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à la suite de l'Octave de Minucius Félix, édition d'Amsterdam, 1645 et 1652, et dans l'appendice aux ceuvres de saint Cyprien, à Paris, en 1666. Enfin on le trouve dans le tome IV de la grande Bibliothèque des Pères, d'où il a passé ensuite dans toutes les collections et dans le Cours complet de Patrologie. On en cite une traduction flamande par un nommé Kempher, publiée à Alemaër en Hollande, en 1717.

Sidoine Apollinaire cite un Julius Firmicus parmi ceux qui ont écrit sur les mathématiques, mais il ne dit pas que ce soit l'auteur du traité dont nous venons de A rendre compte. Il paraît même qu'à part l'identité du nom, ces deux écrivains sont complétement différents. En effet, l'auteur des huit livres sur l'Astrologie judiciaire s'intitule lui-même, à la tête de son ouvrage, JULIUS FIRMICUS JUNIOR, sans doute pour se distinguer de l'apologiste du même nom. Tous les deux, il est vrai, ont écrit sous le règne de Constance, et fini leurs ouvrages avant l'an 356; mais cette date même est une preuve qu'on ne peut confondre ces deux auteurs. En effet, il n'y a aucune apparence qu'un homme aussi pieusement zélé pour l'honneur de la religion chrétienne que, Tétait l'auteur du traité contre les païens, ait en même temps composé un ouvrage aussi contraire aux bonnes mœurs que le sont les huit livres de l'Astrologie judiciaire, qui portent le nom de Julius Firmicus le jeune. On ne saurait objecter que le premier a composé ces huit livres avant sa conversion, puisqu'ils ne furent achevés que sous le consulat de Mavortius Lollianus, à qui ils sont dédiés. Or, ce Lollianus ne fut désigné consul qu'en 354, environ 18 ans après la mort du grand Constantin

JUNILIUS, évêque d'Afrique, ne nous est connu que par un écrit dont Cassiodore fait mention, et qui porte pour titre : Des parties de la loi divine. C'est une espèce d'introduction à l'étude de l'Ecriture sainte. En l'adressant à Primase, évêque d'Adrumet, dans la province de Bysacène en Afrique, l'auteur remarque qu'il tenait cet ouvrage d'un Persan, nommé Paul, qui avait étudié à Nisibe, où il y avait alors une école pour l'enseignement public de l'Ecriture sainte. Il a divisé son travail en deux livres, et lui a donné la forme de dialogue, dans lequel le maître résont les questions proposées par le disciple. Ses réflexions sont méthodiques et trèsjudicieuses. Nous nous contenierons d'en donner un précis.

La science de l'Ecriture a deux parties. bien distinctes, et qu'il faut se garder de confondre. La première a pour objet la superficie ou l'écorce, c'est-à-dire le style et la diction de l'Ecriture; et la seconde consiste dans le fond même des choses que l'Ecriture nous enseigne. La connaissance de la première partie se réduit à cinq articles, savoir: à la nature du livre, à son autorité, à son auteur, à la manière dont il est écrit et à l'ordre dans lequel les choses doivent être rangées. Par la nature du livre, Junilius en

tend ce qui en fait le caractère propre; savoir, s'il est historique, prophétique, figuré, ou simplement instructif. L'histoire est la narration des choses passées. L'auteur ne compte que dix-sept livres canoniques de ce genre, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament; et il rejette comme apocryphes, non-seulement les deux livres des Machabées et celui de Judith, mais encore les deux livres des Paralipomènes, le livre de Job, les deux livres d'Esdras et le livre d'Esther. Les livres de la seconde classe sont les livres prophétiques. Il définit la prophétie, une déclaration des choses passées, présentes ou futures. Il trouve dix-sept livres de ce genre dans les deux Testaments, et il remarque que les Orientaux rejetaient l'Apocalypse. Les livres de la troisième classe sont les livres figurés ou mystérieux; c'est une manière de parler emblématique, qui donne autre chose à entendre que ce qu'elle signitie, et qui contient des avis pour le présent. Les Proverbes de Salomon, l'Ecclésiaste et l'Ecclésiastique, sont de ce genre. On peut y ajouter le livre de la Sagesse et le Cantique des cantiques; l'allégorie appartient à cette espèce; elle se tire ou d'une métaphore, ou d'une parabole, ou d'une comparaison, ou d'une manière de parler proverbiale. Enfin, les livres de la dernière classe sont les livres simplement instructifs, et les Epitres des apôtres sont de ce genre.

Il distingue divers degrés d'autorité dans les livres de l'Ecriture. Ceux-là sont d'une autorité parfaite qui sont mis au nombre des livres canoniques; ceux qui, sans être généralement admis dans le canon, sont copendant adoptés par plusieurs, ont une autorité moindre; et ceux qui en sont exclus par tout le monde n'en possèdent aucune. On connaît les auteurs de ces livres, soit par les titres, soit par le commencement de leurs ouvrages. Moïse est l'auteur du Pentateuque; Josué, du livre qui porte son nom, et Samuel, du premier livre des Rois. Il y a des livres dont on ignore absolument les auteurs, comme le livre des Juges, celui de Ruth et le dernier des Rois. Parmi ces livres, il y en a qui sont écrits en vers, comme les Psaumes, le livre de Job et quelques endroits des Prophètes; et d'autres en prose. L'ordre des livres de l'Ecriture est le même que nous adoptons encore aujourd'hui.

Voilà pour ce qui regarde l'extérieur de l'Ecriture. Quant au fond des choses qu'elle enseigne, l'auteur remarque qu'il y a des noms qui conviennent à l'essence, d'autres aux personnes de la Trinité, et qu'entre ceux-là, il y en a qui les marquent précisément, et d'autres, en conséquence des opé-. rations qu'on leur attribue. Il en donne des exemples, et fait voir ce qui est commun aux trois personnes, et particulier à chacune. Il parle enfin des attributs qui conviennent à Dieu.

Junilius traite, dans le second livre, de la création du monde, de la manière dont Dieu le gouverna, de la loi naturelle et de la loi écrite. Il passe de là à ce qui regarde le siè

cle à venir. Il traite des figures de la loi et de l'accomplissement des prophéties touchant Jésus-Christ. Enfin il demande par quoi l'on prouve que les livres de notre religion sont divinement inspirés; et il répond qu'on le connaît par leur vérité même, par l'ordre des choses, par l'accord admirable des préceptes, par la simplicité et la pureté avec lesquelles ils sont écrits. Il ajoute encore à ces caractères la qualité de ceux qui les ont écrits, et qui ont prêché la doctrine qu'ils contiennent, parce qu'il est impossible que, sans l'inspiration de l'Esprit saint, des hommes aient écrit des choses divines; que des personnes si simples aient dit des choses si relevées; que des hommes ignorants et grossiers aient découvert des vérités si grandes et si subtiles. Le succès de leurs prédications est encore une preuve de la vérité de leur doctrine. Car, comment des personnes méprisables auraient-elles pu convertir toute la terre, redresser les sentiments des philosophes et confondre leurs adversaires, sans être aidées d'une visible protection de Dieu? Enfin l'accomplissement des prophéties et les miracles qui ont concilié les peuples à notre religion, sont autant de preuves convaincantes de sa vérité. Si présentement il ne se fait plus de miracles, c'est qu'il n'en est pas besoin, l'établissement de la religion étant un miracle plus que suffisant pour la prouver. Voilà ce que nous avons trouvé de plus utile dans ce traité qui a été reproduit par toutes les collections connues sous le nom de Bibliothèques des Pères.

JUSTE, fils de Piste, Juif de naissance, de la ville de Tibériade en Galilée, est, après Josèphe, l'historien le plus connu qui ait travaillé à l'histoire des Juifs. Photius lui attribue une chronique qui comprenait les actions des rois de cette nation jusqu'à la mort du jeune Agrippa. Cet ouvrage, que Juste n'acheva qu'en la troisième année du règne de Trajan, était si concis, que le plus souvent on n'y trouvait pas même les faits essentiels. On croit que saint Jérôme et Suidas font allusion à cette chronique, quand ils disent que Juste de Tibériade avait essayé de donner de petits commentaires sur les Ecritures.

Il écrivit aussi en grec l'Histoire de la guerre des Juifs, de la prise de Jotapat et de la ruine de Jérusalem. Quoiqu'il l'eût composée peu de temps après la fin de cette guerre, il ne la publia cependant que lorsque Vespasien, Titus et le roi Agrippa, furent morts, vingt ans après l'avoir faite, vers la treizième année du règne de Domitien, et la quatre-vingt-quatorzième de Jésus-Christ. Josèphe, qui avait eu de grands différends avec cet historien, et qui était assez maltraité dans son livre, ne manqua pas de lui reprocher ces délais et de s'en servir contre lui. « J'admire, lui dit-il, la hardiesse avec laquelle vous osez vous flatter d'avoir écrit cette Histoire plus exactement qu'aucun autre, vous qui ne savez pas seulement ce qui s'est passé dans la Galilée. Quand vous dites que vous avez rapporté plus fidèlement ce

qui s'est passé au siége de Jérusalem, je vous demande comment cela se peut faire, puisque vous n'y étiez pas, et que vous n'avez point vu ce que Vespasien en a écrit; ce que je puis affirmer sans crainte, en voyant que vous avez écrit tout le contraire. Si vous pensez que votre Histoire soit plus fidèle qu'aucune autre, pourquoi ne l'avez-vous pas publiée du vivant de Vespasien et de Titus, son fils, et même pendant la vie du roi Agrippa et de ses proches, qui étaient si versés dans la langue grecque? Puisque vous l'aviez écrite vingt ans auparavant, vous pouviez alors avoir pour témoins de la vérité ceux qui avaient été les témoins oculaires de tout ce qui s'était passé. Mais vous avez attendu leur mort pour la mettre au jour, afin qu'il n'y eût plus personne qui pût vous convaincre de mensonge. » Photius, qui avait lu l'Histoire de Juste de Tibériade, remarque qu'il y avait inséré plusieurs circonstances fabuleuses sur la guerre des Romains contre les Juifs et le siége de Jérusa lem; ce qui donne lieu de croire que les reproches de Josèphe n'étaient pas absolument dénués de fondement. Néanmoins Juste pouvait avoir d'autres motifs de ne pas publier son Histoire du vivant des ennemis de sa nation.

L'exil qu'il avait souffert et le danger de mort qu'il avait couru à plusieurs reprises, de la part de Vespasien, devaient le faire hésiter à publier un écrit, dans lequel probablement il n'avait pas parlé de ce prince avec la dernière modération. Quoi qu'il en soit, nous ne sachions pas que les savants regrettent beaucoup la perte des écrits de cet auteur. Moins sincère que Josèphe, il n'y faisait aucune mention de Jésus-Christ, ni des prodiges qui lui sont attribués.

JUSTE D'URGEL. Juste, évêque d'Urgel, et frère de Justinien de Valence, florissait comme lui sous le règne de Théodius, vers l'an 535. Il est auteur d'un petit Commen taire sur le Cantique des cantiques, dans lequel il explique en peu de mots, et d'une ma nière fort claire et fort suivie le sens spirituel et allégorique de ce livre de nos Ecritures. Il en fait l'application à Jésus et à son Eglise que, suivant lui, Salomon a représentés partout sous les termes d'époux et d'épouse. En expliquant ces paroles: Ceux qui gardent les murailles m ont enlevé mon manteau, il dit qu'elles se sont accomplies, quand les ennemis de la vraie foi ont démoli les églises, brûlé les autels avec les évangiles et les autres livres de l'Ecriture, traîné en prison ou condamné aux mines les prêtres du Seigneur, en un mol enlevé à l'église les moyens d'offrir le saint sacrifice et d'administrer le baptême et la communion aux fidèles.

que

le

Il marque dans un autre endroit baptême, en nous faisant renaître en JésusChrist, efface le péché originel qui nous est communiqué par la génération. Juste compte deux cents versets dans le Cantique des cantignes, ce qui montre qu'il n'était point divisé par chapitres dans l'exemplaire

dont use servait. On trouve un évêque du même nom parmi ceux qui assistèrent au second concile de Tolède, et on ne doute point que ce ne soit celui dont nous parlons. Son Commentaire fut imprimé à Haguenau en 1529, d'où il est passé dans les Orthodoxographes, .puis dans le tome IX de la Bibliothèque des Pères de Lyon. George Rostias, qui a publié une édition de ce. Commentaire à Hala en Saxe, en 1617, y a joint deux lettres sous le nom de l'évêque Juste. L'une est adressée au Pape Sergius et l'autre au diacre Juste qui l'avait engagé à écrire son commentaire. On ne peut douter de la supposition de la première, puisque le Pape Sergius à qui elle est adressée n'occupa le Saint-Siége que sur la fin de l'an 687, c'est-à-dire, plus de cent ans après la mort de Juste d'Urgel. Dans le Spicilege de dom Luc d'Achery, où cette lettre se trouve reproduite, elle est adressée au Pape Syrga, le même apparemment que Sergius. Elle n'a d'autre but que de l'informe de l'envoi d'un commentaire qu'il venait de composer sur le Cantique des cantiques. Saint Isidore a jugé fort sainement de l'ouvrage de Juste d'Urgel, en disant que ses explications, quoique succinctes, sont pleines de clarté et de précision.

JUSTE, disciple d'Helladius et son successeur sur le siége de Tolède, souscrivit au quatrième concile tenu en cette ville en 633.11 avait l'esprit vif et parlait assez bien; mais il mourut dans un âge peu avancé. On a de lui une lettre adressée à Richilan, abbé d'Agali, dans laquelle il lui montre qu'un supérieur ne doit pas abandonner sa communauté.

JUSTIN (Saint). Si la religion de JéusChrist, en se répandant dans le monde, devait soulever partout des contradicteurs et des ennemis, pour la combattre et essayer de l'anéantiren l'étouffant dans son berceau, elle devait rencontrer aussi des apologistes et des défenseurs assez éclairés pour justifier chacun de ses dogmes, et assez généreux pour les soutenir jusqu'à l'effusion de leur sang et jusqu'à la mort. A la tête de ces athlètes courageux auxquels la persécution ne put fermer la bouche et qui plaidèrent la cause du Christ en présence des gibets et des échafauds, sans contredit on doit placer saint Justin, non-seulement parce qu'il se présente le premier, mais encore parce qu'il fut un de ceux qui déployèrent une constance et une fermeté plus inébranlables. Une chose digne de remarque, digne surtout des réflexions de tous ceux qui s'occupent de religion et de philosophie, c'est que, si l'on examine les différents apologistes du Christianisme, si I on recherche les preuves qu'ils ont données de sa divinité et qu'on les compare les unes aux autres, on trouvera que les Athénagore, les Tertullien, et tous ceux qui les ont suivis, même jusqu'à nos jours, n'ont fait souvent que répéter, ou présenter sous une autre forme, les arguments que saint Justin

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a développés avec tant d'art et de logique pour la défense de la même cause.

Né à Sichem, ancienne capitale de la Samarie dans la Palestine et élevé dans le paganisme, Justin eut de bonne heure la curiosité de connaître les différentes sectes de philosophes qui se partageaient les écoles de son temps. Après avoir brillé pendant longtemps dans la Grèce, la philosophie s'était retirée à Alexandrie, où elle jetait encore quelque éclat. Justin alla donc en Egypte, et là, il assista successivement aux leçons des stoïciens, des péripatéticiens et des pythagoriciens, mais aucun d'eux ne put le satisfaire; l'ignorance des premiers, l'avarice des seconds, et les retards que les disciples de Pythagore voulurent apporter à son impatience par l'étude des mathématiques, l'éloignèrent pour toujours de leurs écoles. Il ne lui restait plus que la philosophie de Platon; il l'embrassa avec ardeur et y fit des progrès étonnants. Le mysticisme de cette doctrine, qui contient sur Dieu et sur l'âme humaine des notions plus claires et plus épurées que tous les autres systèmes, avait déjà produit une vive impression sur son cœur, lorsque la lumière de l'Evangile fit briller à ses yeux une autre philosophie bien plus digne de ses recherches. « De ce moment, dit-il lui-même, il commença à être philosophe; » et l'un des plus puissants motifs qui déterminèrent sa conversion, fut la secrète admiration dont l'avait pénétré le courage invincible des Chrétiens au milieu des tortures. « Je n'ignorais pas, c'est encore lui qui parle, de combien de crimes la haine publique les chargeait; mais en les voyant affronter la mort et ce qu'elle a de plus terrible, je reconnus qu'il était impossible que de tels hommes fussent coupables des crimes honteux qu'on leur reprochait. En effet, comment une personne avide de plaisirs, abandonnée à la débauche, pourrait-elle recevoir avec joie une mort qui va la priver de tout ce qu'elle trouve d'heureux et d'agréable dans le monde? Au contraire, ne fera-t-elle pas bien plutôt tous ses efforts pour prolonger par tous les moyens une vie qui est pour elle le bien suprême, et pour se dérober aux magistrats, bien loin d'être soi-même son dénonciateur et son bourreau? » Justin, dont l'imagination vive et ardente saisissait avec empressement tout ce qui pouvait la satisfaire, étudia bientôt l'Ecriture sainte. Il goûta le plus grand plaisir à la lecture de ces livres inspirés par Dieu même, et éclaira sa raison obscurcie par les préjugés du paganisme. Dès lors il prit la résolution d'embrasser la religion chrétienne, et quelque temps après, à l'âge de trente ans, il reçut le baptême. Depuis cette époque jusqu'à cele de sa mort, l'histoire de saint Justin ne présente presque rien de remarquable. Il ne faut pas croire cependant que ce fut un personnage obscur, et tout à fait inconnu de ses contemporains Les relations qu'il eut avec les hommes les plus distingués de son époque et même avec les empereurs,

prouvent qu'il jouissait d'une grande considération. Malgré la nouvelle religion qu'il venait d'embrasser, Justin continua de porter le manteau de philosophe, ce qui a étonné plusieurs critiques; mais cet habit, comme le témoignent Tertullien et Eusèbe, n'avait aucun rapport avec le paganisme; il indiquait seulement dans celui qui le portait, un professeur de philosophie, ou même un homme dont la vie était plus dure et plus austère que celle des autres. Nous savons par exemple, que Héraclas, patriarche d'Alexandrie, porta le manteau de philosophe, lors même qu'il fut parvenu à la dignité épiscopale. Justin, dès sa conversion au Christianisme, en fut un des plus fermes appuis: il ouvrit à Rome une école de philosophie chrétienne; et de nombreux auditeurs y venaient entendre les leçons de la morale évangélique. I s'attacha plusieurs disciples, parmi lesquels on remarque le philosophe Tatien. Il prêcha la parole divine avec le zèle et l'ardeur d'un ministre du Dieu qu'il adorait.

Plusieurs savants, d'après cela, ont pensé qu'il avait été prêtre ou évêque; mais c'est une erreur. Aucun de ceux qui ont écrit sur saint Justin n'a laissé soupçonner qu'il ait été élevé au ministère de l'autel, et l'on ne voit rien dans ses ouvrages qui donne la moindre vraisemblance à cette opinion. Toujours animé du désir de répandre la connaissance du vraie Dieu, i entreprit plusieurs voyages: il parcourut l'Italie, l'Asie Mineure et l'Egype; et par ses discours énergiques et pleins de feu, il eut le bonheur de convertir plus d'un infidèle.

Il ne manquait plus à saint Justin que la couronne du martyre: il l'avait assez méritée aux yeux des hommes pour l'obtenir au jugement de Dieu. Elle lui fut accordée l'an 167 de Jésus-Christ, sous le règne de Marc-Aurèle. Nous avons encore le procèsverbal de sa généreuse confession. Il paraît que son dénonciateur fut un philosophe de Ja secte des Cyniques, nommé Crescentius, persécuteur déclaré de saint Justin, qui dans sa première apologie avait démasqué son orgueil et sa corruption. Tatien, qui ne le connaissait pas moins bien que son maître, accuse également l'insolence de sou faste, la dissolution de ses mœurs, sa lâche hypocrisie dans la défense de ses dieux, quand il ne croyait à aucun. Un tel homme ne pouvait pardonner à notre philosophe chrétien ni ses vertus ni ses talents. Condamné par Rusticus, préfet de Rome, à être battu de verges et décapité, il souffrit la mort pour le nom de Jésus-Christ avec autant de courage qu'il en avait mis à le défendre.

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On peut regarder saint Justin comme le premier des Pères de l'Eglise, puisqu'après les apôtres et leurs disciples nous n'avons point d'auteur plus ancien que lui. Tatien, qui se glorifie de l'avoir eu pour maître, l'appelle un homme digne d'admiration; et Eusèbe ne craint pas d'affirmer que, parmi les grands personnages qui illustrèrent ce

second siècle de l'Eglise, le nom de Justin les effaçait tous par son éclat. Il l'appelle encore un amateur sincère de la vraie philo sophie; un penseur profond et un admirable philosophe. Saint Epiphane, saint Jérôme, Théodoret et tous les anciens critiques en ont parlé avec les mêmes éloges, mais le témoignage qui fait le plus d'honneur à la mémoire de notre saint est celui que lai rend saint Méthode, martyr dans la persé cution de Dioclétien, quand il dit du sant apologiste, qu'il était aussi voisin de la vertu des apôtres que sa naissance l'avat rapproché de leur temps.

Exhortation aux Grecs. Nous n'aurions fait connaître saint Justia que bien imparfaitement, si nous ne parlions des ouvrages qui sont sortis de sa plume, et qui l'out occupé pendant la plus grande partie de st vie. Le premier, le même sans doute que celui dont Eusèbe fait mention sous le nom d'Eleuchus ou Réfutation, suivit de près son changement de religion. Il est partag en deux livres qui semblent faire deux discours distinets, mais qui ne forment en réalité qu'un seul tout, quoique marqués par des titres différents. Jamais combat aussi sérieux n'avait été livré au paganisme. Saint Justin qui l'a commencé, à l'honneur de l'avoir soutenu avec un talent égal à son courage. La première partie est celle qui a conservé le titre d'exhortation aux Gentils.

« Animé du désir de vous gagner à la vérité, je commence par prier Dieu de m'inspirer ce que je dois dire, et d'éclairer votre esprit, en éloignant de vous la pensée que ce serait vous mettre en contradiction avec nos pères que d'embrasser des opinions différentes de celles qui ont dirigé leur croyance; les mêmes choses changent souvent de face, quand elles sont examinées de plus près. Me proposant donc de vous entretenic de la vraie religion, le premier, le plus pré cieux de tous les biens, au jugement de quiconque veut n'avoir point de risques à courir après la mort pour le jour où nous aurons tous à rendre compte de nos actions (vérité proclamée non-seulement par ceux de nos prophètes, législateurs inspirés de Dieu, qui forment la longue chaine de nos ancêtres, mais par ceux-là même que vous qualifiez de sages, poëtes et philo sophes, à qui vous supposez une intelligence divine), j'ai cru ne pouvoir mieut faire que de rechercher quels ont été les fondateurs de notre culte et du vôtre, quelles en ont été les mœurs, dans quel temps ils ont vécu; et cela, fondé sur le double motif de détromper ceux qu s'attachent à une religion convaincue d'éire fausse bien qu'elle leur vienne de leurs pères, et de démontrer par toute l'autorité de l'év dence que la nôtre nous vient d'une antiquité bien plus reculée. Quels sont donc ceux que vous reconnaissez pour être les auteurs da votre religion? Sont-ce les poëtes? sont-ce les philosophes?» Et tout de suite il présente les absurdités et les infamies que les poetes ont mises sur le compte de leurs diens

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N'est-ce pas une chose ridicule que d'accepter comme auteurs de leur religion des gens tels que Homère et Hésiode, qui ne donnent à leurs dieux d'autre origine que l'eau, et qui leur prêtent toutes les passions les plus basses de l'humanité. Les nombreuses citations qu'il tire de leurs livres Sont autant de preuves de cette conséquence: Si vous ajoutez foi à ce qu'ont écrit ces hommes si vantés, il faut que vous confessiez, ou que vos dieux étaient réellement tels qu'ils les ontpeints, ou, que ce n'étaient point des dieux. »

Passant aux philosophes, il anéantit de la même manière leur autorité. Il les fait tous passer en revue, depuis Thalès de Milet jusqu'à Empédocle; et il montre qu'il n'en est pas un seul qui ait donné une idée supportable de la divinité; qu'ils ne s'entendent pas mieux sur l'origine de l'âme, et qu'à

force de se contredire et de se combattre entre eux, ils ne montrent tous que la plus grossière ignorance.

Dans cette confusion et cette opposition perpétuelles, l'homme sage remarque une vérité, c'est qu'ils s'accordent tous dans une seule chose, qui est de se traiter d'hom nies trompés et trompeurs..... Mais, pour suit-il, si vos poëtes et vos philosophes n'ont pu vous donner les vrais principes de religion, à qui devez-vous recourir pour connaître enfin une science aussi importante? C'est aux prophètes qui ont été inspirés par la Divinité. Ceux-là ne doivent rien aux artifices du langage. Dans leurs écrits, nulle rivalité entre eux, nulle contention. Ils ne rendent leurs oracles que conformément aux impressions que leur communique le divin esprit dont ils sont les instruments, que pour révéler aux hommes les volontés du Seigneur et les secrets de la Providence. Aussi les entendez-vous parler uniformément de Dieu, de la création, de l'origine des choses, de l'immortalité de l'âme, du jugement qui nous attend après la vie, de toutes les vérités nécessaires à notre instruction. »

A leur tête il me Moïse et cite les témoignages qu'ont rendus à ses lumières et à ses talents les plus grands écrivains du paganisme. Il fait voir que Moïse a existé et écrit longtemps avant même que l'art d'écrire fût connu des Grecs; que sa doctrine n'était point ignorée des Egyptiens, et que c'est de ses livres que la plupart des auteurs païens ont emprunté ce qu'ils ont dit de plus sage sur Dieu et son culte; ce dont il rapporte beaucoup d'exemples, tirés de Pythagore, de Platon, d'Orphée, de Sophocle et d'Homère. Il fait voir que tous les prophètes qui ont existé après Moïse ont toujours enseigné les mêmes vérités, établi les mêmes principes et rendu témoignage à la même religion; et il conclut en disant aux païens: « Le seul parti qui vous reste à prendre est de conveir que ce n'est qu'à l'école des prophètes et des hommes divinement inspirés que vous pouvez sûrement vous instruire, et prendre DICTIONN. DE PATROLOGIE. III.

une juste connaissance de l'Etre suprême et de la véritable religion. »

Dans la seconde partie, sous le titre particulier de Discours aux Grecs, saint Justin justifie son changement de religion. C'est avec connaissance de cause qu'il a renoncé au paganisme, dont le culte ne lui présentait rien de saint, rien qui fût digne de la divine majesté; toutes les fictions des poëtes qui forment le fonds de la théologie du paganisme, n'étant que des monuments du délire et de l'impiété, et toutes les cérémonies établies en l'honneur de la divinité n'ayant pour but que de favoriser le luxe, la mollesse et tous les plaisirs des sens; ce qu'il prouve par une assez longue énumération. « Quelle école de morale était-ce, demande-t-il, que les exemples de ces dieux, consacrés par les chants de la poésie et par les hommages de toute l'antiquité? Répondez, O vous, habitants de cette Grèce si polie! Vous vous indignez contre votre fils, quand vous le voyez s'abandonner à de coupables excès votre Jupiter est-il moins coupable que lui? Vous répudiez votre femme quand

elle oublie ses devoirs : mais une Vénus a chez vous des temples. Si c'étaient d'autres qui vous parlassent ainsi, vous crieriez à l'outrage. Est-ce moi qui accuse vos dieux? Ne sont-ce pas plutôt et vos poëtes et vos historiens? Laissez donc là ces fables ridicules. Venez prendre part à la sagesse incomparable qui se puise à la source de la divine parole. Reconnaissez, non un Jupiter souillé de crimes, mais un Roi du ciel, incapable de corruption; dont les héros ne savent pas verser le sang des peuples, mais ne répandent que le leur propre; qui n'accorde point sa prédilection ni à la vigueur des membres et à la beauté des formes, mais à la scule beauté de l'âme, à l'innocence et à la vertu. O puissance toute céleste, qui, du moment où elle s'est rendue maitresse du cœur, y établit la paix, en chasse les passions! O doctrine toute divine, qui forme non des poëtes, des philosophes et des orateurs, mais qui de mortels nous fait devenir immortels, qui nous associe à la nature de Dieu lui-même, et qui de la terre nous élève dans le ciel! Voilà celle dont le charme secret m'a conduit à la doctrine nouvelle que je professe. Venez avec moi; apprenez ce que j'ai appris, et puisque j'ai été ce que vous êtes, ne désespérez pas d'être un jour ce que je suis. >>

Première Apologie. L'ouvrage qui fait le plus d'honneur à saint Justin et qui lui a valu le beau titre de docteur de l'Eglise, c'est sa grande Apologie que nous appelons ici la première, non-seulement parce que c'est le rang qu'elle occupe le plus habituellement dans la collection de ses œuvres, mais encore parce que dom Ceillier, et après lui Tricalet, nous semblent avoir prouvé péremptoirement qu'elle fut publiée avant l'autre. Il paraît qu'il l'écrivit à Rome, vers l'an 150 de Jésus-Christ; remarque importante pour notre tradition catholique, parce qu'elle prouve incontestablement que les

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