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Jésus-Christ se fait montrer la pièce de monnaie avec laquelle on payait le tribut; on lui présente un denier.

Alors il dit : « De qui est cette image et cette inscription? De César. - Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

A César, la monnaie marquée au coin de César et portant l'empreinte de ses traits. C'est chose terrestre après tout, voilà sa part et son domaine. Mais la part de Dieu, où est-elle ? Où est l'image de Dieu? L'Écriture ne nous l'apprend-elle pas en termes fort clairs? L'homme a été fait à l'image de Dieu, à sa ressemblance. Dès lors, plus d'équivoque, nous savons ce qui est dû à chacun des deux pouvoirs.

L'homme lui-même, avec son visage tourné vers le ciel, l'homme avec son âme immortelle capable de connaître et d'aimer un bien infini, voilà la part de Dieu. N'attendez pas que jamais Dieu s'en dessaisisse et l'abandonne à César.

CHAPITRE XV.

NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME PAR LE CONCOURS DES DEUX
POUVOIRS.

Il y a quelque audace, nous le savons, à aborder de front une question comme celle-ci, avec la résolution de ne transiger sur rien d'essentiel et de revendiquer pour l'Église tout ce qu'elle déclare lui appartenir, à l'exclusion de l'État, en vertu d'un droit indiscutable

et sacré.

C'est, d'abord, s'exposer à passer pour rétrograde, pour ennemi du progrès et des idées modernes, pour partisan attardé d'un ordre de choses impossible, se déclarer en hostilité ouverte avec son pays et avec son temps. Telle sera, j'en suis sûr, l'impression de beaucoup de lecteurs à première vue.

Je les conjure de suspendre leur jugement jusqu'à l'exposé complet de la cause. J'ai conscience d'aimer mon pays et de ne pas désespérer de mon siècle. C'est en avant que je regarde, non en arrière, et volontiers je prendrais pour devise le mot de l'Apôtre : Quæ quidem retro sunt obliviscens, ad ea vero quæ sunt priora extendens me ipsum. (Philip., ш, 13.)

D'autres me prendront pour un utopiste, et m'accuseront d'avoir soulevé une question peut-être insoluble, mais très-certainement délicate et inopportune au dernier point.

Qu'ils y réfléchissent pourtant. La question se pose d'elle-même, et il n'est pas si facile de l'éviter. N'y pas prendre garde, ce n'est ni la résoudre ni la supprimer. Elle est de celles qui appellent impérieusement une solution et sur lesquelles il y a péril à se mécompter. La société, la famille, reposant l'une et l'autre sur le fondement profond du pacte conjugal, ont un intérêt de premier ordre à ce que ce fondement soit solide et mis une bonne fois à l'abri de l'instabilité peu rassurante dont sont atteintes la plupart de nos institutions civiles et politiques. S'il est un remède à cette instabilité, en ce qui concerne le mariage, on ne saurait mettre trop d'insistance à le faire connaître, si faible que soit l'espoir de le faire accepter.

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Mais la question n'est pas mûre.

Qui sait?... Ce ne serait pas, la première fois que nous toucherions au but contre toute attente, et le Concile du Vatican est destiné, ce semble, à inaugurer, dans les idées et dans les faits, des changements bien autrement considérables.

Lorsque l'Église catholique, à la face du monde entier, aura de nouveau proclamé les grandes vérités déjà définies par le Concile de Trente; lorsqu'elle aura nommément insisté sur ce point que tout mariage contracté sans son aveu et contre ses règles est nul et de nulle valeur, tellement que le mariage civil n'est

qu'un concubinage déguisé; il sera bien difficile que les hommes de gouvernement, s'ils sont doués de quelque sens politique, ne songent pas à reviser des lois qui mettent parfois les catholiques eux-mêmes dan l'impossibilité, soit de légitimer une union illicite, soit d'en contracter une parfaitement légitime et valable aux yeux de l'Église.

Comment cela s'accomplira-il? Je n'en sais vraiment rien. Des deux pouvoirs qui sont en présence, lequel fera les premières avances, et jusqu'où les concessions iront-elles de part et d'autre? C'est ce que j'ignore également. Ce que je sais, - c'est qu'un nouvel accord se fera, ou que du moins on essayera de sortir du statu quo.

car cela est nécessaire,

Ceux qui ne veulent plus de concordats et qui mettent leur idéal dans la séparation absolue de l'Église et de l'État, n'y ont pas songé cette séparation, qui n'a jamais été complétement réalisée, est un état violent, presque chimérique, par la raison toute simple qu'il y a telles matières mixtes qui relèvent naturellement de deux pouvoirs indépendants et distincts l'un de l'autre, et dont ni l'Église ni l'État ne sauraient aucunement se désintéresser.

Eh! qu'y a-t-il de plus mixte que l'homme lui-même? Corps et âme, tenant de l'ange et de la brute, comme l'animal demandant sa subsistance au monde inférieur, mais aussi, comme une plante céleste qu'il est, selon le beau mot de Platon, plongeant ses racines dans l'infini pour y puiser une plus pure et plus noble vie. Le temps et l'espace ne mesurent pas l'horizon de sa pen

sée, et la meilleure part de lui-même survit à la ruine de son corps. Est-il donc étonnant que la religion, présidant à ses destinées immortelles, s'empare des circonstances les plus décisives de sa vie et les marque du sceau qui protége les choses saintes? Ainsi a-t-elle fait pour le mariage; nœud sacré, d'où sort, comme une tige nouvelle, la famille humaine; source des générations qui perpétuent notre race à travers le temps et au delà du temps; flambeau où s'allume la première étincelle d'une vie supérieure à celle de tous les autres êtres qui peuplent la terre, d'une vie qui, après une épreuve plus ou moins longue, doit trouver en Dieu sa consommation. L'Église, ou plutôt son divin fondateur, a fait du mariage un sacrement (1). Il en avait bien le droit peut-être. Mais en mettant ce contrat hors de pair et en le tirant de la condition des choses profanes, lui a-t-il enlevé ses propriétés civiles et sociales? Point du tout; la nature même des choses s'y opposait. La famille légitime, constituée par le mariage chrétien, étant restée, après comme avant la venue de Jésus-Christ, le premier élément et la base essentielle de la société civile, celle-ci n'a point entendu abdiquer sa part d'autorité sur un contrat sans lequel elle ne saurait subsister. Seulement elle a rencontré la limite de son pouvoir non-seulement dans les droits de l'individu, apanage naturel de toute créature humaine, mais encore dans les droits non moins in

(1) Sur l'indivisibilité du contrat et du sacrement nous nous sommes suffisamment expliqué dans le chapitre précédent.

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