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C'est par la vie, dont il est la source et la racine, que ces organes exercent leurs sensations. Mais il ne peut par lui-même organiser aucun de ses membres; il ne peut que se servir de ceux qui sont déjà organisés. De même, le corps de l'Eglise, quoiqu'il soit la racine de la vie qui anime ses pasteurs comme ses organes, ne peut s'en faire de nouveaux; il ne peut que se servir de ceux que le Saint-Esprit aura formés par une légitime imposition des mains. On voit bien que cette manière de parler, quoique forcée, n'a rien de commun avec la doctrine des Protestans. De plus, la Faculté de Théologie de Paris n'a jamais voulu l'approuver. Si M. Jurieu insiste encore après l'éclaircissement par lequel nous venons de montrer le sens naturel des paroles de saint Augustin, voici ce qui me reste à lui dire pour trancher sa difficulté. Il est constant que les clefs dont parle saint Augustin ne sont pas seulement celles que les pasteurs exercent dans tous les siècles, mais encore celles que les apôtres ont reçues de Jésus-Christ, et qu'ils ont transmises à leurs successeurs; car il n'y a point deux sortes de clefs. Il n'y a que celles que Jésus-Christ donna à saint Pierre, et, en sa personne, à tous les autres pasteurs. Les clefs que les apôtres reçurent appartenoient donc au peuple fidèle, à la société des bons; et saint Pierre, qui les reçut, représentoit toute cette société à laquelle les clefs étoient données. Ainsi voilà les clefs et le ministère des apôtres qui appartiennent au peuple. S'ensuit-il que le peuple pût disposer de l'apostolat, et qu'il eût aucune puissance de dégrader des apôtres, ou d'en ériger de nouveaux? Non sans doute. Les docteurs protestans

reconnoissent que le ministère des apôtres venoit de Dieu, et non des hommes; qu'ils ne tenoient point leur puissance du peuple, mais qu'au contraire ils avoient sur le peuple une puissance établie indépendamment de tout homme. Il est vrai que ces docteurs ajoutent que cette puissance a fini avec le ministère personnel des apôtres, et que leurs successeurs n'ont eu qu'une puissance empruntée du peuple. Mais enfin les voilà obligés à expliquer saint Augustin comme nous l'expliquons sur les clefs. Ces mêmes clefs que les apôtres reçurent, et qu'ils ont transmises à leurs successeurs, sont celles dont saint Augustin dit qu'elles appartiennent au peuple; car il assure que saint Pierre, en les recevant, représentoit le peuple même. Pendant qu'elles étoient actuellement entre les mains des apôtres, elles appartenoient donc au peuple, et néanmoins le peuple n'avoit aucun droit de les transporter en d'autres mains que celles des apôtres. Il ne faut donc pas que M. Jurieu conclue que le peuple peut maintenant disposer des clefs à cause qu'elles lui appartiennent, puisque ces mêmes clefs appartenoient également au peuple du temps des apôtres, et qu'il n'en avoit pourtant pas la disposition. Il faut par nécessité que cet auteur avoue que les clefs étant données pour le peuple, c'est-à-dire pour lui ouvrir le ciel, elles lui appartenoient comme un instrument de son salut. Mais le ministère ou exercice de ces clefs étoit, en la personne des apôtres, indépendant du peuple, en faveur de qui JésusChrist l'avoit institué. Ce que M. Jurieu ne peut donc éviter de dire pour expliquer saint Augustin par rapport au temps des apôtres, nous n'aurons

qu'à le lui répéter mot à mot pour la suite des siècles. Peut-on expliquer plus naturellement des passages qu'on nous objecte, que de les expliquer, pour tous les temps, comme ceux qui nous les objectent sont obligés eux-mêmes de les expliquer pour certains temps particuliers? N'est-il pas même plus simple et plus naturel de rendre cette explication générale et uniforme, que de vouloir qu'elle soit tantôt bonne et nécessaire, et tantôt absurde?

Nous avons la même remarque à faire sur le sacerdoce d'Aaron. Sans doute ce ministère appartenoit au peuple juif, comme le ministère évangélique appartient au peuple chrétien. Il faut avouer néanmoins qu'il n'étoit pas à la disposition du peuple. 11 étoit attaché, par l'institution divine, à la succession charnelle d'une famille. Que M. Jurieu explique cette institution comme il lui plaira, il faut toujours qu'il avoue que le peuple juif n'avoit aucune puissance de transférer ce ministère, quoiqu'il lui appartînt.

Ce que nous avons vu de saint Augustin sur les schismes et sur l'ordination des ministres, qui est un sacrement semblable au baptême, montre évidemment qu'il n'a pu penser, comme les Protestans, que les clefs sont à la disposition du peuple. Sa dispute contre les Donatistes, bien loin d'être la gloire de l'Eglise et le triomphe de la vérité, seroit un prodige d'extravagantes contradictions. Un seul mot l'auroit confondu, et toute l'Eglise avec lui. Les Donatistes lui auroient dit: Notre peuple étoit, selon vous, en plein droit de transférer le ministère sans ordination; à plus forte raison a-t-il pu perpétuer l'an

cienne ordination dans la confédération qu'il a formée pour vivre dans une discipline plus pure et plus

exacte.

Ainsi nous expliquons quelques passages de saint Augustin pour tous les temps, comme M. Jurieu est obligé de les expliquer pour un certain temps; et nous les expliquons naturellement par les principes fondamentaux de toute la doctrine de saint Augustin même, au lieu que M. Jurieu impute à ce Père de s'être contredit comme un insensé.

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CHAPITRE XII.

De l'exemple des prêtres de l'ancienne loi.

Il est temps d'examiner les exemples que M. Jurieu cite pour montrer qu'il y a eu des pasteurs sans ordination. Il soutient que le peuple de Dieu ayant toujours donné aux chefs des familles la commission de sacrifier pour tous, ils donnèrent ensuite à Dieu, en sortant d'Egypte, la tribu de Lévi, à la place des premiers nés. Mais il auroit dû observer que Dieu dit expressément à Moïse : « J'ai pris les Lé» vites d'entre les enfans d'Israël pour tout premier » né (1). » Et encore : « Iceux me sont du tout don» nés d'entre les enfans d'Israël. Je les ai pris pour » moi, au lieu de... tous les premiers nés (2). » Si le peuple les donne, c'est qu'il consent à l'ordre de Dieu qui les demande, qui les prend, et qui décide par sa vocation expresse. Pour les premiers nés, qui

(Num. 11. 12. (2) Ibid. vIII. 16.

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avoient été sacrificateurs jusqu'à Moïse, nous savons qu'ils l'étoient, sans savoir comment. Il paroît seulement que Dieu autorisoit leur sacrificature, et nos frères ne sauroient prouver qu'elle leur avoit été donnée par le peuple seul sans aucune destination expresse de Dieu. Hâtons-nous d'examiner ce que M. Jurieu soutient touchant les Lévites. « La » génération charnelle, dit-il, faisoit tout dans l'an>> cien sacerdoce; et par conséquent la consécration » et l'ordination ne faisoient rien, ou ne faisoient » que fort peu de chose. » Dire faisoit rien, ou fort peu de chose, est une maque l'ordination ne nière de parler bien vague et bien incertaine. Mais encore, comment prouve-t-il que l'ordination faisoit peu de chose (1)? Il le suppose, sans se mettre en peine de le prouver. Voici pourtant une espèce de preuve qu'il tâche d'insinuer. « Ces cérémonies, » dit-il, dans la suite, s'observoient quand on le pouvoit ; mais on omettoit sans scrupule celles >> qu'il étoit impossible de pratiquer, par exemple » l'onction, qui étoit la principale cérémonie du se» cond temple, parce qu'on n'avoit plus de cette » huile sacrée, composée par Moïse, et que les Juifs » ne se crurent pas assez autorisés pour en faire » d'autre. » J'avoue que je ne sais point où est-ce que M. Jurieu a trouvé ce fait qu'il avance. Je ne connois point d'endroit de l'Ecriture où il soit rapporté. Je n'ai pu le trouver dans Joseph, seul historien digne de foi sur ces matières. Peut-être est-ce sur le témoignage de quelque rabbin, que M. Jurieu parle. Mais c'est un témoignage d'une autorité trop (1) Syst. p. 585.

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