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SERMON

POUR LA PROFESSION

D'UNE DEMOISELLE

QUE LA REINE MÈRE AVOIT TENDREMENT AIMÉE.

Opposition de la gloire du monde à Jésus-Christ et à son Evangile: pourquoi ne peut-il être goûté des superbes. Toutes les vertus corrompues par la gloire. Comment les vertus du monde ne sontelles que des vices colorés. Dispositions dans lesquelles doit être un chrétien à l'égard de la gloire. Grand sujet de craindre de se plaire en soi-même, après s'être élevé au-dessus de l'estime des hommes : d'où vient cette gloire cachée et intérieure est-elle la plus dangereuse. Quelle est la science la plus nécessaire à la vie humaine. Discours à la Reine d'Angleterre, et sur la Reine mère défunte.

Elegi abjectus esse in domo Dei mei.

J'ai choisi d'étre abaissé et humilié dans la maison de mon Dieu. Ps. LXXXIII. II.

Que l'orgueil monte toujours, selon l'expression du Psalmiste (1), jusqu'à se perdre dans les nues; que les hommes ambitieux ne donnent aucune borne à leur élévation; que ceux qui habitent les palais des rois ne cessent de s'empresser, jusqu'à ce qu'ils occupent les plus hautes places : vous, ma Sœur, qui

(1) Ps. LXXIII, 23.

choisissez pour votre demeure la maison de votre Dieu, vous suivez une autre conduite, et vous n'imitez pas ces empressemens. Si les rois, si les grands du monde méprisent ceux qu'ils voient dans les derniers rangs, et ne daignent pas arrêter sur eux leurs regards superbes; il est écrit au contraire que Dieu, qui est le seul grand, regarde de loin et avec hauteur tous ceux qui font les grands devant sa face, et tourne ses yeux favorables sur ceux qui sont abaissés (1). C'est pourquoi le roi prophète descend de son trône, et choisit d'être le dernier dans la maison. de son Dieu; plus assuré d'être regardé dans son humiliation, que s'il levoit hautement la tête, et se mettoit au-dessus des autres: Elegi abjectus esse in domo Dei mei.

Réglez-vous sur ce bel exemple. Ne soyez pas, dit saint Augustin (2), de ces montagnes que le ciel foudroie, sur lesquelles les pluies ne s'arrêtent pas; mais de ces humbles vallées qui ramassent les eaux célestes, et en deviennent fécondes. Songez que la créature que Dieu a jamais le plus regardée, c'est celle qui s'est mise au lieu le plus bas : « Dieu, dit» elle, a regardé la bassesse de sa servante (3) ». Parce qu'elle se fait servante, Dieu la fait mère et reine et maîtresse. Ses regards propices la vont découvrir dans la profondeur où elle s'abaisse, dans l'obscurité où elle se cache, dans le néant où elle s'abîme. Descendez donc avec elle au dernier degré : heureuse, si en vous cachant et au monde et à vousmême, vous vous faites regarder par celui qui aime (2) In Psal. CXLI, n. 5; tom. IV, col. 1581.

(1) Ps. cxxxvi. 6.

(3) Luc. 1. 48.

à jeter les yeux sur les ames hunibles, et profondément abaissées devant sa majesté sainte. Pour entrer dans cet esprit d'humiliation, prosternez-vous aux pieds de la plus humble des créatures, et honorant avec l'ange sa glorieuse bassesse, dites-lui de tout Ave.

votre cœur,

:

Il a été assez ordinaire aux sages du monde de rechercher la retraite, et de se soustraire à la vue des hommes ils y ont été engagés par des motifs fort divers. Quelques-uns se sont retirés pour vaquer à la contemplation, et à l'étude de la sagesse : d'autres ont cherché dans la solitude la liberté et l'indépendance; d'autres, la tranquillité et le repos; d'autres, l'oisiveté ou le loisir plusieurs s'y sont jetés par orgueil. Ils n'ont pas tant voulu se séparer, que se distinguer des autres par une superbe singularité; et leur dessein n'a pas tant été d'être solitaires, que d'être extraordinaires et singuliers. Ils n'ont pu endurer ou le mépris découvert des grands, ou leurs froides et dédaigneuses civilités ou bien ils ont voulu montrer du dédain pour les conversations, pour les mœurs, pour les coutumes des aútres hommes, et ont affecté de faire paroître, que, très-contens de leurs propres biens et de leur propre suffisance, ils savoient trouver en eux-mêmes non-seulement tout leur entretien, mais encore tout leur secours et tout leur plaisir. Il s'en est vu un assez grand nombre à qui le monde n'a pas plu, parce qu'ils n'ont pas assez plu au monde. Ils l'ont méprisé tout-à-fait, parce qu'il ne les a pas assez honorés au gré de leur ambition; et enfin ils ont mieux

aimé tout refuser de sa main, que de sembler trop faciles en se contentant de peu.

Vos motifs sont plus solides et plus vertueux. On sait assez, ma Sœur, que le monde ne vous auroit été que trop favorable, si vous l'aviez jugé digne de vos soins. Vous n'affectez pas non plus de lui montrer du dédain : vous aimez mieux qu'il vous oublie, ou même qu'il vous méprise, s'il veut, que de tirer parade et vanité du mépris que vous avez pour lui enfin vous cherchez l'abaissement et l'abjection dans la maison de votre Dieu; c'est ce que les sages du monde n'ont pas conçu; c'est la propre vertu du christianisme.

Parmi ceux qui aiment la gloire, saint Augustin a remarqué qu'il y en a de deux sortes (1): les uns veulent éclater aux yeux du monde; les autres, plus finement et plus délicatement glorieux, se satisfont en eux-mêmes. Cette gloire cachée et intérieure est sans comparaison la plus dangereuse. L'Ecriture condamne en nous le désir de plaire aux hommes (2), et par conséquent à nous-mêmes; parce que, si vous me permettez de parler ainsi, nous ne sommes que trop hommes, c'est-à-dire, trop foibles et trop grands pécheurs. « Il faut, dit le saint apôtre (3), que » celui qui se glorifie, se glorifie uniquement en >> notre Seigneur, parce que celui-là n'est pas ap» prouvé qui se fait valoir lui-même, mais celui » que Dieu estime ». Ainsi Ainsi, entrant aujourd'hui dans la maison de votre Dieu par une profession solennelle, il faut quitter toute hauteur, et celle que

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(1) De Civit. Dei, lib. v, cap. xx ; tom. vii, col. 137, (2) Galat. 1. 10. (3) II. Cor. x. 17, 18.

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le monde donne, et celle qu'un esprit superbe se donne à soi-même. Il faut choisir l'abaissement et l'abjection, et enfin vous rendre petite, selon le précepte de l'Evangile (1); petite aux yeux des autres hommes, très-petite à vos propres yeux. Ce sont les deux vérités que je traiterai dans ce discours, et je les joindrai l'une à l'autre dans une même suite de raisonnement.

PREMIER POINT.

Il est aisé de remarquer dans l'Evangile, que ce que le Fils de Dieu a entrepris [de combattre] par des paroles plus efficaces, ç'a été la gloire du monde. C'est elle aussi qui a apporté le plus grand obstacle à l'établissement de sa doctrine, non-seulement à la profession externe et publique, mais à la foi et à la croyance. Elle n'a point eu de plus emportés, ni de plus opiniâtres contradicteurs que les pharisiens et les docteurs de la loi; et le Sauveur ne leur reproche rien avec tant de force, que la vanité et le désir de la gloire. « Ils aiment, dit-il, les premières » places; ils se plaisent à recevoir des soumissions. >> Ils veulent qu'on les appelle maîtres et docteurs : >> ils prient publiquement dans les coins des rues, >> afin que les hommes les voient: enfin, ils ne font >> rien que pour être vus et honorés (2) ». Aussi quelques-uns des sénateurs qui crurent en Jésus, n'osèrent le reconnoître publiquement, « de crainte » d'être chassés de la Synagogue; car ils aimoient plus la gloire des hommes que la gloire de Dieu » : Ex principibus multi crediderunt in eum; sed pro

«

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