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extases; rien que de simple et de commun. Sa vie étoit tout intérieure: elle prioit avec persévérance; voilà son occupation; elle prioit avec les autres femmes. O combien sa priere devoit-elle être plus pure et plus divine! Mais ces trésors demeuroient cachés. Au dehors on ne voyoit que recueillement, simplicité, vie commune.

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Adoration en esprit et en vérité dont Marie est le modele, quand est-ce que les hommes vous connoîtront? Ils vous cherchent où vous n'êtes pas; dans les grands projets, dans les conduites pleines d'austérité. Toutes ces choses ont leur temps, et Dieu y appelle quand il lui plaît. Mais le vrai culte, le pur amour, ne dépend point de toutes ces choses. Aimer en silence, ne vouloir que Dieu seul, ne tenir à rien, pas même à ses dons pour se les ap-, proprier avec complaisance; souffrir tout en esprit d'amour; souffrir la vie comme les maux dont elle est pleine, par abandon à Dieu, et dans le dépouillement intérieur, comme Marie vivoit dans cette amere séparation d'avec son fils; ne se compter plus pour rien dans toutes les choses qu'on a à faire ou à souffrir; ne se croire ni capable ni incapable d'aucune chose, máis se laisser mener comme un petit enfant, ou comme Marie se laisse donner par son fils à Jean; n'avoir plus rien à soi et n'être plus à

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soi-même; vivre, mourir avec un coour égal, ou plutôt n'avoir ni cœur ni volonté, mais laisser Dien uniquement vouloir et s'aimer soi-même sans mesure au dedans de nous : ô vous voilà, adoration pure, simple et parfaite! c'est de tels adorateurs que le Pere cherche.

Mais, hélas! où les trouvera-t-il? On craint toujours d'aller trop loin et de se perdre en se donnant à Dieu. La pure foi ne suffit point aux ames timides et intéressées. Elles veulent voir et posséder des dons sensibles; s'appuyer, comme dit l'écriture, sur un bras de chair ou sur la force de leur sagesse. Marcher, comme Abraham, sans savoir où l'on va, est une chose qui révolte les sens et la raison défiante. Hélas! on veut servir Dieu, mais à condition de régler tous ses pas, d'arranger ses affaires, de se faire un genre de vie doux et commode. On ne veut rien, dit-on. Hé! ne veut-on pas les commodités de la vie, la consolation de l'amitié, le succès des choses qu'on croit bonnes, la conservation d'une réputation avantageuse? O' Dieu de vérité, faites luire vos plus purs rayons de grace dans ces ames timides et mercenaires! Montrez-leur qu'elles veulent tout quoiqu'elles ne croient rien vouloir. Poussez-les sans relâche de sacrifice en sacrifice. Elles reconnoîtront, à chaque chose qu'il faudra sacrifier, qu'il n'y en

avoit aucune à laquelle elles ne tinssent fortement. Quelles agonies quand Dieu nous prend au mot, et ne fait que prendre ce que nous lui avons tant de fois abandonné! O abandon, on parle de vous sans vous connoître! O sacrifice de vérité, vous êtes dans la bouche et point dans le cœur! O mon ame, je ne me fie plus à vous je ne me fie qu'à Dieu seul qui m'arrachera à moi-même. O Marie, mere de Jésus, je veux vivre et mourir avec vous dans le pur

amour!

XIX. Pour le jour de saint Augustin.

QUE vois-je, Seigneur, en saint Augustin? le comble de la misere, et puis une miséricorde qui la surpasse. O qu'une ame foible et misérable est consolée à la vue d'un tel exemple ! C'est ainsi, ô mon Dieu, que vous aimez à sauver ce qui étoit perdu, à redresser ce qui étoit égaré, à remettre dans votre sein tendre et paternel ce qui étoit loin de vous et livré à ses passions. O aimable saint, vous m'êtes mis devant les yeux pour m'apprendre, dans l'abyme de mes ténebres, à espérer et à ne me décourager jamais, puisque la source des miséricordes ne tarit point pour les cœurs pénitents; enfin à me supporter

moi-même en tout ce que je vois en moi de plus humiliant.

O amour de mon Dieu, que n'avez-vous pas fait dans le cœur d'Augustin! En lui on avoit vu l'amour aveugle, l'amour égaré, l'amour insensé; mais, ô amour, vous êtes retourné à votre centre vers la vérité et la beauté éternelle : cet amour qui avoit si long-temps couru après le mensonge est devenu amour parfait : c'est l'amour humble, c'est l'amour qui s'anéantit pour mieux aimer. Augustin ne s'aime plus lui-même, tant il aime Dieu; il ne voit plus rien par son propre esprit; il est abattu ce grand génie si fécond, si vif, si étendu, si élevé, si hardi pour contempler les plus hautes vérités. Qu'est-il donc devenu cet homme qui perçoit les plus grandes difficultés, qui raisonnoit si subtilement, qui parloit, qui décidoit avec tant d'assurance? Qu'en reste-t-il? Hélas! je ne vois plus que la simplicité d'un enfant : il suit sans voir, il croit sans comprendre; l'amour simple et anéanti est devenu son unique lumiere; il ne cherche plus à connoître par ses propres lumieres, mais l'onction de l'amour lui apprend toute vérité; il la trouve renfermée dans le mépris de tout luimême, et dans l'amour de Dieu qui est l'unique bien. Qui suis-je? s'écrie-t-il. Rien qu'une voix qui crie: Dieu est tout, et il n'y a que lui.

TOME VIII.

H3

O profonde doctrine! la lumiere la plus précieuse est cette lumiere éternelle qui anéantit les lumieres humaines : c'est cet état d'obscurité où, sans rien voir en homme, l'amour parfait voit tout d'une maniere divine: c'est ce goût intime de la vérité qui ne la met plus devant des yeux de la chair et du sang, mais qui la fait habiter au fond de nous-mêmes. O chere science de Jésus en comparaison de laquelle tout n'est rien, qui vous donnera à moi? qui me donnera à vous? Enseignez-moi, Seigneur, à aimer, et je saurai toutes vos écritures. Toutes leurs pages m'enseignent que l'ame qui aime sait tout ce que vous voulez qu'on sache. O amour, instruisez-moi par le cœur et non par l'esprit. Désabusez-moi de ma vaine raison, de ma prudence aveugle, de tous desirs indignes d'une ame qui vous aime. Que je meure, comme Augustin, à tout ce qui n'est pas

vous.

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