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violables dont l'Église est investie par Jésus-Christ

lui-même.

Droit naturel, droit ecclésiastique, droit civil, voilà les trois éléments qui, sans se contrarier ni s'exclure, doivent présider à la formation du mariage et en régler les conditions dans une société chrétienne bien ordonnée.

C'est ce que saint Thomas, avec cette largeur de vue qui lui est propre, a parfaitement compris et nettement exprimé dans ses commentaires sur le Maître des Sentences. « Le mariage, a-t-il dit, en tant qu'il est une fonction de la nature, est régi par la loi naturelle; en tant qu'il est un sacrement, il est régi par le droit divin; en tant qu'il est une fonction sociale (officium communitatis), il est régi par la loi civile. » Et voilà pourquoi, ajoute-t-il aussitôt, du chef de chacune de ces lois une personne peut être rendue inhabile au mariage, et ideo ex qualibet dictarum legum potest aliqua persona effici ad matrimonium illegitima (1).

On voit d'ici la possibilité d'un conflit, supposé qu'il n'y ait pas subordination et parfait accord entre ces différentes lois. Point d'opposition, bien entendu, entre la loi naturelle et la loi ecclésiastique, la première ayant l'Église pour interprète infaillible et la seconde émanant directement de son autorité législative. Mais est-il impossible que la loi civile, en réglant les conditions du mariage, se mette en contradiction, soit avec la loi naturelle, soit surtout avec la loi ecclésiastique, et, dans ce dernier cas, qu'arrivera-t-il?

(1) In IV SENT., dist. xxxiv, q. I, art. 1, ad 4m.

Il arrivera ce qui arrive malheureusement trop souvent sous l'empire de notre Code civil français, au mépris de la liberté de conscience et du droit, reconnu à tout citoyen français, de vivre selon les lois de l'Église catholique. Telle personne sera, par la loi civile, déclarée inhabile à contracter mariage dans telles conditions, qui a rigoureusement ce droit, et d'après la loi naturelle et d'après la loi ecclésiastique; tandis que telle autre, toujours aux termes de la loi civile, se trouvera toute sa vie assujettie par un lien nul aux yeux de la conscience et réprouvé par l'Église. Que le cas soit fréquent, qu'il ne puisse être généralement évité par les âmes de bonne volonté, je ne le prétends pas, à Dieu ne plaise. Je n'ai garde d'exagérer à plaisir les imperfections de notre législation actuelle. Mais c'est trop encore que cela soit possible et quelquefois même inévitable. A ce mal il faut chercher un remède; on ne le trouvera bien évidemment que dans la bonne harmonie entre les deux législations ecclésiastique et civile.

L'Église, de son côté, tiendra compte de la législation civile, de l'état des mœurs, des exigences du temps; elle l'a toujours fait. Que l'État reconnaisse, à son tour, les droits de l'Église, ou du moins les droits des citoyens qui, fidèles à leur conscience, veulent observer les lois de l'Église dont ils sont membres. A tous les points de vue, il le doit. Saint Thomas, que nous citions tout à l'heure, nous rappelle fort à propos qu'il y a tel empêchement dirimant, sanctionné par l'Église, qui a son principe dans la loi civile : l'empê

chement de parenté légale (cognatio legalis), qui frappe de nullité le mariage entre le père adoptif et les enfants adoptifs à tous les degrés, et même entre les enfants naturels et les enfants adoptifs du même père, tant que subsiste le lien de la paternité adoptive. L'adoption elle-même est du domaine de la loi civile, et c'est encore la loi civile qui, par des motifs de moralité et de haute convenance faciles à comprendre, a commencé à interdire de pareilles unions. Mais la loi civile n'a pu, c'est encore saint Thomas qui le remarque, rendre ces unions illégitimes et nulles de plein droit; elle ne l'a pu de sa propre autorité, et il a fallu la sanction de l'Église pour que la parenté légale devînt un empêchement dirimant (1).

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(1) In IV SENT., dist. XLII, q. II, a. 11. « Respondeo dicendum quod lex divina illas personas præcipue a matrimonio exclusit, quas. necesse erat cohabitare, ne, ut, Rabbi Moyses dicit, si ad eas liceret carnalis copula, facilis pateret concupiscentiæ locus, ad quam reprimendam matrimonium est ordinatum : et quia filius adoptatus versatur in domo patris adoptantis sicut filius naturalis, ideo legibus humanis prohibitum est inter tales matrimonium contrahi; et talis prohibitio est per Ecclesiam approbata, et inde habetur quod legalis cognatio matrimonium impediat.... Ad quartum dicendum, quod prohibitio legis humanæ non sufficeret ad impedimentum matrimonii, nisi interveniret auctoritas Ecclesiæ, quæ idem etiam interdicit. »

CHAPITRE XVI.

ABROGATION DE DEUX ARTICLES DU CODE PÉNAL.

Il est donc nécessaire que la loi ecclésiastique et la loi civile aient, pour ainsi dire, l'œil l'une sur l'autre, afin de marcher du même pas et de ne pas mettre les citoyens, qui sont aussi des fidèles, dans la regrettable alternative où ils sont lorsque l'une des deux permet ou enjoint ce que défend l'autre. Il n'est ni bon ni juste qu'ils soient quelquefois forcés, pour régler leur conduite, de choisir entre leur qualité de Français et celle de chrétiens catholiques.

Bien évidemment, cette considération si légitime a exercé peu d'influence sur la rédaction de notre Code civil. Les législateurs de 1803 étaient de deux sortes. Les uns, anciens magistrats, jurisconsultes émérites, envisageaient cette grave et délicate question du mariage à travers tous les préjugés parlementaires dont ils étaient, même les meilleurs d'entre eux, profondément imbus. Leur théologie gallicane les mettait fort fort à l'aise pour composer de toutes pièces un nouveau titre du mariage, sans se mettre en peine du droit

ecclésiastique (1). Ñ'étaient-ils pas persuadés, de même que Pothier et Durand de Maillane,

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sans parler des le contrat de ma

riage, pouvant se séparer du sacrement, relève essentiellement de l'autorité du prince ou de la nation? D'après cette doctrine, il appartenait à l'État d'établir des empêchements dirimants et de donner des dispenses, dans les limites, bien entendu, du droit naturel qu'il avait charge d'interpréter et de faire passer dans le droit positif. Système insoutenable, nous l'avons vu, mais enfin généralement admis au XVIIIe siècle et favorisé par tous les gouvernements de l'Europe. Les autres rédacteurs du Code civil, le Premier Consul à leur tête, étaient des libres penseurs, disciples de Rousseau et même quelque peu de Voltaire. Il va sans dire que le droit canon les gênait encore moins. Ils se croyaient, comme législateurs, investis de tout pouvoir sur la pauvre humanité, regardaient le mariage comme un simple contrat civil, comparable aux contrats de vente

(1) V. Exposé des motifs du titre V, livre Ier. du Code civil, du mariage, par le conseiller d'État Portalis. (Motifs et Discours pro. noncés lors de la publication du Code civil, etc., t. I, p. 99. Paris, Didot, 1838.) Portalis néanmoins proclame une grande vérité, mais dont il ne tient pas assez compte : « Ce contrat n'est pas purement civil, quoiqu'en disent les jurisconsultes; il a son principe dans la nature, qui a daigné nous associer en ce point au grand ouvrage de la création; il est inspiré et souvent commandé par la nature même. » Plus loin il affirme que l'intervention de la religion dans le mariage est légitime. Parlant des dispenses, aux empêchements fondés sur le droit naturel, il ajoute sans beaucoup de logique : « Nous n'avons donc pas hésité d'attribuer au gouvernement le droit d'accorder ces dispenses, etc. >>

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