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Dieu nous fait de respecter ses mystères dans le silence, de les conserver dans le secret de notre conscience, et de n'entrer jamais en dispute avec ces profanes qui ont l'insolence d'attaquer Dieu et sa religion, non pour s'instruire, mais pour insulter et pour faire des railleries outrageuses et sanglantes. Les mystères doivent être cachés avec une grande fidélité, et principalement par ceux qui ont, comme nous, le nom de fidèles. Cependant, les impies prenant notre silence pour l'effet d'une mauvaise conscience, inventent d'horribles calomnies contre les personnes les plus innocentes et les plus honnêtes, et ajoutent volontiers foi à ces calomnies qu'ils ont inventées. Mais ces faux bruits sont entièrement dissipés, très-saint empereur, depuis que le souverain Seigneur du monde vous a suscité pour rétablir la justice et pour conserver le genre humain. Maintenant que vous gouvernez l'empire romain avec une si haute sagesse et une si parfaite équité, les serviteurs de Dieu ne sont plus traités comme des scélérats et des impies. Maintenant que la vérité est découverte, et qu'elle paraît avec éclat, on n'accuse plus d'injustice ceux qui s'efforcent de garder la justice avec toute l'exactitude qui leur est possible, on ne nous reproche plus le nom de Dieu, et on ne dit plus que nous n'avons point de religion, nous qui sommes seuls dans la religion véritable, parce que nous méprisons les images des morts et que nous adorons un Dieu vivant. La souveraine providence vous a élevé au comble de la grandeur humaine, parce que vous êtes capable de réparer, par votre piété, les fautes des autres princes, et de pourvoir à la conservation de vos sujets avec une bonté paternelle, de chasser loin de l'empire les méchans que Dieu vous a livrés entre les mains pour faire voir à tout le monde en quoi la véritable majesté consiste. Ceux qui ont voulu abolir le culte de Dieu pour maintenir l'impiéte et la superstition, ont été exterminés, au lieu que vous qui aimez sincèrement Dieu et qui soutenez généreusement ses intérêts, vous trouvez la prospérité et le bonheur, la réputation et la gloire à la suite de toutes vos entreprises. Ils ont porté et portent encore le châtiment dû à leurs crimes, au lieu que vous êtes garanti de toute sorte de périls, par la toute puissante main de Dieu, et que vous jouissez sans trouble de l'autorité souveraine. Le souverain Seigneur

a

de l'univers vous a choisi entre tous les autres pour travailler à l'établissement de la religion, parce que vous les surpassez par l'éminence de votre vertu. Les impies dont je parle ont eu peut-être quelque apparence d'innocence: car ils n'en pouvaient avoir la réalité puisqu'ils ne connaissaient point Dieu qui en est l'unique principe, au lieu que l'inclination qui vous porte naturellement au bien, soutenue par la foi et par la piété chrétienne, vous on! donné une justice et une sainteté accomplie. Vous êtes sans doute fort propre à servir de ministre à Dieu, dans le dessein qu'il avait de réformer les abus des hommes. C'est pourquoi nous le prions sans cesse de vous conserver, vous qui conservez l'État, et qui inspirez le désir d'aimer toujours son nom, ce qui sera une source de bonheur pour vous, et de repos pour les peuples.

XXVII. Puisque j'ai achevé les sept livres que j'avais entrepris, et que je suis heureusement arrivé à la fin de mon ouvrage, il ne me reste plus rien que d'exhorter tout le monde à embrasser la véritable religion, et en même temps la sagesse, dont l'effet est l'exercice est de mêpriser les biens de la terre, de fuir les attraits des plaisirs, et de renoncer aux erreurs pour obtenir le trésor incorruptible des récompenses éternelles. C'est un bonheur inestimable d'étre délivré des misères de la vie présente, et d'aller à ce juge d'une équité souveraine, et à ce père d'une bonté infinie, qui nous donnera le repos au lieu du travail, la vie au lieu de la mort, la clarté au lieu des ténèbres, les biens du ciel das l'éternité au lieu de ceux de la terre et du temps, et enfin une récompense à laquelle les peines que nous trouvons ici-bas dans la pratique des vertus chrétiennes, n'ont aucune proportion. C'est pourquoi, si nous souhaitons parvenir plus haut point de la sagesse et du bonheur, nous devons nous résoudre à supporter non-seulement les travaux dont parle Térence, comme sont ceux de moudre au moulin, d'ètre battus, d'avoir les fers aux pieds, mais endurer les pri sons, les fers, les supplices, les douleurs et la mort même, dans l'assurance où nous sommes que, comme il n'y a point de plaisir sur la terre qui ne soit accompagné de quelque peine, il n'y a point aussi de vertu qui ne soit suivie de sa récompense. Tout le monde doit donc tâcher de

prendre le bon chemin, de pratiquer généreusement les vertus, de supporter avec patience les peines de la vie présente, dans l'espérance de recevoir un jour du soulagement. Notre père et notre Seigneur, qui a créé le ciel et l'a posé sur des fondemens inébranlables, qui y a attaché le soleil et les autres astres, qui a suspendula terre sur son propre poids, et l'a comme fortifiée par les montagnes et entourée de la mer, qui a tiré du néant tout ce qu'il, y a dans le monde, ayant reconnu les erreurs et les égaremens des hommes, leur a envoyé un chef et un conducteur pour leur montrer le chemin de la vertu. Suivons-le et obéissons-lui, parce que comme a dit Lucrèce :

Il a purgé nos esprits des erreurs par la vérité de ses discours; il a arrêté l'inconstance de nos désirs et la vanité de nos craintes; il nous a découvert le souverain bien où nous devons tendre), et le chemin par où nous y devons arriver.

Il ne s'est pas contenté de nous montrer le chemin; il l'a tenu le premier, et a marché devant nous, de peur que les difficultés qui s'y rencontrent ne nous frappassent d'effroi. Abandonnons, s'il est possible, le chemin qui nous trompe et qui nous perd, et où la mort se cache sous les attraits de la volupté. Plus nous sommes avancés en âge et plus le jour auquel nous partirons de ce monde, nous paraît proche, plus nous devons nous préparer à paraître sans tache et sans péché devant notre juge, bien loin d'imiter l'aveuglement de ceux qui, quand ils se sentent menacés d'une mort prochaine, par les incommodités de la vieillesse et par la diminution de leurs forces, prennent cette menace pour un avertissement de se håter de jouir des plus doux et des plus agréables plaisirs. Que chacun se retire de ce bourbier pendant qu'il en a le moyen, et qu'il se tourne de tout son cœur vers Dieu, afin qu'il puisse attendre en assurance le jour auquel le souverain Seigneur de l'univers jugera des actions et des pensées de tous les hommes. Que non-seulement il méprise, mais encore qu'il fuie tout ce que l'on re

cherche ici-bas, et qu'il préfère son salut à tous les biens dont la possession est incertaine, passagère et trompeuse. Ils passent et changent sans cesse, et s'échappent d'entre nos mains plus vite qu'ils n'y sont tombés. Quand nous les retiendrions durant toute notre vie, il faudrait les quitter au moins à la mort : nous ne saurions emporter que l'innocence et la vertu. Celui-là paraîtra fort riche devant Dieu,qui paraîtra avec la continence, avec la miséricorde, avec la patience, avec la charité, avec la foi : c'est une succession qui ne peut nous être ôtée, ni donnée à un autre à notre préjudice. Qui est-ce qui veut la posséder? Que ceux qui ont faim s'approchent, et ils seront rassasiés d'un aliment céleste qui contentera leur appétit. Que ceux qui ont soif s'approchent, et qu'ils puisent de l'eau du salut dans une source qui ne tarit jamais. Cet aliment et cette eau du ciel rendent la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la voix aux muets, l'usage des pieds et des jambes aux boiteux, la sagesse aux insensés, la santé aux malades, la vie aux morts. Notre souverain et équitable juge tirera de l'obscurité du tombeau ceux qui auront eu le courage de fouler aux pieds les corruptions de la terre. Que personne ne mette sa confiance dans les richesses, dans les dignités, ni même dans l'autorité souveraine : tous ces avantages du siècle ne sauraient nous procurer l'immortalité; car celui qui aura renoncé aux priviléges de la condition humaine, et qui en s'attachant aux biens présens se será roulé sur la terre, sera châtié comme un déserteur de son seigneur et de son père. Travaillons donc sérieusement à acquérir l'innocence qui nous accompagnera jusqu'au trône de Dieu. Combattons cependant sous ses enseignes et pour son service, tant que notre âme animera notre corps. Veillons et demeurons en sentinelle. Résistons généreusement contre les ennemis qui nous sont connus, afin que les ayant vaincus, nous recevions de la main de Dieu la récompense qu'il nous a promise.

DE LA COLÈRE DE DIEU.

I. J'ai souvent remarqué, mon cher Donat, qu'il y a plusieurs personnes, et même des philosophes, qui croient que Dieu n'entre jamais en colère. La raison de leur sentiment est, ου que Dieu ne fait que du bien, et qu'il ne convient point à une puissance aussi grande et aussi excellente que la sienne de faire du mal; ou qu'il n'a aucun soin des choses d'ici-bas, et, par une suite nécessaire, aucune inclination à nous faire ni du mal ni du bien. Comme cette erreur est très-dangereuse et qu'elle ne tend à rien moins qu'à renverser tout l'ordre de la vie humaine, j'ai cru la devoir réfuter, de peur qu'elle ne vous surprenne et que le nom de ceux qui se vantent d'être fort savans ne vous engage à la suivre. Ce n'est pas que j'aie la présomption d'avoir compris la vérité par la force de mon esprit; mais c'est que je fais profession de suivre la doctrine que Dieu, qui seul sait tout et qui révèle ses secrets comme il lui plaît, a eu la bonté de nous enseigner. Les philosophes, qui n'avaient rien appris de cette doctrine, ont cru qu'ils pouvaient découvrir d'eux-mêmes ce qu'il y avait de plus caché dans la nature; ce qu'il est pourtant certain qu'ils ne pouvaient faire, parce que, tant que l'âme est enfermée dans le corps | comme dans une prison, elle n'a qu'une connaissance fort imparfaite; et qu'une des principales différences qu'il y ait entre Dieu et l'homme, c'est que, au lieu que Dieu a une science parfaite, l'homme n'a que l'ignorance en partage. Ainsi, pendant que nous vivons dans un corps mortel, nous avons besoin d'une lumière pour dissiper les ténèbres qui nous environnent, et cette lumière-là est Dieu même. Quiconque l'aura reçue dans son cœur pénétrera le secret de la vérité. Mais dans l'éloignement de Dieu et de sa doctrine céleste, il n'y a qu'ignorance et qu'erreur. C'est pourquoi Socrate, qui était le plus savant des philosophesoulant confondre la présomption des an

royaient

savoir quelque chose, disait qu'il ne savait rien, si ce n'est qu'il ne savait rien. Il avait reconnu que toute la philosophie n'avait rien de certain ni de véritable. Et ce n'était pas par le seul des sein d'abaisser les autres qu'il en jugeait de la sorte, mais c'est qu'en effet il avait comme entrevu la vérité. C'est pourquoi, lorsqu'il fut accusé et réduit à la nécessité de se défendre, i déclara, selon le rapport de Platon, qu'il n'y avait point de sagesse parmi les hommes, railla, méprisa et rejeta toute la doctrine d'où les philosophes tiraient vanité, et protesta que, pour lui, il faisait profession de ne rien savoir. Que s'il n'y a point de sagesse ni de science parmi les hommes, comme Socrate l'enseigne et comme Platon le témoigne, il est clair qu'il n'y en a que dans Dieu. Il faut donc tâcher de le connaître et de trouver la vérité en le trouvant. Il est le créa teur de l'univers, qui ne peut être vu par les yeux du corps et qui ne peut être découvert qu'à peine par ceux de l'esprit. La religion est attaquée de plusieurs manières par ceux qui n'ont pas pu parvenir à la sagesse ni comprendre les saints mystères.

II. Il y a plusieurs degrés par où l'on monte au palais de la vérité; mais il n'est pas aisé de monter jusqu'au haut, parce que plusieurs, éblouis de l'éclat qui l'environne, chancellent et tombent à la renverse. Le premier degré est de reconnaître la fausseté de la superstition païenne, et de rejeter l'impiété du culte que l'on rend à des dieux faits de la main de l'homme. Le second est de savoir qu'il n'y a qu'un Dieu, qui a cré le monde et qui le gouverne. Le troisième est de connaître l'ambassadeur et le ministre qu'il a envoyé sur la terre pour nous délivrer de nos erreurs et pour nous instruire de la vérité. est aisé, comme je viens de le dire, de tomber sur ces degrés, à moins que l'on ne prenne garde de s'y tenir ferme. Ceux qui reconnaissent la fausseté de la religion des païens et qui mépri

sent les idoles faites de terre et d'autres matières fragiles, et qui, au lieu de se tourner vers Dieu, qu'ils ne connaissent point, se tournent vers les élémens, qu'ils admirent; ceux qui adorent le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune et les étoiles, tombent dans le premier degré. J'ai réfuté l'ignorance de ces premiers dans le second livre des Divines institutions. Ceux qui avouent qu'il n'y a qu'un Dieu, et qui, trompés par les faux raisonnemens des philosophes, ont des sentimens indignes de sa grandeur, et nient qu'il ait ou aucune figure ou aucune affection, tombent dans le second degré. Enfin, ceux qui connaissent l'envoyé de Dieu et qui savent qu'il a élevé un temple immortel et divin, et qui cependant ou ne le reçoivent point, ou le reçoivent d'une autre manière que la foi ne veut qu'on le reçoive, sont ceux qui tombent dans le troisième degré. J'ai déjà réfuté ces derniers dans le quatrième livre du même ouvrage et les réfuterai encore plus au long lorsque je répondrai aux objections de toutes les sectes qui par la vanité de leurs disputes se sont éloignées de la vérité. Je ne parlerai en cet endroit que de ceux qui tombent dans le second degré par les mauvais sentimens où ils sont touchant la nature divine. Il y en a parmi eux qui croient que Dieu ne fait du bien à personne et qu'il n'entre point en colère, mais qu'il goûte la douceur d'un profond repos et d'une parfaite sûreté dans la possession d'une félicité immuable et éternelle. D'autres lui ôtent les mouvemens de la colère et lui laissent l'inclination à faire du bien, parce qu'ils croient qu'il n'y a rien de si conforme à sa nature que d'aider et de secourir, ni de si contraire à la même nature que de nuire. Ainsi tous les philosophes demeurent d'accord que Dieu n'entre point en colère, mais ils ne demeurent pas tous d'accord qu'il n'ait pas l'inclination de faire du bien. Pour mettre quelque ordre dans cette matière, il faut dire : que le désir de la vengeance et le désir de faire du bien étant deux désirs contraires, ou il faut laisser à Dieu le désir de la vengeance et lui ôter le désir de faire du bien, ou lui ôter l'un et l'autre; ou bien il faut lui ôter le désir de la vengeance et lui donner le désir de faire du bien, ou bien il ne lui faut ôter ni l'un ni l'autre de ces deux désirs. Il n'y a point de milieu, et il faut nécessairement que la vérité que nous cherchons se rencontre dans quelqu'une

de ces propositions. Examinons-les donc en particulier afin que la suite de notre discours nous conduise à la vérité.

III. Pour ce qui est de la première partie de la division que nous avons faite, personne n'a jamais dit que Dieu soit capable d'entrer en colère et de venger les injures qu'on lui fait, mais qu'il n'est point sensible aux honneurs qu'on lui rend et qu'il n'en donne point de récompense. En effet il n'y a rien de si contraire à la nature de Dieu que d'avoir le pouvoir de nuire et de n'avoir pas celui de secourir. Aussi, quel moyen, ou même quelle espérance resterait-il aux hommes d'être sauvés, si Dieu ne pouvait faire que du mal? Cette majesté si vénérable perdrait l'autorité que les juges ont de pardonner et d'absoudre, et serait réduite à la condition d'un exécuteur dont l'unique fonction est de punir. Puisque nous voyons qu'il n'y a pas seulement du mal dans le monde, mais qu'il y a aussi du bien, il faut que, si Dieu n'en est pas l'auteur, il y ait quelque autre qui le soit. S'il y en a quelqu'un, qui est-il? Comment est-ce qu'il s'appelle ? Et pourquoi celui qui nous fait du mal nous est-il plus connu que celui qui nous fait du bien? Mais, s'il ne peut y avoir d'autre principe que Dieu, c'est une extravagance ridicule d'avancer que sa puissance, dont la bonté est égale à la grandeur, nuise toujours et ne serve jamais. Aussi cette extravagance a-t-elle paru si insoutenable qu'elle n'est jamais entrée ni dans la bouche, ni dans la pensée de personne. Ce point étant décidé, passons aux autres, et continuons à chercher la vérité.

IV. Le point qui suit contient une maxime de l'école d'Épicure, qui est: que comme Dieu n'entre point en colère contre les crimes des hommes, aussi n'est-il point touché de leurs devoirs ni de leurs services. Epicure ayant jugé que c'était une chose indigne de la nature de Dieu de faire du mal, parce que le mal provient, pour l'ordinaire, d'un mouvement de colère et d'un désir de vengeance, il lui a ôté aussi l'inclination de faire du bien. Il a bien vu qu'on ne pouvait laisser à Dieu l'émotion de la colère et le désir de punir, sans lui laisser aussi quelque sentiment pour les bonnes actions et la volonté de leur donner la récompense qu'elles méritent. Ainsi, pour lui ôter un défaut, il lui a ôté une perfection. «C'est pour cela, dit ce philo

sophe, que Dieu est heureux, qu'il est incorruptible et immuable; car ne se souciant de rien et n'ayant aucune peine, il n'en fait aussi à personne.» Mais, si Dieu n'a point de mouvement comme en ont tous les êtres qui ont la vie, s'il n'a pas un pouvoir plus étendu que celui des hommes, s'il n'a ni volonté, ni action, ni fonction, il n'est pas Dieu. Quelle plus digne fonction lui pourrait-on attribuer que celle de gouverner le monde, que celle de prendre soin des créatures qui ont le sentiment de la vie, et principalement des hommes, desquels dépend tout ce qu'il y a sur la terre ? De quelle béatitude pourrait jouir un Dieu qui serait toujours dans un immobile repos et dans un stupide engourdissement, qui est sourd pour ceux qui le prient et aveugle pour ceux qui l'honorent? Qu'y a-t-il qui soit si digne de Dieu, qu'y a-t-il qui lui soit si propre que d'avoir une providence qui s'étende sur toutes choses? S'il ne se soucie de rien, et qu'il n'ait soin de rien, il n'a rien de la nature divine. Ce philosophe, qui lui ote toute sa puissance et toute sa fonction, ne détruit-il pas son être C'est pour cela que Cicéron rapporte que Possidonius disait qu'Epicure avait cru qu'il n'y avait point de dieux, et qu'il n'en avait parlé que pour éviter la haine publique, et qu'ainsi il reconnaît de bouche les dieux, mais qu'en effet il n'en reconnaît point, puisquil ne leur laisse ni fonction ni mouvement. Si cela est ainsi, qu'y avait-il de si peu sincère, et même de si captieux ? ce qui est fort indigne d'un homme grave et d'un homme sage. S'il a parlé autrement qu'il ne pensait, n'était-ce pas un dissimulé, un fourbe et un fou? Mais Epicure n'était pas si fin et si rusé que de parler de la sorte à dessein de tromper. Il parlait selon sa pensée et écrivait pour laisser à la postérité un monument éternel de ses sentimens; mais il est tombé dans l'erreur, car, ayant été trompé par une fausse proposition qui lui semblait vraie, il admit les conséquences qui en étaient tirées selon les règles du raisonnement. Cette proposition est que la colère ne convient point à Dieu. Comme elle lui paraissait certaine et indubitable, il ne pouvait refuser d'en recevoir aussi les suites, et après avoir ôté à Dieu une affection, il était obligé de lui ôter toutes les autres. Quiconque ne peut-être mis en colère

ne peut aussi être apaisé. Que s'il est exempt de ces deux mouvemens, il l'est aussi de la crainte, de la joie, de la tristesse et de la compassion, l'agitation d'aucun de ces mouvemens ne convenant non plus à Dieu que celle des autres. Que s'il n'y a point d'affection dans Dieu, parce qu'il n'y a point d'affection sans quelque sorte de faiblesse, il n'y a point non plus de providence. Voilà jusqu'où ce savant homme porte son raisonnement, car il a supprimé les autres conséquences qui se tirent nécessairement de ses principes, savoir: que Dieu ne se soucie de rien et qu'il n'est rien. Il s'est comme arrêté sur ce dernier dégré, parce qu'il voyait que, s'il descendait d'avantage, il tom berait dans un précipice. Mais de quoi lui a servi ou son silence ou sa fuite, puisqu'il est tombé, malgré qu'il en eût, jusqu'au fond de l'abîme, puisqu'il a dit ce qu'il ne voulait pas dire, et puisqu'il a été emporté, par la suite nécessaire de son raisonnement, où il ne voulait point aller? Voilà jusques où conduit l'opinion de ceux qui tiennent que Dieu n'est pas capable d'entrer en colère. Mais elle n'est presque plus soutenue de personne; elle ne l'est que par un petit nombre de scélérats, qui s'imaginent en vain que par là ils se procureront l'impunité. Que s'il est faux que Dieu ne puisse ni entrer en colère ni être apaisé, passons la troisième proposition que nous avons annoncée.

V. On croit que le sentiment que les stoi ciens ont de Dieu est un peu plus supportable quand ils disent que Dieu est propice aux hommes, mais qu'il n'entre point contre eux en colère. Il faut avouer que l'on est favorablement écouté du peuple quand on soutient que Dieu n'est pas capable de cette faiblesse, de croire avoir été offensé, d'en être ému, d'en ètre troublé et d'en entrer en fureur. En effet, si la colère ne convient pas à un homme grave un homme sage, puisqu'elle est comme une tempête qui agite l'âme et qui trouble sa tranquillité, qu'elle met l'ardeur dans les yeux, tremblement dans la bouche, le bégayement dans la langue, la confusion, la rougeur et la pâleur sur le visage, elle convient beaucoup moins à Dieu. Que si un prince qui a une puissance de quelque étendue fait d'horribles désordres, quand il s'abandonne à la colère, s'il

le

à

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