Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

du fiancé n'était autre chose qu'un témoignage d'estime envers la fiancée, indiquant en même temps le devoir futur1 de cette dernière de partager avec son époux les joies et les peines de la vie. Il ne faut pas donner trop d'importance au texte de Tacite, mais plutôt s'en tenir aux expressions des plus anciennes sources du droit que l'écriture nous ait conservées, les Leges Barbarorum. Elles montrent avec une pleine évidence que le prix d'achat ne revenait pas, dans le principe, à la fiancée elle-même, mais à ses sponsores. Cette circonstance appuie sans doute l'opinion d'un véritable achat, mais elle ne constitue pas une preuve absolue. On peut, au reste, se faire l'opinion que l'on voudra sur le pretium nuptiale, on peut admettre que la somme stipulée était originairement considérée par l'esprit rude des tribus barbares comme une véritable somme d'achat, et la stipulation ellemême comme une stipulation d'achat; ce qui est certain, c'est que de très-bonne heure le nom et la forme seuls restèrent.

1 Germ.. chap. XVIII: « Dotem non uxor marito, sed uxori maritus « offert. Intersunt parentes et propinqui ac munera probant. Munera non <ad delicias muliebres quæsita, nec quibus nova nupta comatur, sed boves

et frenatum equum et scutum cum framea gladioque. In hæc munera a uxor accipitur, atque invicem ipsa armorum aliquid viro affert. Hoc << maximum vinculum, hæc arcana sacra, hos conjugales deos arbitrantur. Ne se mulier extra virtutum cogitationes, extraque bellorum casus < putet, ipsis matrimonii auspiciis admonetur, venire se bellorum periculorumque sociam, idem in pace, idem in prælio, passuram ausuramque. a Hoc juncti boves, hoc paratus equus, hoc data arma denuntiant. » — Ce passage a été l'objet d'interprétations divergentes. Cf. J. Grimm : Deutsche Rechtsalterthümer. Gottingue, 1828, p. 423-24, et Eckardt: Das Witthum (Zeitschrift für deutsches Recht, X, p. 437-38).

2 Laferrière Histoire du droit, etc., III, p. 156, admet qu'au temps de Charlemagne, un véritable achat de la fiancée avait lieu chez les Saxons : L'achat, dit-il, dans toute sa rudesse, se retrouve encore dans la loi des Saxons, rédigée sous Charlemagne, vers l'an 804 « Uxorem ducturus « CCC solidos det parentibus ejus. » Konigswarter (Revue de législation et de jurisprudence), XXXIV (1849), p. 159, est du même avis: « La loi saxonne contient le principe de l'achat dans sa crudité primitive; la femme y est réellement achetée, et le prix payé aux parents. » Mais on pourrait avec toute raison objecter que le montant élevé de la somme, déjà fixé par la loi, paraît indiquer que la signification d'un achat réel ne s'y trouve plus. Car dès que les parties contractantes n'ont plus la liberté de fixer elles-mêmes le prix, il ne faut plus penser à un achat proprement dit. Il est possible, toutefois, que le montant fixé dans la loi saxonne ne soit qu'un maximum. Cf. cependant Gaupp, ut s., p. 218.

L'influence du christianisme sur l'adoucissement des mœurs y dut contribuer pour une très-grande part'. Le fait que la somme d'achat fut plus tard fixée au sou et au denier (solido et denario), comme c'était l'usage chez les Francs Saliens, montre évidemment que l'achat était devenu une simple formalité, et la somme d'achat un symbole ".

Cette somme fournie par le mari apparaît dans les Lois des Barbares sous différents noms, tels que pretium emtionis3, pre

1 J. Grimm, ut s., p. 124 : « Preis und Gabe, vermuthe ich, waren anfangs dasselbe; als das christenthum den schluss der ehe von andern < bestimmungen abhängig machte, fing die idee des kaufs an zu weichen ; a das pretium verschwand oder wurde sogar verboten. »>

2 C'était le cas chez les Francs Saliens à l'époque où la loi salique fut rédigée (la dernière rédaction est du temps de Charlemagne. Voir DavoudOgblou : Histoire de la législation des anciens Germains, I, p. 455 et suiv.). Lorsqu'un homme épousait une veuve, il ne devait payer que : « III solidos a et I denarium. » Cette somme symbolique d'achat, qui échéait à la famille du premier mari, est nommée dans la loi salique, XLVII, « reipus. » Grimm, ut s., p. 425, donne à ce mot l'étymologie suivante: « Es kann < nicht anders sein als unser reif, goth. raips, ags. ráp, altn. reip (= sué« dois rep, corde); die bedeutung ist funis, lorum, restis, vinculum...; ◄ dann könnte reipus im allgemeinen band ausdrücken, wodurch das verlöbniss gefestigt, die braut gebunden wird. » — Leo: die Malbergische Glosse, Halle, 1843, II, p. 128-30, déclare ce mot d'origine celtique, ajoutant Nicht das Kraufgeld heisst ursprünglich reibus, sondern das Ver«hältniss, welches abgekauft wird. » Cf. Waitz: Das alte Recht der Salischen Franken, Kiel, 1846, p. 111-112 et 292, et en outre Davoud-Ogblou, I, 554-59). Quand un homme épousait une fille vierge, il ne payait, à titre de somme symbolique d'achat, qu'un sou et un denier (solidum et denarium). Cf. Pardessus : Loi salique, Paris, 1843, p. 668. Laferrière Histoire du droit, etc., p. 156-57; Gans: Das Warnkönig, ut s., II, p. 234. Erbrecht, IV, p. 55-56, nie, au contraire, que le reipus et le payement du sou et du denier aient été un simple symbole, disant : « Dass der Kaufpreis « hier bloss symbolisch gewesen sey lässt sich nicht annehmen. Denn « ein symbolischer Kauf setzt schon eine hohe Bildung, die Abstreifung « des natürlichen und das Beibehalten desselben als Erinnerung und als « Hintergrund voraus. » — Konigswarter, ut s., p. 163-64, est du même avis. Les raisons que donne Pardessus pour l'admission d'un achat symbolique, nous paraissent toutefois plus probables.

[ocr errors]

3 Lex Saxonum, VII, 3. Voir plus haut, note 1, p. 34.

tium nuptiale1, Wittemon2, meta3, (methfio) mundium*, reipus*, dos. La précision avec laquelle les lois statuent à cet égard, montrent suffisamment que le pretium nuptiale, ou quelque autre dénomination que l'on donnât à cette formalité, était une con, dition essentielle du mariage légal. Cette somme, que le prétendant était dans l'obligation de fournir, dut assurément échoir dans. le principe au père de la fiancée ou à son sponsor, tandis qu'elle n'en recevait qu'une faible part. Tel fut, selon toute

1 Lex Burgundionum, LXI.

2 lbid., LXIX-LXXXVI, 2; add. I, 14; Kraut, ut s., p. 303, note 11, fait dériver le mot witlemon de wetten, pacisci, spondere; mais cette dérivation ne nous paraît pas admissible. — Il nous semble plus probable que ce mot est apparenté au scandinave viper (contra) et mundr (donum), quoique nous n'osious décider dans cette question.

3 Edictum Rotharis, CLXVII, CLXXVIII, CLXXXII, etc. Voici l'explication que donne Grimm, ut s., p. 422, du mot meta, methium ; « Mêta ist « das abd. mieta, mietscaz, agls. med, medsceat, d.h. munus, merces, præ« mium. » — Le pretium nuptiale est cependant aussi nommé mundium (Ed. Rotharis, CLXXXIII, CCXVII; Leg. Luitprandi, CXXVI). On peut donc se demander si la mela (methium) des Lombards n'est pas une contraction de mundium, auquel se rattache le scandinave mundr (munus sponsalitium). Grimm, ut s., p. 449, note *, ne paraît pas vouloir reconnaître de liaison entre meta et mundium, mundr. Mais elle est admise comme certaine par Ibre: Glossarium Sveo-Gothicum. Upsaliæ, 1769, II, p. 205, el Thorlacius: Om det gamle Nordiske Lovsprog (Kgl. Danske Videnskabernes Selskabs Skrifter. Copenhague, 1793, IV, p. 190). Elle nous parait très-probable, mais il faut laisser aux philologues la solution de cette question sujette à débats. Quelques codices ont aussi métfio pour meta. Davoud-Oghlou, ut s., II, p. 57, émet pour cette cause l'hypothèse suivante: « Ce mot (meta) pourrait bien être corrompu du mot metfio, c'est-à-dire de fio, aujourd'hui en allemand Vieh, bétail, argent, comme le mot pecunia, et de met, mit, avec, c'est-à-dire les biens que la femme aura avec elle. » Mais cette interprétation est assurément erronée.

Voir la note précédente. Grimm, ut s., nie que le mot mundium pris dans le sens de payement, se rencontre dans plus d'un passage (Ed. Roth., CLXXXIII) de la loi des Lombards. Le fait est qu'on le trouve encore dans deux autres.

[merged small][ocr errors][merged small]

que ce qui est nommé dos porte, dans d'autres passages de la même loi,

la dénomination de pretium filiæ.

7 Cf. Ginoulhiac, ut s., p. 199.

8 Cf. Grimm, ut s., p. 423;

ut s., p. 668.

[blocks in formation]

apparence, le cas aussi longtemps que le sponsor eut à décider seul du mariage de la femme. Mais à mesure que des mœurs moins rudes exigèrent que la femme elle-même donnât son consentement, elle participa, sans doute, de plus en plus au pretium nuptiale. Quelques Lois des Barbares montrent déjà que la fiancée recevait de la sorte une partie de la somme stipulée', et qu'enfin elle l'obtint tout entière à titre de don nuptial. C'est ce que prouvent évidemment les Lois des Lombards, d'après lesquelles la meta constituait dans le principe un prix d'achat, mais reçut dans la suite la signification de présent, remis sans l'intervention d'un tiers par le fiancé à la fiancée.

Enfin toute mention de prix nuptial disparaît, et l'on ne voit plus (Lois des Allemands et des Francs Ripuaires 3) qu'une dot (dos, dos legitima *) donnée sans intermédiaire par le mari à son

1 Cf. Kraut, ut s., I, p. 305; Davoud-Oghlou, ut s., I, p. 409. Une comparaison entre les chap. LXVI, 1, 2, et LXXXVI, 2, 3, de la loi des Bourguignons, montre que dans certains cas la femme recevait un tiers du Wittemon. Cf. Gans, ut s., IV, p. 34; Laboulaye Condition des femmes, p. 115. — Kraut, I, p. 306, remarque avec raison, à ce qu'il nous semble, dass bei den Burgundern der Vater und der Bruder nicht zur Abgabe eines bestimten Theils des Wittemon an der Braut verpflichtet waren, « sondern es ihrer Liberalität überlassen wurde, wie viel sie geben woll«ten, während man für entferntere Verwandte in dieser Beziehung we«nigstens in späteren Zeiten, ein gesetzliches Gebot für nothwendig hielt.> 2 La collection des lois lombardes se compose de l'Edictum Rotharis, rédigé en 643, sous le règne du roi ROTHARIS; des Leges Grimoaldi (an 668); des Leges Luitprandi (années 712-135); des Leges Rachis (an 745), et des Leges Astulphi (an 749). - Cf. Davoud-Oghlou, II, p. 7 et suiv. 3 Ed. Rotharis, CLXXVIII : « Meta quæ exacta fuerit, sit in potestate « puellæ aut mulieris. » Leg. Luitprandi, LXXXVIII: « Si quis conjugæ < suæ metam dare voluerit, etc. D

↳ La Lex Alamannorum, est considérée avoir été rédigée par écrit au commencement du huitième siècle. Voir Davoud-Oghlou, I, p. 304.

:

LV, 1 « Si quis liber mortuus fuerit, et reliquit uxorem sine filiis gaut filiabus..., sequatur eam dotis (dos) legitima, etc. » LVI, 1.

5 XXXVII: « Si autem per seriem scripturarum ei nihil contulerit... « quinquaginta solidos in dotem recipiat. »

6 Bluntschli, Rechts-u. Staatsgeschichte Zürichs. Zurich, 1838, I, p. 104, remarque « Ob darin (die dos legitima) der Kaufpreis zu suchen sey, « welchen der Mann dem Vater der Braut zu entrichten hatte, der durch « die Sitte dann aber dieser überlassen worden wäre, oder ob ein solcher «Kaufpreis noch daneben vorgekommen, wage ich nicht zu entscheiden. a Doch scheint mir das letztere warscheinlicher. Aber so viel ist gewiss, « dass diese Brautgabe der Frau gehörte. »

épouse: Quoique cette dénomination de dot fût romaine, elle avait pourtant une tout autre signification que chez les Romains. Dès que s'introduisit l'usage de concéder à la fiancée une partie, puis la totalité de la somme stipulée, l'idée d'achat dut peu à peu disparaître pour s'éteindre enfin totalement. On trouva sans doute plus convenable de fixer à la femme une certaine somme par une convention directe lors des fiançailles, plutôt que de lui préparer le même avantage par un détour. Ces conventions avaient lieu, soit verbalement, par une tradition symbolique1, soit par écrit (per libellum dotis). La dot barbare devint dès lors une condition tout aussi nécessaire du mariage légal, que l'étaient jadis le pretium nuptiale et la dot romaine 3. Quant à la somme, dès qu'un contrat ne l'avait pas fixée, les lois la statuaient, mais n'établissaient assez souvent qu'un maximum. Il semble que l'on soit toutefois parti du principe que la grandeur de la dot devait se proportionner à la famille, la position sociale ou la fortune du mari". De même que la meta des Lombards devint, de prix nuptial qu'elle était dans des temps antérieurs, un don immédiat en faveur de la fiancée, de même la dot (dos, dos legitima) constituée de la sorte par le mari en faveur de son épouse, est, quoique placée sous l'administration du mari, la propriété de la première. A la mort de la femme,

1 Une tradition symbolique de ce genre était en usage chez les Francs, a per festucam et andelangum. » Plusieurs des formules dites de Lindenbrog (Formula Lindenbrogii, du neuvième au onzième siècle) en donnent des exemples (voir Form. LXXV) (chez Walter, III, p. 434). — Cf. Pardessus : Loi salique, p. 669. Pour l'explication de la tradition symbolique « per a festucam et andelangum, » ainsi que pour l'étymologie du mot « andelang, » voir Grimm, p. 196-99.

2 Loi Ripuaire, XXXVII, 1 a Tabularum seu chartarum instrumenta. » Les Formules de Marculfe, II, 15, et celles de Lindenbrog, LXXV, contiennent le formulaire du libellus dotis.

3 Laboulaye Condition des femmes, p. 119 : « On appliqua à la dos germanique les principes qui régissaient la dos romaine; le douaire fut une condition du mariage légitime, comme l'avait été la dot. » Ginoulhiac, ut s., p. 197.

Lex Ripuariorum, XXXVII, 2. Voir plus haut, note 5 (2o alin.), p. 263. Lex Alamannorum, LV, 2 · « Dotis legitima autem quadraginta solidis constat, etc.»- Cf. Pardessus, ut s., p. 683; Warnkönig, ut s., II, p. 255. 5 Lex Bajuvariorum, VII, 14 : « Mulieri autem dotem suam secundum a genealogiam suam solvat legitime. » Lex Wisigothorum, III, 1, 5.

--

« ZurückWeiter »