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nous, mais ils ne doivent point tenir en nous, afin que, quand Dieu les retirera, leur privation ne nous trouble ni ne nous décourage jamais. La source de la présomption est dans l'attachement à ces dons pas sagers et sensibles. On s'imagine ne comptér que sur le don de Dieu; mais on compte sur soi, parcequ'on s'approprie le don de Dieu et qu'on le confond avec soi-même. Le malheur de cette conduite, c'est que toutes les fois qu'on trouve quelque mécompte en soi-même, on tombe dans le découragement. Mais une ame qui ne s'appuie que' sur Dieu, n'est point surprise de sa propre misere. Elle se plaît à voir qu'elle ne peut rien, et que Dieu seul peut tout. Je ne me soucie guere de me voir pauvre, sachant que mon pere possede des biens, infinis qu'il me veut donner. Ce n'est qu'en nourrissant, son cœur de la pure confiance en Dieu, qu'on s'accoutume à se passer de la confiance en soi-même.

C'est pourquoi il faut moins compter sur une ferveur sensible et sur certaines mesures de sagesse que l'on prend avec soi-même pour sa perfection, que sur une simplicité, une petitesse, un renoncement à tout mouvement propre, et une souplesse parfaite pour se laisser aller à toutes les impressions de la grace. Tout le reste, en établissant des vertus

éclatantes, ne feroit que nous inspirer secrètement plus de confiance en nos propres efforts.

Prions Dieu qu'il arrache de notre cœur tout ce que nous voudrions y planter nous-mêmes, et qu'il y plante de ses propres mains l'arbre de vie chargé de fruits.

XIX. Comment il faut veiller sur soi.

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POUR la maniere de veiller sur soi, sans en être trop occupé, voici ce qui me paroît de pratique. Le sage et diligent voyageur veille sur tous ses pas, et a toujours les yeux ouverts sur l'endroit du chemin qui est immédiatement devant lui: mais il ne retourne point sans cesse en arriere pour compter tous ses pas et pour examiner toutes ses traces; il perdroit le temps d'avancer.

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Une ame que Dieu mene véritablement par la main (car je ne parle point de celles qui apprennent encore à marcher, et qui sont encore à chercher le chemin), doit veiller sur la voie, mais d'une vigilance simple, tranquille, bornée au présent, et sans inquiétude pour l'amour de soi. C'est une attention continuelle à la volonté de Dieu pour l'accomplir à

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COMMENT IL FAUT VEILLER, etc. 159 chaque moment, et non pas un retour sur soi-même pour s'assurer de son état pendant que Dieu veut que nous en soyons incertains. C'est pourquoi le psalmiste dit: Mes yeux sont levés vers le Seigneur, et c'est lui qui délivrera mes pieds des pieges tendus.

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Remarquez que pour conduire ses pieds avec sûreté parmi des chemins semés de pieges, au lieu de baisser ses yeux pour examiner tous ses pas, il leve au contraire ses yeux vers le Seigneur. C'est que nous ne veillons jamais si bien sur nous que quand nous marchons avec Dieu présent à nos yeux, comme Dieu l'avoit ordonné à Abraham. Et en effet à quoi doit aboutir toute notre vigilance? A suivre pas à pas la volonté de Dieu. Qui s'y conforme en tout, veille sur soi et se sanctifie en tout.no Ami KAS IST 980

Si donc nous ne perdions jamais la présence de Dieu, jamais nous ne cesserions de veiller sur nousmêmes, mais d'une vigilance simple, amoureuse tranquille et désintéressée au lieu que cette autre vigilance qu'on cherche pour s'assurer est âpre, inquiete et pleine d'intérêt. Ce n'est pas à notre propre lumiere, mais à celle de Dieu, qu'il nous faut marcher. On ne peut voir la sainteté de Dieu sans

(1) Ps. 24, v. 15.

avoir horreur de ses 'moindres infidélités. On ne laisse pas d'ajouter à la présence de Dieu et au recueillement les examens de conscience, suivant le besoin qu'onen a, pour ne se relâcher point, et pour faciliter les confessions qu'on a à faire mais ces examens se font de plus en plus, d'une maniere simple, facile et éloignée de tout retour inquiet sur soi. On s'examine; non pour son intérêt propre, mais pour se confor mer aux avis qu'on prend, et pour accomplir la pure volonté de Dieu.".

Au surplus on s'abandonne entre ses mains, et on est aussi aise de se savoir dans les mains de Dieu qu'on seroit fâché d'être dans les siennes propres. On ne veut rien voir de tout ce qu'il lui plaît de cacher. Comme on l'aime infiniment plus qu'on ne s'aime soi-même, on se sacrifie à son bon plaisir sans condition; on ne songe qu'à l'aimer et qu'à s'oublier. Celui qui perd ainsi généreusement son ame, la retrouvera pour la vie éternelle, cl

XX. Que l'esprit de Dieu enseigne au-dedans.

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Il est certain par l'écriture que l'esprit de Dieu habite au dedans de nous, qu'il y agit, qu'il y prie sans cesse, qu'il y gémit, qu'il y desire, qu'il y demande ce que nous ne savons pas nous-mêmes demander; qu'il nous pousse, nous anime, nous parle dans le silence, nous suggere toute vérité, et nous unit tellement à lui que nous ne sommes plus qu'un ( même esprit avec Dieu. Voilà ce que la foi nous apprend; voilà ce que les docteurs les plus éloignés de la vie intérieure ne peuvent s'empêcher de reconnoître. Cependant, malgré ces principes, ils tendent toujours à supposer dans la pratique que la loi extérieure, ou tout au plus une certaine lumiere de doctrine et de raisonnement, nous éclaire au dedans de nousmêmes, et qu'ensuite c'est notre raison qui agit par elle-même sur cette instruction. On ne compte point assez sur le docteur intérieur, qui est le Saint-Esprit, et qui fait tout en nous. Il est l'ame de notre ame : nous ne saurions former ni pensée ni desir que parlui. Hélas! quel est donc notre aveuglement! Nous comptons comme si nous étions seuls dans ce sanc

(1) Rom. c. 8; et Jean, c. 14. (2) L. Cor. 6, v. 17.

TOME VIII.

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