les langues, que parloient les Peuples de la Gaule Narbonoife, étoient auffi différentes que l'Hebreux, le Grec & le Latin, parce qu'Aufone dit d'eux,

Quis numeret portufque tuos, montefque, lacufque?
Quis populos varios, difcrimine veftis & oris.

Vous pouvez voir dans le livre premier de la Germanie

* Caf. lib. 1.

* Lib.

antique de Cluvier, chap. 5 & fuiv. combien il y a de preuves que les langues Germanique & Celtique ne différoient que dans l'idiome. J'ajoute que S. Jérôme rend témoignage, que les Galates anciens Gaulois établis depuis plufieurs fiécles en Afie, parloient à peu près la langue dont on ufoit à Trèves de fon tems; & que l'expérience m'a apris, que nos anciens mots Celtiques peuvent être plus naturellement expliqués par le fecours de la langue Allemande, que par toutes les conjectures, dont nos Sçavans fe font fervis pour les rendre intelligibles. Je vais, Monfieur, vous en donner quelques exemples, fans m'écarter beaucoup de mon fujet.

dit

Plutarque le Jeune en fon Traité des Rivieres, que la Sône a été nommé Brigulus. Brive en langue Celtique fignifie un pont, & on nomme un pont, Brit ou Bruct en Allemand. Ainfi, comme les Celtes qui ont habité les premiers dans les Gaules, y ont probablement nommé les lieux, par raport à quelque propriété particuliere ou à l'ufage qu'ils en faifoient; ils ont apellé la Sône, la riviere des Ponts, parce que coulant dans un terroir fertile, entre des Peuples amis & alliés, il y a dù avoir plufieurs ponts pour paffer d'un bord à l'autre.

Elle fervoit de limite à ces Peuples, & c'eft, à mon avis, ce qui lui a fait donner le nom d'Arar: car je trouve que nos Séquanois, ont ainfi nommé les limites & les lieux principaux des frontieres de leur Païs. En effet, la riviere d'Aar, qui les féparoit des Helvétiens du côté du Rhein, portoit le nom d'Arar, fuivant les anciens Hiftoriens cités par M. de Valois au mot Solodurum. Le lieu principal qui étoit fur leurs confins dans le mont Jura, fe nommoit Ariarica, & celui qui étoit à leur frontiére du côté de la Germanie, étoit apellé Arialbinum. Cette fillabe ar, se trouve encore dans les mots Celtiques que nous avons confervés, & qui marquent le repos dans un lieu, ou qu'il ne faut pas paffer outre: comme arréter, barrer, barriere, arrher, tarder, garder &c. & nous crions alte à ceux qui paffent des limites, quand ils ne

doivent pas le faire : ce que l'Allemand exprime de même par le mot halt, qui fignifie en fa langue arrête..

Les Auteurs varient fur le troifiéme nom de la Sône, qui eft celui qu'elle porte aujourd'hui en écrivant Saone, quoiqu'on prononce Sône. Ammian Marcellin l'apelle Sauconna, & Gregoire de Tours Saugonna car fes Copiftes ont écrit mal à propos Sangona, ce qui a donné lieu à un conte abfurde fur les Martyrs de Lyon, que vous fçavez fans doute. Nithard l'a nommée Saugonna, Fredegaire Saogonna & Saucunna, Hugues Moine de Fleuri Sagomna, & j'ai vû plufieurs Chartes anciennes, dans lesquelles elle eft apellée Saugona & Sagona. Je crois que c'est fon premier & principal nom Celtique, parce que c'eft celui qu'elle a confervé jufqu'à nos jours. Si les Etrangers l'apelloient Arar, les gens du Païs la nommoient plus communément Saugon, comme on le voit par le paffage d'Ammian Marcellin, où il dit: Rhodanus Ararim, quem Sauconnam appellant, fuum in nomen * Lib. 15. in fin. adfciffit. *

Vous fçavez, Monfieur, que cette belle riviere porte batteau prefque dès fa fource, & qu'elle paffe dans le terrain le plus fertile du Royaume. C'est ce qui lui a fait donner à juste titre, la qualité de nourrice de la grande Ville de Lyon, & des Païs qu'elle arrofe. Je crois que c'est ce que fon nom Celtique fignifie; car on apelle en Allemand une nourrice, faug ou faugam, ce qui convient parfaitement avec notre maniere d'écrire le nom de Saone, & avec celui de Saugonna, que quelques anciens Auteurs lui donnent, & auquel tous les autres reviennent.

Nos peres ont nommé en leur langue, les rivieres qui couloient dans leur Païs quand ils y font entrés. Lorsque les Etrangers y ont pénétré à la fuite, ils y ont trouvé ces noms établis, & ils les ont dû adopter. C'est ce qui me fait douter, qu'on doive ajouter foi pour la dénomination du Rhône, à ce qu'on lit dans Pline, que ce fleuve tire fon nom de certains Habitants de l'Ile de Rhodes, qui vinrent fur les côtes de Provence & y fondé

rent Rhoda, qui eft aujourd'hui un petit Village auprès du Rhône. Quelle aparence en effet, que l'un des plus gros fleuves des Gaules, ait reçû le feul nom qu'il ait porté, d'une poignée de Rhodiens qui s'arrêtérent auprès de fon embouchure, plufieurs fiécles après que les Païs où il coule, furent habités par les Celtes? Si ce que Pline dit étoit véritable, on auroit apellé le Rhône Rhodius, & non pas Rhodanus. Comme il n'a parlé que fur une conjecture qu'il tire de la reffemblance du nom, & qui eft combattuë par de plus fortes, il faut, à ce qu'il me femble, recourir à une autre étimologie.

Vous fçavez, Monfieur, que le Dain, en Latin Danus, qui a fa fource dans le Comté de Bourgogne, & qui coule dans le Païs des Séquanois jufqu'à fon embouchure dans le Rhône; eft la plus groffe des rivieres qui s'y jette, avant qu'il paffe à Lyon. Or le nom de Rhône Rhodanus,me paroît avoir été compofé de Rhau & de Dann; car c'est ainsi qu'en ufoient nos anciens Séquanois, & nous en avons l'exemple dans la riviere du Doux, que Céfar apelle Aldua-dubis, des noms de l'Alde & du Doux, qui fe joignent auprès de Montbeliard.

Vous attendez fans doute, Monfieur, que je vous explique fuivant mon fiftême, l'étimologie de Rhodanus; mais n'eft-il pas à craindre que je décrie ce fiftême, fi je le pouffe trop loin, fur des chofes fi anciennes & fi obfcures? Je ne veux cependant pas que vous croïez qu'il me manque au befoin, & je vais me hasarder à vous dire mes conjectures fur ce fait. Peut-être ne les trouverezvous pas moins fortes que celles du fçavant M. Bochard, qui tire le nom de Rhodanus, du mot Phénicien Radini, qui fignifie la couleur blonde, & qui dit que ce grand fleuve a été ainfi apellé, à caufe des cheveux blonds des Gaulois qui habitoient fes rivages.

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Vous fçavez, Monfieur, que le Rhône eft le plus rapide de nos fleuves, qu'il ronge fes bords, & qu'il entraîne tout ce qui fe trouve à fon paffage. Les Allemands apellent Raub, la proie, le butin, & Rauber, celui qui butine,

qui enleve. Ils donnent auffi le nom de Dann au bois de fapin, & notre Danus a fa fource & la plus grande partie de fon cours dans nos hautes montagnes du Jura, qui font couvertes de ce bois. C'est par cette riviere qu'on fait floter encore aujourd'hui jufqu'à Lyon, le bois de sapin dont on s'y fert. Ainfi fuivant mon idée, le Rhône a été nommé par nos peres Raub, c'est-à-dire la riviere qui ravage, & le Dain Dann, la riviere des fapins. Comme ces rivieres fe joignent dans leur Païs, ils en ont fait Raubdann, en Latin Rhodanus, comme ils ont dit Ald-doub, en Latin Aldua-dubis, pour nommer le Doux. Je pourrois vous dire encore, que Rhodanus vient des deux mots Celtiques, Rod-naft, qui fignifient une chose en mouvement, & prête d'entrer en repos, quieti proxima. Cette qualité convient au Rhône, fleuve très-rapide quand il entre dans le lac Leman le plus grand qui foit en Europe, dans lequel il confond fes eaux, & où étant entré, fon cours devient imperceptible. Vous l'entendrez auffi, fi vous voulez, de ce que le Rhône femble par fa rapidité, fe hâter d'aller fe repofer dans la mer.

Si ces étimologies ne vous ont pas perfuadé, Monfieur, je me flatte qu'elles vous auront amufé; & j'en tirerai du moins cet avantage, qu'elles auront diminué l'ennui que vous ont caufé la longueur & les matieres abstraites de cette Lettre. J'ai l'honneur d'être, &c.

• Grot. Index

propr. nom. Goth. Vand. & Longob.

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