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sibles, ont le cœur contrit et humilié, porté à la miséricorde et à la compassion; ils sont tranquilles, gais, obéissants, vigilants, pleins de ferveur et incapables de contradictions; ils se mettent toujours au dernier rang, se réjouissent quand on les méprise, regardent tous les autres au-dessus d'eux; ils sont indulgents aux foiblesses d'autrui à la vue des leurs, et très éloignés de se préférer à personne. C'est par l'épreuve des humiliations et des mépris que nous pouvons connoître si nous avançons dans l'humilité.

VII. Sur la priere.

ON est tenté de croire qu'on ne prie plus Dieu dès qu'on cesse de goûter un certain plaisir dans la priere. Pour se détromper, il faudroit considérer que la parfaite priere et l'amour de Dieu sont la même chose.

La priere n'est donc pas une douce sensation, nile charme d'une imagination enflammée, ni la lumiere de l'esprit qui découvre facilement en Dieu des vérités sublimes, ni même une certaine consolation dans la vue de Dieu : toutes ces choses sont des dons extérieurs, sans lesquels l'amour peut subsister d'autant plus purement, qu'étant privé de toutes ces choses, qui ne sont que des dons de Dieu, on s'attachera uniquement et immédiatement à lui-même..

Voilà l'amour de pure foi, qui désole la nature parcequ'il ne lui laisse aucun soutien : elle croit que tout est perdu, et c'est par là même que tout est gagné.

Le pur amour n'est que dans la seule volonté : ainsi ce n'est point un amour de sentiment, car l'imagination n'y a point de part; c'est un amour qui aime, pour ainsi dire, sans sentir, comme la pure foi croit sans voir. Il ne faut pas craindre que cet amour soit imaginaire; car rien ne l'est moins que la volonté détachée de toute imagination plus nos opérations sont purement intellectuelles et spirituelles, plus elles ont, non seulement la réalité, mais la perfection que Dieu demande : l'opération en est donc plus parfaite; en même temps la foi s'y exerce et l'humilité s'y

conserve.

Alors l'amour est chaste; car c'est Dieu en lui-même et pour lui-même : ce n'est plus ce qu'il fait sentir à quoi on s'attache; on le suit, mais ce n'est pas à cause des pains multipliés.

que

Quoi! dira-t-on, toute la piété ne consistera-t-elle dans une volonté de s'unir à Dieu, qui sera peutêtre plutôt une pensée et une imagination, qu'une volonté effective?

Si cette volonté n'est soutenue par la fidélité dans les principales occasions, je croirai qu'elle n'est pas

véritable; car le bon arbre porte de bons fruits, et cette volonté doit rendre attentif pour accomplir la volonté de Dieu : mais elle est compatible en cette vie avec de petites fragilités, que Dieu laisse à l'ame pour l'humilier. Si donc on n'éprouve que de ces fragilités journalieres, il en faut tirer le fruit de l'humiliation, sans perdre courage.

que

Mais enfin la vraie vertu et le pur amour ne sont dans la volonté seule. N'est-ce pas beaucoup que de vouloir toujours le souverain bien dès qu'on l'apperçoit ; de retourner son intention vers lui dès qu'on remarque qu'elle en est détournée; de ne vouloir jamais rien par délibération que selon son ordre ; et enfin de demeurer soumis en esprit de sacrifice et d'abandon à lui, lorsqu'on n'a plus de consolation sensible? Comptez-vous pour rien de retrancher toutes les réflexions inquietes de l'amour-propre; de marcher toujours sans trop chercher à voir où l'on va et sans s'arrêter; de ne penser jamais avec complaisance à soi-même, ou du moins de n'y penser jamais que comme on penseroit à une autre personne, pour remplir un devoir de providence dans le moment présent, sans regarder plus loin? N'est-ce pas là ce qui fait mourir le vieil homme, plutôt que les belles réflexions où l'on s'occupe encore de soi par amour-propre, et plutôt que plusieurs œuvres extérieures sur

lesquelles on se rendroit témoignage à soi-même de son avancement?

C'est par une espece d'infidélité contre l'attrait de la pure foi qu'on veut toujours s'assurer qu'on fait bien : c'est vouloir savoir ce qu'on fait; ce qu'on ne

saura jamais et que Dieu veut qu'on ignore : c'est s'amuser dans la voie pour raisonner sur la voie même. La voie la plus sûre et la plus courte est de se renoncer, de s'oublier, de s'abandonner, et de ne plus penser à soi par fidélité pour Dieu. Toute la religion ne consiste qu'à sortir de soi et de son amour-propre pour tendre à Dieu.

Pour les distractions involontaires, elles ne distraient point l'amour, puisqu'il est dans la volonté, et que la volonté n'a jamais de distractions quand elle n'en veut point avoir. Dès qu'on les remarque, on les laisse tomber et on se tourne vers Dieu; ainsi, pendant que les sens extérieurs de l'épouse sont endormis, son cœur veille, son amour ne se relâche point. Un pere tendre ne pense pas toujours distinctement à son fils; mille objets entraînent son imagination et son esprit : mais ses distractions n'interrompent jamais l'amour paternel; à quelque heure que son fils revienne dans son esprit, il l'aime, et il sent au fond de son cœur qu'il n'a pas cessé un seul moment de l'aimer, quoiqu'il ait cessé de penser à lui. Tel doit être

notre amour pour notre pere céleste; un amour simple, sans défiance et sans inquiétude.

Sil'imagination s'égare, si l'esprit est entraîné, ne nous troublons point: toutes ces puissances ne sont pas le vrai homme du cœur, l'homme caché, dont parle S. Pierre ", qui est dans l'incorruptibilité d'un esprit modeste et tranquille. Il n'y a qu'à faire un bon usage des pensées libres, en les tournant toujours vers la présence du bien-aimé, sans s'inquiéter sur les autres : c'est à Dieu à augmenter quand il lui plaira cette facilité sensible de conserver sa présence.

Souvent il nous l'ôte pour nous avancer; car cette facilité nous amuse par trop de réflexions: ces réflexions sont des distractions véritables, qui interrompent le regard simple et direct de Dieu, et qui par là nous retirent des ténebres de la pure foi.

On cherche souvent dans ces réflexions le repos de l'amour-propre, et la consolation dans le témoignage qu'on veut se rendre à soi-même : ainsi on se distrait par cette ferveur sensible; et au contraire on ne prie jamais si purement que quand on est tenté de croire qu'on ne prie plus : alors on craint de prier mal; mais on ne devroit craindre que de se laisser aller à la désolation de la nature lâche, à l'infidélité

(1) Petr. 3, v. 4.

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