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Il y a une occupation de soi-même, sensible, inquiete et défiante, qui est une tentation d'autant plus subtile, qu'on ne la regarde point comme une tentation, et qu'au contraire on s'y enfonce de plus en plus, parcequ'on la prend pour la vigilance commandée dans l'évangile.

§. IV. Lavigilance que Jésus-Christ ordonne est une fidele attention à aimer toujours et à accomplir la volonté de Dieu dans le moment présent, suivant les signes qu'on en a mais elle ne consiste point à se troubler, à se mettre à la torture, et à s'occuper sans cesse de soi-même, plutôt que de lever les yeux vers Dieu d'où vient notre unique secours contre nousmêmes.

Pourquoi, sous prétexte de vigilance, s'opiniâtrer à découvrir en nous-mêmes ce que Dieu ne veut pas que nous y voyions pendant cette vie? Pourquoi perdre par là le fruit de la foi pure et de la paix intérieure? Pourquoi se détourner de la présence de Dieu, qu'il veut nous rendre continuelle? Il n'a pas dit, Soyez toujours vous-même l'objet devant lequel vous marcherez; mais il a dit, "Marchez devant moi, et vous serez parfait.

David, plein de son esprit, a dit," Je voyois tou

(1) Gen. 17, V. 1,

(2) Ps. 15, v. 8; et Ps. 24, v. 15,

jours Dieu devant moi; et encore, Mes yeux sont toujours élevés vers le Seigneur afin qu'il garantisse mes pieds des filets tendus. Le danger est à ses pieds; cependant ses yeux sont en haut : il est moins utile de considérer notre danger que le secours de Dieu. De plus on voit tout réuni en Dieu; on y voit et la misere humaine et la bonté divine; un seul coup-d'œil d'une ame droite et pure, si simple qu'il soit, apperçoit tout dans cette lumiere infinie.

Mais au contraire que pouvons-nous voir dans nos propres ténebres sinon nos ténebres mêmes? O mon Dieu! pourvu que je ne cesse de vous voir, je ne cesserai point de me voir dans toutes mes miseres, et je me verrai bien mieux en vous qu'en moi-même. La vraie vigilance est de voir en vous votre volonté pour l'accomplir, et non de raisonner à l'infini sur l'état de la mienne.

Quand les occupations extérieures m'empêcheront de vous voir seul, en fermant dans l'oraison les avenues de mes sens, du moins alors, Seigneur, je vous verrai faisant tout en tous.

Je verrai par-tout avec joie votre volonté s'accom plir et au dedans de moi et au dehors; je dirai sans cesse amen, comme les bienheureux; je chanterai toujours dans mon cœur le cantique de la céleste Sion; je vous bénirai même dans les méchants, qui,

TOME VIII.

V

par leur volonté mauvaise, ne laissent pas d'accomplir malgré eux votre volonté toute juste, toute sainte, toute puissante. Dans la chaste liberté de l'esprit que vous donnez à vos enfants, j'agirai et je parlerai simplement, gaiement et avec confiance: "Quand même je passerois au travers des ombres de la mort, je ne craindrois rien, parceque vous êtes toujours avec moi. Je ne chercherai jamais aucun péril, je n'entrerai jamais dans aucun engagement qu'avec des signes de votre providence, qui y soient ma force et ma consolation. Dans ces états même, où votre vocation me soutiendra, je donnerai au recueillement, à l'oraison et à la retraite, tous les jours, toutes les heures, tous les moments que vous me laisseriez libres : je ne quitterai jamais ce bienheureux état qu'autant que vous m'appellerez vous-même à quelque fonction extérieure. Alors je sortirai en apparence de vous, mais vous sortirez avec moi; et, dans cette sortie apparente, vous me porterez dans votre sein: je ne me chercherai point moi-même dans le commerce des créatures; je ne craindrai point que le recueillement diminue mon agrément auprès d'elles et desseche ma conversation; car je ne veux plaire aux hommes qu'autant qu'il le faut pour vous plaire.

(1) Ps. 22, v. 4.

Si vous voulez vous servir de moi pour votre œuvre sur eux, je me livre; et, sans réflexion sur moi, je répandrai simplement sur eux tout ce que vous avez fait découler de vos dons sur moi je ne marcherai point à tâtons, en retombant toujours sur moimême : quelque périlleuse et dissipante que soit cette fonction, je me comporterai simplement devant vous avec une droite intention, sachant quelle est la bonté du pere devant qui je marche, et qu'il ne veut point de subtilité dans les siens.

Si, au contraire, vous ne voulez pas vous servir de moi pour les autres, je ne m'offrirai point; je n'irai au devant de rien; je ferai en paix les autres choses auxquelles vous me bornerez: car, selon l'attrait d'abandon que vous me donnez, je ne desire ni ne refuse rien, je me prête à tout et consens d'être inutile à tout.

Cherché, rebuté, connu, ignoré, applaudi, contredit, que m'importe? C'est vous et non pas moi, vous et non pas vos dons distingués de vous et de votre amour, que je cherche. Tous les états me sont indifférents, pourvu que je sois dans celui que vous me voulez.

XVIII. De la confiance en Dieu.

Ce qu'il y a de meilleur à faire, c'est de recevoir également et avec la même soumission toutes les différentes choses que Dieu nous donne dans la journée, et au dehors et au dedans de nous.

Au dehors il y a des choses désagréables qu'il faut supporter courageusement, et des choses agréables auxquelles il ne faut point arrêter son cœur. On résiste aux tentations des choses contraires en les ac ceptant, et l'on résiste aux choses flatteuses en refusant de leur ouvrir son cœur. Pour les choses du dedans il n'y a qu'à faire de même. Celles qui sont ameres servent à crucifier, et elles operent dans l'ame selon toute leur vertu, si nous les recevons simplement avec une acceptation sans bornes et sans chercher à les adoucir. Celles qui sont douces et qui nous sont données pour soutenir notre foiblesse par une consolation sensible dans les exercices extérieurs, doivent aussi être acceptées, mais d'une autre façon. Il faut les recevoir, puisque c'est Dieu qui les donne pour notre besoin; mais il faut les recevoir, non pour l'amour d'elles, mais par conformité aux desseins de Dieu. Il faut en user dans le moment, comme on use d'un remede, sans complaisance, sans attachement, sans propriété. Ces dons doivent être reçus en

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