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la Providence lui avoit découvert. Mais ce tréfor étant épuifé, il fut obligé d'avoir recours à Chilpéric l'un des Rois Bourguignons qui tenoit fa Cour à Genève.

Chilpéric qui avoit de la vénération pour le faint Abbé, dont la vie & les besoins lui étoient connus, lui offrit des fonds; mais Lupicin les refufa, craignant que fes Religieux ne s'attachassent aux biens de la terre quand ils en auroient en propre, & pria le Roi de leur donner annuellement une certaine quantité de fruits qui pût aider à leur nourriture. Chilpéric lui accorda fa demande, & affigna aux Monafteres qui étoient fous la conduite de Saint Lupicin, une penfion de trois cens mefures de blé, d'autant de mefures de vin & de cent piéces d'or.

Grégoire de Tours rend témoignage que cette penfion fe payoit encore pendant qu'il vivoit, par les Defcendans de Clovis, quoiqu'ils euffent envahi le Royaume de Bourgogne;& l'Auteur de la Vie de Saint Claude, dit que ce Saint obtint d'un Roi qui regnoit de fon tems, la reconnoiffance & le payement de cette charge.

L'Abbaïe de Saint Claude reçût dans ces premiers fiécles de la libéralité des Seigneurs du voifinage, les terres qu'elle poffede jufqu'au confluent de la Bienne & de la Riviere Dain; & Dortans même,qui eft au-delà de ce confluent, & qui eft tenu aujourd'hui en fief de cette Abbaïe. Il en confte par un Diplome de l'Empereur Lothaire Premier, dans lequel font nommés Laucone à présent la Paroiffe de Saint Lupicin dont celle de la Rixouse a été démembrée, Molinges, Viri, Dortans, Martigna, Moirans, Meucia & d'autres lieux. Il y eft dit, que l'Abbaïe de Condat avoit reçû des dons de Richard de Varningue, de Rabold, de Madalult & d'Emmon. Il y eft auffi fait mention de deux Monafteres donnés à cette Abbaïe par le Comte Otton. Ce Comte & fon fils Amblard fe firent Religieux à Condat, fuivant qu'il eft porté dans un ancien Nécrologe de cette Abbaïe. Pridie idus Martis, Otho Comes & Monachus, & uxor ejus Adalfinda, & Amblardus eorum filius, qui dede

lib. 33. n. 66. fol.

679.

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*Ann. Bened.1.2. runt Sancto Eugendo, cellam Borbontiæ atque Salegia.* Les Terres que l'Abbaie de Saint Claude poffede audelà du Dain, lui ont été données par Godebert fils de Goceran en préfence & fous l'acceptation d'Agilmar qui en étoit Abbé & en même tems Archevêque de Vienne, dans le milieu du neuviéme fiécle. Saint Hipolite avoit auffi confervé cette Abbaïe, quoiqu'il eût été fait Evêque de Belai.

Une Charte datée à Reims de la vingt-deuxième année du regne de Charles Roi, prouve premiérement, que Gédeon Archevêque de Befançon prétendoit l'Abbaie de Laucone, & qu'elle fut ajugée à Ricbert Abbé de Condat. Secondement, que le Roi fit don à l'Abbaïe de Condat, des hautes montagnes alors en bois, qui la touchent du côté du levant, & qui s'étendent jusqu'à l'extrémité des Terres du Prieuré de Moute, vers les Seigneuries de Jougne & de Rochejean. Le Prieuré de Moute en a été détaché & uni au Collège des Peres Jéfuites de Dole. Etienne de Vilars Abbé de Saint Claude, affocia Jean de Chalon Baron d'Arlai en 1301, dans la Seigneurie de Chatelblanc, qui faifoit auffi partie de cette donation, & dans les Terres de Ronchaux, Eftival & Prel Nouvel, pour avoir fa protection. Le titre d'affociation, parlant de la Seigneurie de Chatelblanc dit qu'elle eft, versus terram Allemannorum & Epifcopatum Laufanenfem. Mr. le Prince d'Ifenghien, qui a les droits de la Maifon de Chalon, jouit encore de la Terre de Chatelblanc avec l'Abbé de Saint Claude. Les Seigneurs de Chatel, de Joux, de l'Aigle & autres, poffédent ce qui a été donné par le titre d'affociation, à Ronchaux, Eitival & Prel Nouvel.

L'on croit communément que la Charte dont je viens de parler eft de Charlemagne; mais le Pere Mabillon foutient qu'elle eft de Charles le Chauve, parce que Gédeon & Ricbert dont elle termine le différend, vivoient, dit ce docte Bénédictin,fous Charles le Chauve; que Charlemagne paffa la 22o. année de fon regne à Vormes, & que

Charles

Charles le Chauve étoit à Reims dont elle eft datée,en 862, tems auquel il étoit Roi depuis 22 ans. L'on peut ajouter à ces raifons, que le Diplome de Lothaire, petit-fils de Charlemagne & frere de Charles le Chauve, ne fait pas mention de la donation du Roi Charles, qu'il n'auroit pas oubliée fi elle étoit de fon Ayeul, puifqu'il a raporté en détail tous les biens de l'Abbaïe de Saint Claude, & les dons qui lui avoient été faits jusqu'à lui. Je crois cependant qu'il faut s'en tenir à l'opinion commune, qui eft fondée fur des raifons encore plus fortes, comme je le ferai voir, lorfque je parlerai de Gedeon Archevêque, dans la fuite de l'Hiftoire de l'Eglise de Besançon.

Il y avoit à Grandvaux une Abbaïe de Chanoines. Réguliers, qui dépendoit de celle d'Abondance en Savoye. Humbert de Buenc Abbé de Saint Claude, l'acquit en 1244,par échange contre trois Prieurés qu'il donna à l'Abbé d'Abondance..

Les Terres de l'Abbaïe de Saint Claude fe trouvérent: contigues, & formérent après cela un Domaine d'environ quinze lieües communes de France en longueur, fur cinq, fix & fept en largeur. Il y avoit des Chateaux à Saint Claude, à Moirans, au Chateau des Prels, à la Tour du May & à Chatelblanc ; & l'on a plufieurs titres donnés par les Abbés, dans leurs Chateaux de Moirans & de la Tour du May Paroiffe de Saint Chriftofle, où ils paffoient une partie de l'année.

Le nombre & la qualité des perfonnes nommées comme préfentes à ces titres, font voir que l'Abbé de Saint Claude avoit ordinairement à fa fuite, plufieursGentilshommes & Vaffaux. Son Abbaïe tenoit déja rang au neuvième fiécle parmi les plus puiffantes du Royaume, puifqu'elle eft raportée dans le dénombrement fait à Aix-la-Chapelle en 817, au nombre de celles qui devoient fournir au Roi des fubfides & des foldats.

On lit dans l'ancienne Chronique de fes Abbés qu'elle a reçû de Pepin le droit de battre monnoie, & le Pere Mabillon obferve, qu'il n'avoit été accordé auFff

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paravant à aucun Monaftere. L'Empereur Fréderic premier Souverain du Pays, a nommément confirmce droit de l'Abbaie de Saint Claude & déclaré qu'elle ne reffortiroit qu'à fa perfonne & à celle de fes fucceffeurs, pour la Juftice & pour les droits de régale du fecond ordre dont elle jouissoit.

Philippe le Bon Duc de Bourgogne, par des Lettres Patentes datées à Lille en Flandres le 9 Mars- 1436, a maintenu l'Abbé de Saint Claude aux droits d'annoblir, légitimer & donner grace. Mais il s'eft réfervé ceux de battre monnoie, & de donner des fauf-conduits. Il a confirmé par les mêmes Lettres la Juridiction de l'Abbé de Saint Claude dans la Terre de ce nom, privativement & à l'exclufion des Juges inférieurs, fauf l'apel à fon Parlement; & déclaré le Monaftere & les fujets de l'Abbaïe, exemts de toutes aides & fubventions, pour ce qu'ils poffédoient dans la Terre de Saint Claude, à laquelle le ruiffeau de Mijoux d'une part, & la riviere Dain d'autre, font donnés pour limites. Ces droits ont été confirmés par l'Empereur Maximilien, qui avoit époufé Marie de Bourgogne Souveraine de la FrancheComté, par Marguerite d'Autriche leur fille qui joüiffoit de cette Province, & par l'Empereur Charles-Quint leur petit-fils qui en avoit la propriété.

Cependant, le Parlement de Dole donna un Arrêt le 7 Septembre 1537, en interprétation de quelques-uns des Priviléges de l'Abbaïe de Saint Claude; par lequel il déclara qu'en certains cas qui font exprimés, les Abbés & Religieux de Saint Claude avec les Habitants de leurs Seigneuries, feroient fujets aux impofitions & fubfides, comme les autres Habitants du Païs; que le Procureur Général pourroit faire informer & exécuter tous ordres du Roi & du Parlement dans cette Seigneurie, & que les gens d'Eglife, les veuves, les orphelins & les Marchands publics de la Terre de Saint Claude pourroient plaider en premiere inftance au

Parlement.

Pierre de la Baume alors Abbé, obtint de l'Empereur Charles-Quint en 1538 la caffation de cet Arrét,qu'il croyoit préjudiciable aux immunités de fon Abbaie. Mais après fa mort, Louis de Rye fon fucceffeur en demanda l'exécution; ce qui fut ordonné par un autre Arrêt du quinziéme Juillet 1546, qui forme le dernier état des droits & priviléges de l'Abbaïe de Saint Claude, dont les plus confidérables font encore en vigueur. Car le Grand Juge de Saint Claude connoît des cas dont les Juges Royaux de la Province peuvent connoître, & ne reffortit qu'au Parlement. D'autre côté, Monseigneur le Comte de Clermont actuellement Abbé de Saint Claude, & Meffieurs d'Eftrées fes prédéceffeurs, ont donné grace & des Lettres de nobleffe.

L'Arrêt de 1537, fait mention de trois degrés de Juridiction dans la Terre de Saint Claude. Vauchier de Roche Sacriftain de l'Abbaïe, dit dans un état qu'il dreffa en 1466 des Charges des Abbés & Religieux, que le Célérier étoit le Juge ordinaire de la Terre, fauf dans les Refforts de Moirans & de Grandvaux; qu'il devoit tenir fes affises dans les Siéges accoutumés fuivant la quantité des affaires, & les juger fommairement conformément à la Coutume du Païs & à celle du lieu. It ajoute, que l'Abbé commettoit un Religieux fçavant & de probité, pour connoître de l'apellation des Jugements du Célérier & de ceux des autres Juges de la Terre, & que ce grand & dernier Juge tenoit fes affifes quatre fois l'année. Les affaires du grand Criminel étoient alors renvoyées aux notables Bourgeois, parce que les Juges ordinaires étant Prêtres & Religieux, ils ne pouvoient pas les décider.

Aujourd'hui & depuis long-tems, ce font des Juges féculiers qui exercent la Juridiction de l'Abbaïe de S. Claude au Civil & au Criminel; Sçavoir, un Chatelain dans les Terres dont les Religieux jouiffent en particulier,& un autre Chatelain à Grandvaux & au Chateau des Prels. Il y en avoit auffi un à Moirans, dont les

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