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tais; j'adore; je dis sans cesse : " Que votre volonté se fasse et non la mienne! je ne veux que vous seul, ô mon Dieu !

XI. Pour le jeudi saint.

Jésus, sagesse éternelle, vous êtes caché dans ce sacrement, et c'est là que je vous adore aujourd'hui. O que j'aime ce jour où vous vous donnâtes vousmême tout entier aux apôtres! Que dis-je, aux apôtres ? Vous ne vous êtes pas moins donné à nous qu'à eux. Précieux don qui se renouvelle tous les jours depuis tant de siecles, et qui durera sans interruption autant que le monde ! O gage des bontés du Pere des miséricordes! O sacrement de l'amour! O pain au-dessus de toute substance! Comme mon corps se nourrit de pain grossier et corruptible, ainsi mon ame doit se nourrir chaque jour de l'éternelle vérité, qui s'est faite non seulement chair pour être vie, mais encore pain pour être mangé et pour nourrir les enfants de Dieu.

Hélas! où êtes-vous donc, ô sagesse profonde qui avez formé l'univers? Qui pourroit croire que

(1) Luc, 22, Y. 42.

vous fussiez sous cette vile apparence? Oni ne voit qu'un peu de pain, et on reçoit, avec la chair vivifiante du Sauveur, tous les trésors de la Divinité. O sagesse, ô amour infini! pour qui faites-vous de si grandes choses? Pour des hommes ingrats, grossiers, aveugles, stupides, insensés, incapables de goûter votre don. Où sont les ames qui se nourrissent de votre pure vérité, qui vivent de vous seul, qui vous laissent vivre en elles et qui se transforment en vous? Je le comprends, vous voulez que par ce sacrement nous n'ayons plus d'autre sagesse que la vôtre, ni d'autre volonté que votre volonté même qui doit vouloir en nous. Cette sagesse divine doit être cachée en nous comme elle l'est sous les voiles du sacrément. Le dehors doit être siniple, foible, méprisable à l'or. gueilleuse sagesse des hommes; le dedans doit être tout mort à soi, tout transformé, tout divin.n

Jusqu'ici, ô mon Sauveur, je ne me suis point nourri de votre vérité; je me suis nourri des cérémonies de la religion, de l'éclat de certaines vertus qui élevent le courage, de la bienséance, de la régularité des actions extérieures, de la victoire que j'avois besoin de remporter sur mon humeur. pour ne montrer rien qui ne fût parfait. Voilà le voile grossier du sacrement; mais le fond du sacrement même, mais cette vérité substantielle et au-dessus de toute

substance bornée et comprise, où est-elle? Hélas! je ne l'ai point cherchée. J'ai songé à régler le dehors sans changer le dedans. Cette adoration en esprit et en vérité, qui consiste en la destruction de toute volonté propre pour laisser régner en moi celle de Dieu seul, m'est encore presque inconnue. Ma bouche a mangé ce qui est extérieur et sensible dans le sacrement, et mon cœur n'a point été nourri de cette vérité substantielle. Je vous sers, mon Dieu, mais à ma mode et selon les vues de ma sagesse qui est une vraie folie. Je vous aime, mais pour mon bien plus que pour votre gloire. Je desire vous glorifier, mais avec un zele qui n'est point abandonné sans réserve à toute l'étendue de vos desseins. Je veux vivre pour vous, mais renfermé en moi, et je crains de mourir à moi-même. Quelquefois je crois être prêt à tous les plus grands sacrifices, et la moindre perte que vous exigez de moi un moment après me trouble, me décourage.

O amour! que, ma misere et mon indignité ne vous rebutent point! C'est sous ce voile méprisable que vous voulez cacher la vertu et la grandeur de votre mystere. Vous voulez faire de moi un sacrement qui exerce la foi des autres et la mienne même. En cet état de foiblesse je me livre à vous: je ne puis rien; mais vous pouvez tout, et je ne crains point

ma foiblesse, sentant si près de moi votre toutepuissance. Verbe de Dieu, soyez sous cette foible créature comme vous êtes sous l'espece du pain. O parole souveraine et vivifiante! parlez dans le silence de mon ame : faites taire ce qui n'est point vous; faites taire mon ame même, et qu'elle ne se parle plus intérieurement, pour n'écouter que vous. O pain de vie! je ne me veux plus nourrir que de vous seul: tout autre aliment me feroit vivre à moi-même, me donneroit une force propre et me rempliroit au dehors.

Que mon ame meure de la mort des justes, de cette bienheureuse mort qui doit prévenir la mort corporelle; de cette mort intérieure qui divise l'ame d'avec elle-même, qui fait qu'elle ne se trouve ni ne se possede plus, qui éteint toute ardeur, qui détruit tout intérêt, qui anéantit tout retour sur soi! O amour! vous tourmentez merveilleusement. Le même pain du ciel fait mourir et fait vivre ; il arrache l'ame à elle-même, et il la met en paix; il lui ôte tout, et il lui donne tout; il lui ôte tout en elle, et lui donne tout en Dieu, en qui seul les choses sont pures. O mon amour, ô ma vie, ô mon tout! je n'ai plus que vous. O divin pain! je vous mangerai tous les jours, et je ne craindrai rien tant que d'être privé de cette céleste nourriture.

XII. Pour le vendredi saint.

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Le mystere de la passion de Jésus-Christ est incompréhensible aux hommes. Il a paru un scandale aux Juifs et une folie aux gentils. Les Juifs étoient, zélés pour la gloire de leur religion; ils ne pouvoient souffrir l'opprobre de Jésus-Christ. Les gentils, pleins de leur philosophie, étoient sages, et leur sagesse se révoltoit à la vue d'un Dieu crucifié : c'étoit renverser la raison humaine que de prêcher ce Dieu sur la croix. Cependant cette croix prêchée dans tout l'univers surmonte le zele superbe des Juifs et la sagesse hautaine des gentils. Voilà donc à quoi aboutit le mystere de la passion de Jésus-Christ, à confondre non seulement la sagesse profane des gens du monde, qui, comme les gentils, regardent la piété comme une folie, et qui ne connoissent de vertu que celle qui est revêtue d'un certain éclat, mais encore le zele superbe de certaines personnes pieuses qui ne veulent rien voir dans la religion qui ne soit conforme à leurs fausses idées.

O mon Dieu, je suis du nombre de ces Juifs scan

(1) I, Cor. 1, v. 23.

TOME VIII.

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