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verait, par une conséquence nécessaire, à faire disparaître la fiction inverse qui en est le corollaire, à savoir que le mariage est comme n'existant point, tant que n'est pas intervenue la cérémonie civile, fiction que nous venons de démontrer fausse. En effet, que le mariage soit jusque là sans valeur légale, je le veux; mais prétendre que cet acte de droit naturel par lequel les contractants se sont pris l'un l'autre pour époux, devenu un acte divin par la sanction religieuse, qui, selon toutes les croyances, doit le consacrer; prétendre, dis-je, que tout cela n'est rien aux yeux de la loi, ce n'est pas seulement une abstraction mensongère, c'est un malheur social; car sa conséquence inévitable c'est de faire dire, par une déplorable contradiction, selon qu'on se place au point de vue civil ou religieux, des mêmes personnes, qu'elles sont mariées et qu'elles ne le sont point; des mêmes enfants, qu'ils sont bâtards et qu'ils ne le sont point; de créer enfin cette contradiction des deux lois divine et humaine, ce qui aux yeux de tout homme sérieux ne peut être que la condamnation de la loi humaine, puisqu'après tout la loi divine lui est supérieure et ne doit pas se modifier au bon plaisir de celle-là.

Ainsi, pour nous résumer sur ce point, que la loi hu- · maine ne donne l'existence légale, c'est-à-dire ne revête des effets civils, qu'une union sérieuse, un véritable mariage, rien de plus juste; que pour cela elle s'entoure de certaines précautions telles que de faire constater l'existence du mariage religieux par un agent de l'autorité civile, ainsi que cela se pratique sans inconvénient en Angleterre, rien de plus facile encore; mais en même temps que la loi, par respect pour la vérité, ou tout au moins pour la liberté de croyance des contractants, ne feigne pas la non-existence de ce qui existe pour eux, fiction qui n'a d'égale que cette autre plus dangereuse encore, le lien conjugal existant en vertu de la seule déclaration de l'officier de l'état civil.

Mais les deux lois civile et religieuse une fois rendues à leurs justes termes, et la vérité des choses étant rétablie, la prohibition de la loi actuelle, en vertu de laquelle la célébration religieuse ne peut précéder la célébration civile du mariage, n'a plus de raison d'être : les conséquences de cette prohibition, dans l'état de choses présent, sont déplorables: deux personnes ont vécu en concubinage, l'une d'elles est à l'article de la mort et ne peut se séparer de l'autre; cepen

dant il faut pourvoir, tant aux intérêts de sa conscience qu'au sort de ses enfants; il n'y a pas d'autre moyen qu'un mariage dit in extremis; les deux parties y consentent; mais, pour qu'il puisse être contracté devant l'officier de l'état civil, il faut, en se reportant aux articles 63, 64 et 169 du code, un délai de onze jours et souvent un délai plus long. Dans cette situation, n'y aurait-il pas de la cruauté à défendre au ministre du culte de donner la bénédiction nnptiale? Aussi, tout prêtre qui connaît ses devoirs ne balancera-t-il pas un instant; il prêtera son ministère spirituel, dût-il être condamné plus tard comme coupable d'un attentat à l'ordre public.

Mais la loi civile, qui punit dans cette circonstance le ministre religieux, pour avoir rempli un devoir qui lui est commandé par la loi divine, commet certainement une injustice et une tyrannie. Cette prohibition a pu avoir, jusqu'à un certain point, sa raison d'être, lorsqu'au début de la nouvelle organisation du mariage, il importait de prémunir les ignorants contre la confusion des effets civils et religieux, encore possible à cette époque, par suite de la double qualité d'officier civil et de ministre du sacrement, qu'avait gardée le prêtre jusqu'en 1791. Mais aujourd'hui cette confusion n'est plus à redouter il n'est, en effet, personne qui ignore que le mariage religieux ne produit et ne peut produire d'effets civils: que résulte-t-il donc de cette défense? l'odieux pour la loi civile d'une contradiction flagrante à la loi religieuse, et son immixtion à un ordre d'idées pour lequel elle est incompétente. Pour éviter ce mal, il suffirait d'effacer les art. 199 et 200 du code pénal; on mettrait ainsi à l'aise, la conscience de ceux qui croient que le mariage religieux doit précéder le sacrement, et qui pourraient ainsi se conformer à leur croyance, sans gêner toutefois l'opinion de ceux qui pensent le contraire, et qui garderaient à leur gré l'ordre actuel des deux célébrations dans le premier cas seulement, il y aurait lieu de faire constater la réalité du mariage religieux antérieur, par un agent de l'autorité civile.

Une autre situation, conséquence inévitable de la liberté de conscience, est digne néanmoins de l'attention du législateur, parce qu'elle peut enfanter les plus graves inconvénients, et qu'il y a moyen de les prévenir sans atteinte aux principes qui en sont l'occasion. Aujourd'hui, les époux qui veulent subordonner l'efficacité de l'acte civil à la célé

bration religieuse, ne peuvent ie déclarer devant le magistrat; et si plus tard l'un des époux méconnaît sa promesse et refuse d'aller à l'autel, l'autre reste à la merci d'une telle déloyauté il subit malgré lui tout le poids d'un lien dont on ne veut pas accorder la consécration à sa croyance, et qui n'enchaîne pas moins sa liberté pour toujours; sa conscience ne le reconnaît pas, sa volonté ne peut le rompre.

Ainsi, le législateur refuse à la bonne foi des époux toute garantie contre de telles surprises, dont le scandale est malheureusement loin d'être sans exemple. Qui pourrait dire qu'un tel principe n'est pas aussi oppressif pour la liberté des contrats que blessant pour la foi des peuples et la dignité du mariage? On pourrait remédier à ce grave inconvénient, en prescrivant à l'officier de l'état civil, avant de procéder à la célébration civile, de demander aux futurs époux s'ils entendent faire consacrer, ou s'ils ont fait consacrer leur union devant les ministres de leurs religions respectives, et de constater dans l'acte leur réponse, sous les peines mentionnées à l'art. 193 du code pénal. Lorsque, la célébration religieuse n'ayant pas encore eu lieu, les époux répondraient affirmativement, l'obligation mutuelle de la vie commune, prescrite par l'art. 214 du code Napoléon, ne commencerait pour eux qu'après qu'il aurait été procédé à la cérémonie religieuse; et, dans le cas de non-cohabitation antérieure, un des époux refusant de procéder à cette cérémonie, le mariage civil pourrait être déclaré nul. Si, au contraire, la cohabita tion avait eu lieu déjà, le refus dont nous parlons serait de droit considéré sur la demande de l'autre époux comme une injure grave, donnant lieu à la séparation de corps.

Nous n'avons pas ici la prétention de faire un projet de loi: la nature de ce travail ne nous permet que d'effleurer en passant une des questions les plus brûlantes de notre législation: nous nous bornons à soumettre ces quelques idées qui ne nous semblent en rien contraires aux principes du droit civil, et qui laissent, d'ailleurs, sauve la liberté de conscience, puisque chacun restera toujours libre de s'expliquer et de refuser même toute célébration religieuse; mais chaque conjoint, par ce moyen, serait averti à temps des dispositions de l'autre époux, et, dans le cas de violation d'une promesse formelle, trouverait une protection assurée dans la loi et dans la justice.

Pour résumer en deux mots les réformes que nous semble provoquer la législation française sur le mariage, nous vou

drions qu'après la suppression des fictions légales qui, par une formule trop absolue du mariage civil, semblent faire résulter de lui seul le lien conjugal, la cérémonie religieuse pût indifféremment, au choix des parties, précéder la cérémonie civile. Dans tous les cas, nous voudrions voir l'intention des époux se manifester au moment même du contrat civil, au sujet de la consécration religieuse, et toute violation d'une promesse sur ce point amener, selon les distinctions que nous avons faites, soit la nullité du mariage, soit seulement la séparation de corps.

Entre les opinions extrêmes qui nous paraissent tourner dans un cercle vicieux, la sagesse nous a paru commander de tenir un langage avant tout modéré, et de ne demander, en fait de réformes sur notre législation du mariage, que ce qui semble être seulement possible au point de vue pratique! Nous ne nous faisons pas d'illusion sur la faible autorité de ces observations; nous serions heureux cependant si le temps et l'apaisement des passions qui poussent encore vers les solutions extrêmes, montraient un jour que ces idées sont de nature à prendre rang parmi les matériaux destinés à cette œuvre de reconstruction et d'amélioration sociale que nous entrevoyons dans l'avenir, et que nous appelons de nos vœux ! Dans les termes où nous la demandons, qui pourrait s'en effrayer? aux droits de qui cette réforme pourrait-elle porter alteinte? et cependant elle suffirait, nous le croyons, pour rendre au mariage dans la loi civile cette place d'honneur qu'il ya tenue pendant tant de siècles, et qui ne permettra plus de le confondre avec les contrats les plus vulgaires : alors malgré la respectueuse réserve de cette loi humaine, nous retrouverons dans le mariage français, comme nous le constations dans presque toutes les législations de l'Europe, cette institution fondée par Dieu lui-même à l'origine du monde, que le législateur humain peut bien réglementer, mais dont il ne peut altérer les principes ni les conditions essentielles; et une fois de plus, la loi civile aura rendu un solennel hommage à cette éternelle vérité : qu'il n'y a pas de droit contre le droit.

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Des mariages célébrés à l'étranger...

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