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Cependant il se développa dans les villes de l'Allemagne, lesquelles ne parvinrent à toute leur puissance que pendant le moyen âge, des coutumes qui différaient à plusieurs égards du droit suivi dans les campagnes1. Dès que l'industrie et le commerce eurent commencé à fleurir, l'influence du capital mobilier se fit bientôt sentir. Afin d'en faciliter l'augmentation, et de l'employer d'une manière productive, il était nécessaire de reconnaître au mari une disposition plus libre des biens de la femme, s'étendant même aux immeubles apportés par elle. De là naquit bientôt l'usage de considérer tous les biens des époux, tant immeubles que meubles, sans égard à leur origine, comme une seule masse dont le mari avait la disposition. On trouva sans doute, en second lieu, qu'il était bien souvent difficile de distinguer, lors de la dissolution du mariage, ce qui primitivement appartenait au mari ou à la femme, et qu'il était juste, en outre, que cette dernière eût un dédommagement équivalent pour le sacrifice possible, total ou partiel, de ses biens propres. Aussi vit-on s'introduire peu à peu la coutume de donner à chaque conjoint, lors du partage de la masse, une part égale dans tous les biens conjugaux. Une longue pratique donna plus tard force de loi à ces principes. C'est pour cette cause que, déjà vers la fin du quinzième siècle, on rencontre, dans plusieurs localités de l'Allemagne, mais surtout dans les villes, le principe de la communauté universelle des biens comme la norme du régime de l'association conjugale; des villes, ce principe s'étendit peu à peu dans certaines parties des campagnes.

Cette communauté universelle s'est, jusqu'à nos jours, principalement conservée dans les lois de la partie de l'Allemagne connue jadis sous le nom de Franconie; on la retrouve en outre dans les territoires de Hildburghausen, Hohenlohe, Fulda, Oettingen-Oettingen et Wallerstein; dans le comté d'Erbach, dans la Lippe; à Brême; dans plusieurs localités de l'Oldenbourg; dans quelques villes de la Basse Saxe et de la Westphalie; dans

1 Grimm: Rechtsalt., p. 450: « Kein theil des deutschen rechts hat eine << solche mannigfaltigkeit der bestimmungen und gewohnheiten entwickelt, « wie die lehre vom vermögen der ehegatten; fast jede landschaft und « often einzelne ämter und örter zeigen eigenthümliches. »

2 Cf. Mittermaier, II, §§ 385-86.

3 Runde, p. 36-37.

le comté de Mark; à Clèves; dans plusieurs localités du BasRhin; à Hambourg; dans la Prusse orientale; dans plusieurs villes du Brandebourg et du Mecklenbourg; dans quelques localités de la Silésie1, du Holstein et du Schleswig 2; dans la Prusse occidentale et la Poméranie 3. Mais, d'après le droit de la ville de Lubeck, lequel sert de base aux lois de plusieurs villes du Holstein, du Schleswig, du Mecklenbourg, de la Pomeranie, ainsi que de l'Esthonie et de la Livonie", la communauté universelle des biens entre époux n'entre en vigueur que lorsque ces derniers ont des descendants. Une communauté particulière, restreinte aux biens meubles et aux acquêts, s'est, par contre, développée, et existe encore à Cologne, Trèves; dans les territoires de Berg, de Juliers, dans la Gueldre et le Luxembourg; dans différentes localités de la Westphalie; dans les Etats de Solm, Nassau, Hesse-Darmstadt; dans la ville libre de Francfort, dans quelques localités du Rhin inférieur et du Rhin oriental, etc.; et enfin, une simple communauté d'acquêts (Errungenschaft) est reconnue dans la Hesse Electorale, le Dithmarsch, dans quelques territoires du Wurtemberg, du Haut Palatinat et de la Franconie®.

1 Gaupp, l. c., pense que la communauté s'y est maintenue chez des descendants d'émigrés, qui vivaient d'après le droit westphalien.

2 Comme à Schleswig, Flensbourg, Eckernförde, Husum, etc., voir Krieger: Den slesvigske Privatrets specielle Deel. Copenhague, 1855, II, p. 42 et s. 3 Chaque époux reçoit ordinairement la moitié des biens communs, mais quelquefois le mari en prend les deux tiers et la femme un tiers.

Cf. Krieger, l. c., II, p. 49 el s.

5 Voir Bunge : Das Liv-und Esthländische Privatrecht. Dorpat, 1848, §§ 287 et s.

6 Le lecteur trouvera chez Mittermaier, l. c., II, §§ 387-90, un aperçu complet de la communauté d'après le droit allemand. Les différents Etats de l'Allemagne présentent, dans le régime de l'association conjugale, une étonnante diversité, due à des lois et à des statuts locaux multiples, ou simplement à l'usage (Gewohnheit). Ainsi, dans le Mecklenbourg, on ne rencontre pas moins de quatre modifications divergentes du régime de la communauté; il en est de même dans l'Oldenbourg, le Holstein et la Franconie. Les jurisconsultes allemands paraissent avoir des opinions très-opposées à l'égard de l'application même du principe. Aussi Mittermaier, II, § 399, fait-il à ce sujet la remarque suivante : « Nach der oben bemerkten a grossen Verschiedenheit der Ausbildung der Gülergemeinschaft in den << Statuten, hat der Richter in der Rechtsanwendung überall zu prüfen, wie « an dem Orte, dessen Recht in Frage steht, das Rechtsverhältniss durch

Le droit romain n'a, comme on le sait, jamais été formellement adopté en Allemagne. Employé au commencement, pendant le moyen âge, à titre de source scientifique, il fut peu à peu appliqué, dans les tribunaux, à côté du droit national, avec lequel il se fondit enfin si complétement, qu'il constitue encore aujourd'hui la partie principale du droit commun allemand' (gemeines Recht).

Il était donc fort naturel que le droit romain exerçât une influence puissante sur le régime des biens conjugaux. Aussi le résultat en fut-il, que l'idée d'une communauté des biens entre époux est demeurée tout à fait étrangère à quelques parties de l'Allemagne, tandis qu'au contraire le principe de biens propres complétement distincts pour chaque époux pendant le mariage, a pénétré dans les lois de ces pays. C'est pour cette cause qu'un régime dotal modifié est encore en vigueur dans la Saxe, la Bavière, et dans quelques parties de la Silésie et du Holstein3, ainsi que dans les Etats héréditaires (Erbländer) de l'Autriche *, Les Etats Prussiens possèdent de même, comme règle, un régime dotal modifié, qui tient le milieu entre le système dotal des Romains et la communauté des biens germaniques. Cette dernière ne se trouve qu'exceptionnellement dans les localités où elle existait depuis longtemps, en vertu de lois provinciales ou de statuts locaux 5.

« Gesetz und Rechtsübung sich ausbildete. » Cf. Gerber, System des deutschen Privatrechts. Iena, 1850, §§ 233-34. Blume, System des in Deutschland geltenden Privatrechts, Bonn. 1852, p. 294-95.

1 Cf. Mittermaier, l. c., §§ 15 et 33.

2 Voir Bayrisches Landrecht (1753), I, 6, §§ 13-26.

3 Cf. Mittermaier, l. c., II, § 391.

* D'après l'Allg. Bürgerliches Gesetzbuch für die gesammten Erbländer der œsterr. Monarchie, de l'an 1811; voir Winiwarter, d. ŒEsterreichische burgerliche Recht. Vienne, 1844, IV, p. 448. La communauté peut avoir lieu, mais non sans convention spéciale à cet égard (art. 1233).

Allgemeines Landrecht für die preussischen Staaten, de l'an 1794, II, 1, § 345: « Die Gemeinschaft der Güter unter Ebeleuten findet nur da stalt, « wo sie durch Provincialgesetze oder Statuten eingeführt ist. » — Cf. Bornemann, Systematische Darstellung des preussischen Civilrechts.Berlin, 1844, V, p. 77, 111 et s. Die eheliche Gütergemeinschaft hat sich in den « einzelnen Provinzen oder Orten, wo sie gilt, so verschiedenartig ausge• bildet, dass es äusserts schwierig, ja fast unmöglich ist, ein subsidiäres « gemeines Recht für alle Rechtsverhältnisse aufzustellen, welche unter a dem Namen der ehelichen Gütergemeinschaft vorkommen. »

En résumé, le régime de l'association conjugale est basé, en Allemagne, sur le principe d'une communauté des biens plus ou moins étendue. Les jurisconsultes allemands s'accordent toutefois à considérer le régime dotal modifié comme la règle, dans toutes les contrées où le droit romain est employé à titre de droit subsidiaire1. Nous remarquerons spécialement que, parmi les nobles, la communauté n'est plus en usage depuis un temps considérable, et que le système dotal est encore la norme du régime de l'association conjugale entre personnes de cette classe 2.

CHAPITRE IV.

LA COMMUNAUTÉ DES BIENS D'APRÈS LE DROIT FRANÇAIS.

Si nous tournons, en second lieu, nos regards vers la France, nous devons rappeler en commençant que, dès le treizième siècle et jusqu'à la révolution de 1789, ce pays a été, au point de vue judiciaire, divisé en provinces de droit écrit et en provinces de droit coutumier. Cette vieille division du pays est d'une importance très-grande dans la question de la communauté des biens entre époux d'après le droit français. Les provinces de droit écrit 3 comprenaient la France au sud du 46° degré de latitude septentrionale, tandis que celles de droit coutumier renfermaient la France moyenne et le pays au nord de la Loire. Dans le Midi,

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1 Cf. Runde, l. c., p. 6: « Das getrennte Güterrecht des römischen Rechts, « muss freilich in Deutschland, so weit Justinians Gesetzsamlung als ge« meines subsidiäres Recht gilt, als Regel angenommen werden. » — - Eichhorn, l. c., § 301 : « Das dotalsystem macht die Regel aus, wiewohl es sehr « häufig mit Modificationen durch deutsche Institute vorkommt. »> Puchta, Vorlesungen über das heutige römische Recht. Leipsic, 1855 (4o éd.), II, p. 275: « Im heutigen Rechte kommen beide Systeme vor: das deut« schrechtliche der Gütergemeinschaft, oder wie man es besser nennen « und dahin ausbilden sollte, der Gütereinheit, und das römische Dotal« system. Ehen können mit dem einen und dem anderen geschlossen « werden. >>

2 Cf. Mittermaier, l. c.

3 Pour l'ancienne division de la France à cet égard, voir une excellente exposition chez Klimrath, l. c., II, p. 170 et s., où l'auteur, dans une dissertation riche de faits (Etudes sur les coutumes), consacre à ces dernières un chapitre spécial (Géographie de la France coutumière) avec une carte. - Voir en outre, Laferrière, l. c., VI, p. 425, où cet auteur éminent donne, sous forme d'appendice, la Géographie des coutumes du moyen âge.

le droit romain avait conservé, par la force de la tradition et d'une longue pratique, la vigueur d'une coutume générale, quoique les dispositions de ce droit aient, à plusieurs égards, dû s'adapter à des coutumes nationales et à des règles de droit féodal. Les institutions juridiques du Nord reposaient tout au contraire sur un droit coutumier (jus consuetudinarium), conservé, soit dans de nombreuses collections de coutumes1 appartenant à des provinces entières, à des villes ou à de certaines localités, soit dans des annotations pratiques des jurisconsultes sur les usages qui s'étaient développés dans les cours de justice. A la loi salique, à celle des Francs Ripuaires, aux capitulaires des rois francs, et aux formules dont il a été parlé plus haut, toutes sources contenant des principes de droit essentiellement germaniques, succéda un droit traditionnel formé, soit d'un noyau d'origine germaine, soit d'une collection bizarre de dispositions féodales. Ce droit traditionnel était le droit coutumier, qui dut nécessairement représenter une multitude de divergences, fondées sur les coutumes particulières des différentes provinces, villes ou localités 3. Jusqu'en 1804, époque à laquelle

1 Elles datent du dixième au quinzième siècle. On compte parmi les plus anciennes, les Assises de Jérusalem, coutumier rédigé spécialement à l'usage des Croisés qui fondèrent le royaume chrétien dans la Palestine. La dernière édition de cet ouvrage est celle du comte Beugnot (Paris, 1841-43. Cf. Klimrath, 1. c., II, p. 13 et s.). Le roi Charles VII décréta, par une ordonnance de l'an 1453, que toutes les coutumes seraient soumises à une rédaction officielle, puis sanctionnées, pour avoir force de loi. Cette rédaction officielle eut lieu pendant le quinzième et le seizième siècle, mais ne fut jamais complétement terminée. Voir Klimrath, II, p. 135 et s. ferrière, VI, p. 435, a donné une statistique des coutumes, de laquelle appert qu'il existait en France 84 coutumes générales et 284 coutumes locales, en tout 368 coutumes.

La

2 A cette catégorie appartiennent les ouvrages suivants du treizième siècle : Le conseil que Pierre (de Fontaines) dona à son amy, rédigé en 1253-54; dern. publ. par Marnier, Paris, 1846; le Livre de la royne Blanche, rédigé par le même de Fontaines et deux autres jurisconsultes, et dédié à la reine Blanche, mère de saint Louis; les Etablissements de saint Louis; le Livre des coutumes et usages de Beauvoisis, rédigé par Beaumanoir en 1283; c'est la mieux rédigée de toutes les coutumes; dernière public. par Bengnot, Paris, 1842 ; le Livre de Justice et de Plet, publ. par Rapetti, Paris, 1850, etc. Au quatorzième siècle appartiennent les Décisions de Jeban Desmarres (1363); la Somme rurale, rédigée par Bouteiller († 1402); le Grand coutumier de France (1380-1422), etc.

3 Cf. Klimrath, l. c., I, p. 166 et s.

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