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gueurs d'une trop bonne fortune. C'est que Dieu veut rendre ridicule et affreux ce que le monde admire le plus. C'est qu'il traite sans pitié ceux qu'il éleve sans mesure pour les faire servir d'exemple. C'est qu'il veut rendre la croix complete en la plaçant dans la plus éclatante faveur pour déshonorer la faveur mondaine. Encore une fois, heureux sont ceux qui dans cet état considerent la main de Dieu qui les crucifie par miséricorde! Qu'il est beau de faire son purgatoire dans le lieu où les autres cherchent leur paradis, sans pouvoir en espérer d'autre après cette vie si courte et si misérable!

Dans cet état il n'y a presque rien à faire: Dieu n'a pas besoin que nous lui disions beaucoup de paroles, ni que nous formions beaucoup de pensées; il voit notre cœur quelquefois soumis et desirant de l'aimer, et cela lui suffit; il voit bien notre souffrance et notre soumission. On n'a que faire de répéter de moment en moment à une personne qu'on aime, Je vous aime de tout mon cœur; il arrive même souvent qu'on est long-temps sans penser qu'on l'aime, et on ne l'aime pas moins dans ce temps-là que dans ceux où on lui fait les plus tendres protestations. Le vrai amour repose dans le fond du cœur; il est simple, paisible et quelquefois silencieux; souvent on s'étourdit soi-même en multipliant à contre-temps

les discours et les réflexions. Cet amour sensible n'est que dans une imagination échauffée.

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Il n'y a donc dans la souffrance qu'à souffrir et à se taire devant Dieu: "Je me suis tu, dit David, parceque c'est vous qui l'avez fait. C'est Dieu qui envoie les vapeurs, les fluxions, les tournements de tête, les défaillances, les épuisements, les importunités, les sujétions; c'est lui qui envoie la grandeur même avec tous ses supplices et tout son maudit attirail; c'est lui qui fait naître an dedans la sécheresse, l'impatience, le découragement, pour nous humilier par la tentation et pour nous montrér à nous-mêmes tels que nous sommes. C'est lui qui fait tout; il n'y a qu'à le voir et qu'à l'adorer en tout.

Il ne faut point s'inquiéter pour se procurer une présence artificielle de Dieu et de ces vérités; il suffit de demeurer simplement dans cette disposition de cœur, de vouloir être crucifié; tout au plus une vue simple et sans effort qu'on renouvellera toutes les fois qu'on en sera averti intérieurement par un certain souvenir qui est une espece de réveil du cœur. - 'Ainsi les peines de la fayeur, les douleurs de la maladie et les imperfections mêmes du dedans, pourvir qu'elles soient portées paisiblement et avec petitesse,

(1) Ps. 38, v. 2.

sont le contre-poison d'un état qui est par lui-même si dangereux. Dans la prospérité apparente il n'y a rien de bon que la croix cachée. O croix! ô bonne croix ! je t'embrasse ; j'adore en toi Jésus mourant, avec qui il faut que je meure.

XLVIII. De l'emploi du temps.

Je comprends que ce que vous desirez de moi JE n'est pas seulement d'établir de grands principes pour prouver la nécessité de bien employer le temps: il y a long-temps que la grace vous en a persuadé. On est heureux quand on trouve des ames avec qui il y a, pour ainsi dire, plus de la moitié du chemin de fait. Mais que cette parole ne paroisse pas vous flatter; il en reste encore beaucoup à faire, et il y a bien loin depuis la persuasion de l'esprit, et même la bonne disposition du cœur, jusqu'à une pratique exacte et fidele.

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Rien n'a été plus ordinaire dans tous les temps, et rien ne l'est plus encore aujourd'hui, que de rencontrer des ames parfaites et saintes en spéculation. Vous les connoîtrez par leurs œuvres et par

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(1) Matth. 7, v. 16.

leur conduite, dit le Sauveur du monde. Et c'est la seule regle qui ne trompe point pourvu qu'elle soit bien développée : c'est par là que nous devons juger de nous-mêmes.

Il y a plusieurs temps à distinguer dans votre vie; mais la maxime qui doit se répandre universellement sur tous les temps, c'est qu'il ne doit point y en avoir d'inutiles; qu'ils entrent tous dans l'ordre et dans l'enchaînement de notre salut; qu'ils sont tous chargés de plusieurs devoirs que Dieu y a attachés de sa propre main et dont il doit nous demander compte: car, depuis les premiers instants de notre être jusqu'au dernier moment de notre vie, Dieu n'a point prétendu nous laisser de temps vuide, et qu'on puisse dire qu'il ait abandonné à notre discrétion ni pour le perdre. L'importance est de connoître ce qu'il desire que nous en fassions. On y parvient, non par une ardeur empressée et inquiete, qui seroit plutôt capable de tout brouiller que de nous éclairer sur nos devoirs, mais par une soumission sincere à ceux qui nous tiennent la place de Dieu; en second lieu par un cœur pur et droit qui cherche Dieu dans la simplicité, et qui combat sincèrement toutes les duplicités et les fausses adresses de l'amour-propre à mesure qu'il les découvre : car on ne perd pas seule. ment le temps en ne faisant rien ou en faisant le mal, X2

TOME VIII.

mais on le perd aussi en faisant autre chose que ce que l'on devroit, quoique ce que l'on fait soit bon. Nous sommes étrangement ingénieux à nous chercher nous-mêmes perpétuellement; et ce que les ames mondaines font grossièrement et sans se cacher, les personnes qui ont le desir d'être à Dieu le font souvent plus finement à la faveur de quelque prétexte qui, leur servant de voile, les empêche de voir la difformité de leur conduite.

Un moyen général pour bien employer le temps c'est de s'accoutumer à vivre dans une dépendance continuelle de l'esprit de Dieu et de sa loi, recevant de moment en moment ce qu'il lui plaît de nous donner; le consultant dans les doutes où il faut prendre notre parti sur-le-champ; recourant à lui dans les affoiblissements où la vertu tombe comme en dé faillance; l'invoquant et s'élevant vers lui lorsque le cœur, entraîné par les objets sensibles, se voit conduit imperceptiblement hors de sa route, se surprend dans l'oubli et dans l'éloignement de Dieu.

Heureuse l'ame qui, par un renoncement sincere à elle-même, se tient sans cesse entre les mains de son créateur prête à faire tout ce qu'il voudra, et qui ne se lasse point de lui dire cent fois le jour : " Sei

(1) Act. 9, v. 6; Ps. 142, V. 10.

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