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DICTIONNAIRE DE PATROLOGIE.

pouvez tout aussi bien être vaincu que vainqueur. En prenant le parti de fuir, je De serai pas vaincu, précisément parce que j'aurai fui; je ne fais retraite que pour n'être pas vaincu. Il n'y a jamais de sûreté à dormir près d'un serpent. »

Contre Jean de Jérusalem.

cependant, si soigneux qu'il fût de se soustraire par la fuite aux attaques spirituelles que l'ennemi du genre humain pouvait livrer à son âme, Jérôme ne refusait d'ailleurs aucuns combats. De quelques côtés qu'ils lui fussent offerts, ils le trouvaient toujours prêt à les accepter. Loin d'user ses forces dans ces luttes dogmatiques, il semblait pour ainsi dire les retremper pour de nouveaux triom phes. C'est ainsi qu'il préludait contre Jear: de Jérusalem, en attendant les attaques plus sérieuses de Rufin. Nous avons parlé ailleurs de cette querelle, dont le prétexte apparent était l'ordination de Paulinien, mais le motif réel, quoique dissimulé, l'attachement aux doctrines d'Origène, que saint Epiphane avait signalé dans cet évêque. Jérôme, qui ne pouvait se taire quand il croyait la foi altaquée, et qui d'ailleurs avait à défendre la validité de l'ordination de son frère, Paulinien, prit la plume et, dans une lettre adressée à Pammaque, exprime ainsi son opinion sur l'évêque de Jérusalem:

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sur la Palestine? Si je ne me trompe, i. a éte arrêté dans le concile de Nicée que Césarée serait la métropole de la Palestine, et Antiocle celle de tout l'Orient. Vous deviez donc envoyer vos lettres à l'évêque de Césarée, nion; ou, si vous vouliez porter votre afavec lequel vous nous saviez en commufaire à un siége plus éloigné, vous deviez, du moins, vous adresser à l'évêque d'Antioche. Mais comme il y avait à craindre pour vous, vous avez mieux aimé importuner un prélat déjà accablé d'affaires, que de rendre à votre métropolitain l'honneur que vous lui deviez. » Il accuse le prêtre Isidore, que Jean avait envoyé à Théophile, de partager ses erreurs. Il se plaint de l'anathème dont il l'avait frappé en le retranchant du nombre des prêtres; puis venant à l'ordination de Paulinien, il s'exprime ainsi : « Vous avez repris Epiphane pour avoir ordonné Paulinien avant qu'il eût atteint l'âge de recevoir ce sacrement; mais vous-même n'avez-vous pas ordonné Isidore, quoiqu'il fût du même age?» Et comme Jean de Jérusalem attribuait sa querelle avec l'archevêque de Salamine à l'ordination de Paulinien, pour n'avoir pas à se défendre des erreurs d'Origène, dont il était accusé, Jérôme lui dit encore: S'il n'es. pas question entre nous S'il n'est pas hérétique, dit-il, ce que je dination de Paulinien, quelle folie à vous de des dogmes de la foi, et seulement de l'orsouhaite et ce que je veux croire, pourquoi ne pas répondre à ceux qui vous demandent ne s'explique-t-il pas sur sa croyance avec raison de votre foi! Faites une confession, simplicité et sans détours? Il ne se sent et répondez aux questions que l'on vous nullement coupable de l'hérésie dont on adresse, afin que tout le monde soit conFaccuse? Mais puisque sa justification ne vaincu qu'il ne s'agit pas de la foi, mais dépend que d'un mot, qu'il se hâte donc de seulement de l'ordination de Paulinien. » Il le prononcer et qu'il nie hardiment ce repousse ensuite l'accusation de schisme que crime. Nous ne devons pas souffrir patiem- l'évêque Jean formulait contre lui dans son ment qu'on nous aceuse d'hérésie, de peur apologie. « Lesquels de nous, lui dit-il, qu'en demeurant dans le silence, et en dis- peut-on accuser de faire schisme, ou nous simulant une accusation si atroce, nous ne qui, dans notre monastère, vivons en compassions pour coupabies dans l'esprit de munion avec l'Eglise, ou vous qui refusez ceux qui ne connaisseut point notre inno- avec hauteur de confesser votre foi. Faisonscence. Il parle ensuite d'une lettre que nous schisme dans l'Eglise, nous, qui, à Jean avait écrite à Théophile, et se plaint l'occasion de cette éclipse de soleil, arrivée qu'il refusât de rendre compte de sa foi à il y a quelques mois, vers les fêtes de la ceux qui le lui demandaient. Il lui reproche Pentecôte, et qui semblait menacer tous les encore de considérer comme des ennemis homines du dernier jugement, allâmes prédéclarés de sa personne cette multitude de senter à vos prêtres trente personnes d'âge moines et de solitaires qui demeuraient dans et de sexe différents pour les faire baptiser ? la Palestine. Pourquoi, ayant reçu de saint Cependant il y avait alors dans notre moEpiphane une lettre où il était accusé d'hé- nastère cinq prêtres qui étaient en droit de résie, avait-il négligé d'y répondre ? Il re- leur donner le baptême; mais ils ne voulurent arque, en effet, que saint Epiphane ayant rien faire qui put vous chagriner? N'est-ce pas Objecté à Jean de Jérusalem huit articles contenant les erreurs d'Origène sur la foi glise, en défendant, comme vous l'avez fait, à vous, au contraire, qui faites schisme dans l'Eet l'espérance chrétiennes, il n'avait répondu vos prêtres de Bethleem de baptiser nos cathéqu'à trois, et encore d'une manière trèsambigue et très-captieuse. Il rapporte en gés de les envoyer à Diospolis, pour recevoir cumènes à Pâques. Aussi, avons-nous été oblidétail ces huit articles, empruntés au Périar-e baptême de la main de Denys, évêque de chon ou livre des principes d'Origène, et les réfute. Il entre ensuite dans le détail de querelle que cet évêque avait eue avec saint Epiphane, et lui reproche de s'être adressé à l'évêque d'Alexandrie, contre la disposition des canons. « Dites-mof, je vous prie, lui emande-t-il en s'adressant à luiwême, quer droit l'évêque d'Alexandrie a-t-il DICTIONN. DE PATROLOGIE. III.

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la

l'Eglise, nous, qui, hors les petites cellules
cette ville. Peut-on dire que nous divisons
qui nous servent d'habitation, ne tenons au-
vous qui la divisez en donnant ordre à vos
cun rang dans l'Eglise? N'est-ce pas plutôt
clercs d'interdire l'entrée du temple à qui-
conque osera dire que Paulinien est vérita
blement prêtre, parce qu'il a été ordonné

par l'évêque Epiphane? en effet, depuis cette époque jusqu'à présent, nous ne voyons plus que de loin la crèche du Sauveur, et tandis que nous en vivons éloignés et bannis, nous avons la douleur de voir les hérétiques y pénétrer tous les jours. »

A Théophile. Théophile d'Alexandrie, qui avait envoyé Isidore à Jérusalem pour y rétablir la paix entre l'évêque et saint Jérôme, voyant que cette légation n'avait pas eu tout l'effet qu'il en espérait, écrivit à ce dernier pour l'exhorter à l'union. Il réunit dans sa lettre tous les textes de l'Ecriture qu'il a pu recueillir sur cette matière, et ne fait qu'effleurer en passant les erreurs attribuées à Jean de Jérusalem. Jérôme lui répondit aussitôt pour le remercier des soins qu'il s'était donnés, afin de terminer leur différend, et pour lui marquer que la paix à laquelle il l'avait exhorté dépendait autant de Jean de Jérusalem et de ceux de son parti que de lui-même. « Pour ce qui est de nous, ajoute-t-il, nous souhaitons la paix, et non-seulement nous la souhaitons, mais nous la demandons encore avec instance. Toutefois la paix que nous souhaitons est une paix sincère et véritable, une paix de Jésus-Christ, sans inimitié et sans guerre ; une paix où l'on ne cherche qu'à gagner les autres et à les unir par les liens d'une étroite amitié, et non pas à les traiter en ennemis, avec domination et avec empire. Si, d'après l'Evangile, il n'est pas permis à celui qui n'est pas en paix avec son frère, d'offrir son présent à l'autel, lui sera-t-il permis d'y recevoir le corps adorable de Jésus-Christ? Et moi, avec quelle contiance oserai-je m'approcher de la sainte Eucharistie, et répondre Amen, si je crois que celui qui me la donne n'a pas la charité dans le cœur ? » Il passe ensuite à l'ordination de Paulinien, et soutient qu'en cela saint Epiphane n'a agi que conformément aux canons, puisque le monastère où son frère avait été ordonné n'était pas situé sur le territoire de Jérusalem, mais sur celui d'Eutéropolis, et que d'ailleurs Paulinien avait alors trente ans accomplis, âge requis pour le sacerdoce. Il se justifie lui-même du reproche que Jean de Jérusalem lui faisait d'avoir traduit les ouvrages d'Origène, et prétend qu'au lieu d'être blâmé, il méritait plutôt des éloges à cet égard; car s'il avait toujours loué dans Origène sa manière d'interpréter l'Ecriture sainte, il l'avait toujours condamné pour sa doctrine. Il se plaint amèrement des lettres de cachet dont cet évêque l'avait menacé pour l'envoyer en exil. « Grâces à Dieu, dit-il, des moines ne sont pas gens à s'épouvanter de persécutions, et on les trouve toujours plutôt prêts à présenter leur tête à l'épée des bourreaux qu'à en détourner le coup. Qu'est-il besoin de recourir à l'autorité du prince? Il n'y a qu'à nous faire la moindre sommation, et aussitôt on nous verra obéir. Toute la terre est au Seigneur, et Jésus-Christ n'est renfermé dans aucun licu. Il ajoute que, quoique éloigné de Rome, il ne laisse pas d'être dans la com

munion romaine, et qu'il commun que de son monastère avec les prêtres de cette Eglise. Il témoigne encore une fois à Théophile un ardent désir de vivre en paix avec l'évêque Jean; « car, dit-il, nous avons quitté notre patrie pour chercher le repos dans la solitude, pour respecter les évêques de Jésus-Christ qui enseignent la véritable foi, non pas avec la sévérité de maîtres, mais avec une charité de pères, pour leur rendre tous les honneurs qui sont dus à leur dignité et à l'éminence de leur caractère, mais non pas pour nous assujettir à l'injuste domination de ceux qui, abusant de leur nom et de leur autorité d'évêques, veulent nous traiter en esclaves. > A Rufin, sur l'origénisme. - Cependant, sur ce terrain de l'origénisme, Jérôme trouva un adversaire plus redoutable que l'évêque de Jérusalem. « Rufin, dit M. Villemain, après vingt années de séjour en Orient, quittant le monastère qu'il avait fondé sur le mont des Oliviers, et où souvent i recevait la visite savante de Jérôme, était parti pour revoir Rome et l'Italie. » Une étroite amitié les avait unis pendant tout le temps qu'avait duré ce pieux voisinage, et vers l'an 374, Jérôme ayant appris que Rufin avait quitté Rome pour visiter les monastères de l'Egypte, lui écrivit aussitôt pour lui témoigner la joie que lui avait causée cette nouvelle et le désir empressé qu'il avait de le revoir. « Les Livres saints, lui dit-il, déclarent que Dieu accorde souvent plus qu'on ne lui demande, et qu'i! nous envoie des félicités que l'œil de l'homme n'a point vues, que son oreille n'a point entendues, que son cœur ne saurait comprendre. Je le savais, et j'en fais aujourd'hui l'expérience personnelle. Car, moi qui m'accusais d'une sorte de témérité, tout en bornant mes vœux à une simple correspondance de lettres qui pût me faire jouir, au moins en idée, du plaisir de m'entretenir avec vous, j'ai la joie d'apprendre que vous êtes entré dans les déserts de l'Egypte, pour y visiter les communautés des saints solitaires qui y résident, et dont les vertus retracent sur la terre la pureté des esprits célestes. Oh! si par une grâce particulière de notre Seigneur Jésus-Christ, je pouvais aujourd'hui être transporté près de vous, comme le fut autrefois Philippe près de l'eunuque de Candace, ou le prophète Abacuc auprès de Daniel, avec quelle ardeur je vous serrerais dans mes bras! Mais parce que je ne mérite pas que Dien fasse en ma faveur un semblable prodige, non pas tant pour vous approcher d'ici que pour me transporter où vous êtes, et que, d'ailleurs, mon corps, qui, dans sa plus grande santé, est toujours faible et languis sant, se trouve maintenant tout à fait ruiné par de fréquentes maladies, je vous envoie à ma place cette lettre, comme une douce chaîne que l'amour même a tissue pour vous attirer jusqu'ici. Notre frère Héliodore est le premier qui m'a annoncé cette heureuse nouvelle, que je désirais plus que je ne l'espérais, surtout parce qu'il me disait

ne l'avoir sue que par oui-dire, et qu'elle me paraissait trop extraordinaire pour y croire. J'étais donc partagé entre le doute et l'espérance, quand elle me fut confirmée par un homme qui se prétendait bien informé. C'était un solitaire d'Alexandrie que le peuple de cette ville avait envoyé en Egypte porter des aumônes à ces saints confesseurs, vrais martyrs par la disposition où ils étaient de l'être. Et pourtant je ne savais pas encore à quoi m'en tenir; car cet homme ne savait ni de quel pays vous étiez, ni quel était votre nom. A la fin je m'en suis parfaitement éclairci par le concours de nombreux témoignages, qui ne m'ont plus laissé douter de votre présence en Egypte, en m'apprenant que Rufin était dans le désert de Nitrie, et qu'il était allé visiter le bienheureux Macaire. Toutes mes incertitudes s'évanouirent, mais je n'en sertis que plus vivement le regret de me porter aussi mal... J'ai souffert dans ma solitude de Syrie tous les maux imaginables; j'ai perdu un de mes deux yeux. Innocent, auquel j'étais attaché comme à une partie de moi-même, m'a été enlevé tout à coup par une fièvre violente. Il ne me reste plus que mon cher Evagre, de qui seul j'emprunte ma force et toute ma lumière, et qui trouve dans mes infirmités continuelles un surcroit d'affliction.

« Votre cher ami Bonose, ou plutôt le mien, et, pour parler plus juste encore, notre ami commun, monte inaintenant au ciel par cette échelle mystérieuse que Jacob vit en songe. Il porte sa croix sans penser au lendemain et sans regarder en arrière. Il sème avec larmes pour recueillir avec joie, et il élève dans sa retraite ce serpent mystérieux que Moïse éleva dans le désert. Après ce bel exemple de vertu, non pas imaginaire, mais véritable, que les Grecs et les Romains viennent nous parler encore de leurs chimériques héros! Voici un jeune homme, élevé avec nous dans la science des beaux-arts, et distingué parmi ses égaux par son rang et par ses richesses, qui abandonne mère, sœurs et un frère qu'il aimait tendrement, pour se continer dans une île déserte, de toutes parts environnée de vagues mugissantes et bordée de rochers affreux. Il s'est fait de cette terrible solitude un paradis terrestre. C'est là que, seul, si néanmoins c'est être seul que de vivre en la société de Jésus-Christ, c'est là qu'il contemple cette gloire de Dieu, que les apôtres eux-mêmes he purent voir que dans un lieu solitaire et écarté. Tout son corps est couvert d'un affreux cilice; mais c'est le vêtement le plus commode pour aller dans les nuées au-devant de Jésus-Christ. Il n'y savoure point l'eau des claires fontaines, mais il étanche sa soif à la source d'eau vive qui coule du côté du Sauveur. Jetez un moment les yeux, mon cher Rufin, sur ce désert; représentez vous-en toutes les horreurs. Vous apprécierez mieux le mérite de sa victoire par l'étendue de ses combats. La terre, stérile et sans herbes, n'y laisse voir aucune verdure,

et la campagne, desséchée et sans arbres, n'y donne point d'ombre. Partout ce ne sont que rochers escarpés, qui forment une espèce de prison. Là Bonose, tranquille, intrépide, et revêtu de ces armes spirituelles dont parle l'Apôtre, tantôt écoute Dieu dans de saintes lectures, tantôt lui parle dans de ferventes prières. Peut-être même qu'enfermé dans son fle il voit une partie des choses que l'apôtre Jean vit dans celle de Patmos.....

« Je vous remercie, mon divin Jésus, de m'avoir donné un homme qui puisse prier pour moi lorsque vous viendrez juger le monde. Vous savez, Seigneur (car vous pénétrez les replis les plus secrets du cœur, et avec ces yeux qui virent autrefois un prophète dans le ventre d'une baleine, vous découvrez tout ce qui se passe); vous savez, dis-je, que nous avons été, lui et moi, nourris du même lait, et élevés ensemble depuis nos plus tendres années jusqu'à une florissante jeunesse; qu'après avoir fini nos études et voyageant sur les bords du Rhin, parmi des peuples à demi barbares, nous n'avions qu'une même table et un même logement; et que ce fut moi qui le premier formai le dessein de m'attacher à votre service. Rappelez-vous, je vous prie, que cet athlète, qui combat aujourd'hui avec tant de courage pour votre gloire, a commencé avec moi à porter les armes. Vous nous avez promis, Seigneur, et je compte sur votre parole, que celui qui enseignera les autres, et qui ne fera pas lui-même ce qu'il aura enseigné, sera le dernier dans le royaume du ciel; mais que celui qui enseignera et pratiquera ce qu'il enseigne, sera très-grand dans le royaume du ciel. Que Bonose jouisse de la récompense due à sa vertu; que, revêtu de cette robe précieuse qu'il a méritée par un continuel martyre, il marche à la suite de l'Agneau; quant à moi, Seigneur, je vous demande pour toute grâce de pouvoir être aux pieds de vos saints. S'il a accompli ce que j'ai seulement souhaité de faire, accordez-moi le pardon que mérite ma faiblesse, et à lui la récompense qui est due à son zèle. »>

Rufin ne se rendit point à ce désir de Jérôme, et cette sainte amitié qui les avait unis dans leur monastère de Palestine, s'éteignit bientôt après son second retour en Italie. « Versé dans la pangue grecque qu'il avait étudiée longtemps en Egypte, il rapportait avec lui les ouvrages d'Origene, qu'il avait en partie traduits, et dont le génie était déjà célèbre en Orient, mais suspect d'erreur et d'hérésie. A Rome il ne tarda pas de traduire le plus important et le plus difficile de ces ouvrages, le Livre des principes; et, dans la préface, il se recommandait de l'exemple, et de l'approbation de Jérôme. Les docteurs de l'Eglise latine, les amis, les ennemis du solitaire se troublent et s'agitent à cette nouvelle. On écrit de Rome à Bethléem, pour obtenir un désavon, en adressant à Jérôme la traduction accusée d'hérésie.

Jérôme répond en blåmant les erreurs d'Origène, dont il admire la science, l'ardeur, le génie, mais qu'il ne suit pas dans toutes ses opinions; et il blâme la témérité de Rufin, malgré sa répugnance à combattre un homme qu'il a loué. »

A Tranquillin sur l'origénisme. C'est ainsi que longtemps même avant cette querelle il s'exprimait dans une lettre à Tranquillin: Vous m'apprenez qu'un assez grand nombre s'est laissé surprendre par les erreurs d'Origène, et que mon fils Océanus s'occupe à les détromper; cette nouvelle m'a causé un double sentiment de joie et de chagrin. Je vois avec douleur que les simples se sont laissé séduire, et avec joie que ce savant homme travaille à les désabuser. Puisque vous daignez vous adresser à moi pour avoir mon sentiment sur la lecture des livres d'Origène, s'il faut les réprouver en totalité, et c'est là l'opinion de notre cher frère Faustus, ou bien y faire un choix et les lire en partie voici mon sentiment. Je crois qu'il y a dans Origène des livres qu'on peut lire à cause de l'érudition qu'ils renferment, ainsi que dans Tertullien, Arnobe, Novat, Apollinaire et d'autres écrivains grecs et latins, avec la précaution de n'y prendre que le bon et de laisser le mauvais, conformément à cette doctrine de l'Apôtre Eprouvez tout et attachezvous à ce qui est bon. Se passionner pour ui, ou se déchaîner contre, c'est vouloir encourir l'anathème du prophète quand il dit: Malheur à ceux qui appellent le bien un mal et le mal un bien; qui font doux ce qui est amer et amer ce qui est doux. Car ce n'est point parce qu'il est savant qu'il faut adopter les impiétés qu'il mêle à sa doctrine, pas plus que, sous le prétexte de ses impiétés, on ne doit rejeter ce qu'il peut y avoir d'utile dans ses commentaires sur l'Ecriture. Si ses dé tracteurs ou ses partisans s'opiniâtrent à ne vouloir point de milieu, et prétendent qu'il faille ou tout condamner ou tout approuver indifféremment dans ses ouvrages, mon opinion, à moi, sera qu'une pieuse ignorance vaut mieux qu'une science impie et blasphématoire.»>

A Pammaque. Mais il s'exprime d'une façon plus positive dans sa réponse à la lettre par laquelle Pammaque et ses autres amis lui apprenaient ce qui se passait à Rome, et l'effervescence que les insinuations de Rufin y avaient soulevée. « Veut-on louer Origène, qu'on le loue comme je fais. Grand homme dès le berceau, digne fils d'un martyr, il tint l'école ecclésiastique d'Alexandrie après le savant prêtre Clément... Son aversion pour le vice de l'impureté était portée si loin que par un zèle respectable, mais non selon la science, il se mutila lui-même pour assurer sa chasteté. Il foula aux pieds les richesses du monde. I savait par cœur toute l'Écriture,et passait les jours et les nuits à l'expliauer, Nous avons de lui plusieurs milliers

de discours sur cette matière; en outre un nombre presque incalculable de traités dont je ne parlerai pas ici, parce que ce n'est point le lieu de faire le catalogue de ses ouvrages. Est-il parmi nous quelqu'un capable de lire même tout ce qu'il a écrit? Qui n'admirerait l'ardeur infatigable avec laquelle il s'est livré à l'explication des livres saints? Que l'on vienne nous objecter ses erreurs, je répon drai par ce mot du poëte: Quandoque bonus dormitat Homerus. Il est bien difficile de ne pas se laisser surprendre par le sommeil, quand on fait un aussi long ouvrage. Ne ressemblons point par les défauts à ceux à qui nous ne pouvons ressembler par les vertus, Il y a bien d'autres auteurs que lui, aussi bien grecs que latins, qui ont erré, et qu'il n'est pas nécessaire de nommer, pour n'avoir pas l'air de vouloir justifier Origène plutôt par les erreurs des autres que par son propre mérite.

« Vous m'allez dire: Ce n'est pas là excuser Origène; c'est accuser les autres. Oui, si je ne convenais de ses erreurs; mais puisque je les reconnais franchement,il m'est bien permis de le lire comme je lirais d'autres écrivains qui ont erré comme lui. Cela étant, pourquoi, me demandera-t-on, vous déchalnez-vous contre lui seul?-Parce que vous en faites un apôtre. Modérez cette chaleur que vous mettez à le louer, et j'en parlerai avec plus de modération. Vous ne censurez les ouvrages des autres que pour justifier les erreurs de celui-ci; vous ne le portez aux nues que pour faire croire qu'il est sans défauts. Qui que vous soyez qui soutenez cette doctrine, je vous conjure de ne la point débiter dans Rome, et de ménager davantage cette foi qui a reçu des louanges de la bouche de l'apôtre. Pourquoi venez-vous, après quatre cents ans, nous enseigner des choses que nous avons ignorées jusqu'ici? Pourquoi chercher à introduire des dogmes dont un saint Pierre et un saint Paul n'ont pas jugé à propos de nous instruire? On s'en est bien passé jusqu'à présent; en était-on moins chrétien? Je veux conserver dans ma vieillesse la foi dans laquelle fut élevée mon enfance. Que l'on me calomnie; que l'on me charge des qualifications les plus déshonorantes, parce que je tiens au dogme de la résurrection de la chair. Non, je ne suis point l'ennemi de cette chair, dans laquelle Jésus-Christ est né et ressuscité; non, je ne la dédaigne pas cette vile boue que Dieu a pétrie de ses mains pour la transformer en un vase destiné au royaume du ciel. Il me paraît étrange que vous, qui la méprisez tant, on vous la voie choyer si délicatement; que vous caressiez votre ennemie avec tant de soins; à moins que ce ne soit peut-être par respect pour le mot de l'Evangile: Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous font du mal. Ce que j'aime ici, c'est une chair chaste, mortitiée, une chair vierge. Ce n'est pas la chair en ellemême dont je me déclare le partisan, mais ses œuvres, quand elles sont bonnes; celle Tui sait bien qu'elle doit subir un juge

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ment, celle qui, souffrant pour JésusChrist, brave les fouets des bourreaux et la flamme des bûchers. Les partisans Origène, et Rufin entre autres, alléguaient que ses ouvrages avaient été alté rés par les hérétiques venus après lui. Jérôme croit ici la chose impossible. A cette assertion il oppose l'autorité d'Eusèbe de Césarée et du savant Didyme d'Alexandrie, qui confessent que c'étaient là les vrais sentiments d'Origène, et qui ont essayé de les défendre; puis l'aveu d'Origène lui-même qui, dans une lettre adressée au Pape Fabien, se repent, dit-il, de les avoir exprimés, rejetant sur Ambroise, son ami, la faute de leur publication. Il conteste même l'apologie que le saint martyr Pamphile en a publiée; autrement, dit-il, il serait mis en contradiction avec lui-même, et il l'attribue soit à Eusèbe soit à Didyme. Au reste, si Pamphile en fut l'auteur, ditil, ce n'a pu être qu'avant sen martyre; et heureusement le martyre aura expié son

erreur.

Au même. Dans une autre lettre au même Pammaque, mais également destinée à être connue de Rufin, par la publication que son correspondant en devait faire, Jérome relève huit erreurs principales, qu'il a firme avoir été la doctrine soutenue par Origène dans son Périarchon et dans ses autres livres. « Où sont ces écrivains ecciésiastiques des premiers temps, qui se #croyaient obligés de répondre à une seule question par des volumes entiers? Où est ce vaisseau d'élection, cette trompette évangélique, cette bouche par laquelle notre lion fait entendre ses rugissements; ce tounerre qui a retenti parmi les nations, ce -fleuve de l'éloquence chrétienne, ce Paul, en un mot, qui n'ose « pénétrer la profondeur ⚫ des trésors de la sagesse et de la science de « Dieu; et qui admire plutôt qu'il n'explique, le mystère caché pendant tous les siècles qui nous ont précédés? Où est cet Isaïe qui nous prédit l'enfantement d'une vierge, et qui, succombant sous le poids de cette seule question, s'écrie: Generationem ejus quis enarrabit?... Et voilà que de nos jours un homme s'est rencontré qui, dans un seul discours, nous a expliqué tous les dogmes de la foi, sans y laisser désormais le plus léger nuage!» Jérôme fait allusion ici à Jean de Jérusalem, qu'il confond quelquefois avec Rufin dans la même réfutation. Il accuse Origène d'avoir affaibli, par de captieuses distinctions entre la chair et le corps, la foi de la résurrection, qu'il appelle avec Tertullien l'abrégé et l'essence de toute la doctrine chrétienne. Le saint docfeur s'attache à prouver par les témoignages de l'Ecriture, que nous ressusciterous dans la même chair que possédaient nos corps, mais seulement transformée en une substance désormais incorruptible.

Jésus-Christ, transfiguré sur le Thabor, n'est point épouillé de ses membres; c'est avec sa même chair, pénétrée de l'éclat du soleil, qu'il se montre aux yeux éblouis de

ses apôtres; Hénoch et Elie étaient revêtxis
d'une chair mortelle lorsqu'ils furent erle-
vés aux ciel. Affranchis qu'ils sont jusqu'à
présent des lois de la mort, et déjà habitants
du paradis, ils ont le même corps qu'ils
avaient lorsque le Seigneur les enleva de la
terre. Ils jouissent dans la compagnie de
Dieu de tous les avantages que nous tachons
de mériter par le jeune, se nourissant d'un
pain céleste, se rassasiant de la parole de
Dieu, et n'ayant point d'autre nourriture
que le Seigneur lui-même. Ecoutez ce que
dit le Seigneur: Ma chair se reposera dans
l'espérance. Et dans un autre endroit: Sa
chair n'a point éprouvé la corruption. Voilà
ce que dit l'Ecriture: cependant vous ne
parlez que de corps. Que ne nous citez-vous
plutôt le prophète Ezéchiel, qui nous re-
présente des ossements sortant de leurs tom-
beaux, se joignant les uns aux autres, et se
tenant debout sur leurs pieds; des nerfs qui
s'étendent sur ces os, des chairs qui les en-
vironnent, ure peau qui les couvre? Que ne
nous rapportez-vous l'exemple de Job qui,
vainqueur des douleurs qu'il souffrait, se
soutenait au fort de ses disgrâces par l'espé-
rance et la certitude de la résurrection fu-
ture? Qui m'accordera, disait-il, que mes pa-
roles soient écrites; qu'elles soient tracées
dans un livre, et gravées sur une lame de
plomb avec une plume de fer, ou sur la pierre
avec le ciseau? Car je sais que mon Rédempteur
est vivant, et que je ressusciterai de la terre
au dernier jour; que je serai encore revêtu de
cette peau, et que je verrai Dieu dans cette
chair; que je le verrai, dis-je, moi-même et
non pas un autre, et que je le contemplerai de
mes propres yeux. C'est là l'espérance que j'ai,
et qui reposera toujours dans mon cœur.
Quy a-t-il de plus formel et de mieux mar-
qué que cette prophétie ? Personne, depuis
Jésus-Christ, n'a parlé de la résurrection
d'une manière plus claire que ce prophète
qui vivait longtemps avant son avenement.

veut que ses paroles demeurent éternel-
lement, et qu'on les grave sur le plomb, ou
sur la pierre, afin qu'elles puissent échapper
à la vicissitude des temps. Il est plein de
l'espérance ou plutôt de la certitude de sa
résurrection; il sait que Jésus-Christ, son
rédempteur, est vivant. Le Seigneur n'avait
pas encore subi la mort; et déjà ce généreux
athlète voyait son Rédempteur sortir du
tombeau, lorsqu'il dit: Et je serai encore
revêtu de cette peau, et je verrai Dieu dans
ma chair. Etait-ce qu'il aimât cette chair
rongée d'ulcères, exhalant la pourriture et
l'infection? Non, sans doute; mais animé
par l'espérance,'il la voit renaître affranchie
de ses maux, rendue à ses formes premières
et dégagée de la corruption. Il n'est pas
question ici de corps aérien, et qui tienne de
la matière subtile dont se composent les es-
prits... Ne semble-t-il pas que Job écrivait
dès lors contre Origène, et qu'il soutenait
un nouveau combat contre les bérétiques,
pour défendre la vérité de cette chair dans
laquelle il souffrait ?... Pour ruiner donc tous
les retranchements d'une confession équi

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