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I

INTRODUCTION

Les époques de la pensée de Pascal.

Il est impossible de bien comprendre les Pensées, si l'on ignore la vie de Pascal. Parmi les écrivains du XVII" siècle, en effet, c'est un de ceux dont il importe le plus de connaître l'histoire, pour se rendre un compte exact de leurs opinions et pour arriver à une pleine intelligence de leur œuvre. D'autres apologistes de la religion chrétienne ont, du premier pas, atteint le but, et, fermement attachés tout d'abord à un principe unique, ils n'ont fait ensuite qu'en développer les conséquences: un Bossuet par exemple, immuable dans sa doctrine, n'emploie tout son génie qu'à dérouler en quelque sorte, du centre de son orthodoxie, la théologie, la métaphysique, la morale, la politique et l'histoire. Pascal, lui, s'y est repris à plusieurs fois avant d'arriver à l'entier repos dans la foi janséniste. Quoique, en réalité, il ait moins varié qu'on ne le croirait à première vue, et peut-être qu'il ne se l'est imaginé lui-même, il a cependant paru, aux diverses périodes de sa vie, dirigé tour à tour par des principes de conduite bien différents. De ces variations, nous retrouvons la trace dans les pages qu'il a écrites à chacune de ces époques souvent nous y rencontrons des contradictions apparentes que sa biographie nous permet de résoudre, ou des contradictions réelles que sa biographie nous explique et dont elle nous fait mieux comprendre le sens et la portée. Pour pénétrer plus profondément sa pensée, il est donc nécessaire d'examiner attentivement de quel point il est parti, à quel point il est arrivé, et par quels chemins, de traverse pour ainsi dire, il y est quelquefois parvenu.

Sans doute, toutes les œuvres de Pascal n'exigent point également pour être comprises cette connaissance intime de sa vie. On peut ne la point connaître, et ne rien trouver d'obscur dans ses Traités scientifiques. Au contraire, ce sont eux qui nous éclairent sur l'histoire de sa pensée, puisqu'ils nous révèlent

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une face de son génie, qu'ils nous apprennent par leur seule existence vers quel ordre d'idées son esprit s'est tourné, un certain temps, qu'ils nous attestent combien il fut parfois éloigné du mépris janséniste de la science, qu'ils nous expliquent enfin certaines de ses habitudes de raisonnement, et certains caractères de sa méthode. Pour les Provinciales déjà, il n'est point inutile d'être informé de sa biographie. Si elles sont des œuvres de polémique, inspirées par les Arnauld et les Nicole, construites avec les matériaux qu'ils avaient fournis, revues et corrigées d'après leurs conseils, composées dans un intérêt de secte par le << Secrétaire de Port-Royal 1», elles sont aussi de l'auteur des Pensées, et sa personnalité s'y révèle mieux quand on connaît les évènements qui ont alors fait naître et enflammé son zèle. Mais cela est encore bien plus nécessaire pour les Pensées et les Opuscules théologiques ou philosophiques; car ces divers ouvrages n'étaient point destinés à être publiés, ou bien ne devaient pas l'être dans la forme où nous les possédons actuellement. Ecrits par Pascal pour luimême ou pour ses proches, nous y saisissons pour ainsi dire son âme toute nue, précisément parce qu'il ne pensait point au public. Sainte-Beuve a dit que « Pascal, admirable quand il achève, est peut-être encore supérieur, là où il fut interrompu. » Il n'entendait parler que de la forme, mais son jugement n'est pas moins vrai du fonds. Les Pensées achevées et publiées par Pascal, ç'aurait été sans doute un beau livre, d'une noble architecture et d'un art admirable; mais ç'aurait été une Apologie du christianisme, où le « moi haïssable » de l'auteur se serait le plus possible effacé, et aurait en parties disparu. Tel quel, au contraire, c'est le recueil de ses idées, de ses impressions, de ses émotions quotidiennes, presque le journal de sa vie morale. Puisque le livre a ce caractère, puisque, au corps de l'ouvrage dogmatique s'ajoutent certainement des pensées étrangères, inspirées à Pascal par les évènements de sa vie, et datant des époques les plus diverses, on voit combien il importe pour les bien comprendre toutes de connaître ces événements. Ainsi, on expliquera telle sentence mal interprétée en la rapprochant du fait qui l'a suggérée à l'auteur; on supprimera les contracdictions apparentes, en replaçant chaque opinion dans le temps auquel elle appartient; on entendra mieux les pensées d'une période, en leur opposant les pensées contraires d'une période différente. Pour l'ensemble même de l'ouvrage, nous nous rendrons mieux compte de la conception du livre et du but que se proposait Pascal, quand nous connaîtrons les circonstances qui en ont fait naître l'idée chez lui, ce qui s'est passé pendant qu'il l'écrivait, et le public de lecteurs auxquels il le destinait; nous sentirons mieux aussi ce qu'il peut y avoir d'ori

1 PP. ANNAT et NOLET: Réponses aux Lettres provinciales, publiées par les secrétaires de Port-Royal..... (1657.)

Port-Royal. Livre III, fin.

Je dis en partie. Car on pourrait m'objecter que Bossuet par exemple, bien qu'il ne cherche point à se mettre en scène, n'est pas absent de son Histoire des Variations, et que le « moi » de Pascal transparait dans les Provinciales qu'il a lui-même rendues publiques. Je dis seulement qu'il y paraît moins à nu.

ginal dans la méthode et dans le ton même de cette Apologie, si nous y retrouvons le souvenir et le remords d'un état d'esprit semblable à celui qu'il y veut guérir; enfin, nous comprendrons mieux les dogmes qu'il embrasse et la morale qu'il en fait découler, quand nous le verrons, à la fin de sa vie, tout sacrifier pour les défendre et pour la suivre. En un mot, la vie de Pascal a réagi sur son œuvre il en faut connaître les variations pour comprendre les contradictions de ses écrits et c'est souvent par l'extérieur, pour ainsi dire, qu'il faudra éclairer ses Pensées. Sa biographie est l'illustration, et comme la lumière de son œuvre.

I

1623-1646

Le milieu La famille de Pascal: rang: fortune. Etienne Pascal: ses sentiments religieux: son goût pour les sciences; éducation de Pascal. Les débuts Premiers travaux scientifiques: Pascal à Rouen la machine arithmétique.

L'auteur, quel qu'il soit, du Discours sur les passions de l'amour a dit : << Je voudrais ne compter la vie que depuis la naissance de la raison, et depuis qu'on commence à être ébranlé par la raison, ce qui n'arrive pas ordinairement avant vingt ans. Devant ce temps, on est un enfant, et un enfant n'est pas un homme. » Mais l'enfant prépare l'homme, et les premières impressions reçues dans une âme encore tendre, par une raison qui s'éveille, agissent puissamment sur un jeune esprit, et contribuent pour une large part à former la pensée. Pour Pascal en particulier, il est d'autant plus nécessaire d'étudier de près ses premières années, qu'il y a reçu une éducation exceptionnelle. On sait, en effet, qu'Etienne Pascal ayant perdu sa femme, Antoinette Bègon, en 1626, voulut dès lors se consacrer entièrement à ses enfants. Il ne put se résoudre à confier son fils à des étrangers, ne le fit entrer dans aucun collège, et fut toujours son unique maître. Il a donc pu diriger à sa guise l'esprit de son fils, et le pénétrer de ses propres sentiments. Comme Pascal avait alors trois ans, sa sœur Gilberte cinq, et Jacqueline un, qu'ils ont grandi sans être jamais séparés, l'intimité a dû être très grande entre eux, et, malgré l'absence d'une mère 1. la famille de Pascal a eu sur lui une très puissante action, sans obstacle, ni contre-poids elle l'a un peu façonné à son image, et, la connaître, c'est commencer à le connaître.

1 Ce qu'il y a d'un peu dur dans le caractère de Pascal ne s'expliquerait-il pas dans une certaine mesure par cette éducation exclusivement virile, où manquait

la tendresse maternelle ?

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