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QUE l'humiliation est un grand bien pour le progrès d'une ame qui la soutient de bonne foi! on y trouve mille bénédictions pour soi et pour sa conduite à l'égard des autres; car notre Seigneur donne sa grace aux humbles.

L'humilité produit le support d'autrui. La vue seule de nos miseres peut nous rendre compatissants et indulgents pour celles d'autrui.

Deux choses mises ensemble produiront l'humilité : la premiere est l'abyme de misere d'où la puissante main de Dieu nous a tirés et au-dessus duquel il nous tient encore comme suspendus en l'air; la seconde est la présence de ce Dieu qui est tout.

Ce n'est qu'en voyant Dieu et en l'aimant sans cesse qu'on s'oublie soi-même, qu'on se désabuse de ce néant qui nous avoit éblouis, et qu'on s'accoutume à s'appetisser, avec consolation, sous cette haute majesté qni engloutit tout. Aimons Dieu, et nous serons humbles. Aimons Dieu, et nous ne nous aimerons plus nous-mêmes d'un amour déréglé. Aimons Dieu, et nous aimerons tout ce qu'il veut que nous aimions pour l'amour de lui.

Les fautes les plus ameres à supporter tournent à bien, si nous nous en servons pour nous humilier,

sans nous ralentir dans l'application à nous corriger. Le découragement ne remédie à rien; ce n'est qu'un désespoir de l'amour-propre dépité. Le vrai moyen de profiter de l'humiliation de nos fautes est de les voir dans toute leur laideur, sans perdre l'espérance en Dieu, et sans espérer jamais rien de soi-même. Nous avons de pressants besoins d'être humiliés par. nos fautes; ce n'est que par là que Dieu écrasera notre orgueil, et confondra notre sagesse présomptueuse. Quand Dieu aura ôté toute ressource en nousmêmes, il bâtira son édifice: jusques-là il foudroiera tout, se servant même de nos fautes. Laissons-le faire; travaillons humblement, sans nous rien promettre de nos seules forces.

Il faut se supporter soi-même sans se flatter ni se décourager: c'est un milieu qu'on trouve rarement; on se promet beaucoup de soi et de sa bonne intention, ou bien on désespere de tout. N'espérons rien de nous, attendons tout de Dieu. Le désespoir de: notre foiblesse qui est incorrigible, et la confiance sans réserve en la toute-puissance de Dieu, sont les vrais fondements de l'édifice spirituel.

C'est une fausse humilité, en se reconnoissant indigne des bontés de Dieu, de n'oser les attendre avec confiance: la vraie humilité consiste à voir toute son indignité, et à demeurer abandonné à Dieu, ne

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doutant point qu'il ne puisse faire en nous les plus grandes choses. Si Dieu pour ses ouvrages avoit besoin de trouver en nous des fondements déja posés, nous aurions raison de croire que nos péchés ont tout détruit, et que nous sommes indignes d'être choisis par la sagesse divine. Mais Dieu n'a besoin de rien trouver en nous; il n'y peut jamais trouver que ce qu'il y a mis lui-même par sa grace; on peut dire même qu'il se plaît à choisir l'ame infidele et vuide de tout bien pour en faire le sujet le plus propre à recevoir ses miséricordes : c'est là qu'elles prennent plaisir à couler pour se manifester plus sensiblement. Ces ames pécheresses, qui n'ont jamais senti en elles qu'infirmités, ne peuvent s'attribuer rien des dons de Dieu. C'est ainsi que Dieu choisit les choses les plus foibles du monde pour confondre, comme dit S. Paul, les plus fortes.

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Ne craignons donc point que nos infidélités puissent nous rendre indignes de la miséricorde de Dieu : rien n'est si digne de sa miséricorde qu'une grande misere. Il est venu du ciel en terre pour les pécheurs, et non pour les justes : il est venu chercher ce qui étoit perdu sans lui; le médecin cherche les malades, et non les sains. O que Dieu aime ceux qui

(1) I. Cor. 1, v. 27.

TOME VIII,

M

se présentent hardiment à lui avec leurs haillons les plus sales et les plus déchirés, et qui lui demandent, comme à leur pere, un vêtement digne de lui!

Vous attendez que Dieu vous montre un visage doux et riant pour vous familiariser avec lui ; et moi je dis que, quand vous lui ouvrirez simplement votre cœur avec une entiere familiarité, vous ne vous mettrez plus en peine du visage avec lequel il se présentera à vous. Qu'il vous montre, tant qu'il lui plaira, un visage sévere et irrité, laissez-le faire : il n'aime jamais tant que quand il menace; car il ne menace que pour éprouver, pour humilier, pour détacher. Est-ce la consolation seule que Dieu donne, ou Dieu lui-même sans consolations sensibles, que votre cœur cherche ? Si c'est la consolation seule, vous n'aimez donc pas Dieu pour l'amour de lui-même, mais pour l'amour de vous; en ce cas vous ne méritez rien de lui: si au contraire vous cherchez Dieu purement, vous le trouvez encore plus quand il vcus éprouve que quand il vous console. Quand il vous console, vous avez à craindre de vous attacherplus à ses douceurs qu'à lui : quand il vous traite rudement, si vous ne cessez point de demeurer uni à Iui, c'est à lui seul que vous tenez. Hélas! qu'on se trompe! On s'enivre d'une vaine consolation, lorsqu'on est soutenu par un goût sensible; on s'imagine

être déja ravi au tre 'sieme ciel, et on ne fait rien de solide : mais, quand on est dans la foi seche et nue, alors on se décourage, on croit que tout est perdu : en vérité c'est alors que tout se persectionne, pourvu qu'on ne se décourage pas.

Laissez donc faire Dieu : ce n'est pas à vous à régler les traitements que vous en devez recevoir; il sait mieux que vous ce qu'il vous faut : vous méritez bien un peu de sécheresse et d'épreuve; souffrezles patiemment. Dieu fait de son côté ce qui lui con ̧ vient quand il vous repousse; de votre côté faites aussi ce que vous devez, qui est de l'aimer, sans attendre qu'il vous témoigne aucun amour sensible. Votre amour vous répondra du sien; votre confiance le désarmera, et changera toutes ses rigueurs en caresses. Quand même il ne devroit point s'adoucir, vous devez vous abandonner à sa conduite juste, et adorer ses desseins de vous faire expirer sur la croix dans le délaissement avec son fils bien-aimé pour vous couronner ensuite avec lui dans le ciel. Voilà le pain solide de pure foi, et l'amour généreux dont vous devez nourrir votre ame, et qui la rendra robusté et vigoureuse.

Les personnes véritablement humbles ne sauroient entendre sans surprise ce qui tend à les relever. Ceux qui possedent vraiment cette vertu sont doux et pai

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