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En me privant de vous privez-moi de tout; dépouillez, arrachez sans pitié; ne laissez rien à mon ame, ne la laissez pas elle-même à elle-même.

que

Si la présence du Sauveur a dû nous être ôtée,

doit-il nous rester? Si Dieu a été jaloux d'une si sainte consolation pour les apôtres, avec quelle indignation détruira-t-il en nous tant d'amusements qui nous conservent certains restes secrets d'une vie propre? Quelle consolation sera aussi pure que celle de voir Jésus? Et par conséquent en reste-t-il quelqu'une dont nous osions encore refuser le sacrifice? O Dieu, n'écoutez plus ma lâcheté; dépouillez, écorchez, s'il le faut, coupez jusqu'au vif. Quand tout sera ôté, ce sera alors que vous resterez seul dans l'ame.

XV. Pour le jour de la Pentecôte.

Vous avez commencé, Seigneur, par ôter à vos apôtres ce qui paroissoit le plus propre à les soutenir, je veux dire la présence sensible de Jésus votre fils : mais vous avez tout détruit pour tout établir: vous avez ôté tout pour rendre tout, avec usure. Telle est votre méthode. Vous vous plaisez à renverser l'ordre du sens humain.

Après avoir ôté cette possession sensible de JésusChrist vous avez donné votre Saint-Esprit. O privation, que vous êtes précieuse et pleine de vertu, puisque vous opérez plus que la possession du Fils. de Dieu même! O ames lâches! pourquoi vous croyez-vous si pauvres dans la privation, puisqu'elle enrichit plus que la possession du plus grand trésor? Bienheureux ceux qui manquent de tout et qui manquent de Dieu même, c'est-à-dire de Dieu goûté et apperçu ! Heureux ceux pour qui Jésus se cache et se retire! L'esprit consolateur viendra sur eux; il appaisera leur douleur et aura soin d'essuyer leurs larmes. Malheur à ceux qui ont leur consolation sur la terre, qui mettent hors de Dieu le repos, l'appui et l'attachement de leur volonté ! Ce bon esprit promis à tous ceux qui le demandent n'est point envoyé sur eux. Le consolateur envoyé du ciel n'est que pour les ames qui ne tiennent ni au monde ni à elles-mêmes.

Hélas! Seigneur, où est-il donc cet esprit qui doit être ma vie? il sera l'ame de mon ame. Mais où est-il? je ne le sens, je ne le trouve point. Je n'éprouve dans mes sens que fragilité, dans mon esprit que dissipation et mensonge, dans ma volonté qu'inconstance et que partage entre votre amour et mille vains amusements. Où est-il donc votre esprit? Que

ne vient-il créer en moi un cœur nouveau selon le vôtre? O mon Dieu, je comprends que c'est dans cette ame appauvrie que votre esprit daignera habiter pourvu qu'elle s'ouvre à lui sans mesure. C'est cette absence sensible du Sauveur et de tous ses dons qui attire l'esprit saint. Venez donc, ô esprit ; vous ne pouvez rien trouver de plus pauvre, de plus dépouillé, de plus nud, de plus abandonné, de plus foible, que mon cœur. Venez, apportez-y la paix, non cette paix d'abondance qui coule comme un fleuve, mais cette paix seche, cette paix de patience et de sacrifice; cette paix amere, mais paix véritable pourtant, et d'autant plus pure, plus intime, plus profonde, plus intarissable, qu'elle n'est fondée que sur le renoncement sans réserve.

O esprit! ô amour! ô vérité de mon Dieu! ô amour lumiere! ô amour qui enseignez l'ame sans parler, qui faites tout entendre sans rien dire, qui ne demandez rien à l'ame et qui l'entraînez par le silence à tout sacrifice! O amour qui dégoûtez de tout autre amour, qui faites qu'on se hait, qu'on s'oublie et qu'on s'abandonne! O amour qui coulez au travers du cœur comme la fontaine de vie, qui pourra vous connoître sinon celui en qui vous serez? Taisez-vous, hommes aveugles; l'amour n'est point en vous. Vous ne savez ce que vous dites : vous

ne voyez rien, vous n'entendez rien. Le vrai docteur ne vous a jamais enseignés.

C'est lui qui rassasie l'ame de vérité sans aucune science distincte. C'est lui qui fait naître au fond de l'ame les vérités que la parole sensible de JésusChrist n'avoit exposées qu'aux yeux de l'esprit. On goûte, on se nourrit, on se fait une même chose avec la vérité. Ce n'est plus elle qu'on voit comme un objet hors de soi; c'est elle qui devient nousmêmes et que nous sentons intimement comme l'ame se sent elle-même. O quelle puissante consolation sans chercher à se consoler! On a tout sans rien avoir. Là on trouve en unité le Pere, le Fils et le Saint-Esprit : le Pere créateur qui crée en nous tout ce qu'il veut y faire pour nous rendre des enfants semblables à lui : le Fils verbe de Dieu qui devient le verbe et la parole intime de l'ame, qui se tait à tout pour ne laisser plus parler que Dieu : enfin l'Esprit qui souffle où il veut, qui aime le Pere et le Fils en nous. O mon amour, qui êtes mon Dieu, aimez-vous, glorifiez-vous vous-même en moi! Ma paix, ma joie, ma vie sont en vous, qui êtes mon tout, et je ne suis plus rien.

XVI. Pour la fête du saint sacrement.

J'ADORE Jésus-Christ au saint sacrement où il cache tous les trésors de son amour. O octave trop courte pour célébrer tant de mysteres de Jésus anéanti! Je n'y vois qu'amour, que bonté et que miséricorde. Hélas! Seigneur, que voulez-vous? Pourquoi cacher votre majesté éternelle? Pourquoi l'exposer à l'ingratitude des ames insensibles, à l'irrévérence des hommes? Ah! c'est que vous nous aimez, vous nous cherchez, vous vous donnez tout entier à nous. Mais encore de quelle maniere faites-vous ce don? sous la figure de l'aliment le plus familier, O mon pain, ô ma vie, ô chair de mon Sauveur, venez exciter ma faim! je ne veux plus me nourrir que de

vous.

O verbe, ô sagesse, ô parole, ô vérité éternelle, vous êtes caché sous cette chair, et cette chair sacrée se cache sous cette apparence grossiere du pain. O Dieu caché, je veux vivre caché avec vous pour vivre de votre vie divine, Sous toutes mes miseres, mes foiblesses, mes indignités, je cacherai Jésus; je deviendrai le sacrement de son amour : on ne verra que le voile grossier du sacrement, la créature im

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