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CHAPITRE XXV.

INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION RÉPUBLICAINE SUR LES GRECS.

LES BIENS.

Les Grecs et les François, dans une tranquillité profonde, vivoient soumis à des rois qu'une longue suite d'années leur avoit appris à respecter. Soudain un vertige de liberté les saisit. Ces monarques, hier encore l'objet de leur amour, ils les précipitent à coups de poignard de leur trône. La fièvre se communique. On dénonce guerre éternelle contre les tyrans. Quel que soit le peuple qui veuille se défaire de ses maîtres, il peut compter sur les régicides. La propagande se répand de proche en proche. Bientôt il ne reste pas un seul prince dans la Grèce1, et les François de notre âge jurent de briser tous les sceptresa.

L'Asie prend les armes en faveur d'un tyran banni: l'Europe entière se lève pour replacer un roi légitime sur le trône : des provinces de la Grèce3, de la France, se joignent aux armes étrangères; et l'Asie, et l'Europe, et les provinces soulevées viennent se briser contre une masse d'enthousiastes, qu'elles sembloient devoir écraser. A l'hymne de Castor, à celui des Marseillois, les républicains s'avancent à la mort. Des prodiges s'achèvent au cri de vive la liberté! et la Grèce et la France comptent Marathon, Salamine, Platée, Fleurus, Weissembourg, Lodi.

Alors ce fut le siècle des merveilles. Également ingrats et capricieux, les Athéniens jettent dans les fers, bannissent ou empoisonnent leurs généraux les François forcent les leurs à l'émigration ou les massacrent. Et ne croyez pas que les succès s'en affoiblissent le premier homme, pris au hasard, se trouve un génie. Les talents sortent de la terre. Les Thémistocle succèdent aux Miltiade, les Aristide aux Thé

:

1. Excepté chez les Macédoniens, que le reste des Grecs regardoit comme barbares. Alexandre (non le Grand) fut obligé de prouver qu'il étoit originaire d'Argos, pour être admis aux jeux olympiques.

a Voilà encore un de ces passages qui prouvent combien ceux qui prétendoient m'opposer cet ouvrage avoient raison de ne pas vouloir qu'on l'imprimât tout entier. (N. ED.)

2. HEROD., lib. v, cap. xcvi.

4. TURREAU, Guerre de la Vendée.

3. Id., lib. vi, cap. cx.

5. PLUT. in Lye.

C. On verra tout ceci en détail dans la guerre Médique.

7. HEROD., lib. VI, cap. CXXXVI; PLUT., in Themist.

8. Dumouriez, Custine,

mistocle, les Cimon aux Aristide1 les Dumouriez remplacent les Luckner, les Custine les Dumouriez, les Jourdan les Custine, les Pichegru les Jourdan, etc.

Ainsi, l'effet immédiat de la révolution sur les Grecs et sur les François fut haine implacable à la royauté, valeur indomptable dans les combats, constance à toute épreuve dans l'adversité. Mais ceux-là, encore pleins de morale, n'ayant passé de la monarchie à la république que par de longues années d'épreuves, durent recevoir de leur révolution des avantages que ceux-ci ne peuvent espérer de la leura. Les âmes des premiers s'ouvrirent délicieusement aux attraits de la vertu. Là l'esprit de liberté épura l'âge qui lui donna naissance et éleva les générations suivantes à des hauteurs que les autres peuples n'ont pu atteindre. Là on combattoit pour une couronne de laurier; là on mouroit pour obéir aux saintes lois de la patrie3; là l'illustre candidat rejeté se réjouissoit que son pays eût trois cents citoyens meilleurs que lui; là le grand homme injustement condamné écrivoit son nom sur la coquille, ou buvoit la ciguë; là, enfin, la vertu étoit adorée; mais malheureusement les mystères de son culte furent dérobés avec soin au reste des hommes.

1. Plusieurs auteurs donnent le nombre aux noms propres ; je préfère de les laisser indéclinables.

a Ce ton est trop affirmatif; j'étois trop près des événements pour les bien juger: toutes les plaies de la révolution étoient saignantes; on n'apercevoit pas encore dans un amas de ruines ce qui étoit détruit pour toujours, et ce qui pouvoit se réédifier. Je ne faisois pas assez d'attention à la révolution complète qui s'étoit opérée dans les esprits; et, ne voyant toujours que l'espèce de liberté républicaine des anciens, je trouvois dans les mœurs de mon temps un obstacle insurmontable à cette liberte. Trente années d'observation et d'expérience m'ont fait découvrir et énoncer cette autre vérité, qui, j'ose le dire, deviendra fondamentale en politique, savoir: qu'il y a une liberté fille des lumières. C'est aux rois à décider s'ils veulent que cette liberté soit monarchique ou républicaine; cela dépend de la sagesse ou de l'imprudence de leurs conseils. (n. éd.)

2. PLUT., in Cim., pag. 483.

3

4. PLUT., in Lyc.

6. PLAT., in Phæd.

'Ω ζεῖν' άγγειλον Λακεδαιμονίοις, ὅτι τῇδι
Κείμεθα, τοῖς κείνων πειθόμενοι νομίμοις.

5. Id., in Aristid.

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Si telle fut l'influence de la révolution républicaine sur la Grèce considérée du côté du bonheur, sous le rapport de l'adversité elle n'est pas moins remarquable. L'ambition, qui forme le caractère des gouvernements populaires, s'empara bientôt des républiques, comme il en arrive à présent à la France. Les Athéniens, non contents d'avoir délivré leur patrie, se laissèrent bientôt emporter à la fureur des conquêtes. Les armées des Grecs se multiplièrent sur tous les rivages. Nul pays ne fut en sûreté contre leurs soldats. On les vit courir comme un feu dévorant dans les îles de la mer Égée1, en Égypte, en Asie3. Les peuples, d'abord éblouis de leurs succès gigantesques, revinrent peu à peu de leur étonnement lorsqu'ils virent que de si grands exploits ne tendoient pas tant à l'indépendance qu'aux conquêtes', et que les Grecs en devenant libres prétendoient enchaîner le reste du monde. Par degrés il se fit contre eux une masse collective de haine, comme ces balles de neige qui, d'abord échappées à la main d'un enfant, parviennent en se roulant sur elles-mêmes à une grosseur monstrueuse. D'un autre côté, les Athéniens, enrichis de la dépouille des autres nations, commencèrent à perdre le principe du gouvernement populaire la vertu. Bientôt les places publiques ne retentirent plus que des cris des démagogues et des factieux. Les dissensions les plus funestes éclatèrent. Ces petites républiques, d'abord unies par le malheur, se divisèrent dans la prospérité : chacune voulut dominer la Grèce. Des guerres cruelles, entretenues par l'or de la Perse, plus puissant que ses armes, s'allumèrent de toutes parts 10. Pour mettre le

1. PLUT., in Them., p. 122; Id., in Cim. 3. DIOD. SIC., lib. I, p. 47.

5. PLUT., in Cim., p. 489.

7. THUCYD., lib. 1, cap. CI.

9. ARISTOT., De Rep., lib. v, cap. I.

2. THUCYD., lib. 1, cap. cx.
4. PLUT., in Cim., p. 489.

6. THUCYD., lib. 1, cap. CI.

8. PLAT., De Leg., lib. iv, p. 706.

10. Il est impossible de multiplier les citations à l'infini. J'engage le lecteur à lire quelque histoire générale de la Grèce. Il y verra à l'époque dont je parle dans ce chapitre une ressemblance avec la France qui l'étonnera. Des villes prises et pillées sans pitié; des peuples forcés à des contributions; la neutralité des puissances violée; d'autres obligées par les Athéniens à se joindre à eux contre des États avec lesquels elles n'avoient aucun sujet de guerre; enfin, l'insolence et l'injustice portées à leur comble, les Athéniens traitant avec le dernier mépris les ambassadeurs des nations, et disant ouvertement qu'ils ne connoissoient d'autre droit que la force. (Voy. THUCYD., lib. v, etc., etc.)

comble aux désordres, l'esprit humain, libre de toute loi par l'influence de la révolution, enfanta à la fois tous les chefs-d'œuvre des arts et tous les systèmes destructeurs de la morale et de la société. Une foule de beaux esprits arrachèrent Dieu de son trône et se mirent à prouver l'athéisme'. Des multitudes de légistes publièrent de nouveaux plans de république; tout étoit inondé d'écrits sur les vrais principes de la liberté Philippe et Alexandre parurent.

CHAPITRE XXVII.

ÉTAT POLITIQUE ET MORAL DES NATIONS CONTEMPORAINES
AU MOMENT DE LA RÉVOLUTION RÉPUBLICAINE EN GRÈCE.
CETTE RÉVOLUTION CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS
AVEC LES AUTRES PEUPLES.

CAUSES QUI EN RALENTIRENT OU EN ACCÉLÉRÈRENT
L'INFLUENCE.

Il est difficile de tracer un tableau des nations connues au moment de la révolution républicaine en Grèce, l'histoire à cette époque n'étant pleine que d'obscurités et de fables. J'essayerai cependant d'en donner une idée générale au lecteur.

D'abord, nous considérerons ces peuples séparément; ensuite, nous les verrons agir en masse, à l'article de la Perse, au temps de la guerre Médique. Prenant notre point de départ en Égypte, de là tournant au midi, et décrivant un cercle par l'ouest et le nord, nous reviendrons à la Perse, finir en Orient où nous aurons commencé. Placés à Athènes comme au centre, nous suivrons les rayons de la révolution qui en partent, ou qui vont aboutir aux nations placées sur les différents degrés de cette vaste circonférence.

CHAPITRE XXVIII.

L'ÉGYPTE.

Au moment du renversement de la tyrannie à Athènes, l'Égypte n'étoit plus qu'une province de la Perse. Ainsi elle fut exposée, comme

1. Cic., De Nat. Deor.; LAERT., in Vit. Philosoph.

2. PLAT., De Rep.; ARIST., De Rep., etc.

le reste de l'État dont elle formoit un des membres, à toute l'influence de la révolution grecque. Elle se trouvera donc comprise en généra! dans ce que je dirai de l'empire de Cyrus. Nous examinerons seule ment ici quelques circonstances qui lui sont particulières.

De temps immémorial les Égyptiens avoient été soumis à un gouver nement théocratique'. Ainsi que les nations de l'Inde, dont ils tiroient vraisemblablement leur originea, ils étoient divisés en trois classes inférieures, de laboureurs, de pasteurs et d'artisans 2. Chaque homme étoit obligé de suivre, dans l'ordre où le sort l'avoit jeté, la profession de ses pères, sans pouvoir changer d'études selon son génie ou les temps. Que dis-je ! ce n'eût pas été assez. Dans ce pays d'esclavage, l'esprit humain devoit gémir sous des chaînes encore plus pesantes : l'artiste ne pouvoit suivre qu'une ligne de ses études, et le médecin qu'une branche de son art 3.

Mais en redoublant les liens de l'ignorance autour du peuple ses chefs avoient aussi multiplié ceux de la morale. Ils savoient qu'il est inutile de donner des entraves au génie pour éviter les révolutions, si on ne gourmande en même temps les vices qui conduisent au même but par un autre chemin. Le respect des rois et de la religion, l'amour de la justice 3, la vertu de la reconnoissance, formoient le code de la société chez les Égyptiens; et s'ils étoient les plus superstitieux des hommes, ils en étoient aussi les plus innocents.

L'Égypte de tous les temps avoit fait un commerce considérable avec les Indes. Ses vaisseaux alloient, par les mers de l'Arabie et de la Perse, chercher les épices, l'ivoire et les soies de ces régions lointaines. Ils s'avançoient jusqu'à la Taprobane, la Ceylan des modernes. Sur cette côte les Chinois et les nations situées au delà du cap Comaria▾ apportoient leurs marchandises, à l'époque du retour périodique des flottes égyptiennes, et recevoient en échange l'or de l'Occidents. Mais tandis que le peuple étoit livré, par système, aux plus affreuses

1. DIOD., lib. 1, p. 63.

Cela n'est pas clair. (N. ED.)

2. DIOD., lib. 1, p. 67.

4. HEROD., lib. II, cap. xxxvII.

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3. HEROD., lib. п, cap. LXXXIV.

5. Dion., lib. 1, p. 70. On connoît la coutume des Égyptiens du jugement après la mort, qui s'étendoit jusque sur les rois. Un autre usage non moins extraordinaire étoit celu par lequel le débiteur engageoit le corps de son père à son créancier. Ces lo is sublimes sont trop fortes pour nos petites nations modernes : elles nous étonnent, elles nous confondent; nous les admirons, mais nous ne les entendons plus, parce qu'il nous manque la vertu qui en faisoit le secret.

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S. ROBERTSON'S Disquisition, etc., concern. Ancient India, sect. I.

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