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Vous traitez les autres à leur mode. Ils veulent du savoir et des vertus hautes; vous leur donnez des lumieres éclatantes, et vous en faites des especes de héros. Mais ce n'est pas là le meilleur partage. Il y a quelque chose de plus caché pour vos plus chers enfants. Ceux-là reposent avec Jean sur votre poitrine. Pour ces grands, qui craignent toujours de se ployer, et de s'appetisser, vous les laissez dans leur grandeur; vous les traitez selon leur gravité. Ils n'auront jamais vos caresses et vos familiarités: il faut être enfant et jouer sur vos genoux pour les mériter. J'ai souvent remarqué qu'un pécheur ignorant, grossier, quicommence à être touché vivement de l'amour de Dieu dans sa conversion, est plus disposé à entendre ce langage intérieur de l'esprit de grace, que certaines personnes éclairées et savantes qui ont vieilli dans leur propre sagesse. Dieu, qui ne cherche qu'à se communiquer, ne sait, pour ainsi dire, où poser le pied dans ces ames pleines d'elles-mêmes et trop nourries de leur sagesse et de leurs vertus : mais (son entretien familier, comme dit l'écriture, est avec les simples.

Où sont-ils ces simples? Je n'en vois guere. Dieu

(1) Prov. 3, v. 32..

les voit; c'est en eux qu'il se plaît à habiter : " Mon Pere et moi, dit Jésus-Christ, nous y viendrons et nous y ferons notre demeure. O qu'une ame livrée à la grace sans retour sur soi, ne se comptant pour rien et marchant sans mesure au gré du pur amour qui est le parfait guide, éprouve de choses que les sages. ne peuvent ni éprouver ni comprendre ! J'ai été sage (je l'ose dire) comme un autre; mais alors, croyant tout voir, je ne voyois rien. J'allois tâtonnant par une suite de raisonnements; mais la lumiere ne luisoit point dans mes ténebres. J'étois content de raisonner. Mais, hélas! quand une fois on a fait taire tout ce qui est en nous pour écouter Dieu, on fait tout sans rien savoir; et on ne peut douter que jusques-là on n'ait ignoré tout ce qu'on s'imaginoit comprendre. Tout ce qu'on tenoit échappe; on ne s'en soucie plus : on n'a plus rien à soi; on a tout perdu; on s'est perdu soi-même. Il y a un je ne sais quoi qui dit au dedans, comme l'épouse du Cantique : " Faitesmoi entendre votre voix ; qu'elle sonne à mes oreilles. O qu'elle est douce cette voix ! elle fait tressaillir toutes mes entrailles. Parlez, ô mon époux, et que nul autre que vous n'ose parler! Taisez-vous, mon ame: par

(1) Jean. 14, v. 23. (2) Cant. 2, v. 14.

lez, ô mon amour! Je dis qu'alors on sait tout sans rien savoir. Ce n'est pas qu'on ait la présomption de croire qu'on possede en soi toute vérité. Non, non; tout au contraire on sent qu'on ne voit rien, qu'on ne peut rien, et qu'on n'est rien. On le sent et on en est ravi. Mais, dans cette désappropriation sans réserve, on trouve de moment à autre dans l'infini de Dieu tout ce qu'il faut selon le cours de sa providence.' C'est là qu'on trouve le pain quotidien de vérité comme de toute autre chose, sans en fairé provision.' C'est alors que l'onction nous enseigne toute vérité en nous ôtant toute sagesse, toute gloire, tout intérêt, toute volonté propre ; en nous tenant contents dans notre impuissance et au-dessous de toute créature, prêts à céder aux derniers vers de la terre, prêts à confesser nos plus secretes miseres à la face de tous les hommes, craignant plus dans les fautes l'infidélité que le châtiment et la confusion. En cet état, dis-je, l'esprit nous enseigne toute vérité; car toute vérité est comprise éminemment dans ce sacrifice d'amour où l'ame s'ôte tout pour donner tout à Dieu. Voilà la manne qui, sans être chaque viande particuliere, a le goût de toutes les viandes.

TOME VIII.

Y

Les publicains ou receveurs d'impôts étoient fort

que

odieux au peuple juif, jaloux de sa liberté, et accoutumé à n'avoir pour Dieu même ou des pour roi princes de la nation. Du temps de Jésus-Christ ils étoient assujettis à la domination romaine, qu'ils supportoient impatiemment. Quand Jésus-Christ représente un publicain, il met devant les yeux de ceux qu'il instruit ce qu'il y avoit de plus profane et de plus scandaleux. De là vient que Jésus-Christ met ensemble les femmes de mauvaise vie et les publicains.

Pour les pharisiens, c'étoit une secte d'hommes réformés qui pratiquoient scrupuleusement jusques aux moindres circonstances marquées par la lettre de la loi. Leur vie étoit exemplaire et éclatante en vertus extérieures ; mais ils étoient superbes, hautains, jaloux des premiers rangs et de l'autorité, pleins d'euxmêmes et de leurs bonnes œuvres, dédaigneux et critiques pour autrui, en un mot, aveuglés par la confiance en leur propre justice.

(1)

Jésus-Christ fait une histoire qui représente ces deux caracteres, pour montrer combien le pharisien

(1) Luc. 18, v. 10, 11.

est plus loin du vrai royaume de Dieu que le publicain qui est chargé d'iniquités. Le publicain déplore ses vices; le pharisien raconte ses vertus. Le publicain n'ose demander de graces; le pharisien vante avec complaisance celles qu'il a reçues. Dieu se déclare pour le publicain. Il aime mieux le pécheur humble et confondu à la vue de sa misere, que le juste qui se complaît dans sa justice et qui tire sa propre gloire des dons de Dieu. S'approprier les dons de Dieu, c'est les tourner contre Dieu même pour flatter son propre orgueil. O dons de Dieu, que vous êtes redoutables à une ame qui se cherche en elle-même ! Elle tourne en poison l'aliment de vie étemelle : tout ce qui devroit la faire mourir à la vie d'Adam ne sert qu'àentretenircette vie. Onnourrit l'amour-propre de bonnes œuvres et d'austérités; on se raconte à soimême secrètement ses mortifications, ses victoires sur son goût, ses actions de justice, de patience, d'humilité, de désintéressement: on croit chercher dans toutes ces choses une consolation spirituelle; et on y cherche un appui pour se confier en soi-même et pour se rendre un témoignage avantageux de sa propre justice: on veut toujours être en état de se représenter à soi-même ce qu'on fait de bien. Quand ce témoignage intérieur échappe, on est désolé, trouble, consterné on eroit avoir tout perdue'},

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