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bras contentez-vous de penser à vos sujets de méditation d'une maniere simple et aisée : laissez-vous aller doucement aux vérités qui vous toucheront, et que vous sentez qui nourrissent votre cœur. Évitez tous les efforts qui échauffent la tête, et qui mettent souvent beaucoup moins la piété dans une volonté pure et droite de s'abandonner à Dieu, que dans une vivacité dangereuse d'imagination. Fuyez aussi toutes les réflexions subtiles: bornez-vous à des considérations aisées; repassez-les souvent. Ceux qui passent trop légèrement d'une vérité à une autre ne nourrissent que leur curiosité et leur inquiétude; ils se dissipent même l'esprit par une trop grande multitude de vues.

Il faut donner à chaque vérité le temps de jeter de profondes racines dans le cœur: l'essentiel est d'aimer. Rien ne cause dé si grandes indigestions que de manger beaucoup et à la hâte. Digérez donc à loisir chaque vérité, si vous voulez en tirer le suc pour vous en bien nourrir : mais point de retours inquiets sur vous-même. Comptez que votre oraison ne sera bonne qu'autant que vous la ferez sans vous échauffer et sans être inquiet.

Je sais bien que vous ne manquerez pas d'avoir beaucoup de distractions : mais il n'y a qu'à les supporter sans impatience, et qu'à les laisser disparoître

pour demeurer attentif à votre sujet chaque fois que vous appercevrez l'égarement de votre imagination. Ainsi ces distractions involontaires ne pouront vous nuire; et la patience avec laquelle vous les supporterez sans vous rebuter vous avancera plus qu'une oraison plus lumineuse, où vous vous complairiez davantage. Le vrai moyen de vaincre les distractions est de ne les attaquer point directement avec chagrin: ne vous rebutez ni de leur longueur ni de leur nombre.

Il n'est question maintenant que de vous occuper doucement des sujets que vous avez pris: il est vrai seulement que vous devez rendre cette occupation le plus sainte que vous pourrez; et voici comment.

Ne vous chargez point d'un grand nombre de pensées différentes sur chaque sujet; mais arrêtezvous aussi long-temps à chacune qu'elle pourra donner quelque nourriture à votre cœur. Peu-à-peu vous vous accoutumerez à envisager les vérités fixement et sans sauter de l'une à l'autre. Ce regard fixe et constant de chaque vérité servira à les approfondir davantage dans votre cœur. Vous acquerrez l'habitude de vous arrêter dans vos sujets par goût et par acquiescement paisible; au lieu que la plupart des gens ne font que les considérer par un raisonnement passager. Ce sera le vrai fondement de tout ce que

il

Dieu voudra peut-être faire dans la suite en vous : y amortira même par là l'activité naturelle de l'esprit, qui voudroit toujours découvrir des choses nouvelles, au lieu de s'enfoncer davantage dans celles qu'il connoît déja. Il ne faut pourtant pas s'efforcer d'abord pour continuer à méditer une vérité lorsqu'on n'y trouve plus aucun suc : je propose seulement de ne la quitter que quand vous sentez qu'elle n'a plus rien à vous fournir pour votre nourriture.

Pour les affections, réservez toutes celles que la vue de votre sujet vous inspirera, et laissez-vous y aller doucement: mais ne vous excitez pas trop à de grands efforts; car ces efforts vous épuiseront, vous échaufferont la tête, vous dessécheront même, et, en ce qu'ils vous occuperont trop de vos propres mouvements, vous donneroient une confiance dangereuse en votre propre industrie pour vous toucher vousmême; enfin vous attacheroient trop au goût sensible, et par là vous prépareroient de grands mécomptes pour le temps où vous serez plus au sec. Contentezvous donc de suivre simplement et sans trop de réflexions les mouvements affectueux que Dieu vous donnera à la vue de votre sujet ou de quelque autre vérité. Pour les choses d'un autre état plus élevé, n'y songez point: il y a le temps de chaque chose, et l'importance est de ne le prévenir jamais,

C'est une des plus grandes regles de la vie spirituelle de se renfermer dans le moment présent, sans regarder plus loin. Vous savez que les Israélites suivoient dans le désert la colonne de nuée ou de feu, sans savoir où elle les menoit : ils ne pouvoient prendre de la manne que pour un jour; le reste se corrompoit. Il n'est point question d'aller vîte mainte-nant: ne songez qu'à poser le fondement de l'édifice, et à le bien creuser par un entier renoncement à vous-même et par un abandon sans aucune réserve aux ordres de Dieu : après cela Dieu élevera sur ce fondement tel édifice qu'il lui plaira. Livrez-vous à lui et fermez les yeux. Que cette conduite de foi, où l'on marche comme Abraham sans savoir où l'on va, est grande, et qu'elle attire de bénédictions!

Alors Dieu sera votre guide ; il voyagera lui-même avec vous, comme il est dit qu'il s'étoit fait voyageur avec les Israélites pour les mener pas à pas au travers du désert jusqu'à la terre promise. Que vous seriez heureux si vous laissiez Dieu prendre possession de vous pour y faire selon ses vues, et non selon votre goût, tout ce qu'il voudra!

TOME VIII.

X. De la mortification.

DIEU nous fait exercer la mortification à toute heure et à tout moment : mais rien n'est plus faux que la maxime qu'il faut toujours choisir ce qui mortifie le plus. Par cette regle on ruineroit bientôt sa santé, sa réputation, ses affaires, ses commerces avec ses parents et amis, et les bonnes œuvres dont la Providence nous charge. Jene doute point qu'on ne doive éviter certaines choses quand on a éprouvé qu'elles nuisent à la santé, comme certains aliments, etc. Cela sans doute épargnera bien quelques souffrances; mais cela ne va pas à flatter le corps, ni ne demande pas l'usage des choses exquises; au contraire cela conduit à une vie sobre, et par conséquent mortifiée dans bien des choses.

L'infirmité et le régime sont deux bonnes pénitences. C'est par immortification que l'on manque au régime; ce n'est ni courage contre la douleur, ni détachement de la vie, mais foiblesse pour le plaisir et impatience contre tout ce qui gêne. C'est une grande contrainte de s'assujettir à un régime pour éviter de détruire la santé. On craindroit moins de souffrir et d'être malade, que d'être toujours aux prises avec soi-même pour combattre ses goûts: on aime encore mieux la liberté et le plaisir que la santé.

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