Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tance du Père avant tous les siècles, le Pape les compare aux Juifs qui jusqu'à cette heure nient sa divinité, et il déclare qu'ils sont les uns et les autres dignes de la même damnation.

Nous bornons ici cette analyse des lettres du saint Pontife; nous en avons omis quelques-unes parmi celles qui nous ont paru moins importantes; à plus forte raison ne nous croyons-nous pas obligé de rendre compte de celles qui sont perdues; pourtant nous dirons un mot des écrits qui lui sont attribués.

Le Pontifical lui fait honneur de divers décrets sur l'Eglise en général, sur les monastères, sur les Juifs, sur les païens, mais sans marquer d'où ces décrets sont tirés. Il dit aussi que ce Pape consacra une église bâtie par une dame de Rome nommée Vestine, sous l'invocation de saint Gervais et de saint Protais, qu'il l'érigea en paroisse titulaire et qu'il lui fit de grands présents en vases précieux et en riches domaines; le décret cite entre autres objets une tour ou ciboire turribulum pour conserver la sainte eucharistie. Nous avons également sous son nom deux lettres adressées à l'empereur Arcade; mais la supposition en est évidente et l'on reconnaît aujourd'hui qu'elles n'ont été écrites que vers le milieu du vi siècle. Elles sont fondées l'une et l'autre sur la prétendue excommunication d'Arcade et d'Eudoxie, fait assez mémorable pour mériter d'être rapporté par les historiens du temps s'il avait été vrai. Mais Pallade n'en dit pas un mot, et tous les auteurs contemporains gardent le même silence. Mais ce qui doit encore faire rejeter ses lettres, c'est que celui qui en est l'auteur suppose que l'impératrice Eudoxie survécut à saint Jean Chrysostome, qui à la connaissance de tous ne mourut que quatre ans après elle. Il faut dire la même chose des deux lettres d'Arcade au Pape Innocent. Ces lettres, tirées de Nicéphore Callixte, de Glycas et de la bibliothèque du Vatican, ont été imprimées par les soins de dom Pierre Constant dans l'Appendice des Décrétales, à Paris en 1721. Le même éliteur nous a donné également les véritables lettres de ce saint Pontife, que l'on retrouve encore dans les diverses collections des conciles.

Innocent Je passe avec justice pour un des plus grands Papes de ces temps antiques, tant pour la sainteté de sa vie que pour ses lumières, son zèle à maintenir la discipline, sa sage fermeté à soutenir la dignité de son siége, et surtout pour sa vigilance pontificale et le soin qu'il prenait du bon ordre dans toutes les Eglises, qualité qu'il a fait particulièrement paraître dans l'affaire de saint Jean Chrysostome.

INNOCENT II,Romain de naissance,appelé auparavant Grégoire, monta sur la chaire pontificale le 14 février 1130, après la mort d'Honorius II. Il descendait de la noble maison des Papi, avait d'abord été moine de Saint-Jean de Latran, puis abbé d'un monastère de Saint-Nicolas. Urbain II, après

l'avoir fait cardinal diacre du titre de SaintAnge, l'avait envoyé légat en France, où il tint deux conciles en 1124, l'un à Clermont et l'autre à Vienne. De retour à Rome, il fut élu Pape au moment même de la mort d'Honorius II. Cette précipitation, qui avait pour but de prévenir toute espèce de cabale, fut précisément ce qui discrédita la mesure en elle-même. Tous les cardinaux étaient convenus ensemble d'un jour marqué pour procéder à l'élection dans l'église de SaintMarc; et celle d'Innocent II venait de se faire subitement dans le palais de Latran, sans qu'on eût réuni la totalité du Sacré Collége. Ce fut, à la vérité, la plus grande partie qui nomma Innocent II; l'autre donna la tiare au petit-fils d'un Juif, nommé Pierre de Léon, qui se fit appeler Anaclet II; et c'est ainsi que le schisme s'établit. Ce dernier fut reconnu par les rois d'Ecosse et de Sicile; mais Innocent II le fut par le reste de l'Europe. Ce Pontife, opprimé à Rome par la faction d'Arnoul de Bresse, se réfugia en France, où il tint plusieurs conciles, d'abord à Etampes, où son élection fut examinée par saint Bernard qui se déclara en sa faveur; ensuite au Puy, à Clermont, à Reims, où Innocent II fut solennellement proclamé, et l'antipape Anaclet excommunié jusqu'à ce qu'il revini à résipiscence. C'est dans ce concile que le Pape, s'adressant au roi Louis le Gros, lui tint ce discours : « Dieu vous a pris dans son innocence votre fils ainé, pour lui faire partager immédiatement avec lui son royaume du ciel; mais il vous en a laissé plusieurs autres pour partager avec vous les couronnes de la terre. C'est donc à vous à nous consoler, nous autres étrangers chassés de notre pays, comme vous vous en êtes dignement acquitté, en nous comblant d'honneurs et de bienfaits, dont vous recevrez une récompense éternelle. » Le Pape procéda ensuite au couronnement du jeune Louis, second fils du monarque. De retour à Rome après la mort de l'antipape Anaclet, et l'abdication de son successeur Victor IV, Innocent II assista, en 1139, au second concile de Latran, composé d'environ mille évêques, et y couronna le roi Lothaire empereur. Après le concile, le Pape marcha contre Roger, roi de Sicile, qui venait de subjuguer la meilleure parlie de la Pouille. Il fut fait prisonnier par ce prince et ne recouvra la liberté qu'en donnant à son vainqueur l'investiture de ce royaume. A cette guerre en succéda une autre que les Romains firent aux habitants de Tivoli. Elle avait été terminée à des conditions raisonnables, lorsque les Romains, assemblés tumultuairement au Capitole, résolurent de rentrer en campagne. Le chagrin.qu'en conçut le Pape lui causa une fièvre violente dont il mourut le 13 septembre 1143, après treize ans et sept mois de pontificat.

Lettres.- Parmi les quarante-trois lettres qui nous restent de lui dans la Collection des conciles, il y en a un certain nombre

qui ne contiennent que des confirmations de donations, de priviléges et de droits accordés à diverses églises. Nous ne rendrons donc compte que des plus importantes.

[ocr errors]

A saint Bernard, etc. Vers le mois d'août 1133, Jean, intrus dans la dignité d'archidiacre de l'église d'Orléans, ne pouvant souffrir qu'Archambaud, sous-doyen de la même église, s'opposât à ses vexatious, le fit tuer. Saint Bernard et le vénérable Pierre de Cluny écrivirent au Pape de punir sévèrement ce meurtrier et de confirmer la sentence portée contre lui dans le concile de Jouarre. Non-seulement Innocent I confirma la sentence rendue contre lui dans celte assemblée, mais la trouvant trop modérée, il ordonna de plus que partout où le meurtrier serait présent, on ne célébrât point l'office divin et que tous ses fauteurs seraient excommuniés; qu'en outre Thibaud Notier et d'autres, qui avaient acquis ou conservé leurs bénéfices par les crimes de leurs parents, en seraient privés. On s'était contenté à Jouarre d'excommunier l'auteur de ce meurtre, et de menacer de la même peine ceux qui lui donneraient asile ou qui communiqueraient avec lui.

[ocr errors]

Aux évêques d'Orient. Foucher, second archevêque de Tyr, choisi parmi les Latins, ayant été sacré par Guillaume, patriarche de Jérusalem, en 1138, voulut, à l'exemple de ses prédécesseurs, aller à Rome recevoir le pallium des mains du Pape; mais il n'y arriva qu'avec bien de la peine, parce que le patriarche lui fit dresser des embûches pour l'empêcher de continuer son chemin. A son retour à Tyr, le patriarche fit encore difficulté de rétablir cette église dans son ancienne dignité, et de réparer les dommages causés à l'archevêque Foucher. Il lui avait enlevé entre autres trois évêchés dépendants de sa métropole, Acre, Sidon et Beyruth; et le patriarche d'Antioche avait usurpé sur Tyr les évêchés de Biblis, de Tripoli et d'Antarade. Le Pape Innocent écrivit sur cela deux lettres au patriarche de Jérusalem, qui en conséquence de ses injonctions rendit à Foucher les trois suffragants qu'il lui retenait. Il écrivit aussi aux évêques de Biblis, de Tripoli et d'Antarade de revenir sous la juridiction de leur métropolitain; au patriarche d'Antioche, de les rendre à l'archevêque de Tyr; et aux évêques d'Acre, de Sidon et de Beyruth de rendre au même archevêque leur respect et leur obéissance.

Aux archevêques de Sens et de Reims. Les archevêques de Sens et de Reims ayant envoyé au Pape les propositions d'Abailard qu'ils avaient condamnées dans le concile de Sens en 1140, Innocent II, après avoir pris conseil des évêques et des cardinaux, les condamna à son tour, ainsi que les autres dogmes erronés de ce novateur avec sa personne et les fauteurs de son hérésie, et déclara qu'ils devaient être excommuniés. I ordonna de plus aux archevêques de Sens et de Reims et à leurs suffragants d'enfermer Abailard et Arnaud de Bresse dans des mo

nastères et de faire brûler leurs livres. Reglement pour l'abbaye de Saint-Gilles.Sur les contestations soulevées entre Pierre, abbé de Cluny, et Pierre, abbé de SaintGilles, le Pape décida quo si la discipline régulière venait à s'affaiblir dans ce dernier monastère, ce serait à Pierre de Cluny ou à ses successurs à l'y rétablir; que quand l'abbé de Cluny se rendrait dans cette maison, il y serait reçu honorablement et entretenu avec les siens pendant tout le temps qu'il aurait besoin d'y rester; qu'i y prendrait la place de l'abbé et assemblerait le chapitre, même en sa présence. Toutefois, si l'abbé de Saint-Gilles venait à mourir ou à être transféré ailleurs, les religieux auraient la liberté de se choisir un autre abbé, mais à Cluny seulement en cas de translation, et parmi les religieux de leur monastère si l'abbé était mort. I adjugeait en même temps à l'abbaye de Cluny une compensation des dépenses qu'elle avait faites pour le monastère de Saint-Gilles.

Innocent II joignait à des mœurs pures la plupart des vertus de son état. Il s'était conduit pendant quelque temps par les conseils de saint Bernard; mais il se refro dit dans la suite et cessa même de lui écrire. Le Pape en général, dit le P. Fontenay, n'approuvait pas toujours que saint Bernard entrat aussi avant et aussi ardemment qu'il le faisait dans une infinité d'affaires, où le poids de sa médiation ne le faisait quelquefois pas entièrement maître d'en user comme il aurait voulu. Cependant, comme saint Bernard lui avait rendu des services essentiels, et donné de sages avis, Innocent II lui devait de la reconnaissance. On trouve ses lettres au tome X de la Collection des Conciles.

INNOCENT III. Si jamais homme a pu se croire appelé à la monarchie universelle, dit l'abbé Guillon, ce fut assurément le Pape Innocent III, l'un des plus illustres pontifes qui aient gouverné l'Eglise de Rome et le monde chrétien. L'édifice avait été préparé habilement par Grégoire VII et ses successeurs. Les rois et les peuples, qui avaient combattu d'abord les prétentions des Fapes sur la puissance temporelle, avaient fini par abandonner une lutte où la Providence elle-même semblait s'être déclarée, par les succès extraordinaires que leurs mesures avaient obtenus. Plus d'oppositions redoutables. Les ressentiments mêmes paraissaient anéantis au fond des cours; ou, s'ils menacaient de se réveiller dans quelques âmes plus fortes, la terreur de l'interdit et de l'excommunication suffisait pour les réprimer. C'était un dogme avoué sans réclamation. Si chaque roi a sou Etat particulier, Pierre avait la prééminence sur tous, comme étant le vicaire et le représentant immédiat de celui à qui le monde et tous les empires appartiennent. Autant le ciel l'emporte sur la terre, et le sacerdoce sur toutes les choses terrestres, autant la dignité et la puissance du Pontife romain devait surpasser tout autre pouvoir. Cette doctrine, si éloignée

de celle qu'avaient professée les premiers siècles chrétiens, se trouvait soutenue dans Innocent III par tout ce qu'il y avait de plus capable de l'accréditer et de la mettre à exécution; une pureté de mœurs irréprochable, le zèle le plus ardent pour la cause de Dieu, une force de résolution que les obstacles mêmes ne faisaient qu'enhardir, une fermeté de caractère invincible, que rehaussaient encore une science au-dessus de son siècle, une telle connaissance des lois et de la discipline, qu'aujourd'hui encore on l'invoque comme l'oracle de la jurisprudence ecclésiastique. La longue durée de son pontificat lui permit de consommer les hautes entreprises qu'il avait conçues dès les commencements. Pas un acte de son administration qui n'ait été une conquête de plus pour la grandeur romaine. Nous en avons les plus authentiques témoignages dans le recueil de ses lettres partagées en dix-neuf livres, suivant l'ordre chronologique, et qui dans l'édition de Baluze ne forment pas moins de deux volumes in-folio. Mais avant d'entrer dans la discussion, nous avons besoin d'esquisser en quelques mots la biographie de ce grand pontife.

Innocent III n'avait que trente-sept ans lorsqu'il fut élu Pape le 8 janvier 1198, après la mort de Célestin III. Il portait le nom de Lothaire, et était fils de Trasimond, de la famille des comtes de Segni. Doué d'un esprit pénétrant et d'une mémoire tenace, il fit de grands progrès dans les lettres divines et humaines. Après avoir fait les études les plus brillantes, et acquis toutes les connaissances qui font le philosophe habile et le théologien consommé, dans les écoles de Bologne et de Paris, il revint à Rome, où il fut fait chanoine de Saint-Pierre. Grégoire VIII l'ordonna sousdiacre, et le Pape Clément III le fit cardinaldiacre du titre de Saint-Serge. Il l'était encore, lorsque ses talents et ses vertus le firent choisir d'une voix unanime pour remplir la chaire de Saint-Pierre, malgré ses Jarines, sa résistance et ses cris. Le 21 février, qui était un samedi, il fut promu au sacerdoce, et le lendemain dimanche, sacré dans l'église de Saint-Pierre, et intronisé aussitôt sur la chaire apostolique dont il fit le premier trône de l'univers. Dès le lundi, il reçut le serment de fidélité et l'hommage lige du préfet de Rome, qu'il investit de sa charge en lui donnant un manteau. Jusquelà cette investiture avait toujours appartenu à l'empereur. Un de ses premiers soins, en arrivant au pontificat, fut de recouvrer les domaines de l'Eglise, dont la rentrée en possession étendit sa souveraineté d'une mer à l'autre, sur une aussi grande étendue de pays qu'en avaient conquis les Romains dans les quatre premiers siècles de la république. Il s'appliqua ensuite à bannir de la cour de Rome la vénalité et les autres désordres qui y régnaient d'une manière scandaleuse, et à régler par lui-même les affaires les plus importantes, écoutant attentivement, les raisons des parties, et ne prononçant

qu'après une mure délibération et sans aucun égard pour la qualité des personnes. Les plus savants jurisconsultes venaient à Rome pour l'entendre et s'instruire, et de toutes les parties du monde on lui écrivait pour juger les plus grandes causes. Zélé autant qu'aucun de ses prédécesseurs pour le recouvrement de la terre sainte, il voulut que le clergé romain y contribuat par lui-même. A cet effet, il choisit deux cardinaux, Soffrid, prêtre du titre de SaintePraxède, et Pierre de Capoue, diacre du titre de Sainte-Marie in via lata, auxquels il douna la croix, afin qu'ils invitassent les autres à la guerre sainte, autant par leur exemple que par leurs discours. Il fit prêcher la croisade dans tous les Etats de Europe, et pour subvenir aux frais de cette expédition, il imposa les prêtres au quarantième, et lui-même et ses cardinaux au dixième des revenus. Il publia ensu te une lettre circulaire aux évêques et aux seigneurs, au clergé et au peuple de France, d'Angleterre, de Hongrie et de Sicile, pour les exhorter à procurer du secours à la terre sainte. Dans le même dessein, il convoqua un concile général par une bulle du 10 avril 1213, et par une autre datée de Viterbe, au mois de juin de la même année. Mais il avait aussi d'autres vues dans la convocation de ce concile, où il se proposait de travailler en même temps à la correction des mœurs, à l'extinction des hérésies et à l'affermissement de la foi. Nous passons sous silence les autres actions de ce pontife, parce que nous aurons occasion d'en parler en rendant compte de ses lettres. Après un règne aussi agité que brillant, Innocent III mourut à Pérouse le 16 juillet 1216. Il avait occupé le Saint-Siége dix-huit ans, six mois et neuf jours, à compter de celui de son élection.

[ocr errors]

SES LETTRES. Innocent III, à l'imitation de ses prédécesseurs, eut soin de réunir dans un recueil ou registre ad hoc, nonseulement les lettres dont il était l'auteur, mais encore celles qu'on lui écrivait, quand la matière en était importante. Cest par cette sage précaution que les Papes ont conservé à l'Eglise un grand nombre de monuments aussi intéressants pour l'histoire que pour la discipline et la règle de la foi et des mœurs. Les lettres contenues dans ce registre, et divisées, comme nous l'avons dit, en dix-neuf livres, roulent pour la plupart sur les événements singuliers qui remplirent son pontificat. Ce sont des consultations adressées aux évêques, aux chapitres et communautés religieuses, à des seigneurs laïques, aux rois, aux empereurs. Un grand nombre concerne la seconde croisade, qui aboutit au siége de Zara, et ensuite à la prise et au pillage de Constantinople, contre lesquels Innocent III n'opposa que de vaines remontrances. Plusieurs aussi contiennent des résolutions de cas de conscience, sur des causes matrimoniales ou bénéficiaires, sur des conflits de juridiction. et des jugements canoniques; sur des cau

ses majeures devolues au Saint-Siége, des mandats apostoliques ou délégations pour la réforme des désordres.

[ocr errors]

Premier livre. Dès le lendemain de son élection, Innocent III adressa une circulaire à tous les évêques pour les en informer et leur demander le secours de leurs prières; mais il écrivit en particulier au roi Philippe de France, et il allègue deux motifs trèsremarquables de cette distinction. Le premier, c'est que le royaume de France ne s'est jamais séparé de l'unité de l'Eglise; le second, c'est que le prince qui le gouverne étant tout spécialement fils de l'Eglise romaine, il était convenable qu'il lui adressât les prémices de ses lettres. Le Pape l'exhorte à ne jamais s'éloigner des exemples que lui avait laissés le roi Louis, son père, et à continuer de rendre à cette Eglise les mêmes honneurs.Cette lettre est la deuxième de la collection.

L'archevêque de Strigonie, ayant fait vou d'aller à la terre sainte, fut retenu par le roi Henri, qui avait besoin de la présence de ce prélat pour apaiser les troubles qui agitaient son royaume. Il en écrivit au Pape qui défendit à l'archevêque d'entreprendre son voyage, tant que la paix et la tranquillité ne seraient pas rétablies en Hongrie. Par une seconde lettre, il chargea le même prélat de la réforme du monastère de Téléque. L'abbé de Saint-Martin était accusé d'avoir favorisé les troubles, en s'unissant au frère du roi qui les avait excités. Iunocent III fait souvenir cet abbé de la peine d'excommunication dont le Pape Célestin III avait frappé tous ceux qui prendraient parti pour le frère du roi, soit par leurs conseils, soit en lui prêtant secours. Il lui ordonne en même temps de se rendre à Rome pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix, afin d'y rendre compte de sa conduite. Un seigneur hongrois, qui avait commencé un monastère, étant mort avant que les bâtiments en fussent achevés, le Pape permit au roi de le transférer en un lieu plus sur et plus convenable, à la condition toutefois qu'il obtiendrait l'agrément de l'évêque diocésain. Dans une autre lettre, il déclara au duc, frère du roi, que s'étant engagé volontairement à accomplir le vœu que son père avait fait d'aller à la terre sainte, il ne pouvait se dispenser de faire ce voyage. En cas de résistance de sa part, il le menace même d'excommunication, et de la privation de son droit à la couronne, s'il arrivait que le roi, son frère, mourut sans enfants. Ce Pape lui reproche d'avoir pris les armes contre son prince, et d'avoir jeté le trouble dans le royaume de Hongrie. Cette lettre fut sans effet; le duc André ne partit pour la croisade que vingt ans plus tard, ce qui ne l'empêcha pas, après la mort du roi Emeric son frère, et de son fils Ladislas, d'être reconnu roi de Hongrie, et couronné au mois de juin 1201; et le Pape lui-même lui écrivit plusieurs lettres dans la suite. Ces lettres, au nombre de six, s'é

tendent depuis la cinquième jusqu'à la dixième du recueil.

[ocr errors]

La

Dans la seizième lettre, après avoir posé pour principe au chapitre de Sainte-Anastasie, que les causes majeures doivent être portées au Saint-Siége pour en juger, il annulle l'élection que ce chapitre avait été ordonna aux chanoines de choisir un autre contraint de faire par l'autorité séculière, et évêque, qui montre moins d'empressement pour les dignités que de zèle et de capac té écrivit aussi aux archevêques de Capone, pour en remplir les fonctions. Innocent II de Reggio, de Palerme et à Timpératrice, de n'apporter aucun obstacle à cette élection et d'en favoriser même la liberté. trente-troisième lettre décide un cas de jurisprudence. Un citoyen de Pise avait hypothéqué sa maison et son jardin pour une somme de deux cent cinquante-deux livres, avec serment que, s'il ne redemandait pas ce qu'il avait hypothéqué, dans un temps limité, il l'abandonnerait à son créancier. Le débiteur envoya la somme au temps convenu; mais le commissionnaire qu'il en avait chargé ne la remit pas. Il arriva pendant ce temps que le citoyen de Pise fut mis en prison par l'empereur, et qu'il se trouva hors d'état de satisfaire à son engagement; mais sitôt qu'il eut recouvré la liberté, il s'offrit de rembourser la somme prêtée. Le créancier ne voulut pas la recevoir. Le Pape, informé du fait, ordonna à deux cha noines de Pise de faire vendre au citoyen de cette ville les biens qu'il avait engagés, en payant le sort principal de la somme empruntée, sur laquelle on mettrait en compte les revenus que le créancier avail perçus. Il décide, dans la quarante-hui tième lettre, adressée à l'évêque de Morsi,l cas suivant. Un homme avait épousé und femme avec laquelle il avait eu auparavan un commerce charnel. Depuis son mariag il ne la connut plus, mais il en épousa uu autre dont il eut des enfants. La premièr demanda qu'il habitat avec elle ou qu'il lu fût permis de se marier à un autre. La déci sion du Pape porte que si cet homme épousée par verba de præsenti, il doit re tourner avec jelle; mais que s'il ne l'a fai que par verba de futuro, on doit leur impo ser à tous deux une pénitence et permettr à cette femme d'en épouser un autre.

Par sa soixante-neuvième lettre, le Pape permit à l'évêque de Troyes de racheter le vœu qu'il avait fait d'aller à la terre sainte, en y faisant passer, par une personne religieuse, les sommes qu'il aurait dépensées dans ce voyage. Pour obtenir cette dispense, l'évêque avait allégué le besoin que son Eglise avait de sa présence, à cause des troubles dont elle était agitée, la crainte de ne pouvoir soutenir à son âge les fatigues du voyage et surmonter les dangers de la navigation. Comme il avait dû prévoir toutes ces difficultés avant de s'engager par vou, le Pape ne l'en dispensa qu'en lui imposant une pénitence pécuniaire destinée au secours de la terre sainte. Il s'autorise d'un

Le cardinal Pierre de Capoue, envoyé en France par Innocent III, en 1199, eut ordre de mettre tout le royaume en interdit, parce que le roi Philippe-Auguste avait répudié Ingelburge, pour épouser Agnès de Méranie. Cet interdit dura huit mois et fut levé lorsque le roi reprit Ingelburge, qu'il avait fait enfermer à Etampes, après avoir renvoyé Agnès qui en mourut de douleur. Nous avons sur ce sujet quelques lettres qui ne nous apprennent rien qui ne se lise dans l'histoire.

décret du Pape Alexandre Ill, où il est dit qu'un pareil vou peut être commué. - A la mort de Guillaume, évêque de Poitiers, le chapitro fit un compromis entre les mains de six chanoines, pour l'élection d'un successcur. Ayant laissé écouler six mois sans y procéder, le compromis fut renouvelé en présence de l'archevêque de Bordeaux; les suffrages tombèrent sur Adhémar et l'archevêque confirma son élection. Le doyen, le sous-doyen et quelques autres membres du chapitre prétendirent qu'elle était nulle, parce que le temps du compromis était expiré lorsqu'elle fut faite, et qu'encore qu'on l'eût renouvelée, on n'y avait pas procédé au jour marqué dans le second compromis. D'ailleurs l'élection s'était accomplie en secret, sans avoir été notifiée au. chapitre, et au préjudice de l'appel que le doyen avait interjeté au Saint-Siége. Appuyés de toutes ces raisons, les opposants élurent l'évêque de Nantes, et ils furent secondés dans leurs prétentions par quel ques-uns de ceux qui avaient choisi Adhémar, sachant qu'ils feraient plaisir au comte de Poitiers. Les partisans d'Adhémar soutenaient au contraire que son élection s'était faite au jour marqué, que l'archevêque de Bordeaux l'avait déclarés au chapitre, et que, si elle n'avait pas été rendue publique, c'était à cause du comte de Poitiers, dont la crainte avait obligé les électours à se retirer en lieu sûr, pour publier une élection qu'ils avaient faite dans la ville. Au surplus, l'Eglise de Poitiers n'était pas dans l'usage de demander le consentement du prince. Les deux parties ayant été entendues par leurs députés dans un consistoire public, le Pape jugea en faveur d'Adhémar, qui en effet fut sacré évêque de Poitiers. Cette lettre est la soixante-quinzième.

Le Pape retenait en prison quelques imposteurs qui avaient falsifié quelques-unes de ses bulles et de celles de Clément III, son prédécesseur. Afin de prévenir un semblable désordre, et qu'à l'avenir ces pièces fussent sans autorité, il ordonna. 1° que les bulles seraient reçues de la main du Pape ou de ceux qu'il aurait commis pour les délivrer; 2 que dans un concile provincial assemblé en France par les prélats du royaume, on ferait un statut, pour être publié dans tous les diocèses, et portant ordre à tous ceux qui prétendaient avoir des bulles du Pape de les apporter à l'évêque diocésain, ou à quelqu'un de sa part, pour être confrontées avec les véritables. Alors, dans le cas où elles se trouveraient fausses, ceux qui les avaient supposées seraient punis, savoir, les laïques, par l'excommunication, et les clercs par la suspense de leurs fonctions; 3° il prononça la même peine d'excommunication contre tous ceux qui, possédant de fausses bulles, ne les lacéreraient pas, ou ne les auraient pas rapportées quinze jours après la publication de l'ordonnance. Cette lettre, la deux cent trente-cinquième, est adressée à GuilJaume, archevêque de Reims, et à ses suffragants.

Au mois de décembre de l'an 1198, le Pape lunocent III confirma la règle de l'ordre de la Trinité pour la rédemption des captifs, par une lettre adressée à Jean de Matha, qui en fut le premier général, et à tous les Frères de l'ordre. Cette lettre ou bulle renferme la règle qu'ils devaient suivre. Jean l'avait composée avec l'évêque de Paris et l'abbé de Saint-Victor. Elle porte que les frères vivront sous l'obéissance du ministre ou supérieur de la maison; qu'ils garderont la chasteté et n'auront rien en propre; que tous leurs biens, de quelques côtés qu'ils viennent, seront divisés en trois parts: une pour leur entretien, une autre pour leurs domestiques et pour les pauvres, et la troisième pour la rédemption des captifs; que toutes leurs églises seront dédiées à la sainte Trinité, et bâties simplement ; qu'en chaque maison ils ne seront que trois clercs et trois laïques, outre le supérieur nommé ministre. Celui-ci sera prêtre et confesseur de la communauté. Au-dessus des ministres particuliers il y aura un ministre suprême nommé général. Ils seront vêtus de blanc et porteront sur leur chape une marque pour les distinguer des autres ordres religieux. Ils ne mangeront de chair et de poisson que ce qu'on leur en donnera ou qu'ils prendront chez eux sans l'acheter, si co n'est en voyage. Leurs jeûnes étaient fréquents; la règle en marque les époques et les jours. Outro ceux qui sont prescrits par l'Eglise, ils en observaient trois par seInaine, le mercredi, le vendredi et le samedi, depuis le 14 septembre jusqu'à Pâques. Ils tenaient en chaque maison un chapitre particulier tous les dimanches, et le chapitre général se tenait tous les aus. Cet ordre fit tant de progrès, que, quarante ans après son institution, on y comptait déjà six cents maisons tant en France qu'en Lombardie, en Espagne et ailleurs. Celle de Cerfroi en fut le chef. Elle fut donnée aux Trinitaires par Marguerite, comtesse de Bourgogne. Ils sont quelquefois nommés Mathurins, à cause d'une ancienne église dédiée à saint Mathurin, que le chapitre de Paris leur donna en cette ville. La règle leur défend de recevoir un novice avant l'âge de vingt ans accomplis, et de ne l'admettre à prononcer ses voeux qu'après une année de probation. Cette lettre, ou bulle de confirmation, est la quatre cent quatre-vingt-unième du premier livre.

Par la cinq cent cinquante-quatrième lettre adressée aux évèques de Portugal, il établit

« ZurückWeiter »