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blie par le Concile de Trente, S'il est un pays à l'égard duquel elle pouvait user de plus d'indulgence, c'est assurément l'Amérique du Nord, puisqu'il s'y trouve de vastes diocèses où jamais le décret en question n'a été promulgué et où d'ailleurs tout contribue à en rendre l'observation difficile. Aussi, en 1867, les Pères du deuxième concile plénier de Baltimore, désirant faire régner dans tous les États de l'Union une discipline uniforme, pensèrent que, par rapport au mariage, le régime antérieur au Concile de Trente devait être préféré, excepté dans la province ecclésiastique de la Nouvelle-Orléans (1). Mais cette décision ne fut point ratifiée à Rome, et le Saint-Siége, en la désapprouvant, donna suffisamment à entendre quelle réponse recevraient les évêques d'Europe si jamais ils lui adressaient la même demande.

Il n'y faut donc pas songer, cela est clair, et l'on peut tenir pour certain que l'Église fera respecter, autant qu'il est en elle, les lois qu'elle a établies en d'autres temps pour garantir au mariage la sainteté, la dignité de son institution première. Sur tout le reste elle se montrera, comme toujours, très-accommodante. On ne la verra pas s'attacher, par un vain formalisme, à des usages qui ont fait leur temps et perdu de nos

(1) Cum vero synodales postulassent, tit. V, co. Ix, no 867, ut in omnibus Provinciis Fœderatorum statuum, excepta Neo-Aurelianensi, impedimentum clandestinitatis ablatum declararetur, sanctissimus Pater postulationi huic minime censuit annuendum. III. Instruct. Congreg, de Prop. Fide, no 7. » (Concilii Baltimorensis II Acta et Decreta. Baltimore, 1868.)

jours leur raison d'être. Tout ce qu'elle peut abandonner aux pouvoirs politiques, elle l'abandonnera sans arrière-pensée, sans regret; et si elle repousse tout empiétement, elle se gardera bien d'empiéter elle-même sur un domaine qui ne lui appartient pas en propre et où elle ne se sent plus, comme autrefois, nécessaire. J'ai vu des gens d'esprit, et des plus instruits, trèspersuadés que le clergé français visait à la restauration d'un ordre de choses où il serait seul, comme avant 89, en possession de dresser les actes de l'état civil et d'en garder le dépôt.

Petite ambition que celle-là et peu digne d'un cœur sacerdotal. Des registres, des bureaux, du papier timbré, il s'agit bien de cela! Non, laissons à l'État, qui s'en acquitte si bien depuis trois quarts de siècle, le soin de choisir et de discipliner les fonctionnaires auxquels incombe ce service public. Cela est rigoureusement de la compétence de l'État, et si l'Église s'est autrefois chargée de cette tâche, c'est qu'il l'a bien fallu, à l'époque où être clerc et lettré c'était tout un.

Il est vrai que plusieurs projets de lois furent préparés, en ce sens, sous la Restauration et même dans les commencements du premier Empire. Dans un rapport, présenté à Napoléon en 1806, le ministre de la justice, après avoir constaté l'incapacité et la négligence d'un grand nombre d'administrateurs laïques, s'exprimait ainsi : « Quel parti prendre dans de telles circonstances? Un gouvernement sage, étranger à tout esprit de parti, et que les vues du bien public seules dirigent, ne doit se décider que par les moyens qui

remplissent d'une manière plus parfaite son objet. Peu lui importe que ce soient des prêtres ou des laïques qui exécutent ses intentions, pourvu qu'elles soient remplies. Il ne reste donc qu'à examiner qui, des curés et des desservants ou des maires, est plus propre à tenir les registres de l'état civil d'une manière conforme aux vues que la loi a eues en les établissant. Il me semble qu'on ne peut guère balancer à se décider en faveur des premiers. Ils ont pour eux d'abord l'avantage de l'invention et la nécessité de tenir des registres exacts par des considérations religieuses (1). »

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L'avantage de l'invention! » Soit, l'Église le possède en cette matière et en d'autres, les universités, par exemple, les bibliothèques, etc., dont elle ne revendique pourtant pas le monopole. Quant à moi, je l'avoue, j'attacherais peu de prix à cette restauration de surface, qui accroîtrait la charge des pasteurs, sans grand profit pour les fidèles. Mais je ne ferais pas si bon marché d'une autre invention, toute divine cellelà, qui tient au fond et à l'essence des choses. Cette invention n'est autre que le sacrement, le lien indissoluble du mariage, dont Dieu lui-même s'est déclaré l'auteur et qu'il a défendu à l'homme de rompre sous quelque prétexte que ce soit. L'Église en est la gardienne, et seule elle a reçu de Jésus-Christ une pleine autorité, législative et judiciaire, à l'effet de statuer sur les conditions essentielles, sur la validité, sur l'intégrité du contrat et du sacrement de mariage.

(1) Cité par M. de Bonald, Discours politiques, t. II, p. 210.

Ce que nous pensons du mariage civil, réglé par le Code et soumis à une juridiction toute laïque, on le comprend assez par cela seul ; et nous ne pouvons nous le dissimuler, c'est ici surtout que nous avons affaire à forte partie et qu'il nous faut lutter contre le cours général des idées et des choses. Combien d'hommes, en France, croiraient la liberté sérieusement en péril, s'il était question d'abolir le mariage civil! Tant nous sommes accoutumés, dès l'enfance, à ne reconnaître la liberté que sous l'uniforme, et, si j'ose dire, sous les couleurs de 89.

Cependant, un peuple voisin, chez qui la liberté civile et politique est un peu plus robuste et mieux enracinée que chez nous, connaît à peine le mariage civil et ne le rend obligatoire pour personne. Oui, dans la libre Angleterre, pour le protestant comme pour le catholique, la voie commune est toujours celle des ancêtres; et, bien que le mariage civil soit aussi autorisé depuis 1820, on continue à se marier de préférence au temple et à l'église. Le registrar assiste au mariage avec les témoins; il dresse les actes, il tient les registres, mais c'est tout; ce n'est pas lui qui cimente l'union entre les époux, à moins qu'on ne veuille, chose assez rare, se passer de toute cérémonie religieuse (1).

Au Canada, c'est mieux encore. En devenant sujets de la Grande-Bretagne, les anciens colons français ont stipulé le maintien de leurs libertés civiles et religieu

(1) Le Play, Réforme sociale, 3° édition, t. III, p. 85; - Colfavru, Du mariage en Angleterre, etc., p. 44.

ses, tellement qu'ils sont encore régis par les lois et coutumes qui étaient en vigueur au moment de la conquête. Aux termes de la capitulation de Québec, signée quatre jours après la mort de l'héroïque Montcalm (14 septembre 1759), le libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine est garanti à tous les habitants du bas Canada; et la capitulation de Montréal (11 septembre 1760) porte encore plus expressément : « Le libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine subsistera en son entier, en sorte que tous les États et le peuple des villes et des campagnes, lieux et postes éloignés, pourront continuer de s'assembler dans les églises et de fréquenter les sacrements comme ci-devant, sans être inquiétés en aucune manière, directement ou indirectement. >> Ces clauses ont été ratifiées par le traité de Paris (10 février 1763), et, malgré quelques restrictions, malgré des violences passagères, suites inévitables de la victoire, toujours est-il que la population française de cette vaste et fertile contrée ne s'est jamais vu sérieusement contester ses droits. On nous l'a dit bien des fois, c'est là qu'il faut aller si l'on veut voir comme une épave de la vieille France, de la France de Henri IV et de saint Vincent de Paul, échappée, par une rare fortune, au cataclysme révolutionnaire. Un digne prêtre, curé d'une des paroisses d'Alger, arrivant du Canada, où il avait vivement intéressé les fils des anciens colons français au sort de notre indigente et affamée colonie d'Afrique, les mains pleines des dons de la charité et le cœur débordant de reconnaissance, n'hé

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