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de communauté. Il nous paraît toutefois évident que ce que disent à ce sujet les Lois des Barbares, n'exprime pas un simple gain de survie, mais un droit réel existant pour la femme, pendant le mariage, à une quote-part idéale dans le fruit de la collaboration des deux époux, et dans le revenu de leurs propres, quoique cette part ne fût détachée de la masse qu'à la dissolution du mariage'. Ce que nous venons d'avancer ici, est prouvé, selon nous, par les circonstances suivantes : d'un côté, la Loi des Wisigoths statue en termes clairs et précis que tant la femme que l'homme ont part aux acquêts dans la proportion de leurs apports, et que tous les deux peuvent léguer leur part à leurs héritiers respectifs, ou en disposer d'autre manière 2; de l'autre côté, les Formules de Marculfe montrent que, même chez les Francs, la femme avait le droit de disposer, par testament, pendant le mariage, de sa part (tertia) dans la collaboration,

simple de succession « durch Erbtitel, » lorsqu'elle survivait à son mari. A la même opinion se rattache Eichhorn, l. c., § 297. — Mittermaier, l. c., II, §§ 383 et 408, énonce une opinion identique : « Wenn auch schon in < einigen alten Volksrechten die Errungenschafft erwähnt wird, so deuten « diese Stellen nicht auf eine Güter gemeinschaft, oder ein Miteigenthum der « Ehefrau an errungenen Gütern, sondern nur dass an den erst während ader Ehe erworbenen Gütern... die Ehefrau Erbrechte erhalten könnte « oder erhielt. »

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1 Kraut: Die Vormundschaft, II, p. 377-84, a prouvé, selon nous, d'une manière satisfaisante que la femme « schon während der Ehe, das Eigenathum an einem Theil der Errungenschaft erhielt. » Klimrath, Travaux sur l'histoire du droit français, Paris, 1843, I, p. 373-74, admet qu'une communauté véritable existait du moins chez les Visigoths. — Odier, l. c., II. p. 18 et 36, partage la même opinion: « Aussi, la plupart des lois barbares, rédigées aux huitième et neuvième siècles, assurèrent-elles à la femme une part dans tous les gains et acquets résultant de la collaboration commune et de l'administration du mari. » Ginoulhiac, l. c., p. 224-30 et 324-25, pense de même que, d'après la Loi des Saxons et des Francs Ripuaires, ainsi que d'après les Formules de Marculfe et les Capitulaires, la femme avail le a droit de participation ou de collaboration, » et que a la condition de survie n'était pas exigée. »

2 Voir plus haut.

3 Formules de Marculfe, II, 7 ; « Charta interdonationis inter viro et fe« mina de eorum res. » Il s'agit ici d'un testament mutuel entre époux, an bénéfice de celui d'entre eux qui survivra à l'autre, «ne in posterum ab « heredibus eorum vel a quocunque possit convelli; » vient ensuite : « Similiter et ego illa....... si mihi in hune sæculum suprestis fueris, dono tibi omni corpore facultatis meæ.. tam de hereditate parentum, quam de

même dans le cas où le mari lui survivrait. Or, une disposition testamentaire, destinée à subsister en dépit des exceptions des héritiers, n'aurait assurément pu avoir lieu, si pendant le mariage la femme n'avait eu qu'un droit éventuel de succession, ou un droit de survie, et non un droit réel de propriété. Si l'on ne peut nier que déjà, pendant le mariage, la femme n'ait eu, comme le mari, un droit de propriété sur certains biens, savoir les acquêts', on ne pourra, non plus, contester que l'origine de la communauté des biens entre époux ne se trouve déjà dans les Lois Barbares 2. Il serait, en outre, infiniment plus naturel d'ad

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a comparatum vel quod pariter laboravimus, et quod in tertia mea accepi... « Absque repetitione heredum meorum... habeas potestatum. » Append. Marculfi, 40: « ... Quantumcunque a die presente in jam dicta loca visa « sum tenere vel possidere quod manente conjugio apud jugale meo illo visa « sum conquisisse, vel in mea portione recepi....... in jure ipsius Monasterii... « trado, etc. » — Cf. Formula Longobardicæ, 20: « Qualiter vidua Salica « spondetur... O Fabi, da Senece vadimonium ut faciat Semproniam, quae « defensione Senece regitur, jure tuo securitatem scripturalem et tertie « portionis omnium rerum quas nunc habes, vel adquisitionis, etc. »— -Ginoulliac, l. c., p. 227, cite de la Chronique de Frédégaire, à l'égard de la succession du roi Dagobert, un passage dans lequel il est dit que la veuve de ce monarque reçul a tertiam partem de omnibus quæ Dagobertus rex « acquisierat postquam Nanthildis regina regnare cœperat. »

1 Les acquêts portent dans ces lois les noms de collaborata, acquisita ou conquisita. Cette dernière dénomination a porté Laferrière (Histoire, elc., III, p. 166-70) à une interprétation sans doute trop hasardée. Il croit que les conquisita font allusion à la conquête des Gaules par les tribus germaines. Dans l'invasion par des tribus entières, dit-il, et quand les familles transportaient leurs foyers sur le sol conquis, comment les Barbares et leurs femmes pouvaient-ils acquérir ensemble? - Evidemment par le résultat de la conquête; et ce motif explique complétement les dispositions de la loi Ripuaire et des autres lois germaniques. » — Cf. l'article du même auteur: Esprit du droit germanique (Revue de droit français et étranger, 1847, p. 866). Klimrath, l. c., p. 129, avait fait, en 1836, une remarque contre cette interprétation de Laferrière, donnée déjà dans son ouvrage antérieur sur l'histoire du droit français. Mais dans une édition plus récente de cet ouvrage, Laferrière n'avait pas voulu reconnaître qu'il eût commis une erreur. Il persiste dans son opinion, pour laquelle il émet diverses raisons qui, toutefois, ne nous semblent pas probantes.

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2 Nous pouvons, avec une satisfaction véritable, mentionner à cet égard que Konigswarter, dans sou Histoire de l'organisation de la famille en France, ouvrage couronné par l'Institut, et publié à la même époque que la première édition suédoise de ce présent Traité, est arrivé tout à fait aux mêmes résultats que nous, savoir que le commencement de la communauté

mettre que la part de la femme dans le produit de la collaboration des époux, ainsi que dans le revenu de leurs propres, lui était dévolue sur les bases d'un droit effectif de propriété, plutôt qu'en vertu d'un droit de succession qui ne dépendait pas de la communauté du sang. On sait que, d'après la règle, c'est justement le lien du sang qui, dans la législation germanique, constitue le droit de succession. Un droit de succession pour la femme, à la mort de l'époux, paraîtrait plutôt une institution de droit romain 1, laquelle, toutefois, n'a pas dû être inconnue aux rédacteurs des Lois Barbares 2. Une circonstance méritant aussi une attention spéciale, quoiqu'elle ne fournisse pas de preuve directe, c'est le fait que la communauté des biens s'est, dans le cours du moyen âge, développée en Allemagne et en Hollande, et qu'elle est encore en vigueur dans ces contrées, que régissaient jadis le droit Westphalien et le droit Franc3. Il en est de même en France, dans la partie du pays (France du Nord) où ce dernier droit a été en vigueur; et enfin, le régime de la communauté a réussi à se maintenir même en Espagne et en Portugal, malgré l'influence que le droit romain a dû exercer sur le développement des institutions juridiques de ces deux États.

Ni Pardessus, ni Laferrière 5 ne veulent reconnaître de preuve convaincante aux Formules de Marculfe pour la solution do la question. Mais lorsque ces illustres savants n'ont cru trouver qu'un gain de survie et de viduité dans la tertia pars collabora

se trouve déjà dans les Lois barbares. Il dit, p. 135 : « De même que la dot germanique et le don du matin se sont transformés en douaire, de même les avantages nuptiaux que nous venons de décrire, ont été l'origine de la communauté conjugale, non-seulement en France, mais dans tous les pays romano-germaniques. » — Cf. l'article du même auteur, Etudes historiques sur le droit civil français (Revue de législation et de jurisprudence, XVII, 1843, p. 414).

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1 Cf. Novelles 53, 6; 117, 5.

2 Lex Bajuvariorum, XIV, 6, et Lex Burgundionum, LXII, 1, 2. Savigny, Geschichte d. Röm. Rechts im mittelatter, II, p. 84, admet que cette disposition est tirée du droit romain.- Laboulaye : Condition des femmes, p. 151-52, considère aussi la disposition, IV, 2, 11, de la Loi des Visigoths comme étant d'origine romaine.

3 Cf. Gaupp, l. c., p. 184.

Loi salique, p. 676.

5 Histoire du droit, etc., III, p. 164-66.

tionis dont parlent la Loi Ripuaire, XXXVII, 2, et le Capitulaire de Louis le Débonnaire (IV, chap. Ix), on peut, avec toute raison, objecter à cela que, si le but de cette disposition ne concernait qu'un gain éventuel pour la femme, dans le cas où elle stirvivrait à son mari, ce but aurait été manqué à plus d'un égard. L'expérience ne démontre que trop souvent qu'il n'est pas toujours facile de faire des épargnes pendant le mariage. On aurait donc veillé bien mal aux intérêts de la veuve, si le but avait été d'assurer son avenir par cette part1. Par contre, la Loi des Burgondes et celle des Bavarois font sans doute allusion à un gain de survie véritable, lorsque la première statue que la veuve aura l'usufruit du tiers des biens du mari, et que la seconde lui accorde, dans la masse, une part égale à celle d'un fils.

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CHAPITRE III.

LA COMMUNAUTÉ DES BIENS D'APRÈS LE DROIT ALLEMAND.

Nous avons trouvé plus haut dans quelques-unes des Lois Barbares, les premières traces d'une participation de la femme aux acquêts. Ces rudiments d'un régime de communauté semblent s'être successivement transformés, pendant le moyen âge, en une communauté des biens plus développée. Quant à l'Allemagne, dont nous nous occuperons en premier lieu, on admet que l'idée d'une communauté des biens meubles n'a pas été inconnue au Miroir de Saxe (Sachsenspiegel -"), collection des cou

1 Cf. Kraut., l. c., II, p. 381.

2 Voir plus haut, note 2, p. 277.—La Lex Burgundionum, nommée aussi Lex Gundebada, et, en français, Loi Gombette, est considérée, par Davoud-Ogblou, Histoire de la législation des anciens Germains, I, 387-96, comme ayant été rédigée dans les années 470-516, sous le règne du roi Gondebaud. Savigny, 1. c., II, p. 2-4, pense, au contraire, qu'elle ne date que des années 501517; de même Laferrière, Histoire, etc., III, p. 102.

3 Voir plus haut, note 2, p. 277.-Selon Davoud-Oghlou, l. c., I, p. 219-20, la Loi des Bavarois a été rédigée au sixième siècle; mais suivant M. de Savigny, l. c., II, p. 80, elle appartiendrait au septième siècle.

Le Sachsenspiegel est une collection privée de traditions saxonnes, rédigée par Eike von Repgow, dans la première moitié du treizième siècle (toutefois pas avant 1225 ou même 1235). Il a joui de la plus grande réputation dans toute l'Allemagne du Nord; cf. Mittermaier, l. c., I, § 8.

5 Mittermaier, l. c., II, § 384 : « Manche Gründe deuten darauf, dass den im Sachsenspiegel zum Grunde liegenden Rechten in Ansehung der

tumes saxonnes. Le Miroir de Saxe établissait, comme règle générale, que le mari et la femme ne possédaient pas de biens séparés pendant le mariage 1. Ce principe comportait, toutefois, seulement, qu'il n'était loisible ni au mari, ni à la femme, d'administrer séparément leurs biens, lesquels devaient être réunis sous une administration unique et commune. Le droit d'exercer cette administration appartenait, en vertu du mundium, au mari seul, mais il était soumis aux mêmes limites que nous avons indiquées plus haut. Tous les biens meubles appartenant à la Gerade (die Gerade) étaient toutefois la propriété exclusive de la femme, mêmes'ils provenaient de la collaboration conjugale. Tout autre acquêt revenait au mari. Les opinions sont partagées sur l'existence d'une communauté véritable d'après le Miroir de Souabe (Schwabenspiegel)", collection des coutumes de la Souabe. On pense, toutefois, qu'ilcontenait, à l'égard de l'administration des biens par le mari, les mêmes règles que le Sachsenspiegel. A la mort du mari, les biens immeubles de la femme retournaient à cette dernière; mais on croit que les biens meubles des deux époux étaient considérés comme une masse commune, dont la veuve et les héritiers du mari recevaient chacun la moitié ❝.

a beweglichen Güter, die Idee einer Gütergemeinschaft vorschwebte. » Kraut, die Vormundschaft, II, p. 387-88, déclare positivement que, même d'après le Sachsenspiegel, la femme avait : « das Eigenthum an einem Theil der « Errungenschaft. » — Runde, l. c., p. 20, nie qu'elle ait eu un droit quelconque aux acquêts : « die Frau hat kein gesetzliches Erbrecht, auch nicht « an der Errungenschaft; der Sachsenspiegel folgt hier dem alten Recht « der Ostfalen und Engern. ›

Sachsenspiegel, I, 31.

2 Cf. Runde, l. c., p. 19.

Mittermaier, 1. c., II, § 384.

3 On entendait par ce mot des objets de toilette et des ornements de femmes, ou des meubles de nature à être ordinairement sous la garde de la mère de famille. Pour la signification primitive et l'étymologie de ce mot, voir Grimm, deutsche Rechtsalterthümer, p. 566-68 et 583-84. La Gerade était héritée par les filles de l'épouse ou par ses héritiers féminins du côté des femmes; cf. Mittermaier, l. c., II, § 447.

Cf. Kraut, l. c., p. 354-62.

5 Le Miroir de Souabe est, de même que le Sachsenspiegel, une collection privée des coutumes de l'Allemagne méridionale, rédigée à titre de manuel pratique, et il appartient probablement à la seconde moitié du treizième siècle. Voir Mittermaier, l. c., II, § 447.

6 Cf. Bluntschli, Staats-u. Rechtsgeschichte Zürichs, I, 284.—Mittermaier, L. c., II, § 384. — Kraut, I. c., p. 387-89.

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