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CHAPITRE XXIII.

POÉSIE A SPARTE. PREMIER CHANT DE TYRTÉE;

LE BRUN. SECOND CHANT DE TYRTÉE; HYMNE DES MARSEILLOIS.
CHOEUR SPARTIATE; STROPHES DES ENFANTS.
CHANSON EN L'HONNEUR D'HARMODIUS;
ÉPITAPHE DE MARAT.

Tandis que Pisistrate et ses fils cherchoient par les beaux-arts à corrompre les Athéniens pour les asservir, les mêmes talents servoient à maintenir les mœurs à Lacédémone. C'est ainsi que le vice et la vertu savent faire un différent usage des présents du ciel.

Les vers de Tyrtée, qui commandoient autrefois la victoire, étoient encore redits par les Spartiates. Ils méritent toute la réputation dont ils jouissent. Rien de plus beau, de plus noble, que les fragments qui nous en restent. Je m'empresse de les donner au lecteur.

PREMIER CHANT GUERRIER.

« Celui-là est peu propre à la guerre qui ne peut d'un œil serein voir le sang couler et ne brûle d'approcher l'ennemi. La vertu guerrière reçoit la couronne la plus éclatante; c'est celle qui illustre un héros. Vraiment utile à son pays est le jeune homme qui s'avance fièrement au premier rang, y reste sans s'étonner, bannit toute idée d'une fuite honteuse, se précipite au-devant du danger, et, prêt à mourir, fait face à l'ennemi le plus proche de lui: vraiment excellent, vraiment utile est ce jeune homme. Les phalanges redoutables s'évanouissent devant lui: il détermine par sa valeur le torrent de la victoire. Mais si, le bouclier percé de mille traits, si, la poitrine couverte de mille blessures, il tombe sur le champ de bataille, quel honneur pour sa patrie, ses concitoyens, son père! Jeunes et vieux, tous le pleurent. Il emporte avec lui l'amour d'un peuple entier. Sa tombe, ses enfants, sa postérité même la plus reculée attirent le respect des hommes. Non, il ne meurt point, le héros sacrifié à la patrie : il est immortel'!

Ce morceau est sublime. Il n'y a là ni fausse chaleur, ni torture de mots, ni toute cette enflure moderne dont Voltaire commençoit déjà à se plaindre, et que les La Harpe, et après lui plusieurs littérateurs

1. Poet. Minor. Græc., p. 434.

2. VOLTAIRE, Lettres à l'abbé d'Olivet sur sa Prosodie.

distingués, cherchèrent en vain à contenir. Les François ont aussi célébré leurs combats. Voici comment M. Le Brun a chanté les victoires de la république :

CHANT DU BANQUET RÉPUBLICAIN,

POUR LA FÊTE DE LA VICTOIRE.

O jour d'éternelle mémoire,
Embellis-toi de nos lauriers !
Siècles! vous aurez peine à croire
Les prodiges de nos guerriers,

L'ennemi disparu fuit ou boit l'onde noire

Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits!
Enivrons, mes amis, la coupe de la gloire
D'un nectar pétillant et frais
Buvons, buvons à la Victoire,
Fidèle amante des François.
Buvons, buvons à la Victoire.

Liberté, préside à nos fêtes;
Jouis de nos brillants exploits.
Les Alpes ont courbé leurs têtes,

Et n'ont pu défendre les rois :

L'Eridan conte aux mers nos rapides conquêtes.
Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc.

L'Adda, sur ses gouffres avides,
Offre un pont de foudres armé :
Mars s'étonne! mais nos Alcides
Dévorent l'obstacle enflammé.

La Victoire a pâli pour ces cœurs intrépides.
Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc.

Tout cède au bras d'un peuple libre,

Les rochers, les torrents, le sort;

De ces coups dont gémit le Tibre,

Le Sud épouvante le Nord;

Des balances de Pitt nous rompons l'équilibre.

Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc.

Sa gaîté, fille du courage,

Par un sourire belliqueux

1. MM. Flins et Fontanes, dans Le Modérateur; M. Ginguené, dans Le Moniteur, et maintenant les rédacteurs de plusieurs feuilles périodiques qui paroissent rédigées avec élégance et pureté.

Déconcerte la sombre rage

De l'Anglois morne et ténébreux;

Le François chante encore en volant au carnage.
Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc.

Rival de la flamme et d'Éole,

Le François triomphe en courant ;
Pareil à la foudre qui vole,

Il renverse l'aigle expirant;

Le despote sacré tombe du Capitole.

Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc.

Sous la main de nos Praxiteles,

Respirez, marbres de Paros !

Muses, vos lyres immortelles

Nous doivent l'hymne des héros.

Il faut de nouveaux chants pour des palmes nouvelles.
Sous des lauriers que Bacchus a d'attraits! etc. ' *.

Dans le second chant de Tyrtée qu'on va lire, ce poëte a déployé toutes les ressources de son génie. A la fois pathétique et élevé, son vers gémit avec la patrie ou brûle de tous les feux de la guerre. Pour exciter le jeune héros à la défense de son pays, il appelle toutes les passions, touche toutes les cordes du cœur. Ce fut sans doute un pareil chant qui ramena une troisième fois à la charge les Lacédémoniens vaincus, et leur fit conquérir la victoire, en dépit de la destinée.

SECOND CHANT GUERRIER.

« Qu'il est beau de tomber au premier rang en combattant pour la patric! Il n'est point de calamité pareille à celle du citoyen forcé d'abandonner son pays. Loin des doux lieux qui l'ont vu naître, avec une mère chérie, un père accablé sous le poids des ans, une jeune épouse et de petits enfants entre ses bras, il erre en mendiant un pain amer dans la terre de l'étranger. Objet du mépris des hommes, une odieuse pauvreté le ronge. Son nom s'avilit; ses formes, jadis si belles, s'altèrent; une anxiété intolérable, un mal intérieur s'attache à sa poitrine. Bientôt il perd toute pudeur, et son front ne sait plus rougir. Ah! mourons s'il le faut pour notre terre natale, pour notre famille, pour la liberté ! Héros de Sparte, combattons étroitement serrés. Qu'aucun

1. PELT., Journ., no Lx, p. 484.

• Ce chant est véritablement un lieu commun. Sa médiocrité est d'autant plus frappante, qu'il est placé entre deux admirables chants de Tyrtée. (N. ÉÐ.)

de vous ne se livre à la crainte ou à la fuite. Prodigues de vos jours, dans une fureur généreuse précipitez-vous sur l'ennemi. Gardez-vous d'abandonner ces vieillards, ces vétérans, dont l'âge a roidi les genoux. Quelle honte si le père périssoit plus avant que le fils dans la mêlée, de le voir, avec sa tête chenue, sa barbe blanche, se débattant dans la poussière et, lorsque l'ennemi le dépouille, couvrir encore de ses foibles mains sa nudité sanglante! Ce vieillard est en tout semblable aux jeunes guerriers; il brille des fleurs de l'adolescence. Vivant, il est adoré des femmes et des hommes; mort, on lui décerne une couronne. O Spartiates! marchons donc à l'ennemi. Marchons le pas assuré, chaque héros ferme à son poste et se mordant les lèvres 1. »

L'hymne des Marseillois n'est pas vide de tout mérite. Le lyrique a eu le grand talent d'y mettre de l'enthousiasme sans paroître ampoulé. D'ailleurs cette ode républicaine vivra, parce qu'elle fait époque dans notre révolution. Enfin, elle mena tant de fois les François à la victoire, qu'on ne sauroit mieux la placer qu'auprès des chants du poëte qui fit triompher Lacédémone. Nous en tirerons cette leçon affligeante que dans tous les âges les hommes ont été des machines qu'on fait égorger avec des mots :

HYMNE DES MARSEILLOIS.

Allons, enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé.

Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé.
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats?

Ils viennent jusque dans nos bras
Égorger nos fils, nos compagnes.

Aux armes, citoyens! formez vos bataillons.
Marchez, qu'un sang impur abreuve nos sillons!

CHOEUR.

Marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons!

1. Poet. Minor. Græc., p. 441.

2. Je crois que l'auteur de cet hymne s'appelle M. de Lisle. Ce n'est pas le traducteur des Géorgiques".

On voit par cette note combien les choses les plus connues en France étoient ignorées en Angleterre pendant les guerres de la révolution. Ce n'est pas la poésie, c'est la musique qui fera vivre l'hymne révolutionnaire. Pour couronner tant de parallèles extravagants, il ne restoit plus qu'à comparer le chant en l'honneur des libérateurs de la Grèce à l'épitaphe de Marat. (N. ÉD.)

Que veut cette horde d'esclaves,
De traîtres, de rois conjurés?
Pour qui ces ignobles entraves,

Ces fers dès longtemps préparés?

François, pour nous : ah! quel outrage!

Quels transports il doit exciter!

C'est nous qu'on ose méditer

De rendre à l'antique esclavage!

Aux armes, citoyens! etc.

Quoi! des cohortes étrangères
Feroient la loi dans nos foyers!
Quoi! ces phalanges mercenaires
Terrasseroient nos ficrs guerriers!
Grand Dieu! par des mains enchaînécs
Nos fronts sous le joug se ploiroient!
De vils despotes deviendroient

Les maîtres de nos destinées!

Aux armes, citoyens! etc.

Tremblez, tyrans, et vous, perfides,
L'opprobre de tous les partis!
Tremblez! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix.
Tout est soldat pour vous combattre.
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,

Contre vous tout prêts à se battre.

Aux armes, citoyens! etc.

Amour sacré de la patrie,

Conduis, soutiens nos bras vengeurs.

Liberté Liberté chérie !

Combats avec tes défenseurs!

Sous nos drapeaux que la victoire

Accoure à tes mâles accents;

Que tes ennemis expirants

Voint ton triomphe et notre gloire.

Aux armes, citoyens! formez vos bataillons.

Marchez, qu'un sang impur abreuve nos sillons!

CHOUR.

Marchons, qu'un sang impuz abreuve nos sillons!

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