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veille de son établissement sur les ruines du paganisme. Quoique le paganisme eût pour lui l'antiquité, les richesses, la force des armes, l'éloquence, il n'a pas laissé de disparaître; tandis que l'Evangile prèché par des hommes de la lie du peuple, de pauvres pêcheurs ignorants et sans lettres, à pénétré partout en très peu de temps et presqu'avec la promptitude de l'éclair. Il réfute les Juifs à plusieurs reprises, non seulement en leur montrant que les prophéties qui regardent le Messie se sont accomplies en la personne de Jésus-Christ, mais encore en établissant la vérité de sa conception dans les entrailles d'une vierge. Il prouve que Dieu a créé les anges, les hommes et tous les êtres, que toutes choses sont gouvernées par sa providence, et non point par l'influence des astres ni par le destin; que les choses n'arrivent point parce que Dieu les connaît ou les prédit, mais qu'il les connaît et les prédit parce qu'elles doivent arriver. Il explique les mystères de la Trinité et de l'Incarnation dans tant de lettres, que pour éviter les longueurs nous nous bornerons à une seule citation. Jésus-Christ étant vrai Dieu s'est fait vrai homme: quoique de deux natures, il n'est qu'un seul Fils de Dieu, parce qu'il n'a souffert aucun changement dans ce qu'il était lorsqu'il a été fait ce que nous sommes. Il est un, et le même adorable en deux natures, une seule personne, une seule hypostase, de la même substance que le Père, participant à sa nature et n'ayant avec lui qu'une seule volonté. Voici un de ses raisonnements contre les ariens et les eunoméens « Si Dieu est toujours sembla ble à lui-même, et s'il ne lui arrive rien de nouveau, il est nécessairement toujours Père; s'il l'est toujours, il s'en suit qu'il a toujours eu un Fils, qui conséquemment lui est coéternel. Il ne fait aucune distinction entre ces deux sectes, sinon qu'elles se sont efforcées mutuellement de se surpasser en impiété; Arius appelant le Fils créature, et Eunomius le déclarant serviteur. » Il montre que les sabelliens en disant que la sainte et adorable Trinité est une hypostase consistant en trois personnes, la détruisaient plutôt qu'ils ne l'établissaient, et que l'on doit dire qu'il n'y a qu'une seule Divinité et trois hypostases. Il établit ainsi la divinité du Saint-Esprit contre les macédoniens: « Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur, qui s'est fait homme pour l'amour de nous, nous a enseigné que le Saint-Espritest la troisième personne de la divine Trinité, que dans le saint baptême on l'invoque avec le Père et le Fils, comme nous délivrant tous trois ensemble de nos péchés; et que c'est le même Esprit saint qui à la table mystique fait que le pain commun et ordinaire qui y est offert, devient le propre corps dont le Fils de Dieu s'est revêtu dans son Incarnation. Pourquoi, Ô hommes sans esprit et sans jugement, enseignez-vous que le Saint-Esprit a été fait ou créé, qu'il est d'une nature servile et assujettie et non pas d'une nature maîtresse, opérante par soi-même et consubstantielle à

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l'essence royale et toute divine du Père et du Fils? Car s'il est serviteur, on ne doit pas le mettre au même rang que le maître, et s'il est créé, on ne doit pas le joindre au Créateur. Mais il y est joint, il est placé u même rang, puisqu'il est impossible de ne pas ajouter foi à Jésus-Christ, le docteur par excellence, qui nous apprend de si grands mystères. » Il condamne l'erreur des nestoriens et établit cette différence entre la mère des dieux de la fable, et la Mère de Jésus-Christ, Fils de Dieu, telle que la vénèrent les Chrétiens: c'est que, de l'aveu des païens eux-mêmes, celle-là a conçu et enfanté des fruits de sa débauche, au lieu que la Vierge a conçu sans le commerce d'aucu homme; ce qui est avoué de toutes les nations du monde. Il prouve la vérité de cette naissance miraculeuse par les merveilles de celui qui est né de cette sainte Mère. Ceux qui ont vu ses miracles nous en ont conservé la mémoire; et ce qui les rend dignes de foi, c'est qu'ils nous ont également laissé par écrit les mauvais traitements que le Fils de Dieu fait homme a soufferts, ses persécutions, son agonie, sa mort. Ils ont ajouté à cela sa résurrection, qui sert de preuve à sa divinité, et qui montre en même temps que celle qui l'a enfanté est mère de

Dieu.

Il combat ceux qui confondaient les deux natures, et en parlant de la mort et des souffrances du Sauveur, il défend de dire la passion de Dieu, et veut qu'en dise la passion de Jésus-Christ, parce que Dieu, qui est impassible de sa nature, n'a souffert que dans la chair qu'il s'est unie par sa bonté. Il réfute les marcionites, les manichéens et les montanistes, qui non-seulement se souillaient par des adultères, et le sang des enfants qu'ils mettaient à mort, mais qui usaient encore de prestiges et adoraient les idoles; et il réduit au silence les novatiens. Il soutient la virginité perpétuelle de Marie avant et après son enfantement, et il est persuadé que Jésus-Christ est sorti de ses entrailles comme il est sorti du tombeau, sans rien briser pour se faire un passage. Il prouve l'immortalité de l'âme; mais il réfute le sentiment d'Origène sur la préexistence éternelle des âines; et quoi qu'il croie l'âme divine, il soutient toutefois qu'elle n'est pas de la même substance que Dieu, ni une portion de cette substance, quoiqu'elle soit immortelle. En effet, si elle était une portion de la substance de Dieu, elle n'aurait pas péché et n'aurait pas été condamnée. Il faut donc s'en tenir à la regarder comme l'ouvrage de Dieu. Il montre que la résurrection des corps est possible et certaine, car si Dieu a le pouvoir de créer de rien ce qu'il veut, à plus forte raison peut-il renouveler ce qui est déjà. Les semences que l'on jette en terre et la production des arbres qui sont restés comme morts pendant l'hiver, sont une figure et une preuve de la résurrection de nos corps; mais le temps de cette résurrection et la inanière dont elle s'accomplira sont incertains. Il soutient qu'après la résur

rectionles corps des damnés seront spirituels aussi bien que les corps des bienheureux, c'est-à-dire, comme il l'explique lui-même, légers et de la nature de l'air; il croit que les damnés seront punis différemment suivant la différence de leurs péchés. Il défend la liberté de l'homme en montrant que le mal n'est point l'effet de notre nature, comme s'il en était inséparable, mais du libre arbitre qui peut, quand il veut, ne pas faire le bien. Il ajoute que le premier homme ayant, par un effet de ce libre arbitre, perdu le salut, Jésus-Christ, né de Dien et véritablement revêtu de notre natore, le lui a rendu. Il semble dire que la piété est en nous par la force de la nature, mais cette expression ne saurait être interprétée autrement que dans un sens catholique quand on a soin de la rapprocher de ses sentiments sur la grâce. Dans sa lettre au prêtre Eusthate, il dit d'abord que la nature de l'homme a depuis longtemps en elle des semences de vertu et de probité, mais que maintenant elle est devenue plus portée à la vertu et plus traitable. Il admet la nécessité de la grâce pour faire le bien, mais il veut que l'homme, de son côté, coopère à la grace par son travail et son indusie. La nature humaine, dit-il, a reçu plusieurs grâces; c'est à l'homme à en faire un bon usage. Il faut que le travail de l'homme. concoure avec la grâce, comme le travail des matelots seconde les vents favorabies. Il est de la providence de Dieu de nous secourir, mais il faut que nous travaillions aussi de notre côté.» « C'est nous, dit-il ailleurs, qui sommes cause de notre perte, et il est evident que c'est à Jésus-Christ que nous devons notre salut, car c'est lui qui nous a donné la justice par le baptême, qui nous a délivrés des supplices que nous avions mérités par nos fautes, et qui nous a comblés de ses dons. Mais toutes ces grâces nous soront inutiles si, de notre côté, nous ne faisons pas tout ce qui est en nous. Sans un grand secours de Dieu, dit-il encore, nous ne pouvons pas même accomplir les choses qui dépendent de notre 'pouvoir; mais cette grace sera donnée à tous ceux qui, sans aucun détour, font ce qui est en eux et n'omettent rien de ce qui est nécessaire. Car si la divine Providence excite et exhorte à vouloir ceux qui ne veulent pas, elle ne refusera pas son secours à ceux qui ont la volonté et qui font tout ce qu'ils peuvent. Toutefois, saint Isidore veut que, dans la guerre sacrée que nous soutenons contre nos passions, nous ne mettions point notre confiance en nous-mêmes, mais que nous attendions la victoire de Dieu. Il nous assure que nous l'obtiendrons facilement si, dans le combat, nous mettons notre confiance dans ce secours divin. Il rapporte à la grâce de Dieu, qui communique la sagesse aux hommes les plus charnels, et qui éclaire de sa lumière les plus ignorants, ce qu'il peut y avoir de bon dans ses écrits; car, dit-il, il faut que T'homme rapporte tout à la grâce, autrement le bien même qu'il fait ne lui servira de rien »

Saint Isidore s explique sur les sacrements de Baptême et d'Eucharistie d'une manière tout à fait conforme à la doctrine et à la discipline que professe et suit encore l'Eglise de nos jours. « Le baptême des enfants, ditil, ne lave pas seulement la tache de nature causée par le péché d'Adam, mais il communique aussi la grâce; il n'efface pas seulement le péché dans ceux qui le reçoivent, mais il les rend encore enfants adoptifs de Dieu.» Il s'exprime ainsi dans une autre lettre sur le mystère de l'Eucharistie : « Les ministres qui consacrent les dons divins sur un linge blanc qu'ils étendent sur l'autel, remplissent envers Jésus-Christ le même dovoir que Joseph d'Arimathie; car de même que ce sénateur enveloppa dans un linge et ensevelit dans le tombeau le corps du Seigueur, par lequel toute la nature humaine. a recueilli le fruit de sa résurrection, ainsi lorsque nous sanctitions sur le linge le pain qui est offert, nous trouvons indubitablement le corps de Jésus-Christ qui répand sur nous comme d'une source l'immortalité que le même Sauveur enseveli par Joseph d'Arimathie daigua nous communiquer après qu'il fut passé de la mort à la vie par sa résurrection. » Il montre que la vie scandaleuse des ministres, leurs crimes et leur impiété n'empêchent point l'effet des sacrements qu'ils administrent. Il approuve les honneurs que l'on rend aux martyrs et le respect avec lequel on vénère leurs reliques. On s'efforce de les honorer par les offrandes que l'on dépose sur leurs autels; mais l'honneur le plus parfait que l'on puisse leur rendre c'est de s'appliquer à leur ressembler par l'imitation de leurs vertus. Il préfère le célibat au mariage, Bonum est matrimonium, at melior est virginitas. Il remarque à ce propos que la polygamie chez les anciens patriarches avait sou excuse dans la nécessité de procréer une nombreuse lignée; mais que de nos jours elle ne peut pas même servir de prétexte pour couvrir l'impudicité. Nous finirons par l'idée et la définition qu'il donne de l'Eglise catholique. « Les fidèles répandus par toute la terre, ditil, forment le corps de l'Eglise universelle, et chaque Eglise particulière en est un membre.... Cette Eglise universelle a été souvent attaquée, mais elle n'a jamais été et ne sera jamais étouffée. »

Sur la discipline de l'Eglise. - On trouve dans les lettres de saint Isidore quantité de choses importantes sur la discipline de l'Eglise. Il condamne la simonie dans une intinité de ses lettres, et il taxe de ce crime toutes les exactions qui se commettent à propos des ordinations. Il condamne hautement ceux qui briguent l'épiscopat. Sur l'administration du sacrement de pénitence, il rappelle aux prêtres qu'ils ont le pouvoir de lier aussi bien que celui de délier; qu'ils ne peuvent ni ne doivent délier ceux qui n'apportent aucun remède à leurs péchés, et qui ne font pas une pénitence proportionnée à la grandeur de leurs fautes. Il les avertit qu'ils doivent être les ministres de Jésus

Christ, et non pas les complices des coupables; leurs intercesseurs auprès de Dieu, et non pas des juges souverains; leurs médiateurs, et non pas des maîtres. I dit aux diacres qu'ils sont l'œil de l'évêque et qu'ils doivent veiller avec soin à l'administration des biens de l'Eglise. I ordonne à tous les ecclésiastiques de se comporter modestement, et de fuir la familiarité, la conversation et la vue des femmes. Il remarque que les apôtres avaient permis aux femmes de chanter dans les églises, mais que cet usage étant tourné en abus par la passion même des femmes, qui ne cherchaient dans ce chant qu'un moyen de faire admirer la beauté et la douceur de leurs voix, il est à propos de l'abolir. Il veut qu'à l'exemple de Jésus-Christ qui, pour obéir à l'édit d'Auguste, se fit enregistrer comme il était encore dans le sein de sa mère, les ecclésiastiques obéissent aux puissances dans tout ce qui n'est point contraire à la piété, et qu'ils leur payent le tribut, sans chercher aucun prétexte pour s'en exempter. Après avoir défini l'Eglise l'assemblée des saints, unie par la vraie foi et par la bonne vie, il distingue cette Eglise des temples où elle réunit ses membres, et dit qu'il aimerait mieux avoir vécu dans le siècle des apôtres, où l'on n'avait point de temples matériels, et même dans ces siècles où les temples n'étaient pas ornés de toutes sortes de marbres et de dorures, mais où les fidèles étaient beaucoup plus remplis des dons de la grâce de Dieu. Il n'exclut pas toutefois de l'Eglise catholique les pécheurs ou les mauvais Chrétiens, puisqu'il dit ailleurs que tous les fidèles dispersés par toute la terre composent le corps de Jésus-Christ. I blame l'évêque de Peluze d'avoir bâti une église superbe avec l'argent qu'il avait amassé en vendant les ordinations et en exerçant toutes sortes d'exactions sur les peuples. Il Jui remontre que c'est édifier Sion par le sang et rétablir Jérusalem par l'injustice, et qu'il est écrit au livre du prophète Michée qu'un sacrifice composé des biens d'autrui est horrible et abominable aux yeux du Seigneur. Il le conjure d'interrompre la construction de cet édifice aux dépens de son peuple, s'il ne veut que ce temple superbe ne le convainque d'injustice devant Dieu, et ne devienne un monument qui criera vengeance contre lui, en demandant la restitution des biens enlevés aux pauvres et le châtiment de leur oppression. On trouve aussi dans les lettres de saint Isidore quelques détails sur les cérémonies qui se pratiquaient alors dans l'Eglise. A l'imitation de Jésus-Christ, l'évêque souhaitait la paix au peuple, et l'assemblée répondait Qu'elle soit avec vous! comme si elle eût répondu au Sauveur lui-même: Vous nous avez donné la paix, Seigneur, c'est-à-dire une charité mutuelle entre nous; donnez-nous aussi de la posséder avec vous, de manière à ce que rien ne puisse nous séparer de votre charité. Il découvre dans le linge dont le diacre se servait alors dans l'exercice de ses fonctions,

la figure de celui avec lequel Jésus-Christ essuya les pieds des apôtres, et dans le manteau de laine dont l'évêque couvrait son cou et ses épaules, la figure de la brebis égarée que Jésus-Christ rapporta au bercail après l'avoir retrouvée. L'évêque quittait ce vêtement de laine lorsqu'on commençait la lecture de l'Evangile, et se levait en même temps pour marquer que le Seigneur et le maître était présent.

Ledivorce n'était permis que dans le seul cas d'adultère, et la raison qu'en donne saint Isidore c'est que l'adultère est le seul crime qui viole la foi du mariage, et qui fait entrer dans une famille des enfants étrangers. Il ne supporte pas que l'on dise que les comédiens peuvent servir à inspirer l'horreur du vice et à rendre les hommes meilleurs. L'intention qu'ils se proposent eux mêmes est toute contraire, dit-il, et leur art n'a d'autre fin que de nuire et de corrompre les mœurs. Ceux qui se plaisent à voir représenter des passions feintes, deviennent ordinairement passionnés. Il faut donc s'abstenir d'assister aux spectacles, car il est plus facile d'éviter l'occasion et de s'opposer à l'origine du mal, que d'en arrêter les progrès quand il est une fois enraciné. Il dit qu'une personne condamnée par un évêque ne doit être reçue nulle part à la communion, mais il remarque qu'encore que la règle soit ainsi, plusieurs évêques de son temps passaient par-dessus, et qu'il y avait même de bons évêques qui n'osaient entreprendre de corriger les clercs coupables.

Sur la discipline monastique. - Comme saint Isidore faisait profession de la vie monastique, il n'est pas surprenant qu'un grand nombre de ses lettres s'adressent aux moines. Il loue la vie religieuse en général, et trace le portrait d'un vrai moine, dont il fait consister les devoirs particulièrement en deux choses, la retraite et l'obéissance. Saint Jean-Baptiste, suivant lui, est le modèle que doit s'appliquer à suivre celui qui veut vivre en solitaire. A son exemple, il doit se contenter d'un vêtement de poil pour se couvrir, et se nourrir de feuilles et d'herbes sauvages. Si ce genre de vie, ajoute-t-il, surpasse nos forces, nous devons nous en tenir à ce que notre supérieur nous prescrira, soit pour la manière de satisfaire à nos besoins, soit sur le chemin que nous devons suivre pour arriver à la perfection. Car il ne faut pas qu'un moine se gouverne suivant sa volonté propre, mais d'après la volonté de ceux qui ont vieilli dans la pratique de la vie religieuse. Comme il n'est pas possible de vivre d'une manière convenable à cet état dans le tumulte des affaires, il doit s'en éloigner, sans toutefois se flatter d'être exempt de tentations, même au milieu des déserts, puisque Jésus-Christ lui-même y fut tenté. Mais le désert a du moins cet avantage, qu'on peut n'y être point troublé par l'inquiétude des mauvaises affaires, ni par des discours capables d'alarmer la pudeur, et qu'on peut y vivre éloigné du faste, de l'ostentation et de la bonne chère. Il est même essentiel à

In moine d'embrasser tout ce que sa profession a de plus dur et de plus pénible, s'il désire sincèrement sou salut. S'il est inconstant, s'il change souvent de demeure pour avoir une nourriture plus abondante, il abandonne la croix qui doit être la compagne inséparable de la vie religieuse, il se perd. et il devient aux autres un objet de scandale. Il paraît que dans chaque monastère les moines portaient sur leur habit quelque marque distinctive qui les faisait reconnaître. Saint Isidore en reçut un qui s'était sauvé du monastère de l'archimandrite Luc; il demanda grâce pour lui à cet abbé, en voulant bien supposer qu'il n'était pas incorrigible. Ce qui ne l'empêche pas de s'élever avec force en plusieurs endroits contre la vie errante et dissipée que menaient certains religieux de son temps, et de les rappeler aux rigoureuses observations de l'état qu'ils avaient embrassé. Pour les dé fendre de l'oisiveté, pour les mettre à l'abri des tentations et pour leur ménager les moyens de gagner de quoi se nourrir, il conseillait à l'abbé Paul de permettre à ses moines de joindre le travail des mains à la prière et à l'étude, non pas des écrivains profanes, il en interdit la lecture à toute personne consacrée à Dieu, mais des livres où la vérité se montre pure et sans mélange. Il leur défendait toute espèce d'affectation dans le langage, et ne voulait pas que ceux qui possédaient le talent de la parole s'apliquassent à plaire à leurs auditeurs par une déclamation trop étudiée.

Lettres diverses. Il n'y a peut-être jamais eu dans l'Eglise de plus rigide ni de plus libre censeur des mœurs que saint Isidore. L'Eglise de Péluse était alors gouvernée par un évêque nommé Eusèbe, qui cherchait plutôt ses intérêts que ceux de Jésus-Christ. Quoique saint Isidore le considérat comme son supérieur, néanmoins il ne craignit point de paraître violer le respect qui lui était dû en ini remontrant avec toute ia liberté possible qu'il ne menait pas une vie épiscopale. ne se fit aucune difficulté de lui reprocher ses vices, d'en écrire à ses amis, de les découvrir au public pour l'en faire rougir, et de déplorer le malheur de son Eglise de l'avoir pour évêque. Il y revient dans une Infinité de lettres: tantôt il l'accuse de vendre les ordinations, tantôt il lui reproche Son avarice, tantôt il le taxe d'orgueil et d'ambition; quelquefois il le soupçonne de mener une vie déréglee; en un mot, il le fait passer partout pour un évêque indigne de son ministère. Il n'épargne pas non plus la réputation de ses ministres son archidiacre Pansophius et son économe Maron sont accusés de simonie et de vexations injustes; les moines Zozime et Pallade ne sont pas mieux traités; i les représente comme des débauchés qui mènent une vie infame. Un autre prêtre, nommé Martinien, qui après Eusèbe voulait se faire ordonner a sa place, est encore accusé de plusieurs crimes par saint Isidore, qui en écrivit meme à saint Cyrille, pour empêcher qu'on DICTIONA. DE PATROLOGIE. III.

ne l'élevât sur le siége de Péluse. Si l'on veut prendre la peine de lire ces lettres que nous venons d'indiquer, et d'autres encore qu'il adressa à plusieurs de ses amis, on y trouvera d'excellentes instructions pour tous les évêques, et en particulier pour les ecclésiastiques qui recherchent avec ardeur les honneurs de l'épiscopat. On en verra contre les évêques avares et superbes, qui ne font pas un bon usage des biens de l'Eglise, et contre l'esprit de domination et de lyrannie qui en possède un grand nombre d'autres. En parlant de l'excellence du sacerdoce, il dit qu'il le préfère au gouvernement temporel, parce que l'évêque gouverne les âmes, au lieu que les princes n'ont de pouvoir que sur les corps. Il parle en plusieurs endroits des vertus nécessaires à un évêque, et de la difficulté qu'il y a de se bien acquitter des obligations de ce ministère. Il avertit ceux qui ambitionnent cette dignité, de commencer par se purifier eux-mêmes avant de penser à purifier les autres. Il trouve que deux choses sont absolument nécessaires à un pontife, l'éloquence et la bonne vie; si ces deux choses ne se trouvent réunies, il est impossible qu'un évêque travaille avec fruit. Enfin, pour être parfait, il veut encore qu'un évêque joigne à ces deux vertus la gravité de caractère et la fermeté dans ses actions.

Ce n'est pas seulement à l'égard de son évêque et des membres de son clergé que saint Isidore se permet les reproches et les remontrances; mais il ne les épargne pas même aux Pères et aux docteurs de l'Eglise. Son estime pour saint Jean Chrysostome se délare énergiquement dans les lettres qu'il adressa à saint Cyrille d'Alexandrie, au sujet des préventions héréditaires qu'il conservait à l'égard de cet illustre patriarche de Constantinople. « Les exemples de l'Ecriture, lui dit-il, me causent une frayeur qui m'oblige de vous écrire; car, soit que je me considère comme votre père, ainsi que vous voulez bien m'en donner le titre, je crains, si je ne vous ouvre ma pensée, d'être puni comme le grand prêtre Héli, qui négligea de reprendre ses enfants; si, avec plus de raison, je me regarde comme votre fils, à cause du grand saint Marc que vous représentez, je ne suis pas moins intimidé par le souvenir du châtiment qu'eut à subir Jonathas, pour n'avoir pas empêché son père de consulter la pythonisse; une mort violente l'emporta avant Saül. Ainsi, pour éviter ma condamnation et la vôtre, je dois vous supplier de mettre un terme aux inimitiés et aux différends dans lesquels vous Vous êtes engagé, et de ne pas faire passer plus longtemps dans l'Eglise vivante de Jésus-Christ cet esprit de vengeance domeslique que vous croyez devoir à la mémoire d'un homme qui n'est plus, et de ne pas éterniser les querelles, sous prétexte de religion.» Dans une autre lettre, il l'accuse d'agir avec trop de précipitation et de chaleur, et l'avertit que plusieurs de ceux qui étaient assemblés à Ephèse disaient haute

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ment qu'il cherchait plutôt à se venger d'un ennemi qu'à établir la vérité orthodoxe. « Il est, disent-ils, neveu de Théophile; il a son esprit et ses manières; et comme celui-ci a fait éclater sa fureur contre le bienheureux Jean, son neveu en agit de même, quoiqu'il y ait bien de la différence entre les personnes accusées. » Censure qui portait également et sur sa conduite habituelle à l'égard de saint Jean Chrysostome, et sur l'apparente opiniâtreté avec laquelle il poursuivait, dans le concile d'Ephèse, la condamnation de Nestorius et de quelques autres, en faveur de qui s'étaient déclarés des évêques d'un grand poids, entre autres l'éloquent Euthérius de Thyane, quelquefois comparable à saint Athanase, avec qui même on l'a confondu.

I exprime les mêmes sentiments dans une lettre à Symmaque, et n'épargne pas plus l'indolent empereur Arcade que le fougueux Théophile. Plein du désir de remettre la paix parmi les évêques du concile d'Ephèse, il écrivit à l'empereur Théodose luimême. Il lui conseillait de se rendre à Ephèse pour apaiser les troubles, l'avertissant de n'embrasser les animosités de personne, et de ne pas souffrir que ses ofliciers se mêlassent de doctrine. Non content de venger la mémoire du saint patriarche de Constantinople, si indignement calomnié durant sa vie, si outrageusement persécuté après sa mort, il ne cessait de recommander la lecture de ses ouvrages à ses disciples.«< Lisez, écrivaitil à Eustathe, lisez ses livres sur le sacerdoce. Ce sage, ce profond interprète des secrets de Dieu, Jean, le flambeau de son Eglise, ce n'est pas dire assez, de toutes les Eglises du monde, y traite la matière avec tant de pénétration, de lumière et d'exactitude, qu'il n'est personne, tant de ceux qui s'acquittent dignement des fonctions du saint ministère que de ceux qui n'en remplissent les devoirs qu'avec tiédeur et négligence, qui ne puisse s'y reconnaître dans ce qu'il a de bon ou de mauvais. » Il recommande, avec une égale affection, l'étude de son commentaire sur l'Epitre de saint Paul aux Romains. « Si le divin Paul avait voulu s'expliquer lui-même dans l'idiome d'Athènes, il n'aurait pas emprunté d'autre langage que celui du vénérable patriarche de Coustantinople. » Pour en revenir à ce que nous disions plus haut, c'est ainsi que, sans sortir de sa retraite, saint Isidore prenait part aux plus grandes affaires de son temps, et joignait aux prières qu'il adressait à Dieu pour la paix de son Eglise des exhortations, des conseils, des remontrances trèsefficaces.

! Aussi n'était-il pas de ces moines qui se contentent de pleurer leurs péchés, priant er. secret pour les péchés des autres, et qui demeurent dans un silence éternel, 'sans entretenir aucun commerce avec les hommes. Il avait trouvé moyen d'allier l'esprit de retraite avec la connaissance de ce qui se passait dans le monde, les habitudes de la piété et du silence avec les conseils et les avis charitabies, le recueillement d'es

prit avec une application continuelle aux actions des autres; et, pour le dire en un mot, toutes les pratiques de la vie monastique avec les soins et la vigilance pastorale. Il est peu de personnes, de quelque état ou de quelque condition qu'elles soient, pour qui il n'ait laissé des avis et des instructions, pour les diriger dans l'exercice de leurs charges, et leur indiquer les moyens d'en accomplir plus parfaitement tous les devoirs. Nous avons vu déjà comment il s'acquittait de cette mission envers les évêques et les ecclésiastiques, voyons maintenant comment il sait niodifier ses conseils et les accommoder à toutes les conditions. Voici comme il parle d'abord: Aux empereurs et aux rois. « Si vous voulez acquérir un royaume éternel et incorruptible, ce royaume que Dieu n'accorde qu'à ceux qui ont bien gouverné ici-bas, il faut exercer votre puissance avec douceur et bonté; répandre vos richesses dans le sein des pauvres, car ce n'est pas la puissance d'un prince qui le sauve, mais sa justice, sa foi, sa bonté. Il ne pourra éviter de passer pour idolâtre, s'il retient injustement ses richesses temporelles, sans les distribuer à ceux qui manquent de tout. » Aux magistrats et aux gouverneurs. Ils doivent penser que le temps de l'exercice de leur charge est court, que leur vie même n'est pas de longue durée, que les récompenses ou les peines de l'autre vie sont éternelles; qu'ils doivent rendre la justice gratuitement à tout le monde, exercer leur autorité avec douceur, et ne donner aucun sujet de plainte à personne. - Aux gens de cour, de ne pas abuser de leur crédit auprès du prince, d'imiter Daniel, et de s'en servir pour le bien et pour le soulagement du peuple.-Aux gens de guerre, de ne point s'en faire accroire, et de ne jamais profiter de leur force pour commettre aucune violence ni aucune injustice. On voit par la lettre qu'il écrivit à Tuba qu'il regardait comme une indécence à un soldat de porter l'épée dans la ville, en temps de paix, et de paraître dans les places publiques avec des

armes.

Aux sujets. « Jésus-Christ s'est soumis aux lois des empereurs et a payé le tribut, pour nous apprendre à obéir aux rois et à ne pas nous exempter de payer ce qui leur est dû, sous prétexte de pauvreté. » -Aux femmes. « Si elles veulent qu'on les loue comme Judith, qu'on les célèbro comme Suzanne, qu'on les vénère comme sainte Thècle, il faut qu'elles imitent les vertus de ces illustres personnes. Les femmes chrétiennes doivent être modestes dans leurs vêtements et ne jamais se servir des parures des femmes mondaines: Il rapporte le trait remarquable d'une jeune fille qui, ayant donné dans les yeux d'un jeune homme qui l'aimait éperdument, le guérit de cette folle passion en se présentant devant lui, les cheveux coupés et la tête couverte de cendres. » — A ceux qui communient indignement. Saint Isidore leur rappelle qu'it ne convient pas de participer à la table du Seigneur, après s'être rassasié à la table des

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