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sens de l'article 214 du Code civil, encore bien que l'auteur de l'attentat soit décédé, si d'ailleurs il est reconnu que cette habitation, devant rappeler à chaque instant des souvenirs qu'il est dans l'intérêt des deux parties d'effacer autant que possible, pouvait réveiller des impressions nuisibles à la santé de la femme (aff. de Pontalba). » M. Troplong approuve cette décision. (Commentaire du titre du contrat de mariage, t. I, n° 58 et note 4.)

Mais on objectera peut-être la doctrine de MM. Aubry et Rau? Ces éminents professeurs enseignent que « le juge ne peut, sous aucun prétexte, dispenser la femme non séparée de corps du devoir d'habiter avec son mari; qu'il peut seulement, tout en la condamnant à l'accomplissement de ce devoir, ordonner, s'il y a lieu, qu'elle n'y sera contrainte que lorsqu'on lui offrira un logement convenable à sa position.

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« Pour moi,» répond M. Duverger, « ces derniers mots, un logement convenable à sa position, ne sauraient signifier le seul cas où le juge puisse dispenser la femme, non séparée de corps, de suivre son mari au domicile conjugal, est celui où le logement du mari n'est pas matériellement en rapport avec la position des époux. Quoi! la loi aurait permis au juge d'écouter la femme qui ne veut pas être mal logée, et lui aurait défendu d'écouter celle qui ne veut pas être déshonorée! Jamais cette interprétation ne prévaudrait devant la justice française.

«

Mais ce n'est pas imposer le déshonneur à la femme que de la forcer à cohabiter après le mariage

civil, avant le mariage religieux! Vous n'avez pas le droit, tant que la loi ne subordonnera pas la formation du lien à la bénédiction nuptiale, de juger au point de vue religieux la question d'honneur et de dignité. ll- J'espère démontrer, réplique M. Duverger, « que la loi a entendu sauvegarder les droits religieux de la femme. En attendant, j'ai du moins le droit de juger la question d'honneur et de dignité d'après l'opinion des honnêtes gens, d'après ce que la loi appelle les bonnes mœurs dans les articles 6, 1133, 1172 du Code Napoléon. » Dans nos mœurs, tout imprégnées de respect pour la religion, une femme satisfait à l'opinion non moins qu'à sa conscience lorsqu'elle refuse de reconnaître pour légitime et honnête l'union que les bénédictions de l'Église n'ont pas con

sacrée.

L'article 214, fait encore observer le savant professeur, autorise la femme à refuser de suivre son mari dans une habitation qui ne serait pas en rapport avec la position des époux. La femme n'est pas obligée de sacrifier, sur ce point, ses convenances particulières à la bizarrerie ou à l'avarice de son mari. Partant de là, M. Duverger s'adresse en ces termes à son honorable collègue : « Vous accusez la loi d'avoir permis « l'oppression » du conjoint trompé dont les convictions religieuses s'opposent à la cohabitation avant la bénédiction nuptiale. De deux choses l'une ou vous oubliez que l'article 214 protége la liberté de la femme, ou Vous pensez que cette disposition défend, il est vrai, d'opprimer la femme en logeant dans une mansarde

celle qui peut et qui veut habiter un hôtel, mais qu'elle permet d'opprimer la femme qui ne veut pas renoncer à ses convictions religieuses! Telle ne peut être la loi française. Elle n'est pas faite contre le droit ; ce qui serait si quelqu'un de ceux qu'elle régit, homme, femme ou enfant, pouvait être déshonoré au opprimé en vertu de ses dispositions.

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M. Duverger ajoute ici une réflexion à laquelle nous ne pouvons qu'applaudir. Nous craignons fort toutefois que quelques-uns de ses collègues, à cheval sur la légalité, ne trouvent que c'est beaucoup forcer le sens de l'article 244, dont les termes, invoqués par lui, s'appliquent exclusivement à la femmes. «Il va de soi, ditil, que la dignité et la liberté doivent être protégées chez l'homme comme chez la femme. Le mari pourrait donc refuser de recevoir la femme qui ne voudrait plus demander à l'Église la consécration du mariage. Qu'on pardonne aux exigences de la logique l'hypothèse d'une femme infidèle à sa religion. »>

Enfin il se croit autorisé à conclure avec M. CoinDelisle « Tous les magistrats, tous sans exception, en obéissant à leur conscience judiciaire, protégeront la femme, empêcheront le rapt prétendu légal et permettront à la femme de résider chez ses parents jusqu'à ce que cette fougue tyrannique s'évanouisse par la réflexion. >>

A tout cela, que répond M. Batbie? Peu de chose en vérité. Il réclame des textes précis et formels où les droits de la femme, en pareil cas, soient expressément garantis. «Montrez-moi, dit-il, une disposition qui

tienne un compte quelconque de la célébration religieuse. >>>

Nous trouvons avec M. Duverger que c'est être étrangement esclave de la lettre. Quoi! au lieu de protéger sa femme, comme c'est son devoir, le mari lui fait subir ce que vous regardez vous-même comme une cruelle oppression, et parce que la loi n'a pas énoncé ce cas en particulier, non-seulement vous fermez l'oreille aux réclamations de la victime, mais vous vous rangez du côté du persécuteur et vous lui prêtez main-forte! Voilà des scrupules que je ne comprends pas et qui rendent odieux et absurde le rôle du magistrat, obligé de prononcer contre sa raison et sa conscience.« Montrez-moi,» dit à son tour M. Duverger, <«< une disposition qui autorise la femme à remplir ses devoirs religieux malgré la défense formelle que lui en a faite son mari; citez un texte qui donne à la femme malade, mourante peut-être, le droit de recevoir dans la maison conjugale, malgré son mari, le prêtre qui lui apporte les sacrements! Vous ne trouverez pas dans le Code d'autres textes applicables que les articles 213 et 214. Et cependant s'il se rencontrait un mari capable d'interdire l'entrée de sa maison au ministre de la religion appelé par sa femme mourante, vous-même, mon cher collègue, juge des référés, vous ordonneriez sur minute, je ne puis le mettre en doute, d'introduire le prêtre auprès de la femme malgré le mari. »:

Et là-dessus il s'élève avec chaleur contre cette manie de demander des textes et toujours des textes pour reconnaître les droits les plus évidents, les plus pro

fondément empreints dans la conscience, les droits qui font partie de l'esprit de la loi si elle est juste, si elle est, comme elle doit l'être, l'expression du droit naturel. Il rappelle ces grands principes proclamés par Portalis lui-même devant le Corps législatif, au moment où il proposait à son examen et à sa sanction le projet du Code Napoléon: «<- Que l'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit, d'établir des principes féconds en conséquences.... que c'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application; de là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois et sous la surveillance du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s'accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation. >>

-

que

En ceci, Portalis voyait juste, beaucoup plus juste que Napoléon qui, comme nous l'avons dit en commençant cette étude, prétendait tout renfermer dans la lettre de son Code et rendre désormais inutile tout autre «<< supplément de législation. » Il n'a malheureusement que trop réussi, par sa rigoureuse codification, à supprimer cette grande et libérale jurisprudence qui s'inspire non-seulement de la loi écrite, mais encore des données du droit éternel, de ce que les anciens appelaient: lex insita, non scripta. Que de

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