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une autre, ou en former une nouvelle, est une chose aussi innocente et aussi conforme à la charité, qu'il est permis parmi nous de sortir d'une communauté ecclésiastique pour entrer dans une autre, ou d'établir soi-même une nouvelle communauté. Les Novatiens, les Donatistes et les Lucifériens ont donc usé paisiblement d'un droit naturel et inviolable. Ils ont fait de nouvelles confédérations pour conserver une discipline plus pure et plus exacte. Ils ont confié les clefs à des ministres que des évêques avoient ordonnés. Bien loin d'avoir trop fait en cela, ils sont demeurés beaucoup au-deçà de ce qu'ils étoient en droit de faire. Le ministère appartenant au peuple, le peuple auroit pu, ou imposer les mains à des pasteurs nouveaux, ou les faire pasteurs sans imposition des mains pour leur confédération nouvelle. On ne peut que louer la modération et la modestie de ces sociétés. On ne peut que détester l'emportement et la fureur tyrannique de toute l'Eglise et de tous les Pères qui ont voulu les opprimer, et leur arracher ce droit naturel, confirmé par Jésus-Christ, qui a donné en la personne de saint Pierre les clefs à tout le peuple.

Voilà sans exagération ce qu'il faut penser et ce qu'il faut dire de bonne foi, dès qu'on raisonne selon toute l'étendue du principe de M. Jurieu. Il n'est plus question des prétendus excès de Tertullien, de saint Cyprien et de saint Augustin sur l'unité; il s'agit de l'Eglise entière, qui abhorre avec tous les Pères le ministère schismatique des Novatiens, des Donatistes et des Lucifériens. M. Jurieu ne sauroit montrer aucun auteur, hors de ces sectes, qui les

ait défendues. Cependant tous ceux qui auroient cru que les clefs appartiennent au peuple, et que les sociétés chrétiennes ne sont que des confédérations libres, auroient dù nécessairement regarder ces sectes comme de simples confédérations qui usoient régulièrement de leur droit, et toute l'église catholique comme la plus tyrannique et la plus calomnieuse des sociétés. Que M. Jurieu trouve un seul homme dans l'antiquité catholique, qui ait paru dans ces sentimens. Il seroit inutile à M. Jurieu d'alléguer contre nous les Novatiens, les Donatistes et les Lucifériens mêmes. Il sait trop bien que ces sociétés se sont évanouies, et que la doctrine contraire à celle de leurs schismes a universellement prévalu. Quoiqu'on trouve encore des restes de Donatistes du temps de saint Grégoire (1), il faut néanmoins convenir qu'on ne les trouve plus dans la suite. Il est donc vrai qu'après leur anéantissement, tous les chrétiens, sans exception, ont cru que les confédérations nouvelles ne sont pas permises. De plus, ces schismatiques eux-mêmes n'ont jamais enseigné dans leurs plus horribles excès que le peuple eût le droit de transporter les clefs et de faire de nouveaux pasteurs. Ils avoient tous la succession de l'ancien ministère, à remonter jusqu'à l'origine. Il est constant que tous les pasteurs avoient été ordonnés par des évêques. Ils n'ont jamais paru soupçonnner seulement qu'un homme pût devenir pasteur sans être ordonné, ou ne l'étant que par des laïques. Ce ne peut donc pas être par leur autorité que M. Jurieu s'opposera à la tradition universelle, qui rejette comme un (1) Epist. lib. iv, Ep. xxxv, et al.

monstre un ministère dressé par une nouvelle confédération de laïques.

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Si M. Jurieu demande une preuve de ce que j'avance, en voici une tirée de saint Jérôme, dans son Dialogue contre les Lucifériens. « Hilaire, dit-il (1), » s'étant retiré de l'Eglise avec le diaconat, et croyant » faire lui seul la foule du monde entier, ne peut » ni faire l'eucharistie, n'ayant ni évêques ni prê» tres, ni donner le baptême sans eucharistie. Et » comme cet homme est déjà mort, avec l'homme >> est pareillement éteinte sa secte, puisque, n'étant » que diacre, il n'a pu ordonner aucun clerc après » lui. Or l'Eglise qui n'a point de pontife, n'est point église. Mais, excepté un petit nombre d'hommes >> peu considérables qui sont laïques, et qui sont eux» mêmes leurs propres évêques, etc. » Remarquez qu'il s'agit du cas extrême où les Protestans veulent que le peuple doit faire des pasteurs; car il s'agit ici d'une secte qui se croit la vraie Eglise, et qui périt néanmoins toute entière faute de pasteurs ordonnés par d'autres pasteurs. Pour en éviter l'extinction, un diacre ne peut ordonner; il ne peut faire l'eucharistie, et toute la secte demeure sans cène. Le baptême solennel, qui ne s'administroit alors qu'avec l'eucharistie, n'est point administré avec cette solennité, parce que l'eucharistie manque, et qu'il n'y a aucun pasteur ordonné pour la consacrer. Le diacre lui-même meurt sans pouvoir laisser aucun pasteur ordonné pour le gouvernement du troupeau. Ce qui reste de laïques est réduit à se conduire soi-même et à se tenir lieu d'évêque, sans sortir néanmoins de Adv. Lucifer. tom. iv, p. 302.

cet état laïque, et sans avoir ni pasteurs ni sacremens. Voilà le fait que saint Jérôme atteste. Si ces Lucifériens eussent jugé du ministère comme M. Jurieu, ils se seroient facilement tirés d'un grand embarras en faisant de nouveaux pasteurs.

Pour toutes les autres sociétés chrétiennes, comme les Ariens, les Nestoriens, les Eutychiens, qui ont fait chacune un corps en Orient, elles avoient la succession du ministère épiscopal. On n'en trouvera aucune qui ait jamais enseigné que les clefs appartiennent au peuple, qu'il peut faire de nouveaux pasteurs, et se partager en diverses confédérations. Ces sociétés croyoient toutes qu'il ne pouvoit y avoir de vraie église que dans une seule société qui avoit la succession du ministère, et chacune d'elles prétendoit être cette société unique. Voilà donc toute l'Eglise catholique qui soutient unanimement qu'il ne peut y avoir de vrai ministère sans la succession, et par conséquent que le peuple n'a aucun droit de transporter les clefs ailleurs. Voilà toutes les anciennes sociétés hérétiques de l'Orient qui croyoient la même chose. Voilà les Novatiens, les Donatistes et les Lucifériens, que M. Jurieu ne peut pas avoir la triste consolation d'appeler à son secours. Ces schismatiques si ardens, si excessifs, si téméraires, lors même qu'on les a le plus vivement pressés, n'ont jamais osé dire que les clefs appartiennent au peuple, et qu'il peut les transporter en formant de nouvelles confédérations. Cette réponse si facile et si naturelle, selon M. Jurieu, auroit confondu à jamais toute l'Eglise catholique. Saint Augustin, qui, selon M. Jurieu, enseignoit que les clefs sont au peuple, auroit été tout d'un

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coup accablé sans ressource par cette réponse si simple et tirée de sa doctrine même. Cependant jamais ni Parménien, ni Cresconius, ni Pétilien, n'ont osé parler ainsi. Nous voyons même une de ces sectes qui se laisse éteindre plutôt que de faire consacrer l'eucharistie, et de faire ordonner des pasteurs par un diacre. En cette extrémité, ces schismatiques n'osent penser ce que les Protestans soutiennent. Ce prodige d'erreur étoit réservé à la fin des siècles. Mais enfin, d'où vient donc cette indignation de toute l'Eglise ancienne contre les confédérations nouvelles qui n'érigeoient pas même un nouveau ministère, et qui se contentoient de perpétuer, par l'imposition des mains de leurs évêques, l'ancien ministère dans leurs sociétés? D'où vient ce profond et universel silence, cet aveu tacite de toutes ces sociétés schismatiques qui n'avoient qu'un seul mot à dire pour mettre en poudre toute l'autorité de l'Eglise catholique, s'il eût été vrai, comme M, Jurieu lē prétend, que le peuple dans les élections exerçoit actuellement le droit naturel par lequel les clefs lui appartiennent, et qu'il pût se partager en diverses confédérations?

Ici M. Jurieu ne peut avoir pour lui un seul témoin de toute cette sainte antiquité; et les sociétés même schismatiques, qui auroient eu un si pressant intérêt de parler comme lui, l'abandonnent par leur silence. Cette tradition de l'antiquité est décisive contre lui, selon ses principes. Les voici tirés de ses paroles: « Je regarde, dit-il (1), cette maxime comme » si certaine, que si le papisme avoit bien prouvé (1) Syst. pag. 236.

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