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opérant sans cesse dans le fond de moi-même : vous y travaillez invisiblement comme un ouvrier qui travaille aux mines dans les entrailles de la terre : vous faites tout, et le monde ne vous voit pas ; il ne vous attribue rien moi-même je m'égarois en vous cherchant par de vains efforts bien loin de moi; je rassemblois dans mon esprit toutes les merveilles de la nature pour me former quelque image de votre grandeur; j'allois vous demander à vos créatures; et je ne pensois pas à vous trouver au fond de mon cœur, où vous ne cessiez d'être. Non, mon Dieu, il ne faut point creuser au fond de la terre ni passer au-delà des mers; il ne faut point voler jusques dans les cieux, comme (1) disent vos saints oracles, pour vous trouver : vous êtes plus près de nous que nous-mêmes.

O Dieu si grand et si familier tout ensemble, si élevé au-dessus des cieux et si proportionné à la bassesse de sa créature, si immense et si intimement renfermé dans le fond de mon cœur, si terrible et si aimable, si jaloux et si facile pour ceux qui vous traitent avec la familiarité du pur amour, quand est, ce que vos propres enfants cesseront de vous ignorer? Qui me donnera une voix assez forte pour reprocher au monde entier son aveuglement et pour lui an

(1) Deut. 30, v. 11; Rom. 10, v. 6.

TOME VIII.

noncer avec autorité tout ce que vous êtes? Quand on dit aux hommes de vous chercher dans leur propre cœur, c'est leur proposer de vous aller chercher plus loin que les terres les plus inconnues. Qu'y a-t-il de plus inconnu et de plus éloigné pour la plupart des hommes vains et dissipés, que le fond de leur propre cœur? Savent-ils ce que c'est que de jamais rentrer en eux-mêmes? En ont-ils jamais cherché le chemin ? Peuvent-ils même s'imaginer ce que c'est que ce sanctuaire intérieur, ce fond impénétrable de l'ame où vous voulez être adoré en esprit et en vérité? Ils sont toujours hors d'eux-mêmes, dans les objets de leur ambition ou de leurs amusements. Hélas! comment entendroient-ils les vérités célestes, puisque les vérités même terrestres, comme dit JésusChrist ("), ne peuvent se faire sentir à eux? Ils ne peuvent concevoir ce que c'est que de rentrer en soi par de sérieuses réflexions: que diroient-ils si on leur proposoit d'en sortir pour se perdre en Dieu ?

Pour moi, mon créateur, les yeux fermés à tous les objets extérieurs, qui ne sont que vanité et qu'affliction d'esprit (2), je veux trouver dans le plus secret de mon cœur une intime familiarité avec vous par

(1) Jean, 3, v. 12. (2) Eccl. 1, v. 14.

Jésus-Christ votre fils, qui est votre sagesse et votre raison éternelle, devenu enfant pour rabaisser par son enfance et par la folie de sa croix notre vaine et fausse sagesse. C'est là que je veux, quoiqu'il m'en coûte, malgré mes prévoyances et mes réflexions, devenir petit, insensé, encore plus méprisable à mes propres yeux qu'à ceux de tous les faux

sages.

C'est

là que je veux m'enivrer du Saint-Esprit comme les apôtres, et consentir comme eux d'être le jouet du monde.

Mais qui suis-je pour penser ces choses? Ce n'est plus moi, vile et fragile créature, ame de boue et de péché; c'est vous, ô Jésus, vérité éternelle, qui les pensez en moi, et qui les accomplissez, pour faire mieux triompher votre grace par un plus indigne

instrument.

O Dieu! on ne vous connoît point, on ne sait pas qui vous êtes. La lumiere luit au milieu des ténebres, et les ténebres ne peuvent la comprendre. C'est par vous qu'on vit, qu'on pense, qu'on goûte les plaisirs; et on oublie celui par qui on fait toutes ces choses! On ne voit rien que par vous, lumiere universelle, soleil des ames, qui luisez encore plus clairement que celui des corps; et, ne voyant rien que par vous,

(1) Jean, 1, v. 5..

on ne vous voit point! C'est vous qui donnez tout; aux astres leur lumiere, aux fontaines leurs eaux et leur cours, à la terre ses plantes, aux fruits leur saveur, aux fleurs leur éclat et leur parfum, à toute la nature sa richesse et sa beauté; aux hommes la santé, la raison, la vertu; vous donnez tout ; vous faites tout; vous réglez tout; je ne vois que vous; tout le reste disparoît comme une ombre aux yeux de celui qui vous a vu une fois: et le monde ne vous voit point! Mais hélas! celui qui ne vous voit point n'a jamais rien vu; il a passé sa vie dans l'illusion d'un songe; il est comme s'il n'étoit pas, plus malheureux encore, car il eût mieux valu pour lui, comme je l'apprends de votre parole, qu'il ne fût jamais né.

Pour moi, mon Dieu, je vous trouve par-tout au dedans de moi-même. C'est vous qui faites avec moi tout ce que je fais de bien. J'ai senti mille fois que je ne pouvois par moi-même ni vaincre mon humeur, ni détruire mes habitudes, ni modérer mon orgueil, ni suivre ma raison, ni continuer de vouloir le bien que j'avois une fois voulu. C'est vous qui donnez cette volonté, qui la conservez pure sans vous je ne suis qu'un roseau agité par le moindre vent. Vous m'avez donné le courage, la droiture et tous les-bons sentiments que j'ai : vous m'avez formé un cœur nouveau qui desire votre justice et qui est,

altéré de votre vérité éternelle; même, en me le donnant, vous avez arraché le cœur du vieil homme, pétri de boue et de corruption, jaloux, vain, ambitieux, inquiet, injuste, ardent pour les plaisirs. A quelle misere étois-je livré! Hélas! l'aurois-je jamais pu croire, et espérer de me tourner ainsi vers vous, et de secouer le joug de ma passion tyrannique?

Mais voici la merveille qui efface tout le reste : quel'autre que vous pouvoit m'arracher à moi-même, tourner toute ma haine et mon mépris contre moi? Ce n'est point moi qui ai fait cet ouvrage, car ce n'est point par soi-même qu'on sort de soi : il a donc fallu un soutien étranger sur lequel je pusse m'appuyer hors de mon propre cœur pour en condamner la misere. Il falloit que ce secours fût étranger; car je ne le pouvois trouver en moi, moi qu'il falloit combattre mais il falloit aussi qu'il fût intime pour arracher le moi trop humain des derniers replis de mon cœur. C'est vous, mon Seigneur, qui, portant votre lumiere dans le fond de mon ame, impénétrable à tout autre, m'y avez montré toute ma laideur. Je sais bien qu'en la voyant je ne l'ai pas changée, et que je suis encore difforme à vos yeux je sais bien que les miens n'ont pu découvrir toute ma difformité; mais du moins j'en vois une partie, et je voudrois décou

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