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Ainsi il est manifeste que toute l'Eglise entroit alors dans la règle que saint Augustin nous marque comme une loi générale et inviolable de ne réordonner jamais ceux qui ont reçu une ordination qu'on croit valide, quoique illégitime hors de la vraie Eglise. Le pape Jean ne douta point que Photius ne fût intrus et sacrilégement ordonné, car il l'oblige à demander miséricorde; car c'est du consentement des ministres ordonnés par saint Ignace qu'il le reçoit, étant, dit-il, informé que saint Ignace est mort: car il veut que les ordinations de ce saint patriarche soient reconnues bonnes, et qu'on rende leurs siéges à tous ceux qu'il a consacrés. Il est donc manifeste, par toutes les observations que nous venons de faire, que l'ordination est un sacrement qui imprime un caractère ineffaçable, qu'on reçoit validement hors de la vraie Eglise, comme le baptême, et qu'il n'est jamais permis de réitérer quand il a été une fois. conféré validement.

CHAPITRE IX.

La tradition universelle des chrétiens est contraire aux Protestans sur l'ordination.

QUAND on a une fois reconnu que l'ordination des pasteurs est un sacrement semblable au baptême selon saint Augustin, qui assure que personne dans l'Eglise n'en doute, et selon l'aveu de Calvin même, on est étonné que M. Claude ait osé dire dédaigneusement qu'il y a «< certaines cérémonies extérieures

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qui servent à rendre la vocation plus publique, » plus majestueuse et plus authentique, comme le » jeûne, la prière, l'exhortation, la bénédiction et >> l'imposition des mains. » A peine le sacrement de l'imposition des mains trouve-t-il chez ce ministre quelque place dans ce dénombrement après la prière et le jeûne. M. Jurieu suppose de même que l'imposition des mains n'est qu'une simple cérémonie. « Il » faut donc savoir, dit-il (1), que pour qu'il soit permis » à l'Eglise de regarder une cérémonie comme non » nécessaire, il suffit qu'elle ne soit point commandée » comme de nécessité. Mais afin qu'on soit obligé de >> croire qu'elle est esscntielle, il faut qu'il y ait un >> commandement positif qui l'ordonne, sur peine de » nullité dans l'action. »

Il faudroit demander à M. Jurieu en quel endroit de l'Ecriture il trouve cette règle qu'il propose si affirmativement. De plus, quand une cérémonie est d'institution divine, quand elle est un sacrement comme le baptême, quand elle renferme la grâce du ministère, comme Calvin le reconnoît sur les paroles de l'apôtre, quand elle imprime un caractère ineffaçable, et qui ne peut être réitéré, comme saint Augustin assure que personne dans l'Eglise n'en doute, elle ne peut plus passer pour une simple cérémonie.

De plus, je vais montrer que toute l'antiquité chrétienne a regardé l'ordination comme ce qui est essentiel pour la formation des pasteurs. S'il étoit vrai, comme M. Jurieu le prétend, que les anciens Pères eussent cru que les clefs appartiennent au peuple pour les confier à qui il lui plaît, et que le (1) Syst. pag. 584.

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peuple peut, ou imposer les mains, ou faire des pasteurs sans cette cérémonie, de quel front saint Cyprien, saint Jérôme et saint Augustin auroient-ils écrit comme ils ont fait contre les schismatiques? Ces pères regardent comme des monstres, comme des hommes nés d'eux-mêmes, sans génération spirituelle, comme de nouveaux Coré, Dathan et Abiron, les faux pasteurs qui élevoient autel contre autel. Cependant Novatien, les Lucifériens et les Donatistes avoient reçu l'imposition des mains des évêques : mais comme ils osoient élever leurs chaires hors de l'unité, et diviser le troupeau en deux bergeries, l'Eglise ne pouvoit les regarder qu'avec horreur, ni les nommer sans exécration. Ainsi, quoique les schismatiques eussent un peuple qui les suivoit, et que l'imposition des mains leur eût été faite par des évêques, saint Cyprien ne laisse pas de s'écrier qu'ils sont de faux prophètes, puisque sans aucune commission divine ils s'érigent en pasteurs des ames. Il dit, après Tertullien, qu'il n'est pas question d'examiner ce qu'ils enseignent, puisqu'ils enseignent hors de l'Eglise. Que diroient maintenant ces grands docteurs? que penseroit toute cette sainte antiquité, si on lui opposoit, non plus les Novatiens, les Lucifériens et les Donatistes ordonnés par des évêques, mais les pasteurs protestans, qui prétendent que l'ordination même n'est pas nécessaire, et qui l'ont livrée aux laïques?

M. Jurieu peut dire, tant qu'il lui plaira, que saint Cyprien et saint Augustin étoient outrés sur l'unité, Quand est-ce que Dieu lui ouvrira les yeux pour reconnoître ses propres excès, au lieu d'en imputer

sans fondement à ces saints docteurs? Saint Cyprien s'est trompé, il est vrai, sur la validité des sacremens qui sont administrés hors de l'unité, mais non pas sur le fond de l'unité même, C'est ce que j'offre de démontrer. Pour saint Augustin, c'est lui qui a réprimé tous les excès, bien loin de les suivre ; et ce qui déplaît à M. Jurieu, c'est qu'il a par avance réfuté les siens. Mais enfin toute l'Eglise de son temps a parlé par la bouche de saint Augustin contre les Donatistes. Jamais il n'a été contredit par aucun catholique pendant tant de siècles. Il parle sur l'unité et sur l'ordination comme saint Cyprien, excepté qu'il croit l'ordination valide, quoiqu'elle soit faite dans le schisme; et l'Eglise a cru par cette doctrine remporter une pleine victoire sur les schismatiques. Il faut que M. Jurieu soutienne que c'est aux schismatiques que la victoire est demeurée. Voici comment. Selon lui, le ministère appartient au peuple par un droit naturel. Chaque société peut choisir ses pasteurs comme ses magistrats. Le schisme n'est, selon lui, qu'un péché véniel. Encore même, à proprement parler, le schisme sans erreur fondamentale n'est pas un péché, car il n'y a point d'autre schisme que l'erreur sur les points fondamentaux. Les assemblées ne sont que des confédérations arbitraires. L'unité d'une Eglise n'est qu'une simple police. Comme le peuple d'une grande ville pourroit se partager en plusieurs quartiers, dont chacun seroit libre d'avoir à part ses magistrats qu'il choisiroit à son gré; de même chaque portion du peuple fidèle, en faisant cesser sa confédération avec le reste du peuple, peut dresser un nouveau ministère, et avoir ses pasteurs à

part. Toute société qui croit les points fondamentaux, et qui se fait des pasteurs, ne peut être accusée de schisme. Tout ce que les Pères ont dit, tout ce que l'Eglise entière a prononcé par leur bouche contre les Novatiens, les Donatistes et les Lucifériens, ne renferme que de violentes, absurdes et calomnieuses déclamations. Après tout, ces gens-là avoient droit, selon M. Jurieu, de finir leurs anciennes confédérations avec le gros du peuple. Ces confédérations étant libres, ils étoient libres de les finir. Ce n'est point un lien indissoluble et éternel de sa nature. M. Jurieu ne sauroit trouver aucun endroit de l'Ecriture qui marque que le peuple ne peut reprendre les clefs quand il les a confiées à des pasteurs, à moins que ces pasteurs ne poussent leurs erreurs jusqu'à un certain point. Ainsi les clefs appartenant de droit au peuple, les chrétiens de chaque province, de chaque ville, de chaque quartier, de chaque famille, peuvent sans restriction user de leur droit, c'est-à-dire continuer ou révoquer le ministère, selon qu'il convient à leur édification ou à leur commodité. En confiant les clefs à un homme, ils n'ont pas perdu leur liberté et leur droit naturel. Les schismatiques dont nous parlons étoient dans cet état. Donc ils pouvoient, sans aucun mal, finir leurs anciennes confédérations, et en former de nouvelles avec une partie moins nombreuse du peuple. En cela il n'y avoit ni scandale ni défaut de charité. Il n'y avoit point de défaut de charité, puisque, selon M. Jurieu, on ne laisse pas encore de composer le corps de Jésus-Christ avec les chrétiens, quoiqu'ils soient dans d'autres confédérations. Passer d'une confédération à

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