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VIII. Sur la même fête de la conversion de saint Paul.

Mon Dieu, je vous rends graces d'avoir mis devant mes yeux Saul persécuteur, que vous convertissez et qui devient l'apôtre des nations. C'est pour la gloire de votre grace que vous l'avez fait. Vous vous devez à vous-même un si grand exemple pour consoler tous les pécheurs. Hélas! quels châtiments n'ai-je point mérités de votre justice? Je vous ai oublié, ô vous qui m'avez fait et à qui je dois tout ce que je suis : à l'ingratitude j'ai joint l'endurcissement; j'ai méprisé vos graces; j'ai été insensible à vos promesses; j'ai abusé de vos miséricordes; j'ai contristé votre esprit saint; j'ai résisté à ses mouvements salutaires; j'ai dit dans mon cœur rebelle: Non, je ne porterai point le joug du Seigneur. J'ai fui quand vous me poursuiviez; j'ai cherché des prétextes pour m'éloigner de vous. J'ai craint de voir trop clair et de connoître certaines vérités que je ne voulois pas suivre. Je me suis irrité contre les croix qui servent à me détacher de la vie. J'ai critiqué la vertu, la supportant impatiemment comme étant ma condamnation. J'ai eu honte de la suivre, et j'ai fait

gloire d'être ingrat. J'ai marché dans mes propres voies au gré de mes passions et de mon orgueil.

O mon Dieu, que me resteroit-il à la vue de tant d'infidélités, sinon d'être saisi d'horreur pour moimême? Non, je ne pourrois plus me souffrir si je ne voyois Saul incrédule, blasphémateur, persécutant vos saints, dont vous faites un vase d'élection. Il tombe persécuteur, et il se releve l'homme de Dieu. O Pere des miséricordes, que vous êtes bon! La malice de l'homme ne peut égaler votre bonté paternelle. Il est donc vrai que vous avez encore des trésors de graces et de patience pour moi, pauvre pécheur qui ai tant de fois foulé aux pieds le sang de votre fils. Vous n'êtes pas encore lassé de m'attendre, ô Dieu patient, ô Dieu qui craignez de punir trop tôt, ô Dieu qui ne pouvez vous résoudre à frapper ce vase d'argile formé de vos mains. Cette patience qui flattoit ma lâcheté m'attendrit. Hélas! serai-je donc toujours méchant parceque vous êtes bon? Est-ce à cause que vous m'aimez tant que je me croirois dispensé de vous aimer? Non, non, Seigneur, la vue de votre patience m'anime : je ne puis plus me voir un seul moment contraire à celui qui me rend le bien pour le mal; je déteste jusqu'aux moindres résistances; je n'en réserve rien: périsse tout ce qui retarde mon sacrifice! Ce n'est plus ce

demain d'une ame lâche qui fuit toujours sa conversion; aujourd'hui, aujourd'hui; ce qui me reste de vie n'est pas trop long pour pleurer tant d'années perdues : je dis comme Saul, Seigneur, que voulezvous que je fasse?

Il me semble que je vous entends me répondre : Je veux que tu m'aimes: Aime, et fais ce que tu voudras; car, en aimant véritablement, tu ne feras que ce que le pur amour fait faire aux ames détachées d'elles-mêmes; tu m'aimeras, tu me feras aimer, tu n'auras plus d'autre volonté que la mienne. Par là s'accomplira mon regne; par là je serai adoré en esprit et en vérité; par là tu me sacrifieras et les délices de la chair corrompue et l'orgueil de l'esprit agité par de vains fantômes; le monde entier ne sera plus rien pour toi; tu voudras n'être plus rien afin que je sois moi seul toutes choses en toi. Voilà ce que je veux que tu fasses. Mais comment le feraije, Seigneur? cette œuvre est au dessus de l'homme. Ah! vous me répondez au fond de mon cœur: Homme de peu de foi, regarde Saul et ne doute de rien; il te dira : “ Je puis tout en celui qui me qui me fortifie. Lui qui ne respiroit que sang et carnage contre les églises, il ne respire plus que l'amour de Jésus

(1) Phil. 4, v. 13..

Christ c'est Jésus-Christ qui vit triomphant dans

:

son apôtre mort à toutes choses. Le voilà tel que Dieu l'a fait; la même main te fera tel que tu dois être.

IX. Pour le jour de la Purification.

O Jésus, vous êtes offert aujourd'hui dans le temple; et la regle qui n'est faite que pour les enfants des hommes est accomplie par le Fils de Dieu.

O divin enfant, souffrez que je me présente avec vous. Je veux être comme vous dans les mains pures de Marie et de Joseph; je ne veux plus être qu'un même enfant avec vous, qu'une même victime. Mais que vois-je? on vous rachete comme on rachetoit les enfants des pauvres; deux colombes sont le prix de Jésus. O roi immortel de tous les siecles! bientôt vous n'aurez pas même de lieu où vous puissiez reposer votre tête. Vous enrichirez le monde de votre pauvreté, et déja vous paroissez au temple en qualité de pauvre. Heureux quiconque se fait pauvre avec vous! Heureux qui n'a plus rien et qui ne veut plus rien avoir! Heureux qui a perdu en vous et aux pieds de votre croix toute possession, qui ne possede plus même son propre cœur, qui n'a

plus de volonté propre, qui, loin d'avoir quelque chose, n'est plus à soi-même! O riche et bienheureuse pauvreté ! O trésor inconnu aux faux sages! O nudité qui est au-dessus de tous les biens les plus éblouissants! Enfant Jésus, je veux me dépouiller de tout, vous donner tout et sur-tout mon propre cœur, et jusqu'au moindre desir propre, jusqu'aux derniers restes de ma volonté. Je cours après vous, nud et enfant, comme vous l'êtes vous-même.

O qui le comprendra? Mais il est pourtant vrai qu'on n'est digne de Dieu qu'autant qu'on est hors de soi et perdu en lui. Arrachez-moi donc à moimême. Plus de retours d'amour-propre, plus de desirs inquiets. Le moi trop humain, à qui je rapportois tout autrefois, doit être anéanti pour jamais. Qu'on me mette haut, qu'on me mette bas, qu'on se souvienne de moi, qu'on m'oublie, qu'on me loue, qu'on me blâme, qu'on se fie à moi ou qu'on me soupçonne même injustement, qu'on me laisse en paix ou qu'on me traverse, qu'importe? ce n'est plus mon affaire. Je pense moins à moi, pour m'intéresser à tout ce qu'on me fait, qu'à celui qui fait faire toutes ces choses selon son plaisir : sa volonté s'accomplit et c'est assez. S'il y avoit encore un reste du moi pour se plaindre et pour murmurer, mon sacrifice seroit imparfait. Cette destruction de la vic

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