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qui viennent de l'injustice. Ceux qui les souffrent sans patience et sans courage découvrent, parce lâche procédé, le mauvais état de leur âme, puisqu'ils n'ont rien qu'un homme ne doive endurer quand il est assuré de la protection de Dieu et du témoignage intérieur de sa conscience. « Car, ajoute-t-il, tout ce qui arrive de plus fâcheux à un homme de bien ne sert qu'à exercer sa patience et sa vertu, et n'a nullement la force de le surmonter. Les divines Ecritures conservent son âme au milieu des plus grandes afflictions, et il s'affermit dans la constance chrétienne par la seule vue des leçons sacrées que nous expliquons au peuple, puisqu'elles vous apprennent qu'il n'y a presque point de saints qui n'aient été continuellement exercés par un grand nombre d'afflictions, ayant besoin de passer par cette épreuve sensible pour remporter la couronne de la

constance. »

Aux évêques de Macédoine. L'an 414, le Pape saint Innocent reçut une lettre synodale de vingt-trois évêques de Macédoine, dont les plus connus sont Rufus et Eusèbe, qui le consultaient sur divers points de discipline, sur lesquels ils lui avaient déjà écrit et reçu sa réponse. Le porteur de cette lettre fut l'archidiacre Vital. Les évêques de Macédoine y représentaient au Pape que la coutume de leurs Eglises était d'élever à la cléricature et même à l'épiscopat ceux qui avaient épousé des veuves, prétendant que l'on ne devait considérer comme bigames que ceux qui avaient eu deux femmes depuis leur baptême. Ils prétendaient encore que l'on devait admettre parmi les clercs ceux qui y avaient été admis par Bouose, même après sa condamnation comme hérétique, sous prétexte que la bénédiction sainte de l'évêque légitime corrigeait le défaut qui pouvait venir de celle d'un homme indigne de son caractère. Enfin, ils demandaient au Pape la permission d'élever à l'épiscopat un nommé Photin, condamné par ses prédécesseurs sur la chaire de saint Pierre, et de dégrader un diacre nommé Eusthate.

Innocent répondit à ces trois articles par une lettre adressée à Rufus de Thessalonique et aux autres évêques de Macédoine, le 13 décembre de la même année. Il se montre d'abord surpris de l'injure qu'ils semblaient faire au siége apostolique, en le consultant de nouveau sur des questions qu'il avait déjà décidées. Néanmoins, abordant ensuite tous les points de leur lettre, il répond au premier, que l'on ne doit point admettre à la cléricature ceux qui ont épousé des veuves, cet usage étant contraire, et à la loi de Moïse, qui le défend au grand Pontife, et au précepté de l'Apôtre, qui veut que l'évêque soit le mari d'une seule femme, et à la pratique de toutes les Eglises d'Orient et d'Occident, qui non - seulement n'admettent aucun bigame à la cléricature, mais déposent même ceux qui y ont été admis. Comme il s'agissait principalement de ceux qui, ayant perdu leur première femme, en avaient épousé une seconde après leur bap

tême, le Pape soutient que ce sacrement, n'effaçaut que les péchés, n'avait aucune action sur le mariage, et qu'il serait téméraire de l'accuser, puisqu'il est dit dans les Proverbes que c'est Dieu qui prépare la femme à l'homme; et que d'ailleurs on ne fait aucune difficulté d'admettre comme héritiers légitimes les enfants que l'on a eus avant le baptême. Quant à l'ordination des hérétiques, le Pape Innocent répond que ceux qui ont été ordonnés de cette manière, ayant la tête blessée par l'imposition des mains, ont be soin du remède de la pénitence; et que ceux qui ont besoin de la pénitence ne peuvent prétendre à l'honneur de l'ordination. I semble déclarer nulles les ordinations faites. par les hérétiques, et vouloir même prouver qu'elles le sont en effet. Il se sert pour cela de quelques passages de saint Cyprien, et de quelques expressions employées par ce Père pour montrer l'invalidité de leur baptême. Mais en le lisant bien attentivement, on voit qu'il ne veut dire autre chose, sinon que les ordinations faites par les hérétiques doivent être sans effet, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent procurer à ceux qui ont éte consacrés ainsi, ni l'honneur ni le rang de l'or dre qu'ils ont reçu. Cela ressort de la suite de så lettre, où il décide qu'on peut leur accorder l'un et l'autre, quand le besoin de l'Eglise le réclame. Du reste, il avait déjà formulé la même décision dans sa lettre au concile de Tolède.

Le saint Pontife réfute ensuite le faux principe de ceux qui croyaient que l'ordination d'un évêque légitime corrigeait tous les défauts qui se trouvaient dans celui qui est ordonné. S'il en était ainsi, dit-il, on pourrait ordonner les sacriléges, les adultères, et il ne serait plus besoin de les mettre en pénitence, parce que l'ordination produirait le même effet. Mais, ajoute-t-il, la coutume de l'Eglise est d'accorder la communion laïque, après une simple imposition des mains, à ceux qui, ayant été baptisés par les hérétiques, veulent entrer dans l'Eglise; et de mettre en pénitence ceux qui y reviennent après l'avoir quittée pour entrer dans une secte d'hérétiques. I blame les évêques de Macédoine qui, non-seulement ne les mettaient pas en pénitence, mais qui les laissaient encore dans leur ministère. Il convient qu'autrefois Anysius et quelques autres évêques de ce pays avaient maintenu dans leur rang, en les recevant dans l'Eglise, ceux qui avaient été ordonnés par Bonose; mais il soutient que cet exemple ne peut tirer à conséquence, parce que ces évêques n'en avaient usé ainsi que par nécessité et pour éviter le scandale, et surtout afin que ceux que Bonose avait ordonnés ne demeurassent pas avec lui; mais cette nécessité ne subsistant plus, il fallait en revenir aux anciennes règles apostoliques que l'Eglise romaine conserve avec soin et dont elle prescrit l'observation à tous ceux qui veulent l'écouter. Il s'objecte ce canon du concile de Nicée, qui permet de recevoir les novatiens, et répond que ce canon, ne concernant que

ces seus hérétiques, ne doit pas être étendu à tous les autres qu'il y est question du baptême, et que le concile ordonne que l'on rebaptisera les paulianistes, parce qu'ils ne conféraient pas ce sacrement au nom de la Trinité, au lieu que les novatiens administraient le baptême comme les catholiques, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il ajoute que ce règlement n'est que pour ceux qui ont été baptisés par les hérétiques. Quant à ceux qui, après avoir reçu le baptême dans l'Eglise, ont donné dans l'erreur et reviennent ensuite de leur apostasie, ils doivent être mis en pénitence publique, et par conséquent exclus pour toujours du clergé. D'où il conclut que ceux qui ont quitté l'Eglise, après la condamnation de Bonose, pour se joindre à lui, et se sont fait ordonner par les hérétiques, ne doivent pas demeurer dans leur dignité, puisqu'en Saltachant à Bonose ils ont mieux aimé suivre leur vanité que de se soumettre au jugement commun des Eglises. Il y en avait qu'on prétendait avoir été ordonnés malgré eux; le Pape répond qu'on le peut croire de ceux qui, aussitôt après leur ordination, se sont retirés de la communion de Bonose pour revenir à l'Eglise, mais quant à ceux qui n'y sont rentrés qu'après un an ou même plusieurs mois, il y a lieu de juger que, se croyant indignes de recevoir légitimement Fordination, ils se sont adressés à celui qui la conférait à tous venants, dans l'espérance de conserver plus tard leur rang dans l'Eglise catholique. Le Pape veut même que l'on distingue entre ceux qui n'ont exercé aucune function et ceux qui ont consacré, distribué les mystères et célébré les messes selon la

coutume.

Pour ce qui est de Photin, quoique le saint Pontife éprouvât de la peine à déroger en rien à ce qu'avaient établi ses prédécesseurs, néanmoins il approuve la remontrance des évêques de Macédoine, et, trompé par leurs renseignements, il consent à reconnaître Photin pour évêque, dans la persuasion que le Saint-Siége avait été surpris, comme ils ne craignaient pas de l'affirmer. Mais il ajoute qu'il ne peut consentirà la déposition d'Eustathe, qui n'a jamais été accusé d'aucune faute grave, ni contre la foi, ni contre la discipline. Il se plaint ensuite que les évêques de Macédoine, n'ayant, pour ainsi dire, témoigné aucun égard aux bons témoignages que l'Eglise romaine leur avait rendus sur le compte des sous-diacres Cyriaque et Dizonien, il demande qu'on les accueille sincèrement et dans un véritable esprit de paix, en mettant fin aux querelles qui leur étaient suscitées par ceux qui ne les aimaient point.

A saint Alexandre d'Antioche. - Saint Alexandre, successeur de Porphyre sur le siége d'Antioche, ayant, à force d'exhortations, heureusement réuni le parti des eustathiens, séparés depuis tant d'années des autres catholiques, et rétabli le nom de saint Jean Chrysostome dans les diptyques de son Eglise, envoya une députation solen

nelle au Pape Innocent pour lui faire part de ces heureuses nouvelles et demander sa communion. Cette députation causa une grande joie à Rome, et le saint Pontife répondit aussitôt à l'évêque Alexandre pour le congratuler de leur réunion. Dans une seconde lettre, écrite à la prière du prêtre Cassien, il engage ce saint évêque à correspondre avec lui plus souvent, afin de réparer le passé. Quelque temps après, saint Alexandre, pour répondre au désir du Souverain-Pontife et entretenir l'union avec l'Eglise de Rome, lui écrivit pour le consulter sur certains abus que les schismes et les hérésies avaient introduits dans l'Eglise d'Orient. Le Pape lui répondit par une lettre composée de trois canons. Dans le premier,. il relève la dignité de l'Eglise d'Antioche d'autant plus volontiers que c'est un moyen pour lui d'exalter celle de l'Eglise romaine. Suivant l'autorité du concile de Nicée, qui explique la pensée de tous les évêques du monde, l'Eglise d'Antioche a reçu la juridiction, non sur une province particulière, mais sur tout le diocèse d'Orient; cette dignité ne lui a pas été accordée à cause de l'importance de la ville, mais parce qu'elle a été le premier siége de saint Pierre, et qu'elle a mérité de voir réunie dans son enceinte la plus célèbre assemblée des apôtres; de sorte qu'elle ne le céderait pas même à celle de Rome, si elle n'avait eu qu'en passant celui que cette Eglise a possédé jusqu'à la consommation et jusqu'à la fin. C'est en vertu de cette dignité qu'il dit à l'évêque d'Antioche que, comme il ordonne les métropolitains par une autorité qui lui est propre, il ne doit pas souffrir que l'on ordonne les autres évêques sans sa permission et son consentement, et lui conseille d'obliger les plus rapprochés à venir recevoir l'ordination de ses mains. — Il établit dans le second canon que l'on ne doit pas créer des métropolitains, quand, par suite de la division d'une province, il arrive que de nouvelles villes sont érigées en métropoles par l'autorité de l'empereur. Il s'élève ensuite contre la coutume des évêques de l'ile de Chypre, qui ordonnaient leurs confrères, sans consulter l'évêque d'Antioche, à qui ces Eglises étaient soumises, puisqu'elles faisaient partie du diocèse de l'Orient. Dans le dernier canon, il dit que les Ariens qui rentrent dans l'Eglise doivent être reçus par l'imposition des mains; mais qu'on ne doit pas souffrir que leurs élèves demeurent dans le ministère ecclésiastique. Il en donne cette raison: Les laiques étant soumis à l'imposition des mains, qui est une image de la pénitence, les élèves ne doivent pas être reçus dans leurs dégrés d'honneur. Car encore que leur baptême soit valide, parce qu'il est conféré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il ne leur donne pas la grâce, puisque ceux qui le leur ont conféré l'ont perdue eux-mêmes en se séparant de l'Eglise catholique. Il n'est pas possible qu'ils donnent la plénitude du Saint-Esprit, qui se confère surtout dans lordination, puisqu'ils I ont perdue par

leur

perfidie. Comment donc serait-il possible d'accorder à leurs prêtres les honneurs du sacerdoce de Jésus-Christ, puisque leurs laïques ne sont reçus dans l'Eglise que par l'imposition des mains, qui leur communique le Saint-Esprit. Il appelle cette imposition des mains une image de la pénitence, parce qu'on n'imposait aucune œuvre laborieuse à celui qui revenait à l'Eglise, et qu'on l'admettait aussitôt à la communion. Il termine sa lettre en priant saint Alexandre de faire part de sa décision aux autres évêques, en la leur faisant lire, s'il se peut dans un concile, afin qu'elle fût observée par un

commun consentement.

d'usages qui cause un si grand scandale au peuple, en lui faisant supposer qu'on s'est éloigné de la tradition apostolique. De ce principe il conclut que l'on doit observer partout la discipline que l'Eglise de Rome a reçue de saint Pierre, et qu'elle a toujours conservée. Il cite comme un fait constant et manifeste que, dans l'Italie, les Gaules, l'Espagne, l'Afrique, la Sicile et les fles adjacentes, il n'y a point d'Eglises qui, n'aient été instituées par les ouvriers évangé liques, que l'apôtre saint Pierre ou ses successeurs avaient établis évêques. S'adressant ensuite à Decentius, il suppose qu'il était souvent venu à Rome, qu'il y avait assisté Pour aplanir les difficultés qui pourraient à la célébration des divins mystères, et qu'il résulter de ce que cette lettre dit sur le avait pu remarquer les cérémonies qu'on y baptême et l'ordination conférés par les pratiquait. Cela devait suffir pour son inshérétiques, il faut distinguer avec les théo- truction et pour l'obliger de réformer les logiens trois choses, dans l'un et l'autre de abus qui se commettaient dans son Eglise; ces deux sacrements; savoir, le caractère, mais comme il avait consulté le Pape Innola grâce sanctifiante, et certains effets que les cent, ce Pontife se crut obligé de lui faire sacrements produisent dans ceux qui les une réponse, moins pour l'instruire que reçoivent. Un adulte, par exemple, et la lettre pour l'aider à instruire les autres, pour l'odu Pontife ne paraît s'occuper que de ceux-liger à avertir et à reprendre avec plus là, un adulte qui, attaché aux erreurs de d'autorité ceux qui s'éloignaient des coutu certains hérétiques, reçoit d'eux le baptême, mes de l'Eglise de Rome, et même à les lui reçoit en même temps le caractère qu'im- dénoncer, s'ils ne voulaient pas se rendre à prime ce sacrement, mais il ne reçoit pas ses avertissements. la grâce sanctifiante, parce qu'il y met obstacle par son attachement à l'hérésie. Il ne reçoit pas non plus les autres effets produits par le baptême, qui sont la participation aux prières et aux mérites de l'Eglise et le droit de participer aux sacrements. Mais aussitôt qu'il rentre dans le sein de l'Eglise par une sincère pénitence, l'obstacle qu'il avait mis à la grâce étant enlevé, il reçoit avec cette grâce sanctifiante le droit de communion avec l'Eglise et la participation à tous les autres sacrements. Mais il n'en est pas tout à fait de même de ceux qui ont été ordonnés par les hérétiques. En retournant à l'Eglise, ils ne sont pas admis à tous les honneurs du sacerdoce, ni à toutes les fonctions de leur ministère, parce qu'indépendamment de la réconciliation ordinaire accordée à tous les pécheurs, il serait encore nécessaire de les rétablir dans les grades de leur ordre et de les absoudre de la suspense qu'ils ont encourue, ce qui ne s'accordait que dans les besoins pressants de l'Eglise, comme on l'a vu dans la lettre aux évêques de Macédoine. Ce n'est donc que quant aux honneurs et aux grades du sacerdoce que le Pape déclare nulle l'ordination des hérétiques, et non par rapport au caractère qu'ils ont reçu dans cette ordination.

A Decentius. Les décrétales du saint Pape Innocent ont conservé dans l'Eglise la plus imposante autorité. La plus célèbre est celle qu'il adressa à Decentius, évêque d'Eugubium dans l'Ombrie. Le préambule de cette lettre est tout entier à l'avantage de l'Eglise de Rome. Il prétend que si toutes les Eglises avaient conservé les pratiques qu'elles avaient reçues des apôtres, elles se seraient toutes accordées dans une même discipline, et auraient évité cette différence

On voit dans la suite de cette décrétale, qui comprend en tout huit canons, comment par le spectacle des cérémonies et par l'ins truction de vive voix, on apprenait ce qui concerne l'administration des sacrements, qu'on tenait encore fort secrète, d'où l'on doit peu s'étonner des omissions qu'on remarque à ce sujet dans les anciens monuments. Il y témoigne que les sacrements de la confirmation et de l'extrême-onction sont établis sur la tradition et l'Ecriture. Après avoir dit qu'il est du ministère épiscopal d'imprimer aux enfants le sceau sacré qui les rend parfaits chrétiens, il ajoute : C'est ce que nous apprenons tant par la coutume uniforme des Eglises que par l'Ecriture sainte, et spécialement par ce qui est dit de saint Pierre et de saint Jean au vu chapitre des Actes des Apôtres. Les prêtres peuvent faire aux baptisés l'onction du chrême, pourvu qu'il soit consacré par l'évêque; mais ils n'en sauraient marquer leur front, cela n'est permis qu'aux évêques quand ils donnent le Saint-Esprit. Pour l'onction des malades, elle peut se faire encore par les prêtres, suivant l'épitre de l'apôtre SaintJacques; mais l'huile de cette onction doit toujours être consacrée par les évêques. Du reste, on ne la donne point aux pénitents, parce que c'est un sacrement. Quant aux paroles dont il faut se servir, je ne les confie pas au papier, de peur de trahir les saints mystères. Nous apprenons par la même décrétale que dans l'Eglise romaine c'était déjà l'usage de jeûner le vendredi et le samedi de chaque semaine, et qu'on ne célébrait pas le saint sacrifice pendant ces deux jours de pénitence. Il y avait d'autres Eglises, au contraire, qui de tous les samedis de l'année ne jeûnaient que le samedi saint. Il finit sa

lettre en exhortant Decentius à faire observer dans son église la discipline de l'église 10maine, et à bien instruire les prêtres et les autres clercs placés sous sa conduite, afin qu'ils s'acquittassent dignement des fonctions de leur ministère. Il lui promet, quand Il viendra à Rome, de lui dire de vive voix plusieurs autres choses qu'il n'était pas permis d'écrire.

Aux évêques du concile de Carthage, etc.Pour bien comprendre les trois lettres suivantes, il faut remarquer que les évêques d'Afrique et de Numidie, ayant condamné Pélage et Célestius dans les conciles de Carthage et de Milève tenus en 416, écrivirent au Pape Innocent le jugement qu'ils avaient porté contre ces hérétiques et contre leur doctrine, afin d'ajouter à leur décision l'autorité du Saint-Siége. Ils tenaient d'autant plus à cette formalité, que Célestius en avait appelé, et qu'il faisait courir le bruit que le Pape Innocent le favorisait. C'est ce qui engagea les évêques africains Aurèle, Augustin, Alype, Evode et Passivius à ajouter aux communications de ces conciles une lettre familière, où ils lui parlaient des bruits désavantageux que l'on faisait circuler sur son compte à propos de cette affaire. C'est à ces trois lettres, apportées à Rome par l'évêque Julien, que saint Innocent fit les réponses suivantes, datées toutes les trois du 27 janvier de l'an 417.

La première est adressée à Aurèle et aux évêques du concile de Carthage. Il les loue d'abord de la vigueur avec laquelle ils ont condamné l'erreur et de la déférence qu'ils témoignent au Saint-Siége en le consultant sur ce qu'ils avaient décidé. Il prend de là occasion de faire valoir l'autorité de son Eglise, et avance que c'est un usage établi de la consulter sur toutes les causes ecclésiastiques, avant de les terminer dans les provinces. Puis venant à la doctrine de Pélage, il fait voir que l'on ne peut nier sans impiété que nous ayons besoin de la grâce de Dieu, soit pour faire le bien et avancer dans la vertu, soit pour passer de l'iniquité à la justice, le libre arbitre que nous. avons reçu de Dieu en naissant ne pouvant nous suffire ni pour l'un ni pour l'autre. Il appuie la doctrine de la nécessité de la grace sur le psaume xxvi, où David prie Dieu d'être son aide, de ne point l'abandonner et de ne point même détourner de lui son visage. Il en donne pour preuve encore les remèdes continuels dont l'homme a besoin pour se relever, depuis que le péché l'a précipité dans la misère. Ensuite il condamne Pélage et Célestius et tous ceux qui, à leur exemple niant que le secours divin nous soit nécessaire, se déclarent ennemis de la foi catholique, et ingrats des bienfaits de Dieu. Il accorde néanmoins aux évêques du concile de Carthage le pouvoir de les admettre à leur communion, en cas qu'ils reviennent à eux, qu'ils reconnaissent le besoin de la grâce qu'ils ont combattue et qu'ils condamnent leur mauvaise doctrine.

Aux évêques du concile de Milève. - Le

saint Pontife répète à peu près les mêmes choses dans sa réponse aux Pères du concile de Milève; seulement il semble restreindre aux seules causes de la foi la maxime gónérale qu'il avait avancée sur la nécessité de rapporter toutes les affaires ecclésiastiques à la décision du Saint-Siége. Præsertim quoties fidei ratio ventilatur. Il y combat ensuite les doctrines de Pélage avec les mêmes raisons qu'il avait déjà apportées dans la lettre précédente; puis il attaque une autre opinion de ce novateur, qui soutenait que les enfants parvenaient à la vie éternelle, même sans avoir reçu le baptême. Il réfute cette erreur par un passage de l'Evangile de saint Jean, où Jésus-Christ dit : S'ils ne mangent la chair du Fils de l'homme et ne boivent son sang, ils n'auront point la vie en euxmêmes. Il faut se souvenir que l'on donnait alors l'Eucharistie aussitôt après le baptême. Il déclare donc Pélage et Célestius séparés de la communion de l'Eglise, conformément à la résolution des évêques d'Afrique, et défend de les recevoir dans le bercail du Seigneur qu'ils ont abandonné. Il soumet à la même peine ceux qui défendront leurs erreurs avec la même obstination, consentant toutefois à user d'indulgence envers ceux qui, condamnant la mauvaise doctrine qu'ils avaient embrassée, demanderont les remèdes de la pénitence que l'Eglise a coutume d'accorder aux pécheurs qui se convertissent, de peur qu'en leur fermant la porte de la bergerie, ils ne soient dévorés par l'ennemi qui les attend.

Aux cinq évêques d'Afrique. Dans sa lettre aux cinq évêques dont nous avons donné les noms plus haut, le saint Pape Innocent marque qu'il s'est suflisamment expliqué dans ses réponses aux évêques de Carthage et de Milève, et sur leur sentiment touchant la nécessité de la grâce, et sur l'impiété de la doctrine de Pélage. I ajoute qu'il espérait que la condamnation de cet hérésiarque ferait revenir ceux qu'il avait trompés, soit à Rome soit ailleurs; il ne pouvait ni assurer ni nier qu'il y eût des Pélagiens à Rome, parce qu'il n'était pas aisé de les découvrir dans une aussi grande multitude de peuples; puis il ajoute en parlant de Pélage lui-même : « Nous ne pouvons croire qu'il ait été justifié, quoique quelques laïques nous aient présenté des actes qui le déclarent absous. Mais nous doutons de la vérité de ces actes, parce qu'ils ne nous ont point été envoyés de la part du concile, et que nous n'avons reçu aucune lettre de ceux qui y ont assisté. Car si Pélage avait été assuré de sa justification, il n'aurait pas manqué d'obliger ses juges à nous en instruire. Dans ces actes mêmes, il ne se justifie point clairement et ne cherche qu'à éluder la question et à l'embrouiller. C'est pourquoi nous ne pouvons ni blåmer, ni approuver ce jugement, puisque nous ne savons s'il contient la vérité. Si Pélage prétend n'avoir rien à craindre, ce n'est pas à nous à l'appeler, c'est lui plutôt qui doit être pressé de venir se faire absous.

dre; car s'il persévère dans ses erreurs, quelques lettres qu'il reçoive de nous, il ne s'exposera jamais à notre jugement. S'il devait être appelé, ce serait plutôt par les évêques dans le voisinage desquels il réside que par ceux qui sont éloignés de ces régions. Pourtant s'il nous en donne lieu, nous nous efforcerons de contribuer à sa guérison. Il peut condamner ses sentiments, et, par lettre, demander pardon de ses erreurs. Nous avons lu entièrement le livre qu'on lui attribue et que vous nous avez envoyé. Nous y avons trouvé beaucoup de propositions contre la grâce de Dieu, beaucoup de blasphèmes, rien qui ne nous ait déplu et qui ne doive être rejeté de tout le monde. « Le Pape termine sa lettre, en disant qu'il est facile à chacun de combattre la mauvaise doctrine de Pélage, et que s'il vient à l'anathématiser lui-même, ceux qu'il a séduits reviendront plus facilement de leurs erreurs; mais s'il y persiste avec opiniâtreté, on ne doit rien négliger pour détromper ceux qu'il a égarés à sa suite. On croit que saint Innocent n'écrivit ces trois lettres qu'après avoir tenu un concile; mais peutêtre se contenta-t-il d'assembler son clergé. C'est ce que saint Augustin paraît dire, lorsque, écrivant contre les pélagiens qui accusaient le clergé de Rome de prévarication dans le jugement rendu contre Pélage et Célestius, il leur répond que si ce clergé eût jugé autrement, ce serait alors qu'on devrait l'accuser d'avoir prévariqué. Cette dernière lettre est accompagnée d'un billet particulier, adressé à Aurèle, et qui ne contient rien de remarquable, excepté la prière de faire remettre une lettre qui s'y trouve insérée à l'adresse de saint Jérôme.

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A saint Jérôme. Cette lettre a pour but de consoler le pieux solitaire des maux que les pélagiens lui faisaient souffrir. Ils avaient fait une irruption dans le monastère confié à ses soins, brûlé les bâtiments et mis à mort un diacre, ainsi que plusieurs autres personnes. C'est ce que saint Augustin nous apprend lui-même sur la fin de son livre qui a pour titre Des actions de Pélage. Le Pape témoigne à saint Jérôme qu'il a fait tout ce qu qu'il a pu pour réprimer une semblable audace, mais qu'il n'a pu savoir à qui s'en prendre en particulier. S'il arrive qu'on lui défère les coupables, il nommera des juges compétents pour examiner cette affaire, et fera même quelque chose de plus s'il en est besoin. Il ajoute qu'il a écrit à Jean de Jérusalem pour l'avertir de veiller, afin qu'à l'avenir il n'arrive rien de semblable dans l'Eglise qui lui est confiée. Nous en avons dit un mot à l'article de cet évêque.

A Probus. On ne sait en quelle année celte lettre fut écrite, mais on la croit postérieure aux troubles que la guerre d'Alaric et l'élection d'Attale causèrent dans Rome, c'est-à-dire, à l'an 409. Pendant ces troubles une femme nommée Ursa ayant été emmenée captive par les barbares, son mari qu'on appelait Fortunius épousa une autre femme nommée Restitula. Ursa, délivrée de

sa captivité par un bienfait de Dieu, vint trouver le Pape Innocent et fut reconnue sans aucune contestation pour celle que Fortunius avait épousée la première. Le saint Pontife, qui peut-être était alors à Ravenne, écrivit à Probus ce qui se passait, et lui déclara que, selon les règles de la foi, Ursa était la véritable et unique épouse de Fortunius, et que par conséquent Restitula ne pouvait à aucun titre être considérée comme légitime, puisque la première encore vivante n'avait point été séparée de son mari par un divorce. On croit que ce Probus était le fils d'un magistrat du même nom, qui exerçait une charge sous l'empire de Théodose et Valentinien.

A Félix de Nocéra. Félix, évêque de Nocéra dans l'Umbrie, après avoir fait rebatir les églises que l'invasion des Goths avait détruites dans son diocèse, écrivit au Pape Innocent sur diverses difficultés qu'il rencontrait pour y rétablir la discipline. Le Pape, après avoir loué son respect envers le Saint-Siége qu'il appelle la tête de l'épiscopat, lui répond: 1° qu'il est défendu d'admettre dans le clergé ceux qui se sont mutilés volontairement; 2° qu'il est parcillement défendu d'ordonner les bigames ou ceux qui ont épousé des veuves; 3° que l'on doit exclure des ordres ceux qui ont porté les armes, plaidé et requis des condamnations, exercé quelque office de judicature ou rempli des fonctions, parce que les lois civiles les forçaient de rentrer dans de fonctions; 4° que l'on doit choisir, pour les admettre aux ordres, des laïques baptisés qui soient de bonnes mœurs, qui aient passé leur vie avec des clercs ou dans des monastères, et qui n'aient jamais eu de concubines; 5° que l'on doit observer les interstices et ne pas faire passer trop promptement un homme par les ordres de lecteur, d'acolyte, de diacre ou de prêtre, afin qu'en s'exerçant longtemps dans les degrés inférieurs, sa conduite et ses mœurs soient plus éprouvées. Le Pape s'étonne que Félix, instruit comme il l'était, l'ait consulté sur des choses connues de tout le monde, et veut bien croire qu'il n'a agi ainsi que parce que ses grandes occupations lui ont fait oublier ce que les canons avaient décidé sur tous ces points.

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A Laurent, évêque de Sénia. - Laurent, évêque de Sénia ou Zeng dans la Croatie, avait écrit au Pape Innocent pour se piain dre de quelques hérétiques photiniens qui s'étaient établis dans le territoire de cette ville et tenaient des assemblées à la campa gne, sous la conduite d'un nommé Marc, autrefois chassé de Rome. Informé de ce désordre, Innocent obtint des défenseurs de l'Eglise romaine la permission de faire chasser ces hérétiques des lieux qu'ils infes taient. Il envoya aussitôt cette permission à Laurent, en l'exhortant à la mettre promptement à exécution, dans a crainte de se rendre responsable des âmes que ces novateurs pourraient pervertir. Comme ils niaient que Jésus-Christ fût né de la subs

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