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ait laissé d'autre écrit de sa façon qu'une relation des miracles de saint Edmond, roi d'Angleterre, mis à mort en 946, et honoré dans l'Eglise comme martyr. Surius qui a publié la Vie de ce saint roi, écrite par Abbon de Fleury, avait trouvé dans le manuserit qui la contenait une histoire de ses miracles, la même sans doute que celle dont il est ici question; mais il n'a pas jugé à propos de la reproduire. Il en donne pour raison que cette histoire était trop prolixe, et qu'il y manquait plusieurs chapitres dans le manuscrit. Elle n'y portait aucun nom d'auteur; mais Surius y reconnaissait une autre plume que celle d'Abbon. Un autre manuscrit de la bibliothèque Cottonienne, dans lequel se trouve cette relation, la donne à notre prélat, et ceux qui l'ont lue nous apprennent qu'elle contient plusieurs particularités relatives à l'histoire de l'abbaye de Saint-Edmond et de Baudouin, un de ses abbés. Il résulte de là qu'Hermanne n'y mit la dernière main que plusieurs années après 1065, époque à laquelle Baudouin commença à gouverner cette maison; ce qu'il continua de faire pendant trentedeux ans. Cet abbé était Français et moine de Saint-Denis avant de passer en Angleterre, circonstances qui rendent cet écrit plus intéressant pour notre littérature. HERMAS (Saint). On conjecture, mais sans trop de certitude, que saint Hermas, auquel on attribue généralement le Livre du pasteur, est le même que saint Paul fait safuer de sa part dans son Epître aux Romains. Cette opinion, d'abord émise par Origène, et adoptée depuis par plusieurs critiques au siècle d'Eusèbe et de saint Jérôme, s'est perpétuée jusqu'à nous, mais non sans soulever de temps en temps de sérieuses contradictions. Les Grecs placent saint Hermas au nombre des soixante-douze disciples du Sauveur, et ajoutent qu'il fut évêque de Philippes, en Macédoine, ou de Philippopolis en Thrace; mais, quoique Grec d'origine, on a des preuves qu'il habitait l'Italie et vraisemblablement la ville de Rome. Il était marié et père de famille, lorsqu'il écrivit le livre qui porte son nom. Il y a même quelque lieu de croire que sa femme était encore engagée dans les erreurs du paganisme, puisqu'il apprit par révélation qu'elle deviendrait un jour sa sœur. Quelques-uns veulent qu'Hermas ait été prêtre, mais ils n'en donnent aucune preuve solide; i paraît plus vraisemblable qu'il était simple Jaïque et qu'il avait même mené, pendant un certain temps, une vie assez éloignée de l'esprit chrétien. Il se reconnaît coupable dans plusieurs endroits de son livre, et entre autres fautes, il se reproche amèrement d'avoir trompé beaucoup de monde par ses inensonges et ses dissimulations. Són indul. gence pour ses enfants devint la cause de bien des excès qui lui firent répandre par la suite des larmes amères sur leurs déréglements; sa femme elle-même n'était pas exempte de défauts, et elle était assez généralement redoutée à cause de la méchanceté

de sa langue. Tous ces désordres dans sa maison avaient irrité le Seigneur contre lui, parce qu'il n'avait pas pris assez de soin de les corriger. Hermas était riche; Dieu pour le punir permit qu'il devint pauvre; mais il ne lui enleva ces richesses qui meurent que pour le combler de celles qui ne menrent point, en le rendant propre au salut éternel. Il fut mis, dit Origène, entre les mains de l'ange de la pénitence, qui l'éprouva toute sa vie, afin de le présenter saint et purifié au tribunal de Jésus-Christ. C'est de cet ange qui lui apparut sous la figure d'un pasteur, vêtu d'un manteau blanc, avec une pannetière sur les épaules et un bâton à la main, qu'il reçut les instructions rapportées dans ses écrits, ce qui leur a fait donner le titre de Livre du pasteur. Non-seulement Hermas fut fidèle à suivre les instructions. de son ange tutélaire, mais sur son conseil il prêcha encore la pénitence aux autres, et ses prédications produisirent beaucoup de fruits dans l'Eglise des premiers temps. L'époque de sa mort nous est inconnue, mais il vivait encore vers l'an 92, peu de temps avant la persécution de Domitien, et sous le pontificat de saint Clément, à qui il donna une copie de ses révélations, afin qu'il les communiquât aux autres Eglises.

SES ÉCRITS. L'ouvrage du Pasteur est en forme de dialogue et divisé en trois livres, dont le premier contient des visions ou apologues, le second des préceptes, et le troisième des similitudes ou emblèmes.

Dans le livre des Visions, Hermas nous apprend qu'une femme agee, qu'il avait connue dans sa jeunesse, lui apparut à diverses reprises et lui remit un livre mystérieux qu'elle lui commanda de transcrire, et dont le sens lui fut révélé. Ce livre ne contient guère que la comparaison de l'Eglise avec une tour, dont la construction ne doit être achevée qu'à la fin du monde, et dont les seuls élus sont les véritables pierres; allégorie aussi longue qu'obscure, qui ne présente rien d'autrement intéressant, ce qui n'empêche pas l'auteur d'y revenir encore dans son troisième livre, avec la même obstination et sans la rendre plus claire. Dans une autre vision, cette femme lui prédit les maux qui devaient arriver à l'Eglise, et les lui représenta sous la forme d'une bête grande comme une baleine, haute d'environ cent pieds et jetant par la gueule des sauterelles enflammées. Nous n'avons guère remarqué dans tout le livre que ce passage qui mérite d'être cité : « Celui qui se sent accablé sous le poids des ans et des infirmités s'abandonne facilement au désespoir; il envisage la mort comme le terme de ses souffrances, et la voit arriver sans chagrin. Mais qu'il apprenne tout à coup qu'il va faire une riche succession, tous ses maux sont oubliés, il semble avoir recouvré son encienne vigueur. De même, au sein de vos tribulations, Dieu en a agi avec vous dans sa miséricorde; il vous a appelés au plus riche héritage, et vous avez recouvré vos premières forces. >>

Dans le second livre, qui a pour titre, Des préceptes, l'ange tutelaire d'Hermas lui apparaît sous la figure d'un berger, afin de Finstruire, ce qui a fait donner à tout l'ouvrage le nom de Pasteur, Ce livre contient douze préceptes ou instructions, qui renferment les principales règles de la morale chrétienne.

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Le premier prescrit ia croyance en un Dieu créateur. « Crois avant toutes choses qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui a tiré du néant toutes les créatures, et leur a donné toutes les perfections qui sont propres à chacune d'elles. I les renferme toutes en lui-même, et seul il possède l'immensité de l'être. L'esprit n'est pas plus capable de le comprendre que la parole de le définir. Crois donc en lui, crains-le, et que sa crainte te porte à t'éloigner de tout ce qui peut lui déplaire. Sois fidèle à garder ses préceptes. Abstiens-toi de toute iniquité, pratique les devoirs de la justice dans toute leur étendue; c'est ainsi qu'en observant ce premier précepte, tu vivras en Dieu. » - Le second commande de vivre dans la simplicité et l'innocence, et prescrit quelques règles de charité envers le prochain, que nous devons soulager dans tous ses besoins, sans examiner à qui nous donnons. Nous en reproduisons cette maxime contre la médisance: «Ne tiens jamais de discours désavantageux à la réputation de personne, et ne prête pas volontiers l'oreille à la médisance; car si tu prends plaisir à l'écouter, tu participeras au péché de celui qui la commet. » Le troisième précepte recommande l'amour de la vérité et la fuite du mensonge. Dans le quatrième, l'ange prescrit des règles pour conserver la sainteté du mariage. « Si une femme chrétienne a commis un adultère et que son mari l'ignore, il peut sans crime demeurer avec elle; mais s'il vient à apprendre que sa femme a violé la sainteté conjugale, et que bien loin d'en faire pénitence, elle continue de vivre dans le désordre, en consentant à habiter avec elle, il participe à son crime. Il doit donc la répudier et demeurer seul; mais si après l'avoir répudiée il en prend une autre, il commet lui-même un adultère. Si la femme répudiée, après avoir fait pénitence, veut revenir à lui, il ne peut se dispenser de la recevoir, sans se rendre coupable d'un grand péché. » Il ajoute que « l'adultère est égal dans l'homme et dans la femme. Après la mort de l'un des deux époux, si le survivant se remarie il ne pèche point; mais s'il demeure seul il acquiert un grand honneur devant Dieu. » Le précepte suivant traite de la patience : « Si la colère trouve accès dans ton cœur, l'Esprit-Saint qui veut l'occuper tout entier, y sera comme à l'éroit et s'en retirera. Il suffit d'un peu d'absinthe mêlée au miel pour en corrompre toute la douceur; de même l'esprit de patience ne peut s'allier avec l'esprit de coJere. Dans le précepte sixième, l'auteur dit formellement que chaque homme a deux anges, l'un bon, l'autre mauvais; le premier porte à la vertu, le second porte au

>>

Le

péché; mais par nos dispositions intimes, nous pouvons savoir lequel de ces deux esprits agite notre cœur. » Ce passage, assez longuement développé, est un témoignage incontestable de l'antiquité de la croyance. chrétienne sur nos anges gardiens. septième commandement apprend à craindre Dieu et à ne point craindre le démon. << Si tu prétends faire le mal, et conserver en même temps la crainte du Seigneur, tu te trompes. Si au contraire tu es résolu de pratiquer le bien, tu trouveras alors dans la crainte du Seigneur la force, la grandeur et la gloire. » Le huitième contient le dénombrement des principaux vices dont il faut s'abstenir et des grandes vertus que chaque chrétien est obligé de pratiquer; nous en extrairons seulement cette maxime : « Abstiens-toi du mal, mais jamais du bien; autrement c'est tomber dans le mal. » - Le neuvième avertit les pécheurs de s'adresser à Dieu avec confiance, pour en obtenir les grâces qui leur sont nécessaires. « Ceux qui sont pleins de foi demandent avec foi, et ils sont exaucés du Seigneur... Si tu demandes quelque chose à Dieu et qu'il diffère de te l'accorder, garde-toi de te défier de lui. S'il a différé d'accomplir ta prière, c'est peutêtre seulement pour t'éprouver, ou à cause de quelque péché dont tu t'es rendu coupable, même sans le savoir. Cependant ne cesse point de lui exposer tes besoins et tu finiras par obtenir; mais si tu te rebutes, tu ne dois t'en prendre qu'à toi et non pas à Dieu,» Dans le dixième précepte, après avoir rappelé qu'il faut éviter la tristesse à cause des maux qu'elle engendre, il apprend à discerner le faux prophète du prophète véritable. « Ne livre point ton cœur à la tristesse; car elle est soeur de la méfiance et de la colère.... Elle ôte à la prière son activité, et l'empêche de s'élever avec pureté vers le ciel... Ceux qui sont dominés par cette passion vont s'adresser à des prophètes menteurs, qu'ils croient animés de quelque esprit divin, pour en apprendre ce qui doit arriver. Ceux-ci répondent dans le même esprit ; ils amusent par des promesses illusoires; et parce qu'ils sont eux-mêmes livrés à l'esprit d'erreur, ils donnent des réponses vaines et trompeuses. Qu'en peuvent attendre autre chose des hommes qui aiment la vanité et le mensonge? S'il leur échappe quelques vérités, c'est que le dé-mon les remplit de son esprit, afin d'attirer dans ses piéges quelques-uns des justes. »

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Le onzième commandement traite encore de l'esprit de vérité et de l'esprit de mensonge, en insistant sur les œuvres par lesquelles on les distingue. « Celui qui possède l'esprit de Dieu est paisible, humble, sans malice, et éloigné de tous les vains désirs de ce monde. Lorsqu'il vient dans l'assemblée des fidèles, à l'heure de la prière commune, un bon ange remplit cet homme du Saint-Esprit et il annouce aux Chrétiens la volonté de Dieu. Au contraire, on connaît l'esprit terrestre et vain, sans sagesse et sans forces, l'esprit des faux prophètes,

en un mot, dans celui que l'orgueil agite, qui s'élève en affectant de choisir les premières places dans l'Eglise. Celui-là, parJeur importun et glorieux, vit dans toutes sortes de plaisirs charnels, et fait un trafic honteux de ses réponses, qu'il vend comme des oracles. Enfin le douzième précepte explique les effets de tous ces commandements, et renferme une vive exhortation adressée à Hermas, de les observer tous, parce qu'ils ne sont pas impossibles à celui qui porte Dieu dans son cœur. «Hermas demanda à l'ange si un homme pouvait garder tous ces préceptes, -Tu le peux facilement, lui répondit l'ange, parce qu'ils n'ont rien de rude; mais si tu te mets dans l'esprit que la pratique en est impossible, tu ne pourras les garder. Or je t'avertis que si tu y manques, tu ne dois espérer de salut ni pour toi, ni pour tes enfants, ni pour aucun des tiens, parce que tu auras jugé que les commandements de Dieu sont impossibles à l'homme.-Il n'est personne, observe timidement Hermas, qui ne désire garder les commandements de Dieu, et qui ne lui en demande la grâce au fond de son cœur; inais le démon est cruel, et asservit tous les jours les serviteurs de Dieu à sa puisLe démon, lui réplique l'ange, n'a aucun pouvoir sur ceux qui croient en Dieu de tout leur cœur ; il peut bien les attaquer, mais non les vaincre : ayez le courage de lui résister et vous le verrez prendre la fuite couvert de honte et de confusion. »

sance.

Le troisième livre contient dix préceptes moraux, enveloppés sous diverses similitudes ou emblèmes. L'ange y exhorte Hermas au mépris du monde, au désir du ciel, à la prière, aux bonnes œuvres, surtout à l'aumône, au jeûne, à la pureté du corps et à la pénitence. Après avoir posé en principe que nous n'avons point ici-bas de cité permanente, que nous sommes des pèlerins en marche vers la patrie, des exilés qui travaillent à reconquérir le ciel, il concluc que nous devons nous mettre peu en peine des biens de ce monde, mais songer seulement à acquérir la vie éternelle par de bonnes œuvres et par les exercices de la charité. C'est pourquoi il conseille aux riches de faire un bon usage de leur fortune en l'employant à soulager les pauvres, afin que ceux-ci les aident à leur tour du secours de leurs prières. « Considère cette vigne et cet ormeau qui la supporte, lui dit-il; voilà l'image du riche et du pauvre. La vigne porte du fruit, l'ormeau n'en produit point; cependant si l'ormeau ne soutient la vigne, et si elle ne s'attache à ses branches, c'est à peine si elle pourra porter des raisins, car alors en manquant d'appui elle rampera sur la terre, et ne pourra produire que des fruits mauvais. Mais au contraire, si à la faveur de l'ormeau elle parvient à s'élever, alors elle portera des fruits et pour elle et pour l'ormeau qui la supporte. Le riche possède des biens, mais aux yeux de Dieu il est pauvre. Qu'il soutienne le pauvre; la prière que celui-ci adre sera à Dieu pour son bien

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faiteur attirera sur l'un et l'autre les plus abondantes bénédictions. C'est par là que le riche et le pauvre forment entre eux conme un commerce réciproque de bonnes œuvres.»- Dans la troisième similitude il établit cette comparaison entre l'état des pécheurs et des saints lorsqu'ils arriveront à l'autre vie : « Vois ces arbres dépouillés de leurs feuilles, arides et sans vigueur; il n'y a entre eux aucune différence. C'est la figure de ceux qui vivent dans le siècle présent; maintenant considère ces arbres à la séve abondante et vigoureuse et aux branches chargées de feuilles et de fruits; c'est la figure des justes dans l'autre vie. » Il recommande dans la similitude suivante, de s'abstenir de la multitude des affaires, parce qu'elles sont cause d'un grand nombre de péchés; en effet, il est difficile qu'un cœur trop partagé s'acquitte de tout ce qu'il doit à Dieu. -- La cinquième traite de l'utilité du jeûne et des moyens d'en rendre la pratique méritoire. « Voici, dit le Pasteur à Hermas, de quelle manière tu dois jeuner que ta vie soit exempte de toute iniquité; sers Dieu avec un cœur pur; garde ses commandements; ferme ton cœur à tout mauvais désir; appuie-toi sur les promesses du Seigneur ; crois, et tu vivras en lui. Le jour où tu jeûneras, tu te contenteras de pain et d'eau, et après avoir supputé le prix de cette nourriture avec celle que tu dépenses les autres jours, tu donneras le surplus aux pauvres. >> Les similitudes suivantes jusqu'à la huitième sont consacrées à condamner les plaisirs des sens. On peut les réduire à ce passage que nous en extrayons:

Colui qui s'abandonne un seul jour aux plaisirs des sens est un insensé qui ne comprend pas à quelle perte il s'expose. Le lendemain, il aura oublié la jouissance vaine qu'il avait recherchée la veille; car telle est la nature du plaisir la mémoire s'en efface bientôt, comme une ivresse passagère qui couvre l'âme de nuages. Il n'en est pas ainsi de la peine. Pour un seul jour de chagrin et de souffrance, des années ertières de tribulations, parce que le souvenir en prolongera le sentiment. C'est alors que la mémoire vient retracer l'idée de ce plaisir si fugitif, si vain, et dont on sent que le châtiment a été si mérité. Voilà à quoi s'exposent ceux qui sucombent à la volupté; au lieu de la vie qu'ils possédaient, ils se sont donnés volontairement la mort. » - La neuvième similitude décrit les grands mystères de l'Eglise militante et de l'Eglise triomphante, et pour les rendre plus sensibles, l'auteur y emploie différentes figures. L'Eglise y est représentée comme une tour bâtie avec une grande magnificence et une suprême perfection; douze montagnes d'où ont été tirées les pierres qui ont servi à sa construction, figurent toutes les nations qui sont sous le ciel et qui ont cru en Jésus-Christ. Dans la dixième similitude, après que l'ange eut donné à Hermas toutes ces instructions, il lui donne dix vierges pour l'aider à les répandre, lui recommende de les faire connai

tre à tout le monde, et lui promet de le récompenser de ses travaux.

Les anciens Pères ont aonne au livre d'Hermas beaucoup d'éloges, et une autorité presque égale à celle des livres canoniques. Ils s'en servent même souvent pour la réfutation des hérésies. Clément d'Alexandrie eu regarde les révélations comme divines, et Örigène en parle comme d'un ouvrage inspiré de Dieu. Ce sentiment néanmoins n'est pas universel. S'il a mieux conservé sa renommée chez les Grecs, plus amateurs de l'allégorie, en revanche, les Latins mêmes qui en ont parlé avec le plus d'éloges se trouvent obligés de revenir sur leurs pas. Par exemple, saint Jérôme, qui, après l'avoir loué dans sa Chronique, le the sans ménagement de folie, stultitia, dans son Commentaire sur Habacuc, liv. 1, ch. 1. Saint Prosper ne paraît pas non plus avoir fait grande estime du Livre du pasteur, surtout relativement à certaines maximes dont Cassien avait abusé. Le concile de Rome, tenu sous le Pape Gélase, ne semble pas non plus favorable à ce livre sous le rapport de l'autorité, comme n'ayant point été reçu de l'Eglise latine, à laquelle il était inconnu. La plupart des critiques modernes ne paraissent pas en faire grand cas. On peut voir, sur cette diversité de jugements, nos plus savants écrivains, tels que Tillemont, dom Ceillier, Noël Alexandre et Richard Simon, dans le premier volume de sa Critque d'Ellies Dupin. On doit avouer au fond que tout n'y est pas d'une orthodoxie égafement irréprochable. Il s'y mêle des inexactitudes palpables sur le dogme. Duquet y découvre le germe des hérésies qui ont agité l'Eglise dans le siècle suivant. « L'auteur, dit-il, paraît n'entendre ni la Trinité, ni Incarnation, et favorise l'erreur qui fut depuis celle d'Apollinaire, en ne parlant que du corps; celle des nestoriens qui supposent un mérite; celle des ariens, en mettant Jésus-Christ au nombre des créatures; celle des photiniens, en ne le croyant pas éternel et subsistant avant la création, et un très-grand nombre d'autres erreurs qui résultent de ses paroles, sans peut-être qu'il y ait pensé, car il ne paraît nullement théologien.» Mais à part ces critiques, on peut dire cependant que cet ouvrage doit être regardé comme un des plus précieux et des plus anciens monuments des traditions ecclésiastiques, et qu'il contient des choses très-remarquables sur la foi, sur la discipline des premiers temps, et sur les mœurs primitives des Chrétiens. Le style du Pastur est simple, sans figures et sans ornements. La traduction qu'on en a faite, et qui parait antérieure au temps de Tertullien, na pas enchéri sur l'original, le latin n'en est ni plus pur ni plus chàtié. C'est tout ce qui nous reste de ce livre écrit primitivement en grec. Co1elier a inséré cette traduction dans son Recueil des monuments des Pères qui ont vécu dans les temps apostoliques: Pans, 1672. Il y en a une édition d'Oxford, revue, avec des notes, 1685, in-12. Ce

livre a été également traduit en français; Paris, 1777.

Sur la foi de quelques pontificaux, l'ouvrage du Pasteur a été attribué à saint Herme, frère de Pie I", Pape en 142. Une simple observation suffit pour renverser ce système. Les pontificaux disent positivement que le livre d'Herme avait rapport à la célébration de la Pâque, et dans celui d'Hermas, il n'est nullement question de cette célébration. Le Martyrologe romain marque au 9 mai la fête de saint Hermas, dont il fait l'éloge. Les Grecs la célèbrent le 8 mars et le 5 octobre.

HERMIAS.

Nous ne croyons pas que l'on nous fasse un reproche bien sérieux de placer cet écrivain parmi ceux de nos apologistes qui vécurent au 1° siècle de l'Eglise. C'est, du reste, l'opinion adoptée par les auteurs de la Biographie universelle, et penser à la contredire maintenant serait s'engager à nous apprendre à quelle époque Hermias appartient. Nous saurions gré au critique d'une découverte qui jusqu'ici a échappé à la sagacité de tous les érudits. Ce qui éprouvera moins de contradictions, c'est le mérite de l'ouvrage inséré dans toutes les Bibliothèques des Pères, sous ce titre : Hermiæ philosophi gentilium philosophorum irrisio, ou Les philosophes raillés. Dom Ceillier l'appelle un chef-d'œuvre en son genre. Tillemont paraît en faire moins de cas. L'abbé Hauteville ne craint pas de l'égaler aux ouvrages de Lucien, et un écrivain plus moderne, l'abbé Nonnotte, dans ses Philosophes des trois premiers siècles, n'en parle qu'avec une sorte d'enthousiasme. « Je ne crois pas, dit-il, qu'il soit possible de trouver dans aucune bibliothèque un ouvrage, un écrit, qui réunisse à la fois autant de clarté et de précision, de vivacité et de feu, de sel et de grâces, de lumières et de variétés, qu'en présente cet amusement d'Hermias sur les philosophes du paganisme; il les fait tous passer en revue. » Chacun d'eux y dit son sentiment sur la Divinité, sur l'âme de l'homme et les principes des choses; ce que le nouveau Lucien distribue avec tant d'art, que le second détruit toujours ce que le premier avait avancé. Nous n'en parlerions pas si ce n'était qu'un jeu d'esprit; mais il n'y aura pas un lecteur désintéressé qui lui refuse un genre'de mérite bien plus solide. Nous avons hâte d'en fournir la preuve, en l'empruntant à la belle traduction qu'en a faite l'abbé de Genoude.

I. Lorsque saint Pau., ce bienheureux apôtre, écrivant aux Corinthiens, voisins de la Grèce appelée Laconie, leur tient ce langage La sagesse de ce monde est folie devant Dieu, il ne dit que la vérité. Si je ne me trompe, il remonte à l'apostasie des anges pour expliquer d'où vient cette contrariété de sentiments et de langage que nous offrent les philosophes dans l'exposition de leurs systèmes. Demandez-leur ce que c'est que l'ame? Démocrite vous répond: C'est du feu; les stoïciens, une substance aérienne; d'autres, une intelligence. Héraclite

vous dira: c'est le mouvement; ceux-ci, une vapeur, une émanation des astres; Pythagore vous assure que c'est un nombre moteur; Hippon, une eau génératrice; quelques-uns veulent que ce soit un élément des éléments; Dinarque, une harmonie; Critias, du sang; plusieurs, un 'souffle; Pythagore, une monade. Les anciens ne sont pas plus d'accord entre eux. Quel partage de sentiments sur ce seul point! Que de raisonnements de la part de ces philosophes et de ces sophistes, bien plus ardents à se contredire qu'à rechercher la vérité!

<< II. Ils ne peuvent s'accorder sur la nature de l'âme, s'entendront-ils mieux sur le reste? L'un dit que le bonheur de l'âme est dans le bien, l'autre dans le mal; un troisième, entre le bien et le mal. Elle est immortelle selon les uns; sujette à la mort selon les autres; suivant ceux-ci elle est de courte durée; suivant ceux-là elle passe après cette vie dans le corps des brutes; d'autres nous diront qu'elle se résout en atomes. Il en est qui la font passer trois fois dans des corps différents; quelques-uns lui donnent trois mille ans de durée; ils ne peuvent vivre plus d'un siècle, et ils osent promettre une existence de trois mille ans ! Comment caractériser ces systèmes? Est-ce chimère, folie, absurdité, esprit de contradiction? N'est-ce pas plutôt tout cela à la fois? S'ils ont trouvé la vérité, qu'ils aient tous un même langage. Que l'un du moins défère au sentiment de l'autre, alors je me range volontiers de leur avis; mais quand ils déchirent ainsi l'âme et qu'ils la mettent pour ainsi dire en pièces; quand l'un en change l'essence, l'autre la nature; qu'ils ne m'offrent que le passage d'une matière à une autre, j'avoue que je ne puis souffrir ces transformations sans fin. Tantôt je suis immortel, et je m'en applaudis; tantôt destiné à mourir, et je m'en afflige. Bientôt on me résout en atomes indivisibles; je deviens eau, je deviens air, je deviens feu; un moment après, je ne suis ni air, ni feu; on me fait bête, on me fait poisson: ainsi, j'ai les dauphins pour frères. Lorsque je me considère, je me fais peur, je ne sais quel nom me donner suis-je homme ou chien, loup ou taureau, oiseau ou serpent, dragon ou chimère? Ces grands amis de la sagesse me changent en toutes sortes d'animaux terrestres, aquatiques, volatiles, amphibies, sauvages, domestiques, muets, parleurs, bruts, intelligents; je nage. je vole, je m'élance dans les airs; je rampe, je cours, je suis immobile Empedocle paraît, et me voilà plante.

« III. Si ces philosophes ne peuvent s'accorder sur la nature de l'âme, sont-ils plus heureux quand il s'agit des dieux et du monde? Les dirai-je esprits forts ou stupides? Quoi! ils ignorent ce que c'est que leur âme, et ils voudraient scruter l'essence divine! leur propre corps est pour eux une énigme, et ils ne voient pas que c'est perdre sa peine que de chercher quelle est la nature

du monde! Si du moins ils s'accordaient sur les principes des choses!

« J'entre dans l'école d'Anaxagore : Une intelligence, me dit-il, est le principe de tout ce qui existe, elle a tout fait, elle gouverne tout; elle a mis l'ordre dans le désordre, débrouillé ce qui était pêle-mêle, embelli ce qui était sans parure; ce langage me rend son ami, et je suis de son école. Mais voici Parménide et Mélissus qui lui sont opposés : le premier, dans ses vers harmonieux, proclame que cet univers est un, éternel, iufini, immobile et toujours semblable à lui-même, et me voilà tout à fait, je ne sais comment, du bord de Parménide; il a banni Anaxagore de mes affections. Lorsque je crois mes idées bien arrêtées, Anaximène se présente et s'écrie d'une voix de tonnerre: Et moi, je vous dis que l'univers n'est autre chose que l'air; épaissi et c'est l'éther et le feu; rendu à son premier état, condensé, c'est de l'eau; raréfié et dilaté, il devient air pur; recommence-t-il à se condenser, il change de nouveau. J'embrasse cette opinion; j'aime Anaximène.

« IV. Tout à coup Empédocle se jette à la traverse comme un furieux, faisant des menaces, et criant à tue-tête du fond de l'Etna: La haine et l'amitié sont les principes de toutes choses l'une les divise, l'autre les unit; leur opposition produit tout, et je soutiens que toutes choses sont semblables et dissemblables, infinies et bornées, éternelles

et créées.

lontiers, jusqu'au fond de tes cratères brû« Très-bien! Empédocle, je te suis volants. Mais Protagore m'arrête et m'entraîne règle des choses; j'appelle choses ce qui en me disant : L'homme est le terme et la tombe sous les sens; ce qui ne les affecte pas n'existe sous aucune forme dans la nature. Le discours de Protagore me séduit, je suis enchanté de voir que tout ou presque tout dans ce monde est soumis à l'homme.

<< Mais voici Thalès qui m'arrive par un autre chemin, et me fait signe qu'il m'apporte la vérité : J'apprends de lui que l'eau est le principe de tout; que tout est formé d'eau et se résout en eau; que la terre elledrais-je pas à l'autorité de Thalès? N'est-ce même flotte sur l'eau. Pourquoi ne me renpas le plus ancien philosophe de l'lonie? Cependant son compatriote, Anaximandre, me dit qu'avant l'eau il existe un mouvement éternel par qui tout naît ou finit; comment n'être pas de l'avis d'Anaximandre?

« V. Mais Archélaüs, qui donne pour principe à l'univers le chaud et le froid, ne jouit-il pas d'une grande célébrité? Néanmoins Platon, le beau parleur, ne pense pas sont Dieu, la matière et l'idée. Me voilà comme lui; il dit que les causes premières pleinement convaincu peut-on n'être pas de l'avis d'un philosophe qui a construit le char de Jupiter? Mais son disciple Aristote, un peu jaloux de la gloire du maître, se tieni par derrière pour me dire que ce ne sont pas là les vrais principes des choses : les vrais principes sont l'actif ou l'agent, le

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