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trouver par force, nous doive récompenser? Pourquoi donc demander que le royaume des cieux arrive, si la captivité où nous sommes nous plaît; si nous aimons mieux servir ici au diable que régner avec Jésus-Christ? Mais pour faire voir plus clairement que Dieu qui prévoit l'avenir ne regarde en cette rencontre que le bien de ses serviteurs, c'est qu'un évêque de nos collègues étant fort malade et demandant à Dieu qu'il lui plût encore le laisser en ce monde, il se présente à lui un jeune homme, si plein de majesté et de lumière, qu'une personne seule qui allait quitter la vie pouvait avoir une vision aussi belle; et il lui dit d'un ton qui témoignait assez son indignation: Vous appréhendez la persécution, et vous ne voulez pas néanmoins sortir de ce monde; que voulez-vous que je fasse ? C'est ainsi que Notre-Seigneur voyant que nous craignons plutôt de souffrir, que nous ne nous soucions pas d'aller à lui, ne consent pas à nos désirs pour notre avantage. C'est donc tout ensemble un reproche qu'il nous fait, et un avertissement qu'il nous a donné par la bouche de notre collègue qui se mourait; car il ne lui dit pas cela pour lui, qui était sur le point de sortir du monde, mais pour nous qui y devions encore demeurer, afin que voyant un évêque qui demandait sa guérison en être si sévèrement repris, nous apprissions ce qui nous est vraiment utile. Moimême qui suis le moindre de tous, combien de fois ai-je reçu ordre de la part de Dieu de précher publiquement, qu'il ne faut point pleurer nos frères que Dieu délivre du siècle et tire à lui, puisque nous ne les avons pas perdus, mais qu'ils sont seulement allés devant nous, et que nous ne les devons considérer que comme des personnes qui sont allées en voyage; qu'il ne faut pas nous habiller de noir à cause d'eux, puisqu'ils ont déjà reçu des robes blanches, ni donner sujet aux païens de nous reprocher quê nous pleurons, comme perdus et anéantis, ceux que nous disons être vivans avec Dieu, et que nous démentons nos paroles et nos sentimens par nos actions? En effet, c'est être des prévaricateurs de notre foi et de notre espérance; c'est faire témoigner que notre vertu n'est qu'une apparence, puisque nous la détruisons en effet. Aussi l'apôtre saint Paul reprend et condamne ceux qui s'affligent de la mort de leurs proches, quand il dit : « Je suis bien aise de vous

avertir1, mes frères, touchant ceux qui dorment, de ne vous en pas attrister comme les autres hommes qui n'ont point d'espérance; car si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus ceux qui se sont endormis en lui. » Il dit que ceux qui n'ont point d'espérance s'attristent de la mort de leurs amis. Mais nous qui vivons d'espérance, qui croyons en Dieu, qui sommes assurés que Jésus-Christ a souffert pour nous et est ressuscité, qui demeurons et ressuscitons en lui et par lui, pourquoi ne voulons-nous pás sortir du monde, ou pourquoi pleurons-nous comme perdus nos amis quand ils en sortent? Jésus-Christ luimême ne nous dit-il pas : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi est vivant, tout mort qu'il est. Quiconque croit en moi ne mourra jamais 2. » Si nous croyons en JésusChrist, ajoutons foi à ses promesses; et puisque nous ne devons point mourir, allons gaiement trouver le Seigneur avec qui nous vivrons et régnerons éternellement. S'il faut que nous mourions auparavant, ce n'est que pour passer de la mort à l'immortalité, parce que nous ne saurions posséder la vie éternelle que nous ne quittions la temporelle. Ainsi ce n'est pas tant une sortie de ce monde qu'un passage à l'autre, et la fin d'un voyage de peu de durée qui nous mettra dans un repos qui ne finira jamais. Qui ne se haterait d'arriver à une meilleure vie? Qui ne désirerait d'être bientôt transformé comme Jésus-Christ, et d'avoir part aux grâces du ciel. «Notre conversation 3, dit saint Paul, est dans le ciel, d'où nous attendons Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps, tout vil et abjet qu'il est, pour le rendre conforme à son corps glorieux. » Notre-Seigneur nous promet aussi que nous serons tels, quand, demandant pour nous à son père que nous vivions et nous nous réjouissions avec lui dans des demeures éternelles, il dit : « Mon père, je désire que ceux que vous m'avez donnés soient où je serai, et qu'ils contemplent la gloire que vous

m'avez donnée avant la création du monde 4. » Celui qui doit aller demeurer avec Jésus-Christ et entrer dans un palais de lumière, ne doit point

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pleurer et s'affliger, il doit au contraire se réjouir de son départ, assuré par la foi de la vérité des promesses de Notre-Seigneur. C'est ainsi qu'Enoch fut transporté hors de ce monde, parce qu'il se rendit agréable à Dieu : «Enoch, dit l'Écriture, fut agréable à Dieu, et l'on ne le trouva plus, parce Dieu le transporta1. » C'est donc une marque que l'on plaît à Dieu d'ètre enlevé de ce siècle corrompu. Le Saint-Esprit nous enseigne aussi par Salomon que ceux que Dieu aime sont plutôt délivrés de ce monde, de crainte que s'ils y demeuraient plus longtemps ils n'en fussent corrompus: «Il fut ravi, dit-il, de peur que la malice ne le pervertit; car Dieu le chérissait c'est pourquoi il se hâta de le tirer du milieu de l'iniquité 2. » C'est ainsi que dans les psaumes l'âme fidèle embrasée d'amour pour son Dieu se hâte d'aller à lui, et dit : «Que vos demeures sont aimables, Dieu des vertus! Mon ame brûle d'entrer dans la maison du Seigneur 3. » Il n'y a que ceux qui sont enchantés des plaisirs du monde qui veulent y demeurer longtemps. Mais puisque le monde hait les chrétiens, pourquoi vous qui êtes chrétien aimez-vous celui qui vous hait, et ne suivez-vous pas plutôt Jésus-Christ qui vous a rachetés et qui vous aime? L'apôtre saint Jean nous crie dans son épître de ne point seconder les mouvemens de la chair et de n'aimer point le monde. «N'aimez point le monde, dit-il, ni les choses du monde. Celui qui aime le monde n'aime point Dieu; car tout ce qui est au monde n'est que convoitise de la chair, ou convoitise des yeux, ou ambition, ce qui ne vient point de Dieu, mais du monde. Or le monde passera avec toutes ses convoitises; au lieu que celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement comme Dieu même. » C'est pourquoi, mes très-chers frères, soyons toujours prêts à tout ce qu'il plaira à Dieu d'ordonner de nous, et sans craindre la mort ne pensons qu'à l'immortalité qui la suit. Confirmons notre foi par nos actions en ne pleurant point la mort de nos amis, et allant trouver le Seigneur avec allégresse quand il nous appellera à lui. C'est ce que doivent toujours faire des serviteurs de Dieu, mais encore beaucoup plus maintenant que le monde est prêt à se détruire, et que tant

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de malheurs l'accablent; car puisque la misère est déjà si grande, et que nous savons qu'il y en aura encore plus à l'avenir, ne devons-nous pas considérer comme un extrême avantage d'en être promptement délivrés? Si les murs de votre maison penchaient de vieillesse, si le comble tremblait au-dessus, et que tout le reste semblåt menacer d'une ruine prochaine, ne vous hâteriez-vous pas d'en sortir au plus tôt? Si étant sur mer vous vous trouviez surpris d'une tempête furieuse et en danger de faire naufrage, ne tâcheriez-vous pas de gagner promptement le port? Le monde est ébranlé de toutes parts et s'en va finir, et vous ne remerciez pas Dieu ni ne vous sçavez bon gré de ce qu'une mort un peu plus prompte vous met à couvert des plaies horribles qui le menacent? Nous devons considérer, mes très-chers frères, que nous avons renoncé au monde, et que nous n'y demeurons que comme des étrangers et des voyageurs. Embrassons donc le jour bienheureux qui assigne à chacun une demeure tranquille, qui nous rétablit dans le paradis, qui nous donne entrée dans le royaume des cieux. Quel est l'étranger qui ne se hâte point de retourner en sa patrie? Quel est le passager qui ne désire un bon vent pour revoir plus tôt ses parens et ses amis? Notre patrie c'est le paradis; nos parens sont les patriarches; pourquoi donc ne couronsnous point voir notre patrie et embrasser nos parens? Grand nombre de nos amis, de nos frères, de nos enfans nous y attendent assurés de leur salut et encore en peine pour le nôtre. Quelle joie pour eux et pour nous de nous embrasser! Quel plaisir de jouir d'une vie éternelle sans être tourmenté de la crainte de la mort! d'être toujours et souverainement bienheureux! C'est là qu'est le chœur glorieux des apôtres, l'auguste assemblée des patriarches, la multitude innombrable des martyrs, la troupe triomphante des vierges, et la bande sacrée des personnes charitables qui ont soulagé les misères des pauvres et envoyé leurs trésors dans le ciel. Hâtons-nous de les aller trouver, mes très-chers frères, et souhaitons avec passion d'être bientôt avec eux, d'être bientôt avec Jésus-Christ. Que Notre-Seigneur voie dans notre cœur ces pensées et ces désirs, car plus nous désirerons de le voir, plus notre récompense sera grande.

ÉCLAIRCISSEMENS SUR UN PASSAGE DE SAINT CYPRIE N.

On connaissait deux sortes de billets.

Les premiers étaient des déclarations écrites données par les chrétiens aux juges païens dans les temps de persécution. Les chrétiens timides, afin de s'épargner la honte aux yeux de leurs amis de sacrifier publiquement aux idoles, et se réserver un moyen de retour dans leur congrégation lorsque la persécution serait calmée, reconnaissaient par cette déclaration appelée libelle où billet qu'ils avaient sacrifié aux idoles quoiqu'ils ne l'eussent pas fait en réalité, et beaucoup de magistrats, moins sévères que les lois, se prêtaient à cette sorte de transaction. Les chrétiens qui donnaient ces libelles ou billets étaient appelés libellatiques. Lorsque la persécution de Decius, mentionnée par saint Cyprien, eut fait place à des temps meilleurs pour l'Église chrétienne, ces libellatiques furent réconciliés et réadmis dans la communion, sans épreuve ni pénitence préliminaires, tandis que ceux qui avaient en réalité sacrifié aux idoles, ne pouvaient être réconciliés qu'après avoir accompli tout le temps de leur pénitence, ou au moment de la mort.

Les seconds billets étaient les déclarations données aux apostats par les martyrs et les confesseurs afin d'abréger le temps de leur pénitence. C'étaient en effet ce que furent plus tard les indulgences, et saint Cyprien se plaint déjà qu'on en fit commerce. Les martyrs, fiers de leurs persécutions, s'arrogeaient dans l'Église une sorte d'apostolat qui empiétait sur l'autorité régulière des évêques. Saint Cyprien se plaignit en différentes occasions des abus introduits par ces billets et chercha à les soummettre au contrôle épiscopal.

Voici divers passages de ses lettres dans lesquelles il parle de ces deux sortes de billets:

La discipline de l'Eglise, dit-il aux martyrs et confesseurs qui avaient demandé qu'on réconciliât ceux qui étaient tombés, se peut aisément garder encore, si vous vous montrez retenus par de saintes considérations à accorder les billets qu'on vous demande, discernant et réprimant ceux qui faisant acception des personnes, font ou des gratifications ou un infâme trafic de vos billets. Il est à propos que vous marquiez nommément ceux auxquels vous désirez qu'on donne la paix; car j'apprends qu'il y en a dont les billets sont conçus ainsi qu'un tel communie ainsi que les siens; ce qui est une chose qui n'a jamais été faite par les martyrs, ces sortes de demandes confuses et générales étant capables dans la suite de nous rendre odieux. Car cela s'étend bien loin lorsqu'on dit lui et les siens, et on peut nous présenter vingt et trente personnes, ou même davantage, qu'on assurera être parens, alliés, affranchis ou domestiques de celui qui a reçu le billet c'est pourquoi je vous prie de désigner en particulier dans vos billets ceux que vous voyez vous-même, que vous connaissez et que vous savez avoir déjà accompli une grande partie de leur pénitence, afin que les lettres que vous nous écrirez ne donnent point d'atteinte à la foi et à la discipline. » (Lettre x.)

«Comme j'eus appris que ceux qui avaient souillé leurs mains et leurs bouches par des attouchemens sacriléges', ou blessé leur conscience par des billets exécrables donnés à leurs juges, assiégeaient de tous côtés les martyrs et gagnaient les confesseurs par faveur ou par importunité, en sorte que, contre l'ordre de l'Évangile, on donnait tous les jours mille billets sans aucun discernement ni examen des personnes, j'écrivis aux martyrs et aux confesseurs pour les ramener autant que je pouvais à l'abservation des préceptes de N. S. (Lettre iv.)

Nous nous sommes formellement déclarés contre ceux qui ayant fait une profession publique d'infidélité par leurs billets criminels, s'imaginaient par là s'être sauvés des filets du diable, au lieu qu'ils ne sont pas moins cou

En jetant de l'encens sur les autels des divinités païennes et en mangeant des viandes offertes dans les sacrifices.

pables que s'ils avaient effectivement sacrifié aux idoles, puisqu'ils ont reconnu l'avoir fait. Nous avons aussi condamné ceux qui ont ratifié leurs billets en les recevant, quoiqu'ils n'aient pas été présents lorsqu'on les a écrits, puisque l'ordre qu'ils ont donné pour cela a tenu lieu de leur présence; car celui qui a commandé un crime n'en est pas innocent, et c'est l'avoir commis en quelque sorte que d'y avoir consenti. D'ailleurs toute la foi chrétienne consistant à confesser le nom de Jésus-Christ, celui qui use de supercherie pour ne pas le faire, le renie; et celui qui veut paraître avoir obéi aux édits publics contre l'Evangile, y a déjà obéi en cela même qu'il veut qu'on croie qu'il l'a fait.» (Lettre xxx.)

Lui-même intercède en faveur des faibles contre le zèle trop ardent de quelques-uns de ceux qui, ayant résisté à la persécution, ne voulaient pardonner aucune faiblesse. Les martyrs avaient l'habitude de se choisir un chef de martyrs qui affectait souvent une orgueilleuse domination sur le clergé lui-même forcé de la ménager. Après avoir réchauffé le zèle des tièdes, on avait souvent aussi à adoucir l'amère intolérance des enthousiastes; Celerin écrivait à Lucius, l'un de ces martyrs :

J'ai appris que vous avez été établi chef des martyrs qui sont avec vous... Maintenant que vous voilà au-dessus de ceux avec qui vous êtes, vous ne vous servez de cette dignité que pour rendre votre confession plus éclatante. Je vous prie donc et je vous demaude, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, de parler aux autres martyrs vos confrères en faveur de nos sœurs innocentes et candides, et de conjurer ceux d'entre vous qui seront couronnés les premiers de leur remettre les péchés qu'elles ont commis: car pour Ftéeuse, je l'ai toujours retenue, et Dieu nous est témoin qu'elle n'a fait que donner de l'argent, pour se racheter de sacrifier aux idoles. Elle n'est donc montée que jusqu'au lieu qu'on appelle Trianfacta et elle est descendue tout court. Ainsi je sais bien qu'elle n'a point sacrifié. (Celerin et Lucius; lettre xx, parni celles de saint Cyprien.)

Saint Cyprien lui-même met une grande différence entre ceux qui ont réellement sacrifié et ceux qui n'ont fait que donner des billets:

Ne croyez pas non plus, mon très-cher frère, disait-il à Antonien, évêque d'Afrique, qu'il faille, comme le font quelques-uns, mettre au rang de ceux qui ont sacrifié aux idoles les libellatiques, puisqu'il faut même souvent faire différence entre ceux qui ont sacrifié; car il n'y a point de comparaison entre celui qui d'abord s'est offert volontairement pour immoler aux faux dieux, et celui qui après avoir combattu et résisté longtemps, s'est enfin laisse aller; entre celui qui s'est prostitué à ces sacrifices abominables lui et tous les siens, et celui qui s'exposant au danger pour les autres, a mis à couvert sa femme, ses enfans et toute sa maison; entre celui qui a poussé ses hôtes et ses amis à apostasier, et celui qui leur a épargné cette impiété et qui a même donné retraite chez lui à plusieurs de ses frères qui avaient été bannis pour la loi, ou s'en étaient enfuis, offrant à Dieu tant d'âmes saintes et vivantes, afin d'intercéder pour un seul malade et blessé. Puis donc qu'il y a beaucoup de différence entre ceux mêmes qui ont sacrifié, quelle inhumanité serait-ce de vouloir confondre avec eux ceux qui se sont seulement servis de billets! Car ne peuvent-ils pas dire pour leur défense: Il est vrai que j'avais lu et appris de mou évêque, qu'il ne faut point sacrifier aux idoles, et qu'un serviteur de Dieu ne les doit point adorer. C'est aussi afin de ne point faire ce qui était défendu que l'occasion d'un billet s'étant offerte, car je ne l'aurais point recherchée de moi-même, je me suis présenté devant le magistrát, ou ai donné ordre à un autre qui s'est présenté pour moi, de dire que je ne pouvais aller aux autels du diable et que j'aimais mieux donuer quelque chose pour m'eu exempter.....» (Lettre LI.)

DE LA

MORT DES PERSÉCUTEURS DE L'ÉGLISE.

AU CONFESSEUR DONAT.

I. Le Seigneur s'est enfin laissé toucher à vos prières, mon cher Donat, et à celles de nos frè- | res qui ont à jamais signalé leur foi par une confession glorieuse. La paix est rétablie par tout, l'Église abattue se relève, et le temple 1 ruiné par les impies va surpasser sa première magnificenee. La providence divine nous a donné des princes2 qui ont aboli les sanguinaires édits des tyrans, et qui prennent soin de la vie de ces hommes qui, ayant dissipé les ténèbres des siècles passés, font luire sur nous les lumières de la paix. Après les terribles secousses d'une violente tempête, l'air se purifie et nous jouissons de la clarté désirée. Dieu tend une main secourable aux malheureux; il essuie les larmes des affligės; ses ennemis sont terrassés; ceux qui avaient détruit son temple sont détruits eux-mêmes; ces méchans, qui tant de fois se sont enivrés du sang des chrétiens, ont rendu leurs âmes criminelles au milieu des supplices qu'ils avaient si justement mérités; car le Tout-Puissant n'avait différé leur châtiment que pour laisser un témoignage authentique qu'il n'y a qu'un Dieu, et que par des morts terribles il sait se venger de ses impies et de ses superbes adversaires. C'est de ces morts dont je prétens parler. Par la perte des ennemis du nom de Dieu, personne n'aura lieu de douter de sa majesté et de sa puissance; c'est ce que nous ferons voir, en rapportant les châtimens sévères dont le juge céleste a usé contre les auteurs des persécutions qui ont affligé l'Église depuis sa naissance.

1 Ce temple était à Nicomédie.

• Constantin et Licinius.

II. L'histoire nous apprend que sur la fin de l'empire de Tibère, le 23 de mars, sous le consulat des deux Gémini, Notre-Seigneur JésusChrist fut mis en croix par les Juifs; qu'après trois jours, il sortit du tombeau; qu'il assembla ses disciples dispersés par la frayeur de son emprisonnement; qu'il resta encore quarante jours avec eux; que pendant ce temps il ouvrit leurs yeux, et leur éclaircit plusieurs passages obscurs de l'Écriture; qu'il leur donna des lois, les forma à la prédication de l'Evangile, et régla toute la discipline du Nouveau Testament : qu'ensuite un tourbillon l'enleva, et le ravit dans les cieux. Les disciples, qui après la trahison de Judas se trouvèrent réduits à onze, s'étant associé saint Paul et saint Mathias, semèrent l'Évangile par toute la terre, comme Notre-Seigneur le leur avait commandé, et durant l'espace de vingtcinq années, jusqu'au commencement du règne de Néron, ils jetèrent les fondemens de l'Église dans toutes les provinces de l'empire romain. Néron était déjà sur le trône lorsque saint Pierre vint à Rome. Ce grand apôtre, par la vertu des miracles que Dieu lui donnait la force d'opérer, gagna plusieurs païens, et bâtit au Seigneur un temple fidèle et de durée. Néron, ayant été informé que tous les jours à Rome et dans les provinces on abandonnait en foule le culte des dieux et l'ancienne religion pour la nouvelle, ce tyran exécrable résolut de ruiner cet édifice céleste. Ce fut donc le premier qui déclara la guerre aux serviteurs du vrai Dieu. Il fit crucifier saint Pierre et tuer saint Paul; mais ce ne fut pas impunément, car le Seigneur jeta les yeux sur la désolation de son peuple. Le tyran précipité du faîte de sa grandeur, dis

parut tout à coup, en sorte que l'on ne put mème découvrir le lieu de sa sépulture. Quelques rêveurs se sont imaginé que Dieu le conservait en vie pour servir de précurseur à l'Antechrist, et être le premier et le dernier persécuteur des fidèles selon la prophétie de la sibylle, qui assure que le fugitif meurtrier de sa mère viendra des extrémités du monde.

III. Quelque temps après, on vit s'élever un autre tyran 2 aussi cruel que Néron. Mais quoique son règne fût odieux, il ne laissa pas toutesfois d'opprimer longtemps et impunément ses sujets. Enfin, ayant eu l'audace de se prendre à Dieu même, et de suivre le conseil du démon qui l'animait contre les justes, il tomba entre les mains de ses ennemis, qui le punirent de tous ses crimes. Mais leur vengeance ne finit point à sa mort; elle s'étendit jusqu'à sa mémoire que l'on tâcha d'anéantir. Car quoiqu'il eût fait construire plusieurs édifices merveilleux, qu'il eût rétabli le Capitole et beaucoup d'autres monumens de la magnificence romaine, le sénat jura la perte de son nom, fit briser ses statues, effacer toutes ses inscriptions, et par de sévères décret couvrit sa mémoire d'une ignominie éternelle. Tous les actes de ce détestable empereur ayant été abolis, l'église non-seulement recouvra son ancienne splendeur, mais encore elle brilla d'un nouveau lustre; et durant le règne des excellens princes qui gouvernèrent l'empire romain, elle se répandit dans les provinces de l'Orient et de l'Occident, et il n'y eut point de pays où la véritable religion ne pénétrât, point de nation si farouche qui ne s'adoucit par la prédication de l'Évangile, Mais cette longue paix fut enfin troublée.

IV. Après plusieurs années de tranquillité, l'éxécrable Décius attaqua l'Église: car qui se déclarerait contre la justice qu'un méchant homme! Et comme s'il ne fût parvenu à l'empire que pour persécuter les chrétiens, aussitôt qu'il se vit le maître, sa fureur s'alluma contre Jésus-Christ. Elle hâta aussi la perte de ce tyran; Car étant allé contre les Carpes, qui s'étaient emparés de la Dacie et de la Mosie, il fut enveloppé par ces barbares, qui le tuèrent avec une partie de ses troupes. Il ne jouit pas même

1 Après la mort de Néron, il se présenta une foule de faux Nérons qui eurent aussi leurs partisans. ⚫ Domitien.

des honneurs du tombeau, et son corps n'eut pour sépulture que le ventre des bêtes sauvages et des vautours, comme le méritait un ennemi de Dieu.

V. L'empereur Valérien fut possédé d'une semblable manie, et son règne, quoique de peu de durée, coûta beaucoup de sang aux infidèles. Mais Dieu lui fit sentir un châtiment tout nouveau, pour servir de témoignage à la postérité, qu'enfin les méchans reçoivent la peine due à leurs crimes. Ce prince fut pris par les Perses, et non-seulement il perdit l'empire, dont il avait insolemment abusé, mais encore la liberté qu'il avait ôtée aux sujets de l'empire. Il passa même le reste de sa vie dans une honteuse servitude. Car toutes les fois que Sapor, roi de Perse, voulait monter à cheval ou dans son chariot, il commandait à ce misérable de se courber et mettait le pied sur son dos. Il lui reprochait avec une raillerie amère que son esclavage était une vérité, au lieu que les triomphes que l'on faisait peindre à Rome n'étaient que des fables. Ce prince captif vécut encore quelque temps, afin que le nom romain fût plus longtemps le jouet de ces barbares. Le comble de ses maux fut d'avoir un fils empereur, et de n'avoir point de vengeur; car personne ne se mit en devoir de le délivrer. Au reste, après qu'il eut perdu la vie au milieu de tant d'indignités, ces barbares lui ôtèrent la peau, qu'ils peignirent de rouge, et la suspendirent dans un temple comme un monument de leur victoire, et pour enseigner aux Romains à ne pas prendre trop de confiance en leurs forces. Dieu s'étant vengé si sévèrement de ses sacriléges ennemis, n'est-ce pas une chose étonnante que quelqu'un ait eu encore l'audace d'insulter à la majesté de ce maître de l'univers?

VI. Aurélien, qui naturellement était un prince emporté, ne tira aucun fruit de la captivité de Valérien; mais mettant en oubli et le crime et le châtiment de cet empereur, il provoqua la colère du Tout-Puissant par des cruau tés toutes nouvelles. Toutefois il n'eut pas le temps d'exécuter ses projets funestes, la mort le surprit dans les premiers accès de sa fureur. Ses sanguinaires édits n'étaient point encore parvenus aux provinces les plus éloignées que le corps d'Aurélien était étendu sur la poussière. Ses amis, ayant commencé à le redouter, le tue

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