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Maintenant, nous le demandons, qu'importait, dans un pareil état de choses, l'inaliénabilité du fonds dotal?

Déjà les biens des décurions, ceux composant le pécule des colons, ceux donnés en emphytéose, ne pouvaient être vendus sans le consentement du judex', du patron' ou du propriétaire 3.

Que fesait une entrave de plus parmi tant d'entraves, et que pouvait être, pour ces biens sans valeur, et possédés à titre précaire, ce besoin de circulation qui rend nos économistes si impatients de l'aliénabilité dotale?

Ajoutons à cela que cette aliénabilité n'était pas alors ce qu'elle est aujourd'hui.

Ainsi, quand le bien dotal avait été vendu durant le mariage, si la femme décédait la première, et si le prix de la dot avait profité au mari, l'aliénation ne pouvait être révoquée. Elle ne pouvait l'être non plus, même au cas où la femme survivait, si le mari lui avait fait un legs pour lui tenir lieu de son bien dotal 5.

Enfin, d'après le droit des Novelles, l'aliénation était encore valable quand la femme l'avait approuvée, et que, deux ans après, elle avait réitéré son consentement, pourvu toutefois que les biens du mari fussent suffisants pour répondre de la dot 6.

D'un autre côté encore, les priviléges de la dot n'e

l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et ayant pour titre : Histoire de la propriété foncière en Occident.

L. 1er, cod. De Præd. Decur. sin decret. non alien.

2 L. C. In quib, caus, col.

3 L. 3, C. De jure emphyt.

4 L. 17, ff. De fund. dot.

5 L. 77, § 5, ff. De leg. Pandectes de P. Potier, lib. 23,

tit. 5.

6 Novel. 61.

taient donnés qu'à la femme elle-même, et ne passaient point à ses héritiers 1.

Le régime dotal du Code civil ne connaît, ni ces distinctions, ni ces restrictions; et, sauf quelques rares exceptions dont nous avons parlé plus haut, non seulement la femme qui s'y est soumise, ou ses héritiers, peuvent, après la dissolution du mariage, faire révoquer l'aliénation du fonds dotal consentie pendant sa durée, mais le mari peut demander aussi cette révocation, et alors même que le mariage dure encore 3.

Ce serait donc bien à tort qu'on voudrait se prévaloir du régime dotal de Justinien pour défendre celui du Code civil. Ils diffèrent tout à la fois, et par les principes qui les constituent l'un et l'autre, et par les effets qu'ils produisent.

Il y a plus, et nous verrons au paragraphe suivantqu'en même temps que Justinien apportait au régime dotal romain sa dernière sanction par l'inaliénabilité absolue des biens de l'épouse, il fesait subir à ce même régime une modification capitale, en consacrant la plus complète assimilation entre la dot apportée par la femme au mari, et une donation à cause de noces, faite par le mari à la femme.

§ IV.

DU DERNIER ÉTAT DE LA LÉGISLATION ROMAINE SUR LA PUISSANCE PATERNELLE, LA PUISSANCE MARITALE ET

LES STATUTS MATRIMONIAUX.

Devenue capitale de l'empire, Constantinople avait conservé le nom et le fantôme des institutions romaines;

1 L. unic., cod. De priv. dot., nov. 61 et 91.

2 Voir la note 4 de la page 32.

3 Art. 1560 du Code civil.

mais, en réalité, les hommes, les choses, les idées, tout était changé.

Le christianisme avait, suivant l'expression du prophète, renouvelé la face de la terre, et une révolution complète s'était opérée dans les lois aussi bien que dans les croyances et dans les mœurs'.

Nous ne nous occuperons de cette révolution qu'autant qu'elle concerne l'objet de nos recherches, et encore sera-ce à pas très rapides que nous mesurerons la distance qui sépare l'époque à laquelle la femme esclave de l'homme, chose de l'homme, était achetée et vendue par lui comme un objet de son commerce, et celle où, élevée à sa dignité, elle pouvait traiter avec lui d'égale à égal.

Toutefois, avant de parler de la puissance du mari, nous avons quelques mots à dire de celle du père ; car ces deux pouvoirs ont toujours eu, entre eux, une étroite liaison, et nous avons vu que c'est dans la puissance paternelle que la manus avait trouvé autrefois son principe et son origine, le mari prenant sur la femme achetée les droits du père qui l'avait vendue.

Depuis long-temps, à l'époque à laquelle nous sommes arrivés, les pères n'avaient plus droit de vie et de mort sur leurs enfants.

Sous Trajan, un père avait été contraint à libérer son fils de sa puissance, parce qu'il l'avait traité inhumainement, contra pietatem. Sous Adrien, un père qui avait tué son fils à la chasse, parce qu'il s'était rendu coupable d'adultère avec sa belle-mère, fut condamné à la déportation3.

' Il faut lire, sur ce sujet, un excellent article de M. Ch. Poubaër, inséré dans le neuvième vol. de la Revue de Législation, et ayant pour titre Influence du Christianisme sur le droit.

L. 5, digest. Si à parent. quis manumiss. sit.

3 L. 5, digest. De lege Pompeia de parricidiis.

Alexandre Sévère écrivait à un père « votre puissance paternelle vous donne le droit de châtier votre fils, et, s'il persévère dans sa conduite, vous pouvez, recourant à un moyen plus sévère, le traduire devant le président de la province, qui prononcera contre lui la punition que vous demanderez'. » Enfin, on trouve au code une constitution de Constantin, qui condamne aux horribles peines du parricide le père qui aurait tué son enfant.

Le droit que les pères s'étaient arrogé de vendre leurs enfants avait également subi d'importantes modifications. Au temps du jurisconsulte Paul, il fallait, pour qu'il s'exerçát, que le père y fût contraint par la misère et le besoin de se procurer des aliments. Contemplatione extremæ necessitatis aut alimentarum gratia 2. Constantin voulut, de plus, que la vente se fit au moment de la naissance, quand les enfants étaient sanguinolentes3; et Justinien, en fesant inscrire au code la constitution de Constantin, conserva ce dernier droit encore si barbare.

L'abandon des enfants par leur père, en réparation du dommage qu'ils avaient causé, subsistait encore au temps de Paul, mais pour les fils seulement; et, au temps de Justinien, il était entièrement tombé en désuétude 5.

Voilà pour les personnes; quant aux biens, les fils de famille n'avaient, sous la république, que leur pécule profectice, composé de biens, dont le père leur laissait précairement et par tolérance l'administration et l'usage, mais qui ne cessaient point de lui appartenir. Ils commencèrent, sous les premiers empereurs, à jouir de tous les

'L. 3, cod. De patriæ potestate.

Sent., lib. 5, tit. 1o, § 1.

3 L. 2, cod. De patrib. qui filias suas distrax.

4 Sentent., lib. 2, tit. 31, $9.

5 Inst., lib. 4, tit. 8, § 7.

droits de la propriété sur les biens qu'ils avaient acquis aux armées, et qui formaient ce qu'on appelait leur pécule castrans; filiifamilias, disait une loi devenue un axiome, in cartrensi peculio, vice patrumfamiliarum fungantur1.

Plus tard, et à l'imitation du pécule castrans, on leur accorda les mêmes droits sur d'autres biens qui leur formèrent aussi un pécule appelé par Constantin : quasi-castrense, et dans lequel cet empereur fit entrer tout ce que les officiers du palais gagnaient pendant leurs fonctions 2. Ce pécule quasi-castrans, fut, par la suite, successivement étendu à beaucoup d'autres professions, et, enfin, le même Constantin institua un quatrième pécule, le pécule adventice (peculium adventitium), qui se composait de tous les biens recueillis par les fils de famille dans la succession de leur mère, soit par testament, soit ab intestat. Le père n'acquérait sur ce pécule qu'un droit d'usufruit; la propriété restait au fils 3.

Ce pécule adventice fut ensuite étendu, par Arcadius et Honorius, à tout ce qui provenait au fils de famille, de ses ascendants maternels, puis par Théodose et Valentinien, à tout ce qui était donné par un époux à l'autre 5, et, enfin, par Justinien, à tout ce que le fils de famille acquérait par une cause quelconque, sauf ce qui lui provenait des biens. de son père.

Ainsi, sous Justinien, les fils de famille ont la pleine propriété de leurs pécules castrans et quasi-castrans. Ils ont la nue propriété de leur pécule adventice; enfin, ils conservent l'administration et la jouissance du pécule profectice.

L. 2, digest. De senat. macedoniano.

2 L. unic., cod. De cast. omn. palat. pecul.

3 L. 1, cod.: De bonis maternis.

4 L. 2,

5

id.

L. 1, cod. De bonis quæ lib. in potest. pat., etc ...

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