Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

1311

MIC

DICTIONNAIRE DE PATROLOGIE.

été imprimée en grec et en latin, avec les opuscules de Théodore Abucara, à Ingolstad en 1606. Michel écrivit aussi une profession de foi que dom Montfaucou a fait imprimer à Paris en 1715. Cette pièce contient une explication très-lumineuse de tous les articles de la foi: Le même éditeur fait mention d'un autre écrit de Michel qui avait pour titre De la construction de l'oraison. On ne l'a pas encore imprimé. Michel avait composé aussi différents poëmes, rités par Allatius dans ses notes sur Eustache d'Antioche. Il avait même promis de les rendre publics avec ceux de Sophrone de Jérusalem et de quelques autres anciens auteurs. Il insinue que Michel y traitait des matières de piété.

MICHEL, évêque d'Alexandrie, fut le dernier des trois patriarches d'Orient, qui envoya son légat au concile de Constantinople, tenu contre les Iconoclastes en 869. Ce legat se nommait Joseph et était archidiacre de son Eglise. Son évêque l'avait chargé d'une Jettre adressée à l'empereur Basile. Elle fut lue en pleine assemblée. Il disait à ce prince que, étant éloigné de Constantinople, il lui était impossible de donner son avis sur la division survenue dans cette église, puisqu'il n'avait aucune connaissance du fait ni des raisons des parties. Il cite un passage des poëmes de saint Grégoire de Nazianze contre ceux qui jugent des choses sans les connaitre; puis il rapporte l'exemple de ce qui se passait à Jérusalem où Narcisse et Alexandre vivaient en paix sur le même siége. Il prie l'empereur de prendre sous sa protection son légat Joseph et les chrétiens qui l'accompagnaient dans le dessein de racheter les captifs. C'était un prétexte dont il se servait pour cacher aux Musulmans le sujet de leur voyage. Sa lettre est conçue en termes obscurs et embarrassés, afin qu'elle ne pût être aisément entendue de ces infidèles, si elle venait à tomber entre leurs mains. Il la finit en demandant à Dieu, par l'intercession de Ja sainte Vierge, de saint Marc et de tous les saints, de combler de ses grâces l'empereur Basile. L'écrit que le légat Joseph présente au concile finit de même. Il y approuve ce que cette assemblée avait décidé, en son absence, en faveur d'Ignace et contre Photius, et les réglements qu'elle avait adoptés pour le maintien du culte des saintes images.

MICHEL DE THESSALONIQUE, après avoir été maître des rhéteurs, premier défenseur et diacre de l'Eglise de Constantinople, donna dans l'erreur des bogomiles, espèce de manichéens, découverts et condamnés sous le règne d'Alexis Comnène, et qui continuaient à se répandre dans la Grèce, sur la fin du XII° siècle. Il fut condamné avec plusieurs de ses coreligionnaires dans un concile que le patriarche Michel 'assembla à Constantinople 'e 22 février 1144. Longtemps banni du territoire de l'empire, il renonça à ses erreurs sur la fin de sa vie et Tourut dans la profession de la foi catholique. Nous avons sa rétractation dans le se

cond livre du Consentement des deux Eglises
par Allatius.

MICHON, moine de Saint-Riquier, n'est
connu que par un poëme en l'honneur du
saint patron de ce ministère. Ce poëme com-
prend en tout vingt-six vers élégiaques
d'une assez bonne facture. Toutefois Michon,
laissa plusieurs autres écrits, par exemple:
quatre livres d'épigrammes, un recucil d'é-
nigmes, plusieurs extraits réunis sous le
titre de Fleurs des poëtes, et d'autres que
Trithème ne spécifie pas, parce qu'il en avait
oublié les titres. S'il est auteur de l'Histoire
des miracles de saint Riquier, imprimée
dans Bollandus au 26 avril et dans le tome 11
des Actes de l'ordre de Saint-Bernard, il faut
dire qu'il vivait encore en 866, puisque cette
histoire s'étend depuis l'an 814 jusqu'en
865; mais il n'est pas certain qu'elle soit de
lui. Il fut chargé pendant la plus grande par-
tie de sa vie de l'école de saint Riquier, et
Trithème dit qu'il forma des disciples très-
instruits en toutes sortes de sciences. Cet
éloge en vaut bien un autre

MILON, moine d'Eluône ou saint Amand,
au commencement du 1x siècle, écrivit la
Vie de ce saint et la dédia à Haimin, son
abbé, qui l'approuva. Cette Vie est en vers
héroïques et divisée en quatre livres. Milon
fit encore deux discours en l'honneur de ce
saint. Toutes ces pièces ont été recueillies
par les Bollandistes et insérées dans le pre-
inier volume de février. Casimir Oudiù a
inséré dans son Supplément aux auteurs ec-
clésiastiques, et dans son grand commentaire
sur le même sujet, une pastorale de Milon,
intitulée: Combat de l'hiver et du printemps,
elle est en vers héroïques. On le fait aussi
auteur de Epitaphe des princes Pépin et
Drogon, dont l'éducation lui avait été cou-
fiée; de deux Poëmes, en vers héroïques sur
la croix, dédiés au roi Charles le Chauve, et
d'un Poëme sur la sobriété, adressé au mênse
prince Nous n'avons plus le recueil de ses
lettres dont parle Trithème, ni son Art poé-
tique. Valère André, qui en dit quelque chose
dans sa Bibliothèque belge, ne marque point
d'où il l'avait appris. Milon avait du génie
pour la poésie; sa prose, quoiqu'assez nette,
est moins facile; ses discours ne sont que de
simples narrations, sans mouvements et sans
figures

MILON, cardinal évêque de Palestrine,
avait fait profession de la règle de saint Be-
noit dans l'abbaye de saint Aubin d'Angers.
Son abbé l'ayant envoyé à Rome en 1093, le
Pape Urbai: II, qui sut distinguer son mé-
rite, ne tarda pas à lui donner des marques
de son estime. I le créa cardinal, évêque
de Palestrine et l'envoya en France, avec le
titre de légat, pour extirper la simonié. Il
assista en 1095 au concile de Clermont, pré-
sidé par le Pape lui-même. Après la mort
d'Urbain, arrivée en 1099, Pascal II, son
successeur, continua Miton dans sa dignité,
et l'envoya de nouveau en France, en 1103,
pour terminer le différend qui s'était élevé
entre Norgaud, évêque d'Aulun, et Hugues,
abbé de Cluny, au sujet des priviléges de

[ocr errors][ocr errors][merged small]

cette abbaye. On croit que Milon mourut en 1112. Marbode, évêque de Rennes, lui a consacré des vers dans lesquels il le représente comme le fléau de la simonie, et semble même le regarder comme un saint. Dom Martène rapporte dans son Voyage littéraire un éloge en vers du Pape Pascal II, qu'il dit avoir tiré d'un manuscrit de l'abbaye d'Abdinghoff, où ils sont inscrits sous le nom de Milon. Ces vers, au nombre de dix-neuf, n'ont rien de remarquable; la poésie en est plate et commune. C'est un éloge emphatique du Pape Pasca! II, que le grand Aristote, Cicéron, Platon, Ovide seraient incapables de louer suivant ses mérites!

MILON, de l'illustre famille des CRISPINS en Normandie, embrassa la vie religieuse à l'abbaye du Bec, vers le commencement du XIIe siècle. Il y trouva des maîtres habiles qui le formèrent aux sciences et à la vertu. Son goût et son talent pour le chant ecclésiastique lui méritèrent l'office de grand chantre qu'il remplissait avec édification. C'est tout ce que l'histoire nous apprend de sa vie, dont la fin paraît devoir être fixée à

l'an 1150.

L'écrit le plus considérable qu'il ait laissé est la Fie du bienheureux Lanfranc, archevêque de Cantorbéry. L'auteur déclare qu'il l'a composée des nombreux détails rapportés sur ce prélat, dans la Vie du bienheureux Herluin, écrite par Gilbert Crispin, son parent, et aussi avec ce qu'il en avait appris lui-même de plusieurs personnes respectables, au nombre desquelles il met saint Anselme. Il proteste, dans son prologue, qu'il n'avancera rien que d'après ces autorités, et, à l'air de candeur qui règne dans sa narration, on voit qu'il a tenu parole. Ses réflexions sont judicieuses et décèlent une âme qui connaissait intimement la religion. Son style est au-dessus de l'idée peu avantageuse qu'il en avait, et, quoi qu'il en dise, il n'est nullement dans le cas d'avoir besoin qu'on lui fasse grâce à cet égard. Nous avons trois éditions de cette Vie. La première publiée par dom Luc d'Achery, à la tête des euvres de Lanfranc; la seconde, par don Mabillon, dans le vr siècle de ses actes des saints Bénédictins, et la troisième par les Bollandistes, au 28 mai.

Lanfranc ne fut pas le seul dont Milon entreprit de tracer les vertus aux souvenirs de Ja postérité. Deux abbés du Bec, Guillaume et Boson, successeurs de saint Anselme, lui ont la même obligation. Il avait vécu sous l'un et l'autre, et ce qu'il en rapporte est appuyé du témoignage de ses yeux Il s'est plus appliqué à peindre leur caractère qu'à donner le détail de leurs actions. Chacune de ses deux Vies, publiées dans l'appendice aux œuvres de Lanfranc, est terminée par trois épitaphes assez bonnes de la façon de Milon.

Vient ensuite, dans la même édition, une généalogie de la maison de Crispin, dans Jaquelle l'auteur a inséré la relation d'un miracle que la sainte Vierge opéra par les prières d'Hertuin et des religieux du Bec,

en faveur de Guillaume Crispin, l'un des ancêtres de notre auteur. L'épitaphe de ce Seigneur termine l'ouvrage, qui, quoique anonyme, pourrait bien appartenir à Milon,

La Vie d'Herluin, comme nous l'avons remarqué plus haut, est une des productions de Gilbert Crispin; mais le prologue placé en tête de cet écrit appartient nécessairement à une autre plume, puisqu'il y est fait mention des Vies de Boson et de Thibaut, qui ne furent écrites que longtemps après la mort de Gilbert. Dom Luc d'Achery présume qu'il est de Milon. Si cette conjecture était vraie, Milon aurait vécu au moins jusqu'en 1161, époque de la mort de Thibaut; ce qui n'est nullement prouvé. nous parait donc plus sûr de ranger l'auteur de ce prologue parmi les écrivains anony

mes.

MILTIADE fut un des ardents défenseurs de la religion chrétienne, vers le siècle. Il ne nous reste plus aujourd'hui que le nom de cet apologisté, à qui Tertullien et saint Jérôme ont donné les plus grands éloges, qu'il avait mérités sans doute par l'éloquence de ses écrits, non moins que par la sainteté de sa vie. Eusèbe vante beaucoup les ouvra ges qu'il avait publiés contre les Juifs et les païens, ouvrages divisés chacun en deux tomes. Quelques auteurs lui attribuent éga ment un livre contre les montanistes, dans lequel il enseignait particulièrement qu'un prophète ne doit point tomber en extase ni entrer en fureur, pour annoncer les ordres de la Divinité. Tous ces écrits sont perdus. Il en est de même de l'Apologie qu'il adressa aux princes de ce siècle, vraisemblablement Marc-Aurèle et Commode, ou peut-être aux gouverneurs des provinces, pour défendre la religion chrétienne qu'il avait embrassée. Si l'on en croit l'opinion de saint Jérôme, il parait que celui-là surtout se distinguait aussi bien par l'érudition profane que par la profonde intelligence des livres saints.

MINUTIUS-FÉLIX. Tout ce que nous savons de cet illustre apologiste, c'est qu'i naquit en Afrique, sur la fin du 11 ou au commencement du 1° siècle. Il vint à Rome où il exerça la profession d'avocat, et acquit par son éloquence une réputation fort élendue. Lactance et saint Jérôme le placent au rang des premiers orateurs de son siècle. Il nous apprend lui-même que la nature de ses fonctions, (et peut-être aussi la façon brillante avec laquelle il les remplissait) l'avaient appelé comme juge ou assesseur dans les causes de la religion. Il était païen alors, et il conserva ses erreurs jusque dans un âge assez avancé. Néanmoins il est bon de l'eutendre parler lui-même.

« Nous étions persuadés, dit-il, que les chrétiens adoraient des monstres, qu'ils dévoraient des enfants, et qu'ils s'abandonnaient à la dissolution dans leurs festins. Nous ne refléchissions pas qu'on n'avait pas même cherché à vérifier de pareilles accusations, bien loin de les avoir prouvées ; que. parmi tant de prétendus coupables, il ne

s'en était pas même trouvé un seul qui eût avoué son crime, quelque sûr qu'il fat et de l'impunité et de la récompense; que, au contraire, ils faisaient gloire de leur religion et ne se repentaient que d'une chose, c'est-à-dire de ne pas l'avoir embrassée plus tôt. Tandis que nous ne faisions pas difficulté de défendre des hommes coupables de sacriléges, d'inceste, de parricide, nous ne voulions pas même entendre les chrétiens. Quelquefois, touchés d'une compassion cruelle, nous leur faisions subir la torture, pour les forcer à se sauver en niant qu'ils fussent chrétiens. Nous nous servions, pour arracher un mensonge de leur bouche, de ce qui n'a été établi que pour tirer l'aveu de la vérité. Si quelque chrétien faible, succombant à la violence des tourments, reniait sa religion, nous lui applaudissions comme si, par ce lâche mensonge, il se fût purgé de tous les crimes qu'il avait dû coininettre, selon nos préjugés. »

Lié avec un Romain de la même profession que lui, nommé Octave, et récemment converti au christianisme, Minutius eut occasion d'apprendre à mieux connaître les chrétiens. La lumière approchait insensiblement de ses yeux, et il finit par se rendre à son éclat. Mais, comme la vérité ne sait pas se renfermer dans les ténèbres, Minutius voulut que ses concitoyens, égarés comme il l'avait-été lui-même, partageassent le bienfait dont il commençait à jouir, et publia sa défense du christianisme. Il lui a donné la forme de dialogue, à l'imitation de ceux de Cicéron sur la nature des dieux, et le titre d'Octave, comme l'orateur romain les titres de Brutus et d'Hortensius à ceux de ces dialogues dans lesquels ces deux personnages sont les principaux interlocuteurs. Minutius en introduit trois. L'un, avocat du paganisme, en expose tous les préjugés contre la religion chrétienne; il l'appelle Cécilius. Octave répond et venge éloquemment la foi de Jésus-Christ. Le lieu où se tient la conférence est le bord de la mer. Ce qui y donne occasion, c'est la rencontre, faite sur le chemin, d'une statue de Sérapis, à laquelle Cécilius, selon la coutume des païens, quand ils se trouvaient en présence de quelque idole, avait témoigné sa vénération, en portant sa main à sa bouche pour la baiser; sur quoi Octave s'adressant à Minutius :

a En vérité, mon frère, lui dit-il, il n'est pas digne d'un homme vertueux, comme vous l'êtes, de laisser dans ce déplorable aveuglement un ami qui vous est si étroitement attaché, et de souffrir que, à vos yeux, il rende un cultè à des pierres insensibles, Couvertes d'essences et couronnées de fleurs. La honte d'un tel égarement ne retombe-t-elle pas sur vous comme sur lui ? »

Ce reproche entendu par Cécilius pénètre jusqu'à son cœur. Il le rend rêveur et mélancolique. Ses amis s'en aperçoivent et lui demandent ce qu'est devenue cette gaieté aimable qui ne l'abandonnait jamais, pas même

dans les affaires les plus sérienses. Cécilius répond« J'avoue que le mot d'Octave m'a fait une vive impression. Accuser mon ami de négligence, c'était indirectement faire retomber sur moi le blâme d'ignorance. Approfondissons la chose; il est bon qu'Octave m'en rende raison. »

Le plaidoyer s'engage; Minutius est choisi pour arbitre, et Cécilius commença la dispute. Il prétendit d'abord qu'il fallait se tranquilliser sur la différence des religions. Dans tous les cas, le culte des dieux étant plus ancien que celui du Dieu des chrétiens, on devait abandonner celui-ci pour suivre l'autre. La preuve qu'il donne de la première de ces deux propositions, c'est qu'il n'y a rien de certain dans les choses humaines; c'est que tout ce qui se fait dans le monde est plutôt l'effet du hasard que d'une providence particulière. Il prouve la seconde en affirmant que, tant que les Romains ont fidèlement honoré leurs dieux, leur empire a prospéré. Au contraire, ils n'ont jamais négligé leur culte, sans qu'ils n'en aient aussitôt subi le châtiment. Quant à la religion des chrétiens, outre qu'elle est nouvelle, il la trouve encore ridicule dans ses préceptes et dans ses cérémonies. N'est-il pas déplorable, dit-il, de voir une faction abandonnée s'élever dans son désespoir contre les dieux, former ce qu'il y a de plus méprisable parmi les hommes, c'est-à-dire une conjuration contre leur culte, et se joindre par des assemblées nocturnes, des jeunes solennels et des repas inhumains? Leur folie va jusqu'à compter pour rien les tourments présents, parce qu'ils en craignent de futurs et d'incertains. Répandus par tout le monde, ils se reconnaissent à certains signes secrets; ils s'aiment presqu'avant de se connaître; ils s'appellent tous frères et sœurs, et couvrent sous ces beaux noms les infamies et les crimes dont ils se font une religion. On dit qu'ils adorent une tête d'âne, un homme supplicié pour ses crimes et le bois funeste de sa croix. >>

Cécilius ajoute à toutes ces calomnies, celle de l'enfant couvert de farine, que l'on donnait, dit-il, à manger aux chrétiens; celle du chien qui éteignait la lumière, et celle des incestes et des abominations dont on les accusait de se souiller dans leurs assemblées. Pour preuve de tous ces faits, il cite le soin extrême que les chrétiens mettaient à cacher leurs mystères; « car, dit-il, pourquoi n'osent-ils parler ouvertement, ni s'assembler librement, si ce qu'ils adorent ainsi en secret n'est ni punissable ni honteux ?»

Il raille ensuite les chrétiens parce qu'ils adorent un Dieu inconnu de toutes les nations, excepté des Juifs; un Dieu si impuissant qu'il est captif des Romains avec son peuple; un Dieù qu'ils ne peuvent ni voir ni montrer; un Dieu incommode et inquiet jusqu'à l'impudence, puisqu'il va, selon eux, Jusqu'à demander un compte exact à chacun de ses mœurs, de ses actions, de ses paroles, et même de ses plus secrètes pensées;

puisqu'il est en tout lieu, témoin de toutes les œuvres, et occupé du dernier de ses sectateurs, comme s'il pouvait suffire à tous. Il traite de contes de vieilles feinmes ce que les chrétiens disaient de la destruction du monde par le feu du ciel, de la résurrection des corps, de la récompense éternelle des saints et des supplices des méchants dans un enfer qui n'aura point de fin. Puis s'adressant à Octave, il ajoute : « Malheureux, avant de vous en rapporter à toutes ces folles promesses, vous devriez juger par l'expérience du présent de la frivolité de vos espérances! Ce que vous avez à attendre après la mort, apprenez-le par ce que vous êles pendant la vie. Vous le voyez, la plupart d'entre vous, et, de votre aveu, ce qu'il y a de plus vertueux, réduits à l'indigence, en proie à la rigueur des saisons, condamnés à toutes les privations, vous traînez une existence misérable; et votre Dieu le souffre, manquant soit de volonté, soit de moyens pour secourir ceux qui le servent, impuissant ou injuste. Toi qui te berces de ta posthume immortalité, en attendant, tu es assiégé de dangers, dévoré par la fièvre, déchiré par la torture; et tu ne sens pas encore ta misère ! tu fermes les yeux sur ton néant! Hélas! contre ton gré, tout accuse la faiblesse; toi seul tu t'opiniâtres à n'en pas convenir. C'est là, direz-vous, l'apanage commun de l'humanité. A la bonne heure! mais ces menaces, ces supplices, ces tortures, ces croix qu'il n'est plus question d'adorer, mais sur lesquelles on va vous étendre, ces feux que vous êtes si jaloux et de prédire et de redouter, voilà le sort réservé à vous seuls. Attendrez-vous de votre Dieu qu'il vienne à votre aide, en vous ressuscitant, quand il n'aura pu vous défendre au moment où vous aviez à les subir? Les Romains ont-ils eu besoin de votre Dieu pour vaincre, pour triompher de tous les peuples, pour devenir les maîtres du monde et de vous-mêmes? Cependant, agité d'inquiètes et continuelles sollicitudes, vous vous privez de tout plaisir légitime, vous vous défendez les spectacles, vous fuyez nos fêtes et nos solennités; jamais on ne vous rencontre dans nos réjouissances publiques, vous vous éloignez sévèrement et des jeux où l'on combat en l'honneur de nos dieux, et des autels où fume l'encens qui leur est offert et où coule le vin qui leur est consacré. Vous les niez et vous en avez peur. Jamais on ne vous voit couronner vos têtes de fleurs, ni vous parfumer d'essences. Vos parfums, c'est aux morts que vous les donnez; des couronnes, vous n'en accordez pas même à leurs dépouilles. On vous voit pâles, tremblants, également malheureux, et de ne point ressusciter après la mort, et de ne point vivre avant de mourir. Donc, s'il vous reste quelque peu de sagesse et de modération cessez de chercher les secrets du ciel et la destinée du monde.... ou, si vous voulez philosopher, imitez Socrate, qui disait, que ce qui est au-dessus de nous ne nous regarde point. »

Aussitôt que Cécilius eut cessé de parler, Octave reprit à son tour et remarqua d'abord que tous les hommes, sans distinction d'âge, de sexe, de condition, étant nés capables de raison, il était permis aux chrétiens, comme aux autres, de s'appliquer à connaître les choses du ciel et d'en discourir. Pour se convaincre qu'il y a un Dieu qui a fait le monde et qui le gouverne, il suffit de considérer les cieux, le cours réglé du soleil et des astres, la vicissitude éternelle des ténèbres et de la lumière, l'arrangement des saisons qui ne se trouble et ne change jamais, le flux et le reflux de la mer, les sources intarissables qui ne cessent de couler pour arroser la terre, si merveillensement disposée en plaines, en vallons, en montagnes, les différentes espèces d'ani maux si nombreux et si variés, mais par dessus tout la forme de l'homme, où l'on ne trouve point de parties qui ne répondent à un besoin, où qui ne révèlent une beauté. « Mais, ajoute Octave, s'il est impossible de douter d'une providence, peut-être demanderez-vous s'il y a dans le ciel un ou plusieurs maîtres. La réponse n'est pas difficile. Les royaumes de la terre peuvent ici nous donner des objets de comparaison. Quand jamais a-t-on vu un empire se partager, sans que la rivalité et la perfidie n'en aient souillé ou ensanglanté l'histoire? Le monde est plein de ces tragiques événements. Mais passons à un autre théâtre. La nature ne donne à une ruche, à tout un troupeau qu'un seul chef. Et vous voudriez que dans le ciel la toute-puissance fut divisée? Pouvez-vous concevoir Dieu autrement que comme être créateur, universel, qui n'a point eu de commencement et ne saurait avoir de fin; de qui tout a reçu l'existence et qui ne tient la sienne que de lui-même; qui, avant qu'il y eût un monde, était à lui-même son propre centre; qui a tout créé par sa parole, qui ordonne tout par son intelligence, et qui perfectionne tout par sa vertu ? L'oeil ne peut le saisir, sa clarté absorbe nos faibles regards, notre intelligence n'en peut comprendre l'immensité, et nos sens bornés s'arrêtent au-devant de cette grandeur infinie et sans bornes; il n'y a que lui qui puisse se connaître lui-même. La seule manière de concevoir sa nature, c'est de la déclarer inconcevable. A vrai dire, qui s'imagine connaître la nature de Dieu la dégrade. Ne lui cherchez pas de nom : Dieu, voilà comme il s'appelle! Il ne faut des expressions individuelles que quand il y a pluralité. Dieu est seul; le mot Dieu embrasse tout. Je l'appellerai Père, vous allez concevoir quelque chose d'humain; roi, c'est une idée terres tre; seigneur, vous serez ramené à des pensées de mortalité: supprimez les dési gnations et vous arriverez à saisir quelque rayon de sa splendeur. »>

«De tous les cœurs s'échappe le cri qu'il existe un Dieu. Le commun des hommes, quand ils étendent leurs mains au ciel, De profèrent que ce mot: Dieu! grand Dieu! la vérité de Dieu ! s'il plaît à Dieu ! N'est-ce

pas là le langage inspiré par la nature seule? Ne se trouve-t-il que dans la bouche du chrétien? Vous appelez votre Jupiter, prince, père des dieux; c'est sous un autre nom reconnaître l'unité de la toute puissance. »>

A l'appui de cette doctrine qui vengeait si victorieusement le christianisme du reproche d'athéisme, le savant apologiste invoque la tradition universelle en faveur du dogme de l'unité d'un Dieu. Il découvre ce même dogme jusque dans l'alliage impur dont l'idolâtrie avait chargé le fond de la théologie primitive conservée sans altération dans les seuls livres de Moïse.

« Egarés sur le mot, tous les peuples s'accordent quant à l'unité d'un être tout puissant. Les poëtes ont placé à la tête de leurs divinités un Dieu suprême qu'ils ont proclamé père des dieux et des hommes. Il y a eu de tout temps une croyance, établie généralement dans tous les esprits, qu'il règne dans l'univers une puissance invisible, qui voit tout, qui fait tout dans le monde selon sa volonté. C'est de cette âme répandue par toutes les parties de l'univers, que Virgile fait le principe du mouvement de tous les corps. Cette idée rectifiée n'amène-t-elle pas à celle du Dieu que nous appelons esprit, raison, intelligence universelle ? »

Si l'idée publique d'un Dieu suprême s'est maintenue dans les siècles les plus ténébreux du paganisme, à plus forte raison dut-elle être répandue quand la philosophie, ayant parcouru le cercle des erreurs possibles sur la Divinité, fut obligée de revenir au point d'où elle était partie, et d'ajouter ses raisonnements au poids de la tradition antique. frappe ensuite à la porte de toutes les écoles, il prête l'oreille aux divers enseignements des maîtres célèbres, depuis Thalès de Milet jusqu'à Platon, et il conclut ainsi : « Je viens de passer en revue les opinions des principaux d'entre les philosophes : leur plus beau titre de gloire est d'avoir reconnu l'unité de Dieu, bien qu'ils en aient défiguré le dogme par la diversité des noms dans lesquels ils avaient partagé la divine essence, d'où il résulte que les chrétiens d'aujourd'hui sont philosophes, ou que les philosophes d'autrefois étaient chrétiens. »

Il réfute ensuite avec une certaine étendue les fables et les autres absurdités de l'idolatrie, et montre que l'empire romain ne s'est élevé à ce point de grandeur prodigieuse dont il jouissait alors que par les crimes de ses premiers fondateurs, et de ceux qui l'ont gouverné dans la suite des temps. I prouve que les oracles, en qui les païens avaient lant de confiance, n'étaient que des prestiges des démons; ce dont il prend à témoin Cécilius lui-même, en lui disant : « Plusieurs d'entre vous savent que les démons sont contraints de confesser leurs impostures, lorsque nous les tourmentons pour les chasser des corps, et que nous les forçons d'en sortir par des paroles qui les gênent, par des prières qui les brûlent. Car lorsqu'on les conjure, au nom du Dieu vivant, ces misérables frémissent daus les

corps qu'ils possèdent, et s'ils ne sortent incontinent, ils se retirent au moins peu à peu, selon que la foi du patient est grande, ou la grâce du médecin efficace. Ainsi, ils fuient la présence des chrétiens, quoique par votre moyen, ils troublent leurs assemblées. »>

« Ce sont encore les démons qui nous ont accusés de rendre les honneurs divins à une tête d'âne; mais où sont les hommes assez fous pour admettre un semblable culte, assez fous pour le croire? Ceux qui nous accusent encore d'adorer les objets les plus obscènes ne font que nous prêter leurs propres turpitudes. D'aussi monstrueuses impuretés ne se rencontrent que chez les hommes qui ont perdu toute pudeur. Inventer de pareilles horreurs, c'est laisser croire. qu'on pourrait s'en rendre coupables. Quant au reproche fait à notre religion d'avoir pour auteur un homme justement puni du supplice de la croix, s'il y a du vrai daus l'objection, on s'abuse étrangement sur le reste, en croyant qu'il ait mérité nos adorations, s'il fut un scélerat, ou qu'il eût pu les obtenir s'il n'était qu'un homme. On serait assurément bien à plaindre de fouder son espérance sur un homme mortel, dont toute la protection qu'on en attend finirait avec lui. Nous laissons cette absurde idolatrie à l'Egyptien et à d'autres, qui se font des dieux de leurs rois, reçoivent leurs paroles comme autant d'oracles et leur immolent des victimes. Ce prétendu Dieu a beau se défendre il n'est toujours qu'un homme; il peut tromper la conscience des autres, jamais la sienne. Nous n'adorons point les croix, nous ne courons point après elles. On dit et l'on croit que nos initiations se consacrent sur le sang d'un enfant égorgé par nos mains, sur quel fondement? Nous ne nous permettrions jamais d'assister à une exécution capitale, et nous sommes si éloignés de verser le sang des hommes, que nous nous abstenons même de répandre celui des animaux. Nos repas incestueux dont on fait tant de bruit, calomnie atroce inventée par Je démon pour offusquer, par ce reproche odieux, la gloire de la pudeur dont nous faisons profession. Ce n'est pas chez nous, mais daus les histoires et sur les théâtres profanes, qu'il faut aller chercher les témoignages trop avérés de ces scandaleuses débauches. Donc, sous ce rapport, vous êtes plus coupables que nous, puisque ceux que vous adorez conime vos dieux se sont rendus coupables d'incestes avec leurs mères, avec leurs filles, avec leurs sœurs. Les chrétiens, au contraire, sont chastes d'esprit et de corps. Une femme nous suffit, ou nous nous eu passons entièrement; plusieurs en effet gardent la sainteté du célibat jusqu'à la mort, et nous sommes si éloignés de l'inceste que plusieurs même ont honte des plaisirs légitimes. Nous ne nous recounaissons point à quelque marque corporelle, comme vous le pensez, mais à la modestie et à l'innocence. Nous nous appelons frères parce que nous avons tous un même pèro,

« ZurückWeiter »