Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

donc, partout où règne la polygamie, une multitude d'empêchements pour la femme de jamais se libérer de l'état d'avilissement que lui imposent des mœurs barbares. Aussi longtemps que la loi ne reconnaît pas en elle un être doué de capacité civile, il lui est impossible de revendiquer dans la famille des droits quelconques de propriété. Elle ne peut, dès lors, avoir des biens propres soustraits à l'administration du mari1; elle peut encore moins participer à une propriété commune, qui présuppose toujours une certaine égalité de droits. L'égalité des deux sexes est une idée totalement étrangère aux peuples polygames, la polygamie reposant sur le principe fondamental que l'homme seul est maître, et que la femme n'existe que pour le servir. La communauté des biens est impossible sous un tel régime; on ne la trouve, par conséquent, chez aucun des peuples dont les mœurs permettent à l'homme de vivre conjugalement avec plusieurs femmes.

CHAPITRE II.

LA FEMME OBTIENT DES BIENS PROPRES.
ORIGINE DE LA DOT.

L'histoire nous apprend que ce fut chez les Grecs, et, parmi eux, chez les Athéniens que se développa l'idée d'une personnalité libre. Il fut réservé aux mœurs de la société grecque de montrer pour la première fois au monde la femme comme reconnue capable de droits dans la sphère de la famille. L'indépendance et la capacité civile accordées à l'épouse par les lois et les institutions grecques relatives à la famille, quoique, sans doute, bien rudimentaires et bien peu développées, indiquent, du moins, le degré supérieur de culture auquel les Grecs étaient arrivés en comparaison de l'Orient. Le mariage grec était monogame, fait qui annonce, dès l'abord, une idée plus pure de

« Ehe, eine Veräusserung angenommen. Beim Kaufe ist es die Wahre, bei << der Ehe, das genitale arvum mulieris, le champ génital de la femme. »> 1 Gans, ut s., I, p. 142, montre que, quoiqu'il existe dans le droit du Talmud des traces d'une dot pour la femme mariée, la constitution de la dot n'est pas une coutume appartenant à ce droit, mais qu'elle est empruntée à la législation grecque.

2 Cf. Gans, ut suprà, I, p. 295 et suiv.

l'union conjugale. C'est seulement sous le régime de la monogamie qu'il est possible à la femme de se faire reconnaître par l'homme comme un être indépendant, participant avec lui à des droits dans la sphère de la famille.

La forme de la conclusion du mariage chez les anciens Athéuiens était essentiellement différente des coutumes suivies par les peuples de l'Orient. Le mariage, comme on l'a vu plus haut, se réduisait en général, chez ces derniers, à un achat pur et simple, prouvant qu'ils ne voyaient dans les femmes que des choses, et non des êtres placés avec eux sur le même échelon social. La femme attique était au contraire, après des fiançailles solennelles (y), remise par ses parents à son époux futur. Son gardien légal (xuptos), son père ou l'un de ses agnats, était tenu, par la loi, de lui constituer une dot potě, pepvý (dos) 1. Cette dot, qui se stipulait par écrit, en présence de témoins, la femme l'emportait avec elle dans le domicile conjugal. L'époux en avait l'administration, afin d'en employer les revenus aux dépenses du ménage. La femme était ordinairement nantie, pour le montant de sa dot, d'une hypothèque sur tous les biens du mari (àñotíμŋpz) 2. La dot (po) était, avec les fiançailles, la condition absolue du mariage légal'; elle légitimait l'état de la femme comme épouse, et lui conférait la capacité civile dans la sphère de la famille. L'épouse était distinguée, par la dot, des concubines du mari. Ces dernières n'avaient pas de dot, elles étaient achetées, et leur condition se trouvait, par ce fait, inférieure à tous égards à celle de l'épouse légitime.

Ainsi, dans la monogamie grecque, l'épouse était placée à côté de son mari, mais ni comme son égale, ni comme faisant un seul être moral avec lui. Cette position isolée était aussi ré

1 Voyez, en outre, Meier und Schömann: Der attische Process. Halle, 1824 (ouvrage couronné), p. 415-17, et Platner: Der Process und die Klagen bei den Attikern. Darmstad, 1825, II, p. 252-53.

[ocr errors]

2 Cf. Meier und Schömann, u. s., p. 419, et Platner, u. s., p. 263. paraît avoir été statué avec le temps, que l'homme acquérait effectivement, à la conclusion du mariage, la dot de la femme, moyennant l'obligation de lui constituer, pour le cas de la dissolution du mariage, une donatio propter nuptias (¿vtigépvn); voir Gans, u. s., I, p. 308.

3 Cr. Platner, u. s., p. 260, et Gans, u. s., p. 302.

La monogamie grecque permettait à l'homme marié l'usage de concubines (παλλακές).

glée et définie par le régime des biens conjugaux. L'épouse avait sa propriété privée, sa pot, placée sous l'administration maritale. Quant à d'autres biens éventuels (apápeрv), elle en avait la disposition absolue. A la dissolution du mariage, la veuve, ou les héritiers de la femme pouvaient revendiquer la πрo, ou sa valeur, si la poi avait été dissipée, et toute créance de ce genre était privilégiée. A part cela, la femme n'avait aucun droit sur les biens de la masse. Les acquêts faits pendant le mariage appartenaient à l'homme. Ainsi, la communauté des biens entre époux a été, pour les Grecs comme pour les Orientaux1, une chose totalement étrangère à leurs mœurs et à leurs idées 2.

CHAPITRE III.

DU RÉGIME DOTAL CHEZ LES ROMAINS.

Chez les Romains, dont les lois ont exercé une si vaste et si profonde influence sur la plupart des législations européennes, on cherche en vain des traces d'une communauté de biens entre époux. Pour le régime des biens conjugaux, le droit romain ne connaissait que deux alternatives: dans la première, le mari jouissait de ces biens, à titre exclusif de propriété; dans la seconde, les époux avaient chacun des biens propres. Le premier cas était une conséquence nécessaire de la sujétion de la femme, le second une suite de son entière indépendance. Ces deux extrêmes mettent le droit romain dans une opposition marquée avec les législations où le régime des biens conjugaux est basé sur une communauté plus ou moins étendue. Ce qui caractérise le droit matrimonial des Romains, c'est justement l'absence de toute communauté de biens entre époux. Cette absence doit

1 La communauté des biens n'a jamais existé chez les Hébreux, et, selon le droit mosaïco-rabbinique encore en vigueur, tous les acquêts de la femme pendant le mariage, sont considérés comme appartenant au mari. Cf. Fassel: Das mosaisch rabbinische Civilrecht. Vienne, 1852, I, p. 54-55. 2 Cf. Meier und Schöman, ut s., p. 419: « Aus dem Gesagten ergiebt « sich, dass in Athen keine Gütergemeinschaft zwischen Eheleuten gegeben, « dass das Eigenthum an der Mitgift nur der Frau und deren xùpics zuge« standen habe, dem Manne aber nur der Niessbrauch derselben zugekommen sei. »>

Les jurisconsultes romains définissaient, il est vrai, le mariage dans les

son origine tant à l'organisation politique de la famille1, particulière à la vie sociale de l'ancienne Rome, qu'aux rapports légaux tout particuliers résultant de la forme des mariages connus chez les Romains.

Le principe sur lequel reposait l'organisation de la famille romaine n'était pas, comme chez nous et chez nos ancêtres, le lien du sang, mais la puissance paternelle, patria potestas. L'ancien droit romain voyait dans la famille une agrégation d'individus n'ayant de signification civile que dans leurs rapports avec le chef de famille, leur représentant et leur maître absolu. La famille était donc composée de tous ceux qui, en vertu de rapports naturels, ou par le vœu de la loi, étaient placés sous la même patria potestas, quelle que fût du reste leur origine 2. La capacité civile de tous les membres de la famille était comme concentrée chez le paterfamilias; lui seul, jouissant d'une indépendance absolue (sui juris), possédait des droits par luimême, tandis que les autres n'en avaient que par lui. Il exerçait un pouvoir absolu sur tous les membres de la famille, et le daminium sur tout ce que ceux-ci pouvaient acquérir.

Une nécessité politique, dont le développement n'appartient pas à notre sujet, exigeant donc dans la Rome républicaine la puissance absolue du chef de famille, il en résultait, par une conséquence naturelle, que la femme ne pouvait revendiquer des biens propres. Sa personne, subordonnée par la naissance ou par l'adoption à la puissance du chef de famille (in potestate patrisfamilias), et ne pouvant, dès lors, être capable de droits

termes suivants : « Conjunctio maris et feminæ, consortium omnis vitæ, a divini et humani juris communicatio » (fr. 1. D. De ritu nupt., 23, 2), mais ils n'admettent toutefois pas que la communicatio juris s'étendit aux biens des époux.

1 Cf. Ed. Laboulaye : Histoire du droit de propriété foncière en Occident. Paris, 1839 (Mémoire couronné), p. 165, et les Recherches du même auteur sur la condition civile et politique des femmes. Paris, 1843 (Mémoire couronné), p. 12 et 31.

2 Fr. 195, § 2. D., De verb. sign. (50, 16) : « Jure proprio familiam dicimus plures personas, quæ sunt sub unius potestate, aut natura aut jure a subjectæ, » etc.

3 Gaius: Comment., I, § 55 (éd. Boëcking. Bonn, 1850, p. 17): « Fere << enim nulli alii sunt homines qui talem in filios suos habent potestatem « qualem nos habemus. >>

que médiatement, par lui, il n'existait aucune raison d'admettre qu'elle pût, comme épouse, obtenir des droits plus étendus.

Le mariage (connubium, justæ nuptiae) reconnu chez les anciens, Romains entre un citoyen romain (civis romanus) et une citoyenne romaine, était une monogamie pure1. Mais la société romaine connaissait deux espèces de mariage, amenant chacune entre les deux époux un régime des biens essentiellement différent. Nous ne pouvons omettre d'en parler, pour montrer que les rapports légaux des époux étaient, dans les deux cas, de nature à ne permettre aucune communauté.

3

La première était le mariage rigoureux 2, consacré par la confarréation (sacrifice avec le panis farreus, en présence de témoins, et avec des cérémonies religieuses obligatoires), ou par la coemptio (achat symbolique), ou enfin uniquement par l'usus, dès que la femme n'avait pas passé trois nuits (trinoctium), l'année durant, hors du domicile conjugal, ce qui aurait

1 La monogamie romaine était, dans son idée, plus pure que la monogamie grecque. Car, tandis que les mœurs grecques permettent à l'homme d'avoir, outre une épouse, plusieurs concubines, les mœurs romaines répugnaient à la cohabitation simultanée du mari avec son épouse et des concubines. Paulus: Sent. receptæ, II, 20, 1 (dans le Jus civile antejustinianeum. Berlin, 1815, I, p. 123) : « Eo tempore, quo quis uxorem habet, concubinam « habere non potest; » L. un. Cod. (5, 26), De concub.: « Nemini licentia « concedatur constante matrimonio concubinam penes se habere. »

2 Cf. Ginonihiac: Histoire du régime dotal, p. 53-65; Wolowski: De la société conjugale (Revue de législation et de jurisprudence, 1852), p. 14. 3 Gaius: Comment., I, § 112 (p. 32). « Farreo in manum, conveniunt per « quoddam genus sacrificii... in quo farreus panis adhibetur; unde etiam « confarreatio dicitur, sed complura præterea hujus juris ordinandi gratia a cum certis et sollennibus verbis, presentibus decem testibus aguntur et a fiunt. Quod jus etiam nostris temporibus in usu est. » Ulpiani: Fragmenta, 9 (Jus civile antej., I, p. 31). — Cf. Gans: Scholien zum Gaius. Berlin, 1821, p. 145. Rossbach Untersuchungen über die Römische Ehe. Stuttgart, 1853, p. 100-128.

[ocr errors]

• Gaius: Comment., I, § 113 (p. 33). « Coemptione in manum conveniunt « per mancipationem, id est per quandam imaginariam venditionem, adhi« bitis non minus quam V testibus, civibus Romanis puberibus, item libri« pendi. » — Cf. Gans, ut s., p. 147-48; - Rossbach, ut s., p. 66-95.

5 Gaius: Comment., I, § 111 (p. 32). « Usu in manum conveniebat quæ « anno continuo nupta perseverabat; quæ enim velut annua possessione << usu capiebatur, in familiam viri transiebat, filiæque locum obtinebat. » -Cf. Gans, ut s., p. 143-45; — Rossbach, ut s., p. 147-61.

« ZurückWeiter »