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toire; on travaillait sur un texte dont le premier projet datait de la Convention et qui était digne d'une telle origine; si le Conseil d'État voyait siéger dans son sein des jurisconsultes aux mœurs graves et aux principes austères, tels que Portalis, Tronchet et Maleville, il s'y trouvait aussi des hommes à tout faire, républicains de la veille et courtisans du lendemain. Ce n'étaient certes pas des législateurs inflexibles sur les principes que les Cambacérès, les Treilhard, les Réal, et l'on a déjà vu avec quelle édifiante docilité celui-ci se prêtait à traduire simplement la pensée du Premier Consul. Enfin le Premier Consul lui-même, qui voyait de loin, songeait dès lors au divorce; c'était sur le divorce qu'il fondait l'avenir de sa future dynastie, et les contemporains nous représentent l'infortunée Joséphine suivant avec anxiété les discussions du Conseil d'État, d'où allait sortir l'arrêt de sa destinée. Ce fut, en effet, le divorce qui prévalut et la loi entière, quoi d'étonnant? --- a dû se ressentir de cette regrettable et profonde atteinte infligée à l'indissolubilité du mariage.

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A la Restauration, il n'y eut qu'une voix pour revenir aux saines traditions du droit chrétien; on résolut de rendre à l'union matrimoniale sa sainteté première, à la famille sa stabilité, son honneur. On crut sans doute faire quelque chose de grand et frapper les imaginations en opérant cette réforme par ces seuls mots : « Le divorce est aboli» (loi du 8 mai 1816). Ainsi le titre VI du Code civil était supprimé d'un trait de plume, le titre V restant tout entier le même. Étrange illusion du législateur de 1816 de croire qu'à l'aide

d'un seul changement, si considérable qu'il fût, il allait effacer les erreurs du passé et donner pleine satisfaction à la conscience catholique. Son imprévoyance égalait sa bonne volonté. La législation de 1803, ainsi remaniée, malgré son imposante symétrie, trahissait encore son origine; l'édifice péchait par la base.

CHAPITRE V.

DISCUSSION ENTRE MM. BATBIE ET DUVERGER.

Nous avons repoussé une jurisprudence favorable, en un certain sens, à notre cause, parce que cette jurisprudence ne tendait à rien moins qu'à exclure de la loi, par une interprétation subtile et peu sûre, ce qui doit en faire le fonds inviolable et sacré, le principe de l'indissolubilité du mariage.

Qu'on veuille bien se rappeler d'où nous sommes parti d'un cas qui n'a rien d'imaginaire et qui a été diversement résolu par les tribunaux et par les légistes. Une jeune personne a épousé à la mairie un homme qu'elle a cru catholique, ou du moins assez accommodant en matière de religion pour vouloir bien ratifier devant le prêtre cet engagement purement civil. Mais celui-ci s'y refuse contre toute attente. Le mariage estil valable? Oui, dit Marcadé, mais il peut être annulé par le juge faisant application de l'article 180. y a erreur sur la personne.

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A nos yeux, ceci est tout à fait inadmissible; ce se

rait le renversement de tous les principes sur l'indis

solubilité du mariage, sur les causes de nullité et sur la nature même du pouvoir judiciaire, qui a pour fonction unique de déclarer le droit et d'être l'interprète et l'organe de la loi. Jamais, sous l'empire de l'ancien droit, aucun juge, soit ecclésiastique, soit séculier, n'a pensé qu'il lui appartînt de casser un mariage.

La doctrine si étrange et si nouvelle de l'annulation du mariage, empruntée par Marcadé à Zachariæ, trahit son origine protestante, et les catholiques auraient grand tort, n'importe pour quel motif, de la mettre chez nous en honneur et en crédit.

M. Batbie, qui repousse comme nous cette solution, y voit une nouvelle preuve de l'imperfection de la loi et un exemple frappant des tortures que les juriscon sultes lui infligent pour la rendre un peu moins oppressive. « Le vice de ces dispositions est tellement sensible, dit-il à ce sujet, que des jurisconsultes d'un incontestable mérite, par exemple M. Marcadé et M. Bressolles, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, ont décidé que le refus de procéder à la célébration religieuse, constitue un cas de nullité pour erreur sur la personne, cas prévu par l'article 180 du Code Napoléon. C'est encore un tour de force qui démontre l'insuffisance de la loi. Au lieu de torturer ainsi le sens des textes, rentrons dans la vérité et dans la simplicité Simplicitatem legibus amicam. Reconnaissons qu'il n'y a là ni cause de nullité, ni cause de séparation de corps, et qu'il y a simplement motif de modifier une loi qui, par une réaction exagérée en fa

veur de la liberté de conscience, a blessé cette liberté même (1).

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Ni cause de séparation, ni cause de nullité, tel est le dernier mot de M. Batbie; la nécessité de modifier une loi injuste et oppressive est donc évidente. Cette conclusion sera-t-elle facilement admise par les légistes de profession? On ne pouvait s'y attendre, et, de bonne foi, il nous semble que M. Batbie va un peu trop vite en besogne, qu'il est trop prompt à abandonner le texte de la loi et que, par une crainte excessive de le torturer, il n'en sait pas tirer tout le parti possible.

Voilà précisément ce qu'a fort habilement démontré M. Duverger, professeur de Code Napoléon à la Faculté de Paris, dans un écrit où il soutient que si le refus de célébration religieuse n'est pas une cause de nullité, c'est une cause légitime de séparation; jurisprudence qui a du moins l'avantage de n'être en aucune façon paradoxale et d'avoir été une ou deux fois appliquée par les tribunaux. Assurément, cette dernière solution n'est pas aussi tranchée que celle de Marcadé; elle laisse beaucoup à désirer, puisque la personne séparée ne rentre pas en possession de toute sa liberté et qu'un nouveau mariage lui est interdit. Le résultat, au total, n'est pas triomphant, mais il est légal.

Il me semble, quant à moi, que M. Duverger, en opposant à son collègue un pareil système de défense, est parfaitement en règle avec les textes et avec la logique. C'est bien quelque chose.

(1) Révision du Code Nap léon, p. 3, note.

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