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voque et artificieuse, voyez avec quelle précision i s'exprime, répétant jusqu'à plusieurs fois : Je le verrai moi-même et non un autre, et je le contemplerai de mes propres yeur. S'il ne doit point ressusciter avec le inème corps qui a été gisant sur le fumier, s'il ne voit pas Dieu des mêmes yeux avec lesquels il voyait les vers naître au sein de ses plaies, pour le dévorer, où done sera Job? Vous le détruisez pour lui substituer je ne sais quel fantôme. C'est comme si vous disiez qu'un vaisseau qu'on a radoubé après son naufrage n'a aucune des parties dont il est composé..... La résurrection n'est plus qu'un mot vide de sens, si vous en détachez la chair et les membres. Nous ressusciterons dans le même sexe, avec le même corps; devenus semblables aux anges, en ce sens que nous posséderons dans notre chair, toujours subsistante, le même privilége de gloire, dont s'unissent ces substances matérielles, nous ressusciterons avec des corps affranchis des besoins de la vie présente. Pourquoi pas, puisque dès cette vie nos continuels efforts tendent à nous élever au-dessus de ces besoins, non pour être changés dans la nature des anges, mais pour leur ressembler par le perfectionnement de la gloire et de l'immortalité qui nous sont promises. « Le païen conçoit difficilement une résurrection de la chair avec tout ce cortége d'infirmités qui l'accompagne. - Comment supposer des corps qui n'éprouvent point les révolutions de la chair? Mais comment expliquer le prodige d'un peuple entier qui, pendant les quarante années de son séjour dans le désert, conserva les mêmes habits, et jusqu'à la même chaussure sans nulle altération? Quelle idée vous faites-vous donc de la puissance de Dieu, et de quel droit lui donnez-vous des bornes si étroites? Puisqu'il peut bien, non-seule ment former une chair d'une autre chair, mais encore tirer le corps humain d'une source impure, ne peut-il pas aussi, en vertu de cette toute-puissance qui a tiré toutes les choses du néant, redonner l'être à celles qui ont existé autrefois? Car enfin il est plus aisé de rétablir une chose dans son premier état que de la tirer du néant. Lequel est le plus difficile à Dieu, de suspendre sur rien le vaste globe de la terre, et de le tenir en balance sur les eaux, élément liquide et flottant, ou de garder pour la résurrec tion cette chair qu'il a faite? Vous lui accordez le plus difficile, et vous lui contesteriez ce qui, sans doute, l'est beaucoup moins? Pourquoi vous étonner qu'à la résurrection les enfants et les vieillards aient l'âge d'un homme parfait, puisque Dieu, en formant l'homme de la terre, le créa en cet état, sans le faire passer par l'enfance et par la jeunesse ?.....« Tous les cheveux de votre tête sont comptés, nous dit JésusChrist. Si l'on compte nos cheveux, il est encore plus aisé de compter les autres membres, encore bien plus durables. Or il serait inutile de les compter s'ils devaient périr un jour. Un temps viendra où tous.

« ceux qui sont dans les sépulcres entendront « la voix de Dieu, et sortiront de leurs tom<< beaux. Ils auront donc des oreilles pour entendre cette voix et des pieds pour sortir de leurs tombeaux, comme il est arrivé à Lazare. Ils sortiront de leurs tombeaux, c'est-à-dire que les morts ressusciteront et sortiront des tombeaux où ils auront été ensevelis, parce que, dit le Prophète, la rosée que Dieu répand sur eux ranime leurs os..... Ils en sortiront comme de jeunes enfants dont on a délié les membres garrottés dans leurs langes, et mis en liberté; leur cœur sera pénétré de joie, et leurs os se lèveront comme le soleil. Toute chair paraîtra devant le Seigneur. Les monstres des mers rejetteront à ses pieds tous les Jonas qu'ils avaient dévorés. » Jérôme accumule les passages de l'Ecriture, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, à l'appui de cette vérité capitale. L'application qu'il en fait à la morale n'est pas moins importante. « Animés de l'espérance de notre résurrection future, faisons servir les membres de notre corps à la justice pour notre sanctification, de même que nous les avons fait servir à l'impureté et à l'injustice, afin de mener une vie nouvelle après notre résurrection. Comme la vie de Jésus-Christ paraît dans notre chair mortelle, ainsi celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels, parce que son esprit habite en nous. Car il est bien juste qu'après avoir toujours porté en notre corps une image de la mort de Jésus-Christ, la vie de JésusChrist paraisse également dans notre corps mortel, c'est-à-dire, dans une chair qui est mortelle de sa nature, mais que la grâce a rendue immortelle, » etc.

A Rufin. Ces lettres de Jérôme, répandues dans Rome par ses amis, ne firent qu'aigrir la susceptibilité de Rufin, qui sut dissimuler néanmoins la blessure profonde qu'il portait dans son cœur. Obligé de quilter cette ville où il était presque sigualé comme un hérétique, il prit le chemin de sa patrie, mais non sans avoir écrit à Jérôme, pour se plaindre des procédés que plusieurs de ses amis avaient eus à son égard. Celuici se crut obligé de lui répondre comme à un ancien ami dont il voulait toujours conserver l'affection, et en effet, malgré les reproches qu'il lui adresse pour ses éloges insidieux, on voit encore percer dans sa lettre un reste d'amitié. « Dieu m'est témoin, lui dit-il, que quand une fois je me suis raccommodé avec mes amis, je ne garde plus sur le cœur aucune rancune. Mais il ajoute qu'un véritable ami ne devant jamais dissimuler ses sentiments, il ne peut lui acher qu'il se sentait blessé de sa préface sur le Livre des principes d'Origène. « Vous m'y attaquez, dit-il, indirectement, ou plutôt, vous m'y déclarez une guerre ouverte, J'ignore quel a été votre dessein; mais je sais bien ce que l'on en pense. J'ai mieux aimé sur cela me plaindre à vous en ami, que de me déchaîner contre vous ouverte

ment, afin que vous soyez bien convaincu que je me suis réconcilié avec vous dans toute la sincérité de mon cœur. » Il lui recommande son frère Paulinien qu'il avait envoyé à Milan, avec le prêtre Rufin, et le prie dans la suite de ménager un peu plus ses amis. Mais Rufin, loin de se montrer satisfait, se révolte au contraire contre un ami dont les explications l'accusent. « La controverse s'engage d'Aquilée à Rome avec une véhémence et une rapidité qui nous étonnent. Rien ne montre mieux, dit M. Villemain, quel vaste auditoire avait le christianisme dans le monde, et en même temps combien il était en défiance contre les restes de l'ancienne société et l'opposition de l'ancien culte.» Rufin, piqué au vif, crut devoir répondre par une apologie qui contenait moins sa défense que la condamnation des doctrines de son contradicteur. Entre autres choses, il reprochait à Jérôme 1° d'avoir traduit en latin le Periarchon d'Origène sans en rien retrancher; 2° il justifiait la doctrine de cet auteur, en alléguant le premier livre de l'apologie de saint Pamphile; 3 il représentait à Jérôme qu'il ne pouvait plus blâmer Origène après l'avoir loné; 4 il relevait diverses erreurs et plusieurs contradictions dans ses Commentaires sur l'Ecriture, ainsi qu'un défaut d'exactitude choquant dans sa traduction du douzième verset du second psaume; 5° il signalait aussi quelques passages de son Commentaire sur l'Epitre aux Ephésiens, dans lesquels il avait abrégé celui d'Origène; 6° enfin il l'accusait de parjure, parce que, après avoir fait serment devant le tribunal de Jésus-Christ de ne plus lire les auteurs profanes, il paraissait ne les avoir jamais quittés. Comme on le voit parmi ces accusations, Rufin faisait un crime à Jerôme du travail même qui fait en partie sa gloire. Il le trouve imprudent et coupable de traduire de nouveau les livres saints. << Ne voyez-vous pas, s'écrie-t-il, combien cette entreprise doit ajouter à l'incrédulité des gentils? Ils n'ignorent pas ce qui se passe parmi nous. Lorsqu'ils sauront que notre Joi est corrigée ou changée, ne diront-ils pas entre eux: Ces gens-là se trompent, et ils ne possèdent pas la vérité. Voyez, quand ils le veulent, ils corrigent leur loi et l'amendent. Evidemment, il y avait d'abord erreur, puisqu'on l'a corrigée; et évidemment aussi on ne peut regarder comme divin ce que l'homme change à son gré. Voilà le service que nous a rendu votre science, c'est de nous faire juger dénués de raison par les gentils. »

A propos de cette préférence, coupable suivant lui, que Jérôme semblait conserver pour la littérature profane : « S'il le nie, dit-il, je puis citer en témoignage beaucoup de nos frères, qui dans leurs cellules, sur le mont des Oliviers, ont copié pour lui les dialogues de Cicéron. J'ai tenu leurs cahiers dans mes mains, et je les ai relus; et je sais qu'il leur donnait un plus fort Selaire pour ce travail que pour toute autre

copie. Il ne pourra nier lui-même que, venant me voir de Bethléem à Jérusalem, il apportait avec lui un dialogue de Cicéron, et que, dans son paganisme grec, il me donna un dialogue de Platon, que j'ai gardé quelque temps. Mais pourquoi m'arrêter longtemps à une chose manifeste? Jérôme, dans le monastère de Bethléem, il n'y a pas longtemps, faisait encore œuvre de grammaire profane, et il expliquait son cher Virgile et les auteurs lyriques, comiques, historiques, à des enfants qu'on lui confiait pour leur enseigner la crainte du Seigneur. »

Apologie contre Rufin. La défense de Jérôme n'est pas moins véhémente que l'attaque de son adversaire. A l'Apologie do Rutin il se hata de répondre par deux livres auxquels il donna également le titre d'Apologie, en les dédiant à Pammaque et à Marcelle. Au premier chef d'accusation, qui lui reprochait d'avoir introduit dans sa traduction du Périarchon d'Origène tout ce qu'il avait trouvé dans l'original grec, il répond à Rufin : « Non pas afin que le lecteur ajoutât foi à tout ce que j'avais traduit, mais afin qu'il ne crût rien de tout ce que vous aviez mis dans la vôtre. Ainsi mon ouvrage a deux utilités: il fait voir que l'auteur est bérétique et que l'interprète est infidèle. Et afin qu'on ne s'imaginai pas que je partageais les sentiments de l'auteur que je traduisais, je mis à la tête de ma traduction une préface où j'apprenais au lecteur les raisons qui m'avaient engagé à ce travail, et où je lui signalais en même temps ce qu'il devait considérer comme hérétique. Votre traduction n'est que pour louer l'auteur; la mienne que pour le condamner; la vôtre engage le lecteur à croire tout ce qu'il dit, et la mienne à ne rien croire de ce qu'il dit. » Il répond au second chef, en soutenant que l'apologie d'Origène n'est point de saint Pamphile, et il se plaint qu'en la faisant paraître sous le noui d'un martyr, Bufin ait porté un coup mortel dans l'âme de plusieurs. Toute l'autorité des évêques, lui dit-il, n'est pas capable à présent de leur faire condaniner Origène, depuis qu'ils s'imaginent qu'il a été loué et approuvé par un martyr. Ni les lettres synodales de l'évêque Théophile, ni celles même du Pape Anastase, qui proscrivent cet auteur comme un hérétique, ne seront plus d'aucun poids contre l'autorité d'un martyr. >> Sur le troisième chef, qui lui contestait le droit de blâmer Origène après l'avoir loué, Jérôme répond par un exemple emprunté à l'Histoire de l'Eglise. « Eusèbe de Césarée, dans son sixième livre de l'Apologie d'Origène, adresse exactement au saint évêque et martyr Méthodius, la même objection que vous m'opposez aujourd'hui. « Comment Méthodius a-t-il la hardiesse d'écrire contre Origène, après tant de louanges qu'il lui a données autrefois? Vous forme donc contre moi les mêmes plaintes qu'un arien contre un illustre et savant martyr! Sur le quatrième chef qui lui reprochait des contradictions et même des erreurs dans ses commentai

res sur l'Ecriture, il répond : « Dans ce travail je me suis appliqué à suivre Origène, Didyme, Apollinaire et quelques autres, de telle sorte que, bien qu'ils soient entre eux fort opposés de sentiments, je n'ai cependant rien avoué qui soit contraire à la pureté de la foi. Quel est le but d'un commentaire? C'est d'expliquer clairement ce qui est obscur dans le texte, de rapporter les sentiments des auteurs, d'exposer les raisons différentes dont chacun s'est servi pour appuyer son opinion, afin qu'un lecteur éclairé et prudent puisse choisir ce qu'il y a de meilleur, et rejeter tout le reste comme de la fausse monnaie. Faut-il croire pour cela qu'un commentateur se mette en contradiction avec lui-même, parce qu'il rapporte les sentiments de plusieurs écrivains qui ne s'accordent pas entre eux?» Jérôme justifie cette méthode par celle qu'ont suivie les commentateurs de Virgile, de Salluste, de Cicéron, de Térence, de Plaute, de Flaccus et de plusieurs autres; et il allègue l'exemple d'Aquila et de Symmaque en faveur de sa traduction du douzième verset du second psaume. Pour répondre au cinquième chef, Jérôme rapporte plusieurs passages de son Commentaire sur l'Epitre aux Ephésiens, et dit « J'ai quelquefois donné jusqu'à trois explications sur un même passage, une d'Origène, une d'Apollinaire et une de moi, mais sans nommer personne. Et c'est un procédé qu'il faut pardonner à ma pudeur; je ne pouvais censurer des écrivains que je suivais en partie et dont je traduisais les paroles; mais j'ai eu soin d'ajouter : Un lecteur attentif et diligent entendra ce passage de l'Apôtre conformément à cette explication. » Il convient en répondant au sixième grief, que s'étant trouvé pendant son sommeil transporté devant le tribunal de Jésus-Christ, il avait promis de ne plus étudier les auteurs profanes; mais il trouve mauvais que Rutin lui reproche des choses qui ne se sont passées qu'en songe. Il ajoute toutefois : «< cette promesse n'était que pour l'avenir, et par là je ne m'engageais, ni à oublier le passé, ni à rejeter ce que j'avais appris dans ma jeunesse et avant que ce songe me fût envoyé. »> Rufin l'accusait encore d'avoir dit que tous les péchés étaient effacés par le baptême, qui enlevait même jusqu'à la tache de bigamie, de sorte que l'on pouvait ordonner un homme qui aurait été marié deux fois, pourvu qu'il l'eût été une première avant son baptême. Jérôme se contente de répondre à cela, que Rufin avait le livre dans lequel cette opinion se trouvait, c'est-à-dire la lettre à Océanus, et qu'il pouvait réfuter ses écrits par d'autres écrits.

Mais après avoir repoussé les accusations de son adversaire, Jérôme attaque à son tour l'apologie qu'il avait présentée de sa doctrine, et dans laquelle il faisait d'abord profession de la foi catholique, particulièrement sur le mystère de la Trinité. Sur quoi Jérôme lui observe avec raison : « On vous demande une chose et vous en répon

dez une autre. Vous dites qu'il n'y a qu'un Dieu en trois personnes; tout le monde aujourd'hui en dit autant, et les démons mêmes le confessent. Mais dites-moi, je vous prie, cette âme que Jésus-Christ a prise existaitelle déjà avant qu'il naquit de la sainte Vierge? A-t-elle été créée en même temps que ce corps a été formé par le Saint-Esprit, ou bien a-t-elle été envoyée du ciel, après qu'il eût reçu sa configuration? Parmi ces trois sentiments, choisissez le vôtre. » Rufin, dans sa confession de foi, avait déclaré qu'il attendait que l'Eglise eût décidé laquelle de ces trois opinions était la véritable, et qu'en attendant il se contentait de regarder Dieu comme le créateur des âmes et des corps. Mais Jérôme voulait l'obliger à condamner nettement l'opinion d'Origène touchant la préexistence des âmes; opinion qu'il déclare insoutenable, puisque si l'âme de JésusChrist existait avant la formation de son corps, elle était autre chose alors que l'âme de Jésus-Christ. Il ne met pas moins d'ins tance à le presser de s'expliquer catégori quement sur la résurrection de la chair et sur l'éternité des peines des démons, en lui reprochant de ne l'avoir fait jusqu'ici que d'une manière enveloppée et ambiguë. I l'attaque à son tour sur sa traduction du Livre des principes d'Origène. « Qui vous a donné, lui dit-il, le pouvoir de retrancher quelque chose dans cet auteur? On vous avait prié de mettre le grec en latin, mais non de le corriger. » Comme il l'avait déjà fait dans ses lettres à Pammaque et à Océanus, il lui reproche de nouveau d'avoir avancé sans preuves que toutes les erreurs qui se trouvaient dans les livres d'Origène y avaient été insérées par les hérétiques; et comme, pour soutenir cette proposition, Rufin ajoutait que les hérétiques avaient de même altéré et corrompu les écrits du Pape saint Clément, de saint Denys et de saint Clément d'Alexandrie, il lui réplique: « Mais si l'on accorde une fois que toutes les erreurs qui se trouvent dans un livre y ont été insérées par des mains étrangères, ce livre ne contiendra plus rien qui appartienne à son auteur. Par la même raison, on pourra excuser les plus grands hérétiques, comme Marcion, Manès, Arius et Eu nome. Si vous me demandiez, ajoute-t-il, mais pourquoi donc rencontre-t-on quelquefois des hérésies dans les livres des personnages les plus catholiques? je vous répon drais: Il se peut faire qu'ils aient erré simplement et sans y penser, ou que ce qu'ils ont avancé ils l'aient dit dans un autre sens que celui qui nous paraît; comme aussi il se peut encore, que des copistes ignorants aient corrompu ces passages, ou bien enfin, qu'ayant écrit avant que l'impiété arienne eût répandu son venin dans toute l'Egypte, il leur soit échappé des expressions p69 mesurées, qui étaient sans conséquence alors et qui aujourd'hui paraissent criminelles. Cette réponse de Jérôme est solide; mais comme Rufin aurait pu s'en servir pour jus tifier son auteur, il s'efforce de montrer que

tous les exemples de falsification des écrits des anciens, allégués par Rufin, n'ont aucun rapport avec celle que l'on suppose avoir été introduite dans les livres d'Origène. Rufin avait avoué malicieusement que ceux qui persécutaient Origène n'en usaient ainsi que dans la crainte qu'on ne découvrit leurs larcins, puisque la plupart n'avaient fait que copier les livres de ce docteur. Jérôme le somme de nommer ces ingrats, qui, pour ne point passer pour plagiaires, défendaient à tout le monde la lecture des livres qu'ils n'avaient fait que copier. Pour lui, il convient que, dans sa jeunesse, il avait, à la prière de ses amis, traduit quelques-unes des homélies d'Origène, mais en choisissant celles qui ne contenaient rien qui pût être un objet de scandale, et encore, sans prétendre obliger ble monde à embrasser les erreurs qui vout. vaient s'y rencontrer.

Seconde apologie. Rufin ayant reçu une copie de cette apologie par un marchand d'Orient qui s'était rendu à Aquilée pour Son commerce, y répondit par une lettre à Jérôme, dans laquelle, après s'être défendu sur tous les griefs que l'ardent solitaire lui reprochait, il le priait de garder le silence et de ne pas prolonger plus longtemps le scandale que leur dispute avait déjà causé dans l'Eglise. Saint Chromace d'Aquilée lui avait aussi écrit dans le même sens, et Jérôme convient que, par respect pour un aussi saint évêque, il se serait tu, si Rufin dans sa lettre, ne l'avait menacé de nouvelles accusations, au cas qu'il continuerait d'écrire contre lui. Il fit donc paraître une seconde apologie, à laquelle on a donné le titre de Troisième livre contre Rufin. Ce n'est presque qu'une répétition de ce qu'il avait dit dans les deux livres de l'Apologie précédente. Jérôme la termine en disant à son adversaire « Si vous désirez la paix, déposez les armes. Je puis céder quand vous me parle rez avec douceur; mais les menaces, rien ne saurait me les faire redouter. N'ayons qu'une même foi, et la paix deviendra bientot le fruit d'une commune croyance.» «Il faut l'avouer, dit à propos de cette querelle M. Villemain, ce n'est pas de part et d'autre la majestueuse controverse de Bossuet et de Fénelon. Et cependant la situation était la même, et bien plus grande peut-être. Ce réfugié romain qui, entre la crèche et le Calvaire, au pied des monuments de la foi, se dévouait à l'interprétation des saintes Ecritures, ce savant, qui ne voulait être rien dans l'Eglise que son disciple et son défenseur, ce voyageur qui, dans Bethléem, donnait l'hospitalité et la science aux fugitifs d'Italie, il y avait là sans doute une admirable autorité à prendre. Mais Jérôme paraît quelquefois oublier, dans l'amertume du sarcasmne, la sainteté de sa mission et la dignité de sou génie. Quelques paroles tou chantes lui échappent cependant; et c'est Jui dont le cœur, aigri par tant d'injures inutuelles, est le plus près de la conciliation et de la paix. Rufin ne répondit plus, et il

acheva ses jours en Occident, chassé de l'Italie par une invasion de barbares, et retiré dans un coin de la Sicile, loin de Rome et de Bethleem. »>

Jérôme et Augustin. - «Un autre souvenir de ce temps, remarque toujours M. Villemain, c'est le commerce épistolaire de Jérôme et d'Augustin; l'un athlète vieilli dans les travaux et les querelles, mais plein d'ardeur encore; l'autre, plus jeune, d'un caractère moins énergique et plus doux, mais également infatigable apôtre, et plus persuasif, parce qu'il était plus aimé; tous deux représentant, avec une nuance orientale, le génie romain dans l'Eglise universelle. On souhaiterait que ces deux hommes, si bien faits pour être en communion de pensées, eussent pu se voir et s'entendre, et que la fiction d'un écrivain célèbre qui les a mis en présence, fût une anecdote de l'histoire. A part l'anachronisme auquel s'est plu son imagination, en les supposant tous deux du même âge, troublés à la même époque des mêmes passions, quel intérêt véridique n'aurait pas eu leur entretien, si la jeunesse de l'un s'était rencontrée avec la vieillesse de l'autre, comme le permettait la réalité ! Quels élans de douleur et de génie seraient sortis de l'âme d'Augustin, visitant avec le solitaire de Bethleem les lieux sacrés dont Jérôme était comme le gardien et l'interprète ? Et si le poids des années n'eût pas retenu Jérôme, s'il eût visité la province d'Afrique, combien ce Dalmate, rempli des souvenirs de Rome, et fier de voir dans sa retraite de Judée une descendante des Scipions, aurait conçu de grandes pensées à l'aspect de Carthage devenue romaine et chrétienne, devant la chaire d'Augustin converti! Et que de choses ces deux âmes éprouvées auraient eu à se confier l'une à l'autre! Il n'en fut pas ainsi : Augustin, comme il le dit, ne vit Jérôme que par les yeux d'Alype; et c'est de loin seulement, et à travers la distance des mers, qu'ils se transmirent leurs opinions. >>

Augustin à Jérôme. Augustin commença cette tardive liaison, moins par des félicitations sur les travaux du solitaire, que par la demande d'un nouveau travail qu'attendaient de lui les Eglises d'Afrique. C'était la traduction de ces grands docteurs de l'Eglise d'Orient, Athanase, Grégoire, Basile, Chrysostome, dont le génie n'était qu'à demi connu dans l'Occident, et qu'Augustin luimême lisait peu dans cette langue. Cette œuvre lui paraissait plus utile que de continuer à traduire sur le texte hébraïque les livres saints que la version des Septante rendait accessibles à tout l'Orient grec, et que, d'après cette version, on avait déjà retraduits en latin. A ce jugement, à ce vou, Augustin joignit une censure. Il blâmait Jérôme d'avoir justifié le mensonge, en supposant simulée la réprimande que l'apôtre Paul adressait à Pierre. Augustin ne peut admettre cette feinte. Il voudrait consulter Jérôme sur d'autres questions religieuses; mais une lettre ne suffit pas, il attend da

vantage du prêtre qu'il envoie près de lui pour recueillir ses précieuses paroles. « Et cependant, écrit-il, ce prêtre ne pourra jamais entendre de votre bouche autant de choses que je le voudrais; et, à son retour, lorsque je recueillerai de son sein les trésors que vous y aurez versés, il ne comblera pas le vide qui est en moi; il n'apaisera pas la soif que j'ai de vos pensées. » Cette lettre ne parvint pas d'abord à Jérôme; celui qui devait la porter fut retenu en Afrique. Une seconde lettre n'obtint pas de réponse: Augustin craignit que ce silence n'eût pour motif la publicité qu'avait reçue sa lettre dont quelques copies s'étaient répandues dans Rome. Il écrivit pour s'en excuser, tout en renouvelant l'objection qu'il avait faite. Jérôme répondit comme un homme blessé de la rétractation qui lui était demandée dans la lettre arrivée jusqu'à lui. Du reste, il ne discute pas; et cette réserve n'est pas sans amertume et sans fierté.

Jérôme à Augustin. - «Etes-vous réellement l'auteur de cette lettre, lui dit-il, et est-ce bien vous qui m'exhortez à désavouer mon explication de l'Epitre de saint Paul aux Galates? Je vous l'avouerai franchement; quoiqu'il m'ait semblé reconnaître en la lisant, et votre style et votre manière de raisonner, j'ai cru cependant que je ne devais pas ajouter foi à une simple copie. D'ailleurs, la longue maladie de sainte Paule ne m'a pas permis de vous écrire plus tôt. Si donc vous êtes auteur de la lettre en question, je vous en prie, mandez-le moi sans détours et envoyez-moi une seconde copie sur laquelle je puisse faire plus de fon is que sur la première. Du reste, à Dieu ne plaise que j'ose effleurer en rien les livres de votre béatitude. Il me suffit de défendre les miens Bans attaquer ceux d'autrui. Votre prudence d'ailleurs sait fort bien sans doute que chacun abonde dans son sens, et qu'il y a un jeu puéril, semblable au travail des jeunes rhéteurs, à chercher la célébrité, en accusant les hommes illustres. Je n'ai pas la folie de me tenir pour offensé de la différence de nos interprétations sur l'Ecriture, et vous n'êtes pas sans doute blessé que j'aie un avis contraire au vôtre. Ce qu'il y a maintenant à faire pour vous, c'est d'aimer celui qui vous aime, et dans l'arène des saintes Ecritures, de ne pas venir, jeune homme, provoquer un vieillard. Nous avons eu notre temps et nous avons fourni notre carrière du mieux que nous avons pu. Aujourd'hui, pendant que tu t'élances et franchis de longs espaces, nous avons droit au repos. Et, en même temps, s'il m'est permis de le dire avec tout respect pour toi, afin que tu ne paraisses pas seul emprunter quelque chose aux poëtes, souviens-toi de Darès et d'Entelle, et du proverbe vulgaire : Le bœuf fatigué enfonce le pied plus fortement. »

Avant d'avoir reçu cette réponse, Augustin avait écrit à Jérôme une autre lettre, où il insistait sur ses objections, et paraissait surtout blâmer l'entreprise d'une traduction nouvelle des livres saints. Il y opposait le

même scrupule que Rutin, le danger d'inquiéter le peuple, en offrant à sa foi des expressions auxquelles il n'était pas accoutumé. Et, à l'appui de cette crainte, il citait les réclamations et le tumulte élevés dans une Eglise d'Afrique, où l'évêque avait lu, d'après la traduction de Jérôme, un passage du prophète Jonas, qu'on l'accusa d'avoir falsifié, et qu'il fut obligé d'abandonner sur le témoignage des Juifs qui dominaient dans la ville, et qui déclarèrent que l'ancienne version, chantée dans la liturgie et traduite des Septante, était plus conforme au texte original des livres saints. On peut juger par cet exemple qu'elle était alors la civilisation de ces villes d'Afrique, où des Grecs, des Latins et des Juifs étaient en présence, avec leurs langues et leurs traditions diverses, pour défendre ou discuter la foi nouvelle. Jérôme, en répondant à l'évêque d'Hippone, se plaint de la publicité qu'il avait donnée à sa première lettre.

Au même.« Si ce qu'on m'a rapporté est vrai, je ne saurais comprendre, lui dit-il, que cette lettre soit entre les mains de tout le monde, à Rome et dans l'Italie, excepté entre les miennes; moi, à qui elle était destinée, je suis le seul qui ne l'ai point reque J'ai lieu d'en être d'autant plus surpris, que sisinius m'affirme l'avoir trouvée parmi quel ques-uns de vos ouvrages, il y a déjà environ cinq ans, non pas en Afrique, ni chez vous, mais dans une fle de la nier Adriatique. Quelques-uns de mes amis mêmes ont voulu me persuader que cette lettre n'avait pas été répandue sans dessein, et que votre but était d'élever votre réputation sur la mienne, en montrant à tout le monde que vous m'aviez proposé un défi que je n'avais osé ac cepter. Pourtant, je vous l'avoue, ce qui m'a empêché d'y répondre, c'est l'incertitude où j'étais qu'elle fût de vous..... Cessez donc, poursuit-il, de provoquer un vieillard qui se cache au fond de sa cellule. Si vous voulez exercer ou montrer votre science, cherchez des jeunes gens éloquents et célèbres, comme il y en a beaucoup à Rome, qui puissent et qui osent lutter contre vous. Pour moi, soldat autrefois, vétéran aujourd'hui, je dois célébrer vos victoires et celles des autres, et non, avec un bras débile, rentrer dans la lutte..... » Puis il ajoutait : « Il ne convient pas que moi, qui depuis la jeunesse jusqu'à cet age suis resté dans un monastère, travaillant à gaud'peine avec de saints religieux, j'ose écrire contre un évêque de ma communion, contre celui-là même que j'ai commencé d'aimer avant de le connaître, qui le premier m'a provoqué à l'amitié, el que je me suis félicité de voir s'élever après moi dans la science de l'Ecriture. »

A ce refus de discuter, à ces plaintes modestement hautaines, Augustin répondit avec douceur, avec respect, mais en insistant sur l'objection qu'il avait faite. Puis, avec cette effusion de cœur dont personne ne fut mieux doué, il déplorait la controverse prolongée de Jérôme et de Rufin, ce mal d'une discorde si éclatante entre deux personnes

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